La commission examine le rapport pour avis de MM. Alain Gournac et Michel Boutant sur le programme 152 - Gendarmerie - de la mission « Sécurités » du projet de loi de finances pour 2015.
Dans un premier temps, je vous présenterai les crédits de la gendarmerie pour 2015 et nos préoccupations en ce qui concerne les moyens qui lui sont dévolus. Puis, je laisserai la parole à mon collègue qui reviendra sur l'activité de la gendarmerie en 2014, son cadre d'action et ses priorités.
Au sein de la mission « Sécurités » (dont le budget s'établit autour de 18,2 milliards d'euros pour 2015), l'enveloppe des crédits consacrés à la gendarmerie nationale augmente légèrement, les autorisations d'engagement (AE) s'élevant à 8,078 milliards d'euros en 2015 (en hausse de 1,6%) et les crédits de paiement (CP) à 8,061 milliards d'euros (soit +0,4%). Cette progression est modeste, mais elle est un signe du caractère prioritaire de la gendarmerie et plus largement de la sécurité, dans un contexte budgétaire tendu qui soumet de nombreux programmes à des mesures d'économies.
Les crédits de personnel représentent une bonne part de cette enveloppe (6,85 milliards d'euros, soit environ 85% du total). En 2015, la gendarmerie bénéficiera de 162 créations de postes, qui viennent conforter le mouvement d'augmentation des effectifs, initié en 2013 après des années de baisse drastique. Je rappelle qu'entre 2008 et 2012, près de 6 240 postes de gendarmes avaient été supprimés, en application de la règle de non remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, soit plus de 6% de l'effectif total. L'augmentation prévue pour 2015, qui intervient après celles de 2013 (+192 équivalents temps plein-ETP) et de 2014 (+162 ETP), