Intervention de Bernard Cazeneuve

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 18 novembre 2014 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2015 — Mission « sécurités » - programme « gendarmerie » - Audition de M. Bernard Cazeneuve ministre de l'intérieur

Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur :

Je tiens tout d'abord à rappeler l'engagement du Gouvernement en faveur de la sécurité, politique prioritaire conformément à la volonté du Président de la République.

À cet égard, il convient de prendre toute la mesure des arbitrages rendus. Alors que dans tous les ministères hors Justice, Education nationale et Intérieur pour sa mission de sécurité, l'effort de réduction de la dépense publique est majeur, le budget du ministère est stabilisé et les moyens de la police et de la gendarmerie sont renforcés, tant sur le plan des effectifs que sur celui des moyens de fonctionnement et d'investissement, j'y reviendrai.

Pour mémoire, je rappelle qu'entre 2002 et 2011, la dépense publique a crû à un rythme annuel moyen de 2%, et +1,7% par an en moyenne entre 2007 et 2011. En 2014, nous avions limité cette croissance en volume à 0,9%. En 2015, la croissance de la dépense publique se limitera à +0,2% en volume, soit un effort historique.

Dans ce contexte, je me suis battu pour que le ministère de l'intérieur bénéficie d'un budget en légère hausse de 43 millions d'euros avant transferts par rapport à la LFI 2014. Ce n'est pas le signe d'une volonté de nous exonérer de l'effort demandé à tous -je ne l'aurais pas permis. C'est en revanche le signe fort de ce que notre ministère reste au coeur des priorités du Gouvernement. Pour parvenir à ce résultat, nous avons proposé des économies reposant sur des réformes structurelles destinées à préserver nos capacités opérationnelles et réaliser les investissements nécessaires pour préparer l'avenir. Il est marqué par un esprit de responsabilité qui vise à la fois à participer à l'effort collectif mais à conserver notre capacité à mettre en oeuvre des réforme essentielles, qu'il s'agisse de la réforme de l'Etat et de la carte des territoires ou encore de la réforme de l'asile.

S'agissant plus particulièrement de la mission « Sécurités », les crédits de paiement sont en hausse entre 2014 et 2015 de +0,43%, soit une stabilisation, à un niveau de 12,2 milliards d'euros hors dépenses de pensions et de 18,2 milliards d'euros en incluant ces dépenses.

Dans ce cadre contraint, j'ai d'abord et avant tout souhaité, et obtenu, que les forces de sécurité continuent de se voir garantir des créations d'emplois nettes, de 405 effectifs en 2015, dont 162 pour la gendarmerie. Ces créations nettes se poursuivront à un rythme au moins identique d'ici 2017. La moitié de ces créations nettes sera faite par des recrutements de personnels titulaires.

Dans la gendarmerie, tous les départs en retraite des sous-officiers seront naturellement remplacés. Globalement, en 2015, 2 917 sous-officiers et 5 768 gendarmes-adjoints volontaires seront recrutés, auxquels s'ajouteront 612 recrutements civils. Au total, ce sont 9 488 personnels qui seront recrutés.

Grâce aux créations nettes dans la police comme dans la gendarmerie, ce Gouvernement a inversé la tendance observée entre 2007 et 2012 sur le plan des effectifs, lorsque 7 000 emplois étaient supprimés dans la police et 6 700 dans la gendarmerie. Il a mis fin à cette « autre politique du chiffre » en stoppant l'hémorragie et en reprenant les recrutements dans la police et dans la gendarmerie.

Je tiens à insister sur le contexte dans lequel s'inscrit cet effort : la stabilisation des effectifs de l'Etat grâce à la suppression, hors Education nationale, Justice et Sécurités, de 11 879 postes dans les autres ministères. Au sein même de ce ministère, en dehors de la mission « Sécurités », les effectifs seront réduits.

Cet effort permettra à l'ensemble des forces de l'ordre de renforcer ses effectifs opérationnels pour assurer des missions qui sont plus que jamais au coeur des préoccupations de nos concitoyens, alors que les menaces sont à la fois multiples et particulièrement aiguës. Cette volonté du Président de la République, traduite en acte, se décline dans les priorités que j'ai assignées à notre action, notamment en termes de lutte contre le terrorisme, d'action ciblée à travers le renforcement des zones de sécurité prioritaires et dans les circonscriptions les plus sollicitées.

