Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

Réunion du 18 novembre 2014 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

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La réunion

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La commission examine le rapport pour avis de Mme Joëlle Garriaud-Maylam et de M. Philippe Esnol sur les programmes 844 - France Médias Monde et 847 - TV5 Monde de la mission « Compte de concours financiers : avances à l'audiovisuel public » du projet de loi de finances pour 2015.

Debut de section - PermalienPhoto de Joëlle Garriaud-Maylam

Après une réorganisation nécessaire en 2012 et 2013, les deux sociétés, -France Médias Monde qui regroupe les marques RFI, France 24 et MCD, et TV5 Monde filiale commune aux radiodiffuseurs francophones dont France Télévisions est l'actionnaire principal- sont désormais dotées d'un contrat d'objectifs et de moyens (2013-2015) pour l'une, et d'un plan stratégique (2014-2016) pour l'autre, et sont entrées dans une phase de stabilisation et de consolidation qui devrait leur permettre de poursuivre leur développement de manière plus efficace.

Dans la maquette budgétaire pour 2015, la présentation des crédits du budget général alloués aux sociétés de l'audiovisuel public a été simplifiée.

L'objectif fixé à l'échéance de 2017 par la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques de recourir exclusivement à la contribution publique à l'audiovisuel public (redevance) pour le financement des entreprises publiques du secteur audiovisuel est atteint dès 2015, pour FMM et TV5 Monde. Leurs dotations publiques sont ainsi inscrites respectivement aux programmes 844 et 847 de la mission « Avances à l'audiovisuel public ». Ensemble ces dotations représentent 8,6% des 3,752 milliards d'euros de crédits destinés au secteur de l'audiovisuel public.

L'audiovisuel extérieur principalement financé par le budget de l'État jusqu'en 2012 est donc désormais exclusivement financé par la contribution à l'audiovisuel public. Cette situation pourrait paraître quelque peu paradoxale puisqu'à l'inverse des autres chaînes de radio ou de télévision du service public, les programmes de l'audiovisuel extérieur n'étaient pas complètement accessibles aux personnes résidant sur le territoire national et qu'ils ne sont pas a priori conçus pour ce public. Cependant l'arrivée du numérique, la diffusion de France 24 en français en Ile-de-France sur la TNT et la diffusion grâce à l'ADSL, sur l'Internet et les réseaux sociaux, élargit aujourd'hui très sensiblement leur audience.

Ceci nous amène à formuler plusieurs observations :

Première observation : il faudra veiller à ce que ce nouveau mode de financement n'altère pas la politique de programmes de ces médias. Même si nous considérons que leur diffusion sur le territoire national enrichit l'offre et peut répondre à des besoins spécifiques aujourd'hui insatisfaits, ils restent d'abord des leviers de l'influence française à l'étranger.

Deuxième observation : Cette situation aura un avantage, si elle permet aux sociétés d'échapper aux régulations budgétaires et si elles sont assurées ainsi d'une meilleure prévisibilité de leurs ressources.

Enfin, troisième observation : même si l'apport de crédits inscrits au budget général de l'État n'est pas interdite, la redéfinition d'une trajectoire financière ne sera pas simple à obtenir dans le cadre de la répartition du produit de la contribution à l'audiovisuel public dans la mesure où les deux entreprises sont des « liliputiennes » par rapport aux autres sociétés de programmes et que leur poids en termes d'audience nationale et de budget de production ne leur donne que de faibles leviers d'influence.

Je poursuis en présentant les perspectives de France Médias Monde pour 2015, Philippe Esnol, présentera ensuite celle de TV5 Monde et nos conclusions.

Le contrat d'objectifs et de moyens de France Médias Monde sur lequel la commission a formulé en décembre dernier un avis a fixé les principaux objectifs de la société : consolider la couverture mondiale de France 24 ; continuer à adapter le programme de RFI et de MCD aux publics ciblés, notamment par les langues de diffusion, renforcer la diffusion sur tous les supports numériques ; enfin, approfondir les synergies, en interne et avec les autres acteurs de l'audiovisuel extérieur.

Nous ferons, avec Philippe Esnol, six observations.

La première : FMM voit ses crédits progresser alors que les autres sociétés de programmes connaissent une diminution ou une moindre progression. Il est proposé d'allouer à la société une dotation totale de 242 millions d'euros soit une progression de 0,9% en adéquation avec la trajectoire financière proposée par le contrat d'objectifs et de moyens.

La dotation représente 95% des ressources de la société. Sa faible progression oblige toutefois l'entreprise pour réaliser les projets consignés dans le contrat à dégager des marges de manoeuvre suffisantes soit par la progression de ses ressources propres, soit en réalisant des économies. C'était notre deuxième observation.

Or, troisième observation, le niveau des ressources propres dans le compte de résultat prévisionnel est apprécié de façon ambitieuse (+ 9,9%). Cet objectif n'est cependant pas irréaliste malgré l'atonie du marché publicitaire, compte tenu de la remobilisation de France Télévisions Publicité qui assure la régie publicitaire de France 24, de l'ouverture de la diffusion de cette chaîne sur la TNT en Ile-de-France depuis le mois de septembre dernier, enfin des efforts de la régie interne de RFI et de MCD. Il serait conforté si FMM pouvait développer la diffusion de ces programmes sur le territoire national dès 2015. Nous y reviendrons.

J'ajoute que nous avions, en 2014, constaté que les contraintes déontologiques qui s'imposent aux médias publics français d'information brident la capacité de développement des ressources publicitaires, alors que les chaînes internationales étrangères ne se privent pas de ce type de recettes commerciales. Un assouplissement permettrait d'offrir des espaces intéressants pour la promotion de productions françaises en parfaite synergie avec les objectifs de la diplomatie économique promue par le ministre des affaires étrangères. On comprend donc mal que les chaînes internationales françaises soient contraintes d'affronter la compétition internationale avec des semelles de plomb. Nous demandons qu'une évaluation soit conduite dans le cadre de la préparation du prochain contrat d'objectifs et de moyens. C'est notre quatrième observation.

Cinquième observation, s'agissant des économies susceptibles d'être réalisées : il y a peu à attendre d'une décroissance de la masse salariale qui, en 2015, avec 129,1 millions d'euros pour un effectif de 1714 ETP (permanents et non permanents), progresse un plus rapidement que les ressources. En effet, la société a connu deux plans sociaux au cours des dernières années, ce qui a, en grande partie, épuisé la capacité à trouver dans une réduction des emplois permanents une source d'économies. La tendance aujourd'hui est d'ailleurs à la réduction de l'emploi précaire. En outre, l'harmonisation des statuts, conséquence de la fusion juridique des sociétés, fait l'objet d'une négociation qui devrait aboutir au premier semestre 2015 et risque d'avoir un impact sur la masse salariale.

Des économies sont attendues de la rationalisation du mode d'exploitation des régies de télévision, de l'optimisation de la planification des personnels, de la poursuite de la baisse des frais de fonctionnement. Les résultats obtenus sont encourageants, mais l'entreprise risque d'atteindre rapidement les limites de l'exercice. Elle a déjà sacrifié une part conséquente de ses dépenses de marketing et de communication, ce qui ne lui donne guère les moyens d'accroître sa notoriété et donc ses audiences. Le réinvestissement dans ce domaine sera stratégique dans le prochain COM.

L'arbitrage risque de se faire au niveau des programmes, ce qui n'est pas un tabou, mais pourrait fragiliser l'entreprise à terme s'il n'est pas réalisé avec discernement. On l'a vu en 2014, avec le décalage du projet de diffusion de RFI en bambara.

Notre sixième observation est relative à la diffusion, sur le territoire national, de programmes de service public en langue arabe, porteurs des valeurs républicaines et laïques que votre commission estimait utile d'envisager dans son avis sur le contrat d'objectifs et de moyens. Nous avons été suivis puisque le cahier des charges de FMM a été modifié le 27 janvier 2014 et le rend désormais possible. L'accroissement des risques de radicalisation et les actions fortes d'embrigadement et d'endoctrinement de groupes extrémistes confortent notre conviction. La question de la préemption de fréquences par l'État, en cas de disponibilité ou de l'utilisation de fréquences sous-utilisées par Radio France devrait systématiquement être mise à l'étude.

Je terminerai par une septième observation sur le passage en HD de l'outil de production, Entrepris en 2014, cet investissement de l'ordre de 14 millions d'euros a été financé par la trésorerie de la société, l'amortissement est couvert en partie par les économies réalisées grâce à l'automatisation du processus de fabrication.

Le COM ne prévoit pas la diffusion en HD avant 2016. Toutefois, les demandes croissantes des opérateurs partout dans le monde risquent de conduire FMM à devoir mobiliser des ressources supplémentaires importantes afin de maintenir l'étendue de la diffusion de France 24. Il y aura lieu de les prévoir dans le prochain COM à un niveau suffisant et dès 2016.

En conclusion, mieux dirigée, France Medias Monde est en mesure de réaliser les objectifs qui lui sont assignés. Cependant, les aléas annoncent un exercice difficile en exécution. Il est donc indispensable que les ressources publiques de la société soient sanctuarisées et qu'elles ne servent pas de variables d'ajustement comme en 2014. À défaut, le gouvernement risque de démotiver dirigeants et personnels de l'entreprise et de faire douter la représentation nationale de la valeur et de l'intérêt de la procédure des contrats d'objectifs et de moyens qui doit reposer sur le respect des engagements réciproques des parties.

Nous rappelons enfin le souhait de la commission que le projet de nouveau contrat d'objectifs et de moyens puisse lui être soumis avant le début du premier exercice comptable de la période visée et si possible, s'agissant d'une entreprise financée à 95% par des ressources publiques, avant les arbitrages budgétaires qui procèdent à la détermination de sa dotation. En l'espèce, il devrait lui être soumis pour avis avant la fin du premier semestre de 2015. Je ne suis pas certaine que nous serons entendus, mais « il n'est point besoin d'espérer pour entreprendre.... »

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Esnol

Pour ce qui concerne TV5 Monde, la chaîne francophone demeure le principal outil télévisuel de rayonnement mondial de la France, disponible pour plus de 257 millions de foyers TV répartis dans 198 pays. Son audience hebdomadaire là où elle est mesurée est de plus de 33 millions de foyers.

Un nouveau plan stratégique 2014-2016 a été adopté en conseil d'administration en janvier qui prévoit : le recentrage des productions autour de la culture et des valeurs de TV5 Monde, afin de présenter une offre généraliste, le développement des productions propres dont une grande émission évènementielle mensuelle, le lancement d'une chaîne « enfant » en Afrique ainsi qu'un partenariat plus équilibré et une collaboration plus étroite avec les chaînes et les États africains, enfin le développement des synergies avec FMM en évitant les effets d'éviction par des redondances de programmes et avec France Télévisions, son actionnaire de référence.

Cependant, la trajectoire financière qui lui est adossée n'est pas sans soulever quelques interrogations.

Première observation : malgré les ambitions affichées, il n'est pas prévu de ressources publiques complémentaires ni du côté de la France, ni du côté des partenaires francophones. La dotation française réajustée en 2014 à 76,2 millions d'euros (HT) est inscrite au même niveau dans le PLF pour 2015 et celles des partenaires devraient rester au niveau de 2014, soit 23,68 M€.

Deuxième observation : le plan d'affaires est fondé sur une amélioration attendue des ressources propres et sur une politique volontariste de réduction des dépenses qui doivent permettre l'autofinancement de la hausse inéluctable de certaines charges et une partie des nouveaux développements.

Or, troisième observation, les perspectives de croissance des ressources propres sont faibles. La position de TV5Monde sur le marché publicitaire s'est affaiblie en raison de la concurrence farouche des nouvelles chaînes gratuites diffusées en France sur la TNT dont TV5Monde est exclue, de l'atonie du marché international, qui engendre une concentration des budgets vers les marques leaders (chaînes d'information, chaînes anglophones, chaînes sportives) et enfin de la concurrence accrue des chaînes, nationales en langue locale, panafricaines ou internationales sur un marché africain dynamique qui représente 35 % du chiffre d'affaires publicitaire total de la chaîne.

Toutefois, et c'est encourageant, les recettes publicitaires sur le site Internet progressent rapidement et représentent aujourd'hui près de 10% du chiffre d'affaires.

La légère hausse attendue des recettes publicitaires en 2015 compense donc à peine l'effritement des ressources de distribution.

Quatrième observation : les effectifs comme la masse salariale qui représente 30% des dépenses totales de l'entreprise semblent maîtrisés. Cette politique s'est poursuivie en 2014 avec une perspective de baisse des effectifs. Néanmoins, les effectifs non permanents demeurent à un niveau élevé, un plan d'intégration est en cours dont il est encore difficile de mesurer l'impact.

Cinquième observation : TV5Monde a dû mettre en place une série de mesures d'économies. Cette politique s'est avérée efficace grâce au développement de synergies avec les partenaires, par des appels d'offres communs, par des remises en concurrence notamment dans le domaine du sous-titrage des programmes (avec une économie de 1 million d'euros réalisée en année pleine). Elles ont touché toutes les activités de la société.

J'en viens à la sixième observation : TV5Monde s'est dotée en 2013 d'un nouvel outil de production en norme HD - un investissement de 17 millions d'euros - financé par une opération de cessions-bails d'une durée de 5 ans.

