Dans un premier temps, je vous présenterai les crédits de la gendarmerie pour 2015 et nos préoccupations en ce qui concerne les moyens qui lui sont dévolus. Puis, je laisserai la parole à mon collègue qui reviendra sur l'activité de la gendarmerie en 2014, son cadre d'action et ses priorités.
Au sein de la mission « Sécurités » (dont le budget s'établit autour de 18,2 milliards d'euros pour 2015), l'enveloppe des crédits consacrés à la gendarmerie nationale augmente légèrement, les autorisations d'engagement (AE) s'élevant à 8,078 milliards d'euros en 2015 (en hausse de 1,6%) et les crédits de paiement (CP) à 8,061 milliards d'euros (soit +0,4%). Cette progression est modeste, mais elle est un signe du caractère prioritaire de la gendarmerie et plus largement de la sécurité, dans un contexte budgétaire tendu qui soumet de nombreux programmes à des mesures d'économies.
Les crédits de personnel représentent une bonne part de cette enveloppe (6,85 milliards d'euros, soit environ 85% du total). En 2015, la gendarmerie bénéficiera de 162 créations de postes, qui viennent conforter le mouvement d'augmentation des effectifs, initié en 2013 après des années de baisse drastique. Je rappelle qu'entre 2008 et 2012, près de 6 240 postes de gendarmes avaient été supprimés, en application de la règle de non remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, soit plus de 6% de l'effectif total. L'augmentation prévue pour 2015, qui intervient après celles de 2013 (+192 équivalents temps plein-ETP) et de 2014 (+162 ETP), est donc particulièrement bienvenue. Du fait de différents transferts et mesures d'intégration, le plafond d'emplois n'augmentera que de 48 ETPT, et s'élèvera à 97 215 ETPT en 2015. L'enveloppe prévue pour le financement de diverses mesures catégorielles est en baisse de 4 millions d'euros, à 16 millions d'euros. La dépense liée aux pensions (3,11 milliards d'euros) devrait, quant à elle, progresser, mais moins qu'en 2014 (+0,6 au lieu de 1,1%). Au final, les crédits de personnel connaîtront une progression contenue (+33 millions d'euros, soit 0,5%, contre +57,6 millions d'euros en 2014).
Hors titre 2, les crédits de la gendarmerie s'élèvent à 1,23 milliard d'euros en AE et 1,2 milliard d'euros en CP, soit une hausse de respectivement 95 millions d'euros en AE et 4 millions d'euros en CP.
En ce qui concerne les crédits de fonctionnement (au sens du PAP, je le précise, car la gendarmerie les comptabilise un peu différemment), ils sont en augmentation de 14 millions d'euros en AE et de 10 millions d'euros en CP, soit une enveloppe de 1,1 milliard d'euros environ en AE comme en CP.
Cette progression n'annonce en aucun cas un desserrement de la contrainte puisqu'elle est liée essentiellement à la progression des loyers du parc immobilier, qui représentent à eux seuls 500 millions d'euros -dont 475 millions pour les loyers de droit commun et 25 millions pour les loyers budgétaires versés à France Domaine - soit en tout 45,5% des crédits de fonctionnement. En conséquence, un certain nombre de postes subiront une modération : l'entretien des véhicules (-4,3 millions d'euros), le carburant (-4,5 millions d'euros), les déplacements (-7 millions d'euros) et surtout la gestion du parc (-12,2 millions d'euros), poste qui recouvre l'entretien léger du casernement et le nettoyage. Dans tous les domaines, les besoins sont estimés au plus juste et les crédits gérés à l'économie.
Tout au plus, l'enveloppe consacrée au fonctionnement permettra-t-elle de mettre en oeuvre la première phase d'un plan de modernisation des systèmes d'information et de communication (SIC) et de procéder à des achats d'équipements informatiques. Concernant le plan SIC, il s'agit d'un plan portant sur des projets structurants à l'échelle du ministère, qui se traduit, pour la gendarmerie, par une dotation, assez modeste pour 2015 (de 1,1 million d'euros d'AE et de 0,7 million d'euros de CP) mais qui devrait croître les années suivantes. Concernant les achats d'équipements, sont notamment envisagés l'acquisition de terminaux 3G destinés à créer autour des véhicules de patrouille des zones de communication avec les centres opérationnels, l'équipement de 330 motocyclettes en moyens radio, la rénovation et l'augmentation de la capacité des relais radio, le renouvellement de 13 000 ordinateurs fixes et portables et l'acquisition de 1 800 tablettes, l'idée étant, qu'à terme, chaque gendarme soit doté de sa propre tablette et donc connecté en permanence. Au total, l'ensemble des crédits consacrés aux systèmes d'information et de communication, y compris la maintenance informatique, représente 68,7 millions d'euros en AE et 66,4 millions d'euros en CP.