Au-delà de la question des effectifs prise de façon globale, j'ai également tenu à ce que la parole du Gouvernement, fut-elle celle du gouvernement de la précédente mandature, soit honorée s'agissant des conditions matérielles de chaque agent.

Grâce aux efforts réalisés depuis 2012, une grande majorité des sujets tenant à la rémunération et au pouvoir d'achat qui avaient fait l'objet de tels engagements ont été traités. Ainsi, en 2015, le Gouvernement a choisi d'exclure toute mesure catégorielle qui n'aurait pas été négociée avant cette année.

Pour autant, le Gouvernement a choisi d'honorer les engagements pris. Ainsi, la gendarmerie bénéficiera d'une enveloppe de 16 millions d'euros pour mettre en oeuvre les décisions qui avaient été prises. S'agissant des personnels de catégorie B, l'engagement du Gouvernement de mettre en oeuvre la dernière phase du nouvel espace statutaire (NES) est tenu. Les personnels de la gendarmerie bénéficieront du passage à la catégorie B, avec une entrée en vigueur de la dernière tranche au 1er décembre 2015. Pour l'ensemble des agents des corps de soutien, les mesures transversales de revalorisation prises par le Gouvernement s'appliqueront, notamment pour les attachés (corps interministériel à gestion ministérielle - CIGEM), ou encore les bas salaires pour les personnels B et C.

D'autres chantiers liés à la valorisation des métiers et des carrières sont sur le métier et font l'objet d'une action déterminée au niveau interministériel.

Au-delà des créations d'effectifs et des mesures concernant la rémunération des agents, j'ai souhaité donner la priorité aux moyens opérationnels, au fonctionnement et, plus encore, à l'investissement. Ces postes structurant de notre budget ont trop longtemps été négligés par la majorité précédente. Nous en paierions le prix, aujourd'hui et demain, si nous n'agissions pas résolument pour fixer de nouvelles priorités en la matière. Cette orientation reflète ma conviction que rien ne servirait de renforcer les effectifs si, dans le même temps, les agents n'avaient pas les moyens d'assurer leurs missions, tous les jours, en tout point du territoire, pour faire face aux risques que chaque Français connaît. J'ai déjà eu l'occasion de rappeler cette orientation fondamentale devant la mission d'information sur la lutte contre l'insécurité sur tout le territoire, présidée par Jean-Paul Blazy. Je note à cet égard que les recommandations de la mission rejoignent la préoccupation du Gouvernement et je rappelle, pour mémoire, que ces crédits ont dramatiquement diminué entre 2007 et 2012 avec une baisse de -17%.

Pour la gendarmerie, cette volonté politique se traduit par une stabilisation des crédits de fonctionnement et d'investissement, par rapport à la loi de finances pour 2014, et par une hausse attendue de 24,5 millions d'euros d'ici 2017, soit une hausse très forte à l'horizon du triennal, de l'ordre de 3%. Surtout, un plan triennal de réhabilitation de l'immobilier domanial de la gendarmerie, doté de 79 millions d'euros par an, sera mis en place pour stopper la détérioration continue du logement et des lieux de travail des gendarmes. A titre d'exemple, ce plan permettra notamment de réhabiliter le quartier Lemaitre de Melun.

Cela traduit la volonté qui est la mienne d'améliorer à la fois les conditions de vie des gendarmes et les conditions d'accueil des usagers.

Toujours afin de renforcer l'investissement et sans attendre 2015, j'ai, avec l'accord du Premier ministre, obtenu de pouvoir, dès la fin du mois de septembre, dégager les crédits nécessaires à l'investissement. Ainsi, les acquisitions supplémentaires de véhicules lancées en 2014 seront de 2 000 unités, dans la police et dans la gendarmerie. En 2015, 40 millions d'euros sont dédiés à cet investissement en véhicules neufs, dans chaque force. Cette démarche vise à stopper la dégradation, que nous subissons depuis plusieurs années, de la qualité opérationnelle du parc automobile. Les urgences immobilières et une partie des investissements informatiques de la gendarmerie seront également débloqués en 2014.