Il permet à TV5Monde de fournir aux distributeurs de plus en plus exigeants un signal produit en HD. Mais comme la consommation en bande passante est 5 fois supérieure au signal en SD, cela se traduit par une augmentation des coûts de diffusion. TV5Monde ne disposant pas des moyens nécessaires pour répondre d'emblée à cette demande est obligée d'arbitrer. Elle a commencé à diffuser en 2014 au Maghreb-Moyen-Orient sur Arabsat, sur une partie de l'Asie et du Pacifique ainsi qu'aux États-Unis.

Septième observation : la tension sur les capacités de financement rejaillit sur le fonctionnement de l'entreprise. Ainsi le retard pris dans la renégociation du bail du siège de l'entreprise a-t-il entraîné en 2014 le décalage de certains projets.

Pour 2015, le montant des projets nouveaux non financées s'élèvent à 1,3 M€. Pour 2016, il atteindrait 4,55 M€ dont 2,9 M€ de projets nouveaux non financés et, plus inquiétant, 1,65 M€ pour maintenir des projets lancés en 2014 et 2015. Or, nombre de ces projets (sous-titrage, multimédia, diffusion HD) ou encore le projet de chaîne « Art de Vivre » que TV5Monde s'apprête à lancer en 2015 vers l'Asie-Pacifique et le Moyen-Orient en appui à notre diplomatie économique, sont susceptibles de conforter l'audience de la chaîne, y compris sur les nouveaux supports de communication et donc de consolider ses ressources publicitaires ou de distribution. S'en priver serait compromettre l'avenir.

Huitième observation : l'Afrique francophone constitue un marché dynamique mais concurrentiel. Il faut que l'engagement pris, en 2012, lors du sommet de la francophonie de Kinshasa, par les États membres de l'OIF à introduire dans leur législation une clause de « diffusion obligatoire » de la chaîne francophone sur la TNT, dans les bouquets satellitaires et sur les réseaux câblés soit tenu. Il serait souhaitable que cet engagement soit repris dans les conclusions du sommet de Dakar à la fin du mois.

Quant au projet de chaîne « enfant » pour l'Afrique inscrit au plan stratégique, il n'a toujours pas trouvé de financement. Son budget est estimé 1,5 M€ par an. Il constitue un enjeu majeur en Afrique, et pour la Francophonie. Le Sommet de la Francophonie de Dakar sera peut-être l'occasion de lui donner un élan.

TV5Monde devrait pouvoir poursuivre son activité et mettre en oeuvre les principaux objectifs de son plan stratégique. Reste à savoir si elle pourra dégager les marges de manoeuvre suffisantes pour les mener tous à bien. À défaut, ceci laisse présager des exercices tendus voir douloureux où elle devra réduire ses ambitions en matière de programmes ou de diffusion.

Pour conclure, je dirai que dans un contexte économique et budgétaire contraint, la progression ou le maintien des ressources publiques des opérateurs peuvent être salués comme une marque d'intérêt.

Pour autant, pour des entreprises qui sont confrontées aux mêmes difficultés, qui peinent à développer leurs ressources propres et conduisent depuis plusieurs années des efforts de productivité et d'économie considérables, la progression limitée des ressources publiques se traduit par une mise sous tension budgétaire, qui les fragilise et les oblige à réduire leurs ambitions alors qu'elles doivent affronter une concurrence accrue.

Sans une réorientation des trajectoires financières et un assouplissement du cadre de développement de leurs ressources propres, c'est bien à une redéfinition de leurs missions et à une limitation de leurs ambitions auxquelles il faudra se résoudre. Cette perspective est d'ores et déjà inscrite en filigrane. Il faudra toute l'implication des ministères de tutelle et toute notre vigilance pour sauvegarder ces leviers importants de l'influence et du rayonnement de la France et de la Francophonie.

Au total, vos rapporteurs, l'un issu de la majorité sénatoriale, l'autre de l'opposition, partagent l'analyse qu'ils présentent dans ce rapport. Pour ce qui me concerne, je propose à la commission de donner un avis favorable à l'adoption des crédits inscrits au compte d'avances à l'audiovisuel public pour ce qui concerne les programmes 844 France Médias Monde et 847 TV5Monde.

Debut de section - PermalienPhoto de Joëlle Garriaud-Maylam

Pour ce qui me concerne, je considère qu'eu égard aux enjeux, si la France veut être présente dans cette bataille de l'influence, il faut renforcer les opérateurs de l'action audiovisuelle extérieure. Les propositions budgétaires demeurent insuffisantes. En conséquence, je propose l'abstention.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Qu'en est-il des initiatives du secteur privé ? J'observe qu'un certain nombre de chaînes internationales, notamment américaines, sont des chaînes privées. N'est-il pas envisageable que les entreprises françaises s'impliquent davantage ?

Debut de section - PermalienPhoto de Joëlle Garriaud-Maylam

Le secteur privé en France est très frileux en la matière, il y a quelques projets notamment du groupe Canal Plus, mais, il faut bien le reconnaître, l'essentiel est porté par le secteur public. Ce serait pourtant une excellente chose.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Legendre

Je voudrais approuver deux observations. La diffusion de RFI sur l'ensemble territoire national, rendrait un immense service notamment à tous les doubles nationaux.

Il faut rappeler lors du prochain sommet de la Francophonie, les engagements qui ont été pris en matière de diffusion, en effet, ce serait faire perdre beaucoup de l'intérêt de ces sommets si les engagements qui y sont pris ne sont pas suivis d'effets. Je souhaiterais que l'on prenne la parole fortement dans ce sens.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

La question du financement de l'audiovisuel extérieur se pose, car les budgets sont contraints. À terme, si l'on veut avoir une ambition forte, il me semble que nous devrions réfléchir, dans ce domaine comme dans d'autres, en matière d'ingénierie financière, à la façon d'associer les entreprises privées. Nous devons en effet faire face à une concurrence forte et nous n'avons pas véritablement les moyens de mettre en oeuvre une communication puissante. Cela vaut également pour le débat culturel et pour la francophonie, on voit bien que paradoxalement la CCTV chinoise diffuse en français et donc joue cette carte d'avenir. L'enjeu appelle sans doute des modes de financement dans le futur autres que des financements publics traditionnels.

La Commission donne un avis favorable à l'adoption des crédits inscrits au Compte de concours financiers : « avance à l'audiovisuel public » pour ce qui concerne les programmes 844 « France Médias Monde » et 847 « TV5 Monde ». Les sénateurs des groupes de l'UMP et de l'UC-UDI se sont abstenus.

La commission nomme M. Jean-Pierre Grand rapporteur pour avis sur le programme 151 - Français à l'étranger et affaires consulaires - de la mission « Action extérieure de l'Etat » du projet de loi de finances pour 2015, en remplacement de M. Pierre Charon.

La commission auditionne M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur, sur le projet de loi de finances pour 2015 (programme 152 : Gendarmerie de la mission « Sécurités »).