S'agissant des crédits d'investissement, ils sont en augmentation en AE (129,6 millions d'euros contre 53,9 millions d'euros en 2014) et en baisse en CP (87,6 millions d'euros contre 117,7 millions d'euros en 2014).
Sur ce montant, 41,4 millions d'euros en AE et 28 millions d'euros en CP seront consacrés à l'acquisition de 2 000 véhicules légers et motocyclettes. Cela va dans le bon sens, après 1 157 véhicules en 2013 et vraisemblablement 1 400 en 2014. Rappelons, pour mémoire, que le parc automobile de la gendarmerie, qui comprend environ 30 000 véhicules, est relativement ancien (plus de 6 ans en moyenne pour les véhicules légers et plus de 5 ans pour les deux-roues) et qu'il faudrait théoriquement commander 3 000 véhicules par an pour le renouveler en respectant les critères de réforme, désormais fixés à 8 ans et 200 000 km.
Rien n'est prévu, en revanche, pour le renouvellement des hélicoptères, ni pour les véhicules blindés, alors qu'ils en auraient bien besoin. Qu'on songe que l'âge moyen des Ecureuils est 30 ans et celui des blindés 40 ans ! Rien n'est prévu non plus dans le budget triennal, une telle dépense étant hors de portée. La conséquence est que la maintenance de ces équipements nous coûte cher.
Enfin, un motif de satisfaction, même s'il reste relatif au regard de l'ampleur des besoins : les crédits d'investissement destinés à l'immobilier sont en augmentation, à 79,3 millions d'euros en AE. Sur ce montant, 70 millions d'euros serviront à financer la première année d'un plan de réhabilitation du parc domanial, qui devrait s'étaler sur six ans, avec comme objectif pour 2015 une trentaine d'opérations de réhabilitation lourde et de mise aux normes de casernes. 70 millions d'euros par an sont ainsi prévus sur le budget triennal.
9,3 millions d'euros seront par ailleurs consacrés à des opérations urgentes de maintenance et au lancement d'études pour la réhabilitation de certains bâtiments de la caserne de Melun, dont l'état de décrépitude est connu.
Bien entendu, ces crédits sont insuffisants par rapport aux besoins du parc domanial qui regroupe 31 200 des 75 000 logements affectés aux gendarmes (les autres étant dans des casernes locatives). La vétusté du parc domanial, dont l'âge moyen des logements est de 41 ans, est préoccupante et pèse sur le moral des gendarmes et de leurs familles. Selon la Cour des comptes, il faudrait au moins 160 millions d'euros par an pour remettre à niveau ce parc de logements. Mais après les années noires que nous avons connues dans ce domaine, l'augmentation des crédits et le lancement de ce plan sont des avancées et nous en prenons acte.
Il faut noter que 6 millions d'euros de crédits d'intervention sont également prévus en 2015 pour la réalisation d'opérations immobilières en partenariat avec les collectivités locales.
Au final, comme l'a indiqué le général Denis Favier lors de son audition par vos rapporteurs, ce budget pour 2015, certes calculé au plus juste, répond aux besoins de la gendarmerie. Sa principale préoccupation porte sur la mise en réserve, qui obère chaque année, dès le début de l'année, les faibles marges de manoeuvre de ses services et gèle pendant des mois les projets d'acquisition ou d'investissement. En 2014, la levée de la mise en réserve est intervenue courant octobre, plus tôt qu'en 2013. L'année dernière à la même époque, la Gendarmerie nationale se trouvait, en effet, dans de grandes difficultés. Sans doute la mobilisation dont le Parlement a fait preuve, à cette occasion, a-t-elle contribué à débloquer la situation. Il est absolument nécessaire que la levée de la réserve qui, en 2015, devrait porter sur 8% du montant des crédits, intervienne le plus tôt possible dans l'année.