Ces efforts d'investissement seront poursuivis en 2015. En particulier, les investissements seront renforcés dans le domaine des systèmes d'information et de communication qui sont aujourd'hui indispensables pour la sécurité quotidienne comme pour la lutte contre les nouvelles menaces. J'ai donc obtenu qu'un plan de modernisation technologique des forces soit doté, d'ici 2017, de 108 millions d'euros pour l'ensemble des forces.

Cet effort particulièrement volontariste de modernisation technologique sera décliné dans un plan d'action précis et concret, dont l'objectif sera notamment de renforcer la confiance entre ses agents et la population, et donc améliorer les conditions de travail des agents, ou encore de mieux valoriser les métiers du policier et du gendarme. J'attends à cet égard des propositions opérationnelles précises d'ici le début de l'année 2015.

Pour conclure, dans l'environnement budgétaire contraint qui est durablement le nôtre, j'ai la conviction qu'il nous faut faire preuve d'inventivité, d'imagination et de bon sens.

Pour dégager des marges de manoeuvre opérationnelles, je souhaite que nous poursuivions le renforcement des mutualisations déjà engagées par ce ministère. Elles sont pour nous une opportunité. Elles doivent nous permettre de dégager des synergies et de réaliser des gains d'efficience. La création, en mai dernier, des secrétariats généraux pour l'administration du ministère de l'intérieur (SGAMI) doit nous permettre d'en faire la preuve. Il faut aussi poursuivre les redéploiements police - gendarmerie, qui portent leurs fruits. En 2013, ces redéploiements ont concerné au total 185 000 personnels de la police et de la gendarmerie. Il se poursuit en 2014 et se poursuivra en 2015.

Il nous faut également utiliser pleinement le service des achats, des équipements et de la logistique de la sécurité intérieure (SAELSI) qui donne également satisfaction. C'est aussi dans cet esprit que j'ai demandé au secrétaire général du ministère, en lien étroit avec les directeurs généraux, d'approfondir les pistes de renforcement de l'efficience de nos procédures par l'utilisation, notamment, de la dématérialisation et du numérique.

Nous ne devons pas non plus nous interdire de trouver d'autres sources de financement. La saisie des avoirs criminels en est une. En 2013, les confiscations ont atteint un niveau remarquable de 357 millions d'euros. Au premier trimestre 2014, ce ne sont pas moins de 213 millions d'euros qui ont été saisis, soit une hausse de +26% en un an. Je souhaite qu'une part plus importante de ces sommes soit consacrée au financement des forces de l'ordre, notamment, car j'ai la conviction que cela aura un impact direct en termes de renforcement de l'impact de la politique de lutte contre le crime. Le vote en première lecture, dans le cadre du projet de loi contre le terrorisme, d'un dispositif de financement de la procédure relative à la protection des collaborateurs de justice (les fameux repentis) par l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC), va dans le bon sens. Plus que jamais, nous devons aller chercher les ressources là où elles se trouvent. Il me semble sain et normal que les efforts fournis par les forces de l'ordre pour combattre la délinquance puissent ainsi trouver un juste retour. Le Gouvernement y travaille. Au-delà de l'avancée législative qui a été initiée, les discussions interministérielles sont d'ores et déjà engagées pour rendre encore ces procédures, à la fois au plan opérationnel et au plan financier.

Ces arbitrages visent à donner au ministère de l'intérieur, qui contribue à l'effort collectif de rétablissement des comptes publics, les moyens d'assumer les priorités que j'ai définies en matière de sécurité :

- la consolidation du dispositif des zones de sécurité prioritaires, en renforçant nos efforts ;

- la prévention de la délinquance, notamment par le développement des dispositifs de vidéo-protection, en lien avec les élus, et de l'aide aux victimes, notamment dans le cadre des violences faites aux femmes ;

- enfin la modernisation technologique de nos forces de sécurité, gage de renforcement de la confiance de nos concitoyens dans notre action et de l'efficacité des forces. Cette réflexion inclut la mise en place de statistiques sincères et fiables d'évaluation de la politique de sécurité.

Je vous remercie et souhaite maintenant pouvoir échanger avec vous.

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