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Monsieur le ministre, nous sommes heureux de vous accueillir ce soir pour une audition qui portera essentiellement sur le budget de la gendarmerie pour 2015. La gendarmerie est confrontée depuis plusieurs années à une contrainte budgétaire extrêmement forte, qui l'oblige, dans de nombreux domaines, à gérer la pénurie. Nous connaissons la sensibilité de ce corps, qui est en charge de la sécurité d'une grande partie de notre territoire. Cette année, il semblerait que le projet de loi de finances lui soit un peu plus favorable, avec des crédits en légère progression (+1,6% en autorisations de programme), la création de 162 postes dont elle a grandement besoin, une enveloppe non négligeable (79 millions d'euros), même si elle reste en-deçà des besoins, pour la réhabilitation immobilière et des moyens pour l'acquisition d'équipements informatiques et de véhicules légers. Encore faudrait-il que la régulation budgétaire ne vienne pas obérer les timides marges de manoeuvre ainsi consenties, comme c'est le cas de plus en plus souvent. Nous serons vigilants pour la défendre contre les tentatives qui pourraient conduire à une réduction de ses moyens.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur

Je tiens tout d'abord à rappeler l'engagement du Gouvernement en faveur de la sécurité, politique prioritaire conformément à la volonté du Président de la République.

À cet égard, il convient de prendre toute la mesure des arbitrages rendus. Alors que dans tous les ministères hors Justice, Education nationale et Intérieur pour sa mission de sécurité, l'effort de réduction de la dépense publique est majeur, le budget du ministère est stabilisé et les moyens de la police et de la gendarmerie sont renforcés, tant sur le plan des effectifs que sur celui des moyens de fonctionnement et d'investissement, j'y reviendrai.

Pour mémoire, je rappelle qu'entre 2002 et 2011, la dépense publique a crû à un rythme annuel moyen de 2%, et +1,7% par an en moyenne entre 2007 et 2011. En 2014, nous avions limité cette croissance en volume à 0,9%. En 2015, la croissance de la dépense publique se limitera à +0,2% en volume, soit un effort historique.

Dans ce contexte, je me suis battu pour que le ministère de l'intérieur bénéficie d'un budget en légère hausse de 43 millions d'euros avant transferts par rapport à la LFI 2014. Ce n'est pas le signe d'une volonté de nous exonérer de l'effort demandé à tous -je ne l'aurais pas permis. C'est en revanche le signe fort de ce que notre ministère reste au coeur des priorités du Gouvernement. Pour parvenir à ce résultat, nous avons proposé des économies reposant sur des réformes structurelles destinées à préserver nos capacités opérationnelles et réaliser les investissements nécessaires pour préparer l'avenir. Il est marqué par un esprit de responsabilité qui vise à la fois à participer à l'effort collectif mais à conserver notre capacité à mettre en oeuvre des réforme essentielles, qu'il s'agisse de la réforme de l'Etat et de la carte des territoires ou encore de la réforme de l'asile.

S'agissant plus particulièrement de la mission « Sécurités », les crédits de paiement sont en hausse entre 2014 et 2015 de +0,43%, soit une stabilisation, à un niveau de 12,2 milliards d'euros hors dépenses de pensions et de 18,2 milliards d'euros en incluant ces dépenses.

Dans ce cadre contraint, j'ai d'abord et avant tout souhaité, et obtenu, que les forces de sécurité continuent de se voir garantir des créations d'emplois nettes, de 405 effectifs en 2015, dont 162 pour la gendarmerie. Ces créations nettes se poursuivront à un rythme au moins identique d'ici 2017. La moitié de ces créations nettes sera faite par des recrutements de personnels titulaires.

Dans la gendarmerie, tous les départs en retraite des sous-officiers seront naturellement remplacés. Globalement, en 2015, 2 917 sous-officiers et 5 768 gendarmes-adjoints volontaires seront recrutés, auxquels s'ajouteront 612 recrutements civils. Au total, ce sont 9 488 personnels qui seront recrutés.

Grâce aux créations nettes dans la police comme dans la gendarmerie, ce Gouvernement a inversé la tendance observée entre 2007 et 2012 sur le plan des effectifs, lorsque 7 000 emplois étaient supprimés dans la police et 6 700 dans la gendarmerie. Il a mis fin à cette « autre politique du chiffre » en stoppant l'hémorragie et en reprenant les recrutements dans la police et dans la gendarmerie.

Je tiens à insister sur le contexte dans lequel s'inscrit cet effort : la stabilisation des effectifs de l'Etat grâce à la suppression, hors Education nationale, Justice et Sécurités, de 11 879 postes dans les autres ministères. Au sein même de ce ministère, en dehors de la mission « Sécurités », les effectifs seront réduits.

Cet effort permettra à l'ensemble des forces de l'ordre de renforcer ses effectifs opérationnels pour assurer des missions qui sont plus que jamais au coeur des préoccupations de nos concitoyens, alors que les menaces sont à la fois multiples et particulièrement aiguës. Cette volonté du Président de la République, traduite en acte, se décline dans les priorités que j'ai assignées à notre action, notamment en termes de lutte contre le terrorisme, d'action ciblée à travers le renforcement des zones de sécurité prioritaires et dans les circonscriptions les plus sollicitées.

Au-delà de la question des effectifs prise de façon globale, j'ai également tenu à ce que la parole du Gouvernement, fut-elle celle du gouvernement de la précédente mandature, soit honorée s'agissant des conditions matérielles de chaque agent.

Grâce aux efforts réalisés depuis 2012, une grande majorité des sujets tenant à la rémunération et au pouvoir d'achat qui avaient fait l'objet de tels engagements ont été traités. Ainsi, en 2015, le Gouvernement a choisi d'exclure toute mesure catégorielle qui n'aurait pas été négociée avant cette année.

Pour autant, le Gouvernement a choisi d'honorer les engagements pris. Ainsi, la gendarmerie bénéficiera d'une enveloppe de 16 millions d'euros pour mettre en oeuvre les décisions qui avaient été prises. S'agissant des personnels de catégorie B, l'engagement du Gouvernement de mettre en oeuvre la dernière phase du nouvel espace statutaire (NES) est tenu. Les personnels de la gendarmerie bénéficieront du passage à la catégorie B, avec une entrée en vigueur de la dernière tranche au 1er décembre 2015. Pour l'ensemble des agents des corps de soutien, les mesures transversales de revalorisation prises par le Gouvernement s'appliqueront, notamment pour les attachés (corps interministériel à gestion ministérielle - CIGEM), ou encore les bas salaires pour les personnels B et C.

D'autres chantiers liés à la valorisation des métiers et des carrières sont sur le métier et font l'objet d'une action déterminée au niveau interministériel.

