Intervention de Delphine Bergère-Ducote

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 16 juillet 2014 : 1ère réunion
Table ronde sur la jeunesse

Delphine Bergère-Ducote, adjointe au chef de bureau des méthodes et de l'action éducative de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse au ministère de la justice :

Madame Blondin, le conseil général est parfois notre plus proche partenaire, même s'il nous arrive de l'oublier ! Nous travaillons énormément avec les conseils généraux, du fait de notre mission de protection de l'enfance ; par ailleurs, la grande majorité des mineurs dont nous avons la charge, même s'ils sont connus pour des faits de délinquance, sont dans une situation assez compliquée, et ont une histoire familiale qui a pu donner lieu au suivi administratif par les services du conseil général. Nous sommes donc amenés à travailler de concert sur l'ensemble de ces problématiques, ainsi que sur celle de l'insertion sociale et professionnelle des mineurs, la réforme de la formation professionnelle qui vient d'intervenir, en donnant compétence aux conseils régionaux et généraux sur ces questions. Nous serons donc amenés à travailler ensemble davantage encore.

Nous nous situons à un niveau interministériel, mais nous insistons beaucoup pour que l'ensemble des politiques publiques et des partenariats trouvent des déclinaisons jusqu'à l'échelon territorial. Le territoire pertinent est celui qui se situe au plus près du mineur et de sa famille, qu'il s'agisse de la ville ou du département.

Nous individualisons donc ces partenariats le plus possible, afin de pourvoir répondre au mieux aux problèmes des mineurs, avec le souci de toucher tous les interlocuteurs. Les conseils généraux sont donc parmi les premiers interlocuteurs de la PJJ.

Nous intervenons également dans les classes relais, et aimerions le faire davantage ; faute de moyens, nous avons été obligés de nous limiter au fil des années.

Les fonds d'avenir jeunes constituent une autre déclinaison territoriale. Dans une circulaire sur les politiques publiques, nous demandons à chaque directeur territorial et à chaque directeur d'établissement ou de service de se rapprocher des partenaires, de façon à pouvoir être présents, à identifier nos publics afin de les réintroduire dans le droit commun et à participer à ces partenariats de manière à ce que les publics de la PJJ soient pris en compte.

Monsieur Domeizel, la question des moyens informatiques est d'une totale actualité : une circulaire conjointe vient d'être signée entre la direction de l'administration pénitentiaire (DAP), la PJJ et le ministère de la culture et de la communication. Nous avons tenu, le 20 mai dernier, un comité de pilotage destiné à faire vivre cette circulaire. La question de l'accès au multimédia et à l'informatique des mineurs détenus y est soulevée. Chaque quartier pour mineurs et chaque établissement pénitentiaire pour mineurs disposent de bibliothèques, alimentées d'ailleurs par des partenariats, mais assez peu de médiathèques permettant aux mineurs d'accéder à l'informatique et à d'autres supports que les livres.

Comme vous l'avez rappelé, l'informatique soulève bien entendu des questions de sécurité. Il faut éviter que le mineur puisse communiquer avec l'extérieur -même si, dans la réalité, c'est malheureusement le cas- mais on doit faire en sorte qu'il puisse accéder à l'informatique, sans toutefois compromettre les règles de sécurité, auxquelles la DAP est très attachée et dont elle est garante.

Un nombre croissant d'ateliers informatiques se créent avec des partenaires extérieurs ; ils comportent de plus en plus de projets, comme l'élaboration d'un journal, qui nécessite des recherches dans la presse pour développer des thématiques. Ceci suppose d'utiliser l'outil informatique. D'autres projets portent sur la réalisation de courts métrages ou sur la musique. On essaye de profiter du temps de détention pour initier ou parfaire la connaissance des mineurs en matière d'informatique, avec certaines limites toutefois. On ne peut leur permettre d'accéder aux réseaux sociaux, qui constituent une ouverture un peu trop large sur l'extérieur, et encore insuffisamment contrôlée.

Madame Gillot, la question de la loyauté constitue un grand sujet. Le mineur que la PJJ prend en charge arrive avec une histoire, notamment familiale, qui s'inscrit dans un quartier. Il est parfois très éloigné du droit commun, mais très impliqué dans la logique et la vie de son quartier. Notre premier travail consiste à évaluer sa situation, à étudier la façon dont sa famille et son quartier interagissent. Il faut travailler avec ces forces et ces difficultés, et déterminer sur qui l'on peut s'appuyer. Nous menons un important travail avec la famille, que nous mobilisons avant tout en matière de prise en charge éducative, afin d'empêcher le mineur de réitérer et l'inscrire dans le droit commun.

Nous essayons de travailler sur le quartier, en déterminant les appuis ou les difficultés qui existent. À partir de cette évaluation, nous nous efforçons d'individualiser la prise en charge, de construire un parcours qui peut passer par un éloignement temporaire. L'objectif reste de maintenir des liens familiaux, voire de permettre au jeune de revenir dans sa famille. Parfois, il faut malgré tout éloigner le mineur et lui proposer un projet d'insertion sociale, scolaire et professionnelle visant à son autonomie, loin de son milieu.

Le premier regard que nous portons s'attache à la famille et à l'environnement. Nous avons essayé d'avoir une bonne expertise de la situation et de travailler de manière pluridisciplinaire, avec des éducateurs, des assistants sociaux, des pédopsychiatres, des spécialistes de l'environnement des mineurs, afin de proposer au mineur un projet en adéquation avec sa problématique.

Une question a été posée à propos des jeunes détenus diplômés. Il y a plusieurs années, la PJJ a passé une convention avec la direction générale de l'enseignement scolaire (Dgesco) et la DAP. L'objectif est, encore une fois, de pouvoir individualiser la prise en charge. Cette convention nationale est déclinée sur le territoire entre les rectorats et les directeurs interrégionaux des services pénitentiaires (DISP), afin d'apporter des réponses à l'ensemble des mineurs détenus, quel que soit leur niveau scolaire. Celui-ci peut relever de l'enseignement primaire ou du collège, mais aussi du lycée, voire de l'enseignement supérieur. L'idée est de leur assurer un enseignement correspondant à leur situation, de leur faire passer des diplômes et de leur permettre d'accéder, à la fin de leur détention, à une qualification professionnelle -CAP, BEP, voire diplôme supérieur. Cette question est gérée au cas par cas par les rectorats, qui travaillent en liaison avec des interlocuteurs de l'administration pénitentiaire.

Vous avez également évoqué le sujet de la semi-liberté. Il existe très peu de condamnés parmi les mineurs. Il s'agit généralement de peines courtes, qui ne permettent pas un aménagement de peine. Pour autant, des consignes assez fortes sont données sur la nécessité de proposer de tels aménagements et nous travaillons avec la DAP pour expérimenter des lieux de semi-liberté pour mineurs. Cette semi-liberté répond à un cahier des charges très précis ; on ne peut toutefois aujourd'hui garantir l'étanchéité entre majeurs et mineurs, que l'on ne peut mélanger. Nous devons retenir trois lieux afin de proposer une première expérimentation, qui figure dans nos projets.

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