Au-delà des créations d'effectifs et des mesures concernant la rémunération des agents, j'ai souhaité donner la priorité aux moyens opérationnels, au fonctionnement et, plus encore, à l'investissement. Ces postes structurant de notre budget ont trop longtemps été négligés par la majorité précédente. Nous en paierions le prix, aujourd'hui et demain, si nous n'agissions pas résolument pour fixer de nouvelles priorités en la matière. Cette orientation reflète ma conviction que rien ne servirait de renforcer les effectifs si, dans le même temps, les agents n'avaient pas les moyens d'assurer leurs missions, tous les jours, en tout point du territoire, pour faire face aux risques que chaque Français connaît. J'ai déjà eu l'occasion de rappeler cette orientation fondamentale devant la mission d'information sur la lutte contre l'insécurité sur tout le territoire, présidée par Jean-Paul Blazy. Je note à cet égard que les recommandations de la mission rejoignent la préoccupation du Gouvernement et je rappelle, pour mémoire, que ces crédits ont dramatiquement diminué entre 2007 et 2012 avec une baisse de -17%.

Pour la gendarmerie, cette volonté politique se traduit par une stabilisation des crédits de fonctionnement et d'investissement, par rapport à la loi de finances pour 2014, et par une hausse attendue de 24,5 millions d'euros d'ici 2017, soit une hausse très forte à l'horizon du triennal, de l'ordre de 3%. Surtout, un plan triennal de réhabilitation de l'immobilier domanial de la gendarmerie, doté de 79 millions d'euros par an, sera mis en place pour stopper la détérioration continue du logement et des lieux de travail des gendarmes. A titre d'exemple, ce plan permettra notamment de réhabiliter le quartier Lemaitre de Melun.

Cela traduit la volonté qui est la mienne d'améliorer à la fois les conditions de vie des gendarmes et les conditions d'accueil des usagers.

Toujours afin de renforcer l'investissement et sans attendre 2015, j'ai, avec l'accord du Premier ministre, obtenu de pouvoir, dès la fin du mois de septembre, dégager les crédits nécessaires à l'investissement. Ainsi, les acquisitions supplémentaires de véhicules lancées en 2014 seront de 2 000 unités, dans la police et dans la gendarmerie. En 2015, 40 millions d'euros sont dédiés à cet investissement en véhicules neufs, dans chaque force. Cette démarche vise à stopper la dégradation, que nous subissons depuis plusieurs années, de la qualité opérationnelle du parc automobile. Les urgences immobilières et une partie des investissements informatiques de la gendarmerie seront également débloqués en 2014.

Ces efforts d'investissement seront poursuivis en 2015. En particulier, les investissements seront renforcés dans le domaine des systèmes d'information et de communication qui sont aujourd'hui indispensables pour la sécurité quotidienne comme pour la lutte contre les nouvelles menaces. J'ai donc obtenu qu'un plan de modernisation technologique des forces soit doté, d'ici 2017, de 108 millions d'euros pour l'ensemble des forces.

Cet effort particulièrement volontariste de modernisation technologique sera décliné dans un plan d'action précis et concret, dont l'objectif sera notamment de renforcer la confiance entre ses agents et la population, et donc améliorer les conditions de travail des agents, ou encore de mieux valoriser les métiers du policier et du gendarme. J'attends à cet égard des propositions opérationnelles précises d'ici le début de l'année 2015.

Pour conclure, dans l'environnement budgétaire contraint qui est durablement le nôtre, j'ai la conviction qu'il nous faut faire preuve d'inventivité, d'imagination et de bon sens.

Pour dégager des marges de manoeuvre opérationnelles, je souhaite que nous poursuivions le renforcement des mutualisations déjà engagées par ce ministère. Elles sont pour nous une opportunité. Elles doivent nous permettre de dégager des synergies et de réaliser des gains d'efficience. La création, en mai dernier, des secrétariats généraux pour l'administration du ministère de l'intérieur (SGAMI) doit nous permettre d'en faire la preuve. Il faut aussi poursuivre les redéploiements police - gendarmerie, qui portent leurs fruits. En 2013, ces redéploiements ont concerné au total 185 000 personnels de la police et de la gendarmerie. Il se poursuit en 2014 et se poursuivra en 2015.

Il nous faut également utiliser pleinement le service des achats, des équipements et de la logistique de la sécurité intérieure (SAELSI) qui donne également satisfaction. C'est aussi dans cet esprit que j'ai demandé au secrétaire général du ministère, en lien étroit avec les directeurs généraux, d'approfondir les pistes de renforcement de l'efficience de nos procédures par l'utilisation, notamment, de la dématérialisation et du numérique.

Nous ne devons pas non plus nous interdire de trouver d'autres sources de financement. La saisie des avoirs criminels en est une. En 2013, les confiscations ont atteint un niveau remarquable de 357 millions d'euros. Au premier trimestre 2014, ce ne sont pas moins de 213 millions d'euros qui ont été saisis, soit une hausse de +26% en un an. Je souhaite qu'une part plus importante de ces sommes soit consacrée au financement des forces de l'ordre, notamment, car j'ai la conviction que cela aura un impact direct en termes de renforcement de l'impact de la politique de lutte contre le crime. Le vote en première lecture, dans le cadre du projet de loi contre le terrorisme, d'un dispositif de financement de la procédure relative à la protection des collaborateurs de justice (les fameux repentis) par l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC), va dans le bon sens. Plus que jamais, nous devons aller chercher les ressources là où elles se trouvent. Il me semble sain et normal que les efforts fournis par les forces de l'ordre pour combattre la délinquance puissent ainsi trouver un juste retour. Le Gouvernement y travaille. Au-delà de l'avancée législative qui a été initiée, les discussions interministérielles sont d'ores et déjà engagées pour rendre encore ces procédures, à la fois au plan opérationnel et au plan financier.

Ces arbitrages visent à donner au ministère de l'intérieur, qui contribue à l'effort collectif de rétablissement des comptes publics, les moyens d'assumer les priorités que j'ai définies en matière de sécurité :

- la consolidation du dispositif des zones de sécurité prioritaires, en renforçant nos efforts ;

- la prévention de la délinquance, notamment par le développement des dispositifs de vidéo-protection, en lien avec les élus, et de l'aide aux victimes, notamment dans le cadre des violences faites aux femmes ;

- enfin la modernisation technologique de nos forces de sécurité, gage de renforcement de la confiance de nos concitoyens dans notre action et de l'efficacité des forces. Cette réflexion inclut la mise en place de statistiques sincères et fiables d'évaluation de la politique de sécurité.

Je vous remercie et souhaite maintenant pouvoir échanger avec vous.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Ma première question porte sur votre décision de suspendre l'utilisation des grenades offensives : comment les gendarmes pourront-ils se protéger désormais, alors qu'ils sont la cible d'attaques très violentes ? En matière d'équipement numérique, envisagez-vous d'équiper tous les gendarmes de tablettes leur permettant de rester connectés au-delà de leurs véhicules de service ? Concernant l'implantation territoriale de la gendarmerie, doit-on s'attendre à des regroupements de petites brigades, notamment celles comptant moins de cinq gendarmes ? Quel est le bilan de l'action de la gendarmerie dans les zones de sécurité prioritaires (ZSP) ? Qu'est-ce que les SGAMI vont changer en pratique pour la gendarmerie ? Le survol des centrales nucléaires par des drones nous inquiète. Serait-il envisageable de les détruire au moyen d'un rayon laser comme en Chine ? Enfin, la Cour européenne des droits de l'Homme a condamné la France en raison de l'interdiction faite aux gendarmes de se syndiquer. Quelles suites seront données à cette condamnation ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Boutant

Je veux revenir sur la question, déjà évoquée par mon collègue, de la protection des centrales nucléaires. La situation est préoccupante, puisque l'armée de l'air a positionné des radars à proximité de plusieurs centrales. Qui est derrière tout cela ? Avez-vous des informations ? Je voudrais évoquer aussi la question, qui fait l'objet d'une actualité douloureuse, du maintien de l'ordre dans les manifestations auxquelles de plus en plus de casseurs participent avec l'intention de faire le mal et de jeter le discrédit sur les manifestants. Quel matériel sera utilisé désormais par les forces de l'ordre en remplacement des grenades offensives, dont je souligne que la dénomination est inappropriée ? Par ailleurs, la délinquance est, de plus en plus, le fait de réseaux internationaux, et ce dans tous les domaines, comme le montre l'enrôlement de jeunes dans les réseaux djihadistes. Quels sont les moyens dont la France se dote pour répondre à ce défi et quelles coopérations noue-t-elle avec les autres pays ?

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur

Vous m'interrogez sur l'interdiction des grenades offensives dans un contexte où les manifestations sont de plus en plus violentes et marquées par la présence, non plus de manifestants mais de casseurs. Je voudrais revenir sur les raisons de cette interdiction et sur ce qui s'est réellement passé à Sivens. Par-delà le tumulte médiatique, les mensonges et les attaques personnelles, il y a une vérité et je veux vous en donner une version précise. J'ai pris conscience, bien des semaines avant ce drame, du risque considérable existant à Sivens, en lisant les notes quotidiennes du service de renseignement territorial et en constatant, jour après jour, les violences perpétrées contre les forces de l'ordre par environ 250 casseurs qui étaient également présents à Notre-Dame-des-Landes et qui s'attaquent aux forces de l'ordre avec des bombes d'acide, des cocktails molotov, des fusées et des pierres. Je rappelle qu'entre le 1er septembre et le 28 septembre 2014, 78 policiers et gendarmes ont été blessés à Sivens et 81 procédures judiciaires ont été ouvertes, dont 33 pour agression contre des forces de l'ordre. Telle est la réalité. J'ai donné des instructions fortes d'apaisement dans les jours qui précèdent le drame de Sivens. Elles ont une traçabilité. Ainsi, à l'occasion d'une réunion, le 21 octobre 2014, à la préfecture du Tarn, un accord avait été conclu avec le représentant des manifestants qui s'engageait à ce qu'il n'y ait pas de violence, en échange de quoi, le préfet s'engageait à ne pas positionner de forces de l'ordre à Sivens. Quand la manifestation démarre, il n'y a donc pas de forces de l'ordre positionnées à Sivens. Le préfet avait toutefois indiqué qu'il s'engageait à prévenir les agriculteurs en cas de débordements, car ceux-ci voulaient organiser une contre-manifestation et y avaient renoncé à condition qu'il n'y ait pas de violence et d'occupation de la « zone vie ». Dans la nuit du vendredi 26 au samedi 27 septembre, les casseurs ont attaqué la « zone vie » et dans ce contexte, la société de gardiennage qui la surveillait a prévenu la gendarmerie, notamment parce qu'il y avait aussi des engins piégeant qui risquaient de poser problème après la fin de la manifestation. Le préfet a fait venir les forces de l'ordre pour éviter les problèmes liés à la récupération de la « zone vie » après la manifestation, prévenir une contre-manifestation des agriculteurs et empêcher que les casseurs les plus radicaux ne se rendent à Gaillac. Les forces de l'ordre ont donc été réintroduites parce que l'accord n'avait pas été respecté et j'ai renouvelé les consignes d'apaisement. Dans la nuit de samedi 27 à dimanche 28, on assiste à une montée de la violence et à la survenue du drame dont je suis alerté à la fin de la nuit par le Directeur général de la Gendarmerie qui me fait savoir, oralement et par SMS, qu'une grenade offensive a été lancée, qu'elle a pu occasionner la mort, qu'il n'a jamais vu qu'une grenade offensive puisse commettre un tel dommage corporel et qu'un sac à dos a été déchiqueté. Comme l'affaire va être judiciarisée et la médecine légale va rendre un rapport qui permettra de connaître la vérité, je décide, par prudence, de ne pas m'exprimer sur le sujet tant que la justice ne s'est pas prononcée. J'ajoute deux points jamais évoqués dans la presse. On évoque des révélations faites par des gendarmes devant le juge et on affirme que j'aurais dû savoir. Or, je n'ai auditionné personne. Le procureur de la République, qui s'est exprimé le dimanche à 18h00 et le lundi à 18h00, a déclaré à ces deux occasions qu'il n'était pas en mesure de donner les causes de la mort de Rémi Fraisse. Il n'a pu le faire que le mardi à 18h00. Comment aurais-je donc pu savoir, si le juge lui-même ne le savait pas ? Je ne me préoccupe que de la vérité. Il y a une autre question, celle de la compassion, à propos de laquelle j'ai une expérience personnelle. Le 8 mai 2002, un attentat à Karachi tue 14 personnes de ma ville de Cherbourg. Le Président Jacques Chirac tient alors des propos de compassion lors des obsèques, mais ensuite, les familles des victimes viennent me trouver pour me dire qu'elles ne veulent pas de compassion mais la vérité. Je sais que la vérité viendra et qu'alors je pourrais témoigner ma compassion. Dès que le procureur de la République s'est exprimé le mardi à 18h00, j'ai déclenché deux enquêtes, la première sur les grenades offensives, qui m'a été remise la semaine dernière, la seconde sur les conditions du maintien de l'ordre du début septembre jusqu'à la date du drame, dont je recevrai les conclusions début décembre. Dès que la première m'a été remise, j'ai décidé d'interdire l'utilisation des grenades offensives après en avoir parlé avec le directeur général de la gendarmerie nationale. Ce n'est pas une arme mais une munition de maintien de l'ordre. Elle n'est pas destinée à tuer. Je ne désarme pas les forces de police et de gendarmerie. D'ailleurs, la police n'a jamais eu de grenade offensive pour maintenir l'ordre. La grenade lacrymogène instantanée (GLI) qui est un mélange de tolite et de lacrymogène permet de maintenir à distance les manifestants, avec le même effet de souffle mais sans dangerosité. Je ne désarme donc par les forces mais je leur permets de faire leur métier et d'accomplir des opérations de maintien de l'ordre dans le respect scrupuleux du droit et des principes républicains. Il n'y a pas de violence policière, il y a de la violence partout et les forces en sont les victimes. Il n'est pas acceptable qu'il y ait des morts au cours d'opérations de maintien de l'ordre. Je tenais à vous expliquer les raisons et la cohérence globale de ma décision.

S'agissant des tablettes numériques, une expérimentation va être conduite en 2015 pour voir si cet outil permet d'accélérer les interventions sur le terrain, comme c'est le cas pour les alertes SMS utilisées dans la lutte contre les cambriolages en zone rurale. Ce dernier dispositif donne de bons résultats avec une réduction de 9,36% des cambriolages sur les exploitations agricoles sur les trois derniers mois en zone gendarmerie, soit une baisse d'environ 4,5% sur un an.

Les redéploiements entre zones de police et zones de gendarmerie se poursuivent en relation étroite avec la direction générale de la gendarmerie et la direction générale de la police nationale et dans la concertation.

Nous regroupons des brigades, notamment celles composées de deux à trois gendarmes en milieu rural, pour permettre d'assurer des permanences 24h/24 dans un rayon d'action plus large. Il y a ainsi toujours quelqu'un pour se déplacer sur le territoire en cas d'urgence.

Concernant les ZSP, 11 sont dans le périmètre de la gendarmerie et 7 sont des zones mixtes gendarmerie/police. Au premier semestre 2014, il y a une réduction de 3,9% des cambriolages dans ces zones, contre 2% en dehors de ces zones. Le nombre d'atteintes volontaires à l'intégrité physique est en diminution, de même que celui des violences crapuleuses alors que les violences intrafamiliales progressent partout en France, ce qui appelle un travail interministériel. Les atteintes à la tranquillité publique augmentent de 1,14%. Le nombre des infractions à la législation des stupéfiants augmente car l'action des services est en hausse.

Les SGAMI sont des structures de mutualisation dans le domaine de la gestion des ressources humaines de la police et de la gendarmerie. Elles permettent de réaliser des économies d'échelle significatives.

Sur la question des drones, la sécurité des centrales nucléaires ne relève pas de la compétence du ministère de l'intérieur mais de celui de l'écologie. Le ministère de l'intérieur fournit des pelotons de gendarmerie contre d'éventuelles intrusions terrestres et la sécurité de l'espace aérien au-dessus des centrales est confiée au ministère de la défense. Le ministère de l'intérieur, plus précisément la direction de la gendarmerie nationale et la direction générale de la sécurité intérieure, conduisent des enquêtes et commencent à avoir des pistes. Nous mobilisons tous les moyens pour procéder aux identifications. Les moyens sophistiqués dont nous disposons ne permettent toutefois pas d'identifier les utilisateurs de tous les types de drones. Quant au laser, cette technique ne fonctionne pas pour détruire des drones, même en Chine, mais il existe d'autres techniques. Au terme des enquêtes en cours, nous vous communiquerons davantage d'informations.

Concernant la décision de la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH), le sujet est confié au ministère de la défense. Il existe une instance de dialogue interne au sein de la gendarmerie, dont la CEDH n'avait, semble-t-il, pas connaissance quand elle a rendu son avis.

Sur la question des réseaux internationaux de la criminalité organisée, je vais prendre quelques exemples concrets. Concernant les vols d'engins agricoles qui partent ensuite vers l'Est, la gendarmerie a neutralisé un réseau de 20 cambrioleurs qui ont commis plus de 140 opérations de vol dans des exploitations agricoles. Le démantèlement des filières du crime européennes ou internationales se fait par le truchement du renseignement territorial qui permet d'identifier les délinquants d'habitude. Un travail très important est mené par la police scientifique et technique. Il y a une collaboration entre les services de renseignement des différents pays européens, y compris ceux des pays d'origine de ces mafias, et une collaboration des services de police au sein d'Europol. La lutte contre la cybercriminalité augmente en relation avec la lutte contre le terrorisme. Je vais nommer un « cyber préfet » chargé de lutter contre les trafics sur Internet. Nous travaillons également en liaison avec les agents de sécurité de nos ambassades pour le démantèlement des filières du crime.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Merci pour les précisions que vous avez apportées dans l'affaire de Sivens. L'emballage médiatique a été utilisé à des fins indignes. Les zadistes sont des casseurs organisés. Je vous apporte mon soutien dans cette épreuve qui n'honore pas la démocratie. Pour parler de la sécurité des centrales nucléaires, sujet que je connais bien, pourquoi une triple tutelle ? Il faut faire évoluer la réglementation sur les centrales nucléaires pour plus d'efficacité. Il y a des intrusions dans les centrales nucléaires et elles sont survolées. Il est nécessaire de rassurer la population et de réorganiser la sécurité autour des centrales. Cette triple tutelle n'est pas efficace.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Cette question mérite d'être étudiée, ce serait tout à fait légitime. Concernant les événements de Sivens, une grande majorité de l'opposition républicaine s'est comportée dignement.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

S'agissant des grands réseaux internationaux, l'attention se focalise beaucoup sur les questions de terrorisme alors que les chiffres montrent qu'elles ont une importance toute relative. Cela reste toutefois inquiétant. Les mafias de la drogue étendent leurs activités à toutes sortes de contrefaçons. Tout cela s'appuie sur la cybercriminalité et représente des masses financières importantes, qui irriguent tout. Elu de Paris, je renouvelle par ailleurs une question maintes fois posée. Il se déroule environ 4 000 manifestations par an à Paris, dont 2 000 dans le VIIe arrondissement. Beaucoup de forces de police sont déployées et l'on voit beaucoup de cars de CRS. Les moyens mis en oeuvre me semblent énormes, même si je peux comprendre la nécessité de protéger Matignon et les ministères. Une réflexion serait nécessaire car cela représente un coût important.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Reiner

Il y a quelques années, un rapprochement entre la gendarmerie et la police s'est opéré. Beaucoup de sénateurs, et j'en fais partie, y étaient réticents, car sans doute trop attachés à la gendarmerie départementale. Comment avance ce rapprochement au sein de votre ministère ? Y-a-t-il une mutualisation des moyens ? Pouvez-vous nous dresser un bref bilan de cette évolution ? La considère-t-on comme positive ?

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Je tiens à vous manifester ma solidarité car vous êtes victime d'attaques indignes. Nous assistons à une banalisation de ces manifestations violentes qui choquent de plus en plus l'opinion publique. Les gens sont révoltés devant le sentiment d'impunité des casseurs. Il me semble qu'une communication du ministère de l'intérieur serait nécessaire car l'exaspération est à son comble dans les campagnes.

Quand j'étais rapporteur de la mission « Sécurités », la densité des forces de sécurité en France était supérieure à celle des pays comparables. Il y a eu ensuite une baisse des effectifs pour cette raison. Beaucoup de doublons existaient entre la police et la gendarmerie. Qu'en est-il maintenant ? Le groupe d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) et le groupe d'intervention de la police nationale (GIPN) ont-ils des missions différentes ? Une étude réalisée à ma demande par un cabinet d'audit privé indiquait une marge de progression considérable.

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Karam

Je suis un nouveau sénateur de la Guyane. J'ai dirigé cette région pendant dix-huit ans. J'ai vu des policiers et des gendarmes tués par des clandestins et des orpailleurs clandestins. Nous sommes la première frontière de l'Union européenne avec le Brésil et nos relations avec ce pays sont altérées par l'orpaillage clandestin et l'immigration clandestine. Même si le budget affecté à la Guyane est en augmentation de 0,8%, nous sommes loin du compte. La population est sceptique car le sentiment d'insécurité reste fort. La ville de Kourou, bien connue, est une ville « insécurisée » qui connaît des drames quotidiens. Quel est l'avenir du plan ARPI lancé en 2008 ? Il faut réunir les conditions pour que l'orpaillage clandestin cesse. Votre ministère n'est pas en mesure d'apporter toutes les réponses. Quels sont les moyens que vous comptez mettre en place dans le budget que vous consacrez à la Guyane ?

Debut de section - PermalienPhoto de André Trillard

Je suis maire d'une petite commune, située non loin de Notre-Dame-des-Landes. Je suis effrayé par les graffitis que j'ai vu fleurir sur les murs de ma commune incitant à commettre des agressions contre les forces de l'ordre. C'est insupportable. Par ailleurs, pourrait-on faire intervenir sur Internet pour empêcher la diffusion des photos et vidéos des crimes abominables commis par Daesh ? Elles sont en effet facilement accessibles par tous, sans aucun flouttage, et peuvent être regardées par nos enfants.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

Je vous exprime toute ma solidarité face aux attaques et procès indignes que vous subissez. Je connais votre souci du droit. Nous ne pouvons que nous incliner devant la douleur de la famille de la victime. La communication des résultats des enquêtes administratives est souhaitable. Ma question reflète une préoccupation constante des élus des petites communes qui voient des effectifs limités de gendarmes absorbés de plus en plus par des tâches administratives. Comment leur permettre de se consacrer en totalité à leur mission d'ordre et de contact avec la population ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Kammermann

Je m'associe à mes collègues pour vous exprimer toute ma solidarité. Vous dites qu'il y a moins de cambriolages, mais je voudrais savoir où. On a parlé d'un attentat qui aurait été empêché dans le XVIe arrondissement de Paris. Qu'en est-il ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

La disparition d'une petite brigade composée de cinq gendarmes dans une petite commune au profit d'une brigade de vingt à trente personnes capable de rayonner sur un plus grand secteur est peut-être plus efficace, mais il faut une pédagogie. Il faut expliquer le changement du métier de gendarme.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Jourda

Pour avoir vécu le passage en zone de gendarmerie de ma circonscription, précédemment en zone de police, je peux témoigner que lorsque les élus et les gendarmes expliquent la situation et leur nouvelle mission aux populations, cela se passe bien. Il s'agit juste de surmonter quelques habitudes, l'essentiel étant qu'il y ait une bonne protection de la population.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur

En ce qui concerne l'éclatement de la compétence de surveillance des centrales nucléaires entre trois ministères, je vous indique que l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques s'est saisi de cette question et que l'on pourra peut-être retenir, le moment venu, certaines de ses recommandations. Pour répondre à M. Pozzo di Borgo, qui considère qu'il y a peu de terrorisme par comparaison avec la grande délinquance, je tiens à indiquer que nous neutralisons beaucoup de personnes sur le point de commettre des actes de terrorisme, en toute discrétion, et que nous sommes très mobilisés. Depuis le 1er janvier 2014, nous avons procédé ainsi à 138 arrestations. 400 affaires sont actuellement entre les mains de la justice. Sur la question des CRS à Paris, réduire leur présence n'est possible qu'à la condition de faire plus de renseignement avant la tenue des manifestations. Cela a été le cas récemment, nous avons pu connaître le positionnement de casseurs à l'extérieur de Paris et les neutraliser avant qu'ils ne rejoignent la manifestation par les transports en commun. Concernant le rapprochement entre la police et la gendarmerie, auquel je n'étais moi-même pas favorable quand j'étais député, je pense maintenant qu'il s'agissait d'une bonne réforme et qu'elle avait un sens. La mutualisation des deux forces permet des économies et des coopérations sans faire perdre leur âme à ces deux forces. Ainsi aujourd'hui, le RAID et le GIGN nouent, sur les terrains les plus sensibles, des coopérations qui seraient impossibles si les deux forces n'étaient pas dans le même ministère. Il y a toutefois encore beaucoup de marge de progression en matière de coopération, de mutualisation et de rapprochement. En Corse, par exemple, ce rapprochement a été difficile à installer, mais cela va mieux maintenant. Concernant la Guyane, il y a plusieurs problèmes de sécurité, notamment la présence de 50 000 clandestins. Le contrôle des frontières aériennes est compliqué. Le contrôle des frontières terrestres est effectué par deux forces (respectivement de 28 ETP et de 34 ETP) et des opérations de lutte contre l'orpaillage clandestin se déroulent sur la frontière avec le Brésil. Je prends ces problèmes très au sérieux et je me rendrai en Guyane, début 2015. J'aurai également des rencontres régulières avec les parlementaires de la Guyane, à Paris. Pour répondre à M. Trillard, le ministère de l'intérieur n'est pas désireux de réprimer à tout prix et préfère régler les problèmes par le compromis et le dialogue. Mais il n'est pas acceptable que la violence soit théorisée comme légitime alors que toutes les procédures légales et le droit ont été respectés. Ce serait la fin de l'Etat de droit. Pour lutter contre le terrorisme sur Internet, je vous renvoie aux débats que nous avons eus récemment. J'avais proposé le blocage administratif des sites Internet attentatoires aux libertés par une autorité administrative indépendante, sous le contrôle du juge. Il y a eu des discussions très fortes sur la neutralité d'Internet et la remise en cause de la liberté d'expression. Il faut savoir que, selon la Miviludes, 90% de ceux qui basculent dans les groupes terroristes le font après s'être enfermés dans une relation exclusive de toute autre sur Internet. Il faut sensibiliser les acteurs d'Internet à l'incitation au terrorisme qui existe sur le réseau, pour éviter l'exposition et le basculement des jeunes les plus fragiles. Concernant les cambriolages, les chiffres nationaux peuvent cacher des contrastes entre les territoires. Toutefois depuis le début de l'année 2014, nous avons enregistré une réduction de 6% des cambriolages sur les résidences principales en zones de police et de 8% en zones de gendarmerie. Nous allons poursuivre l'effort pour les cambriolages des résidences secondaires car les résultats sont moins bons.

La séance est levée à 20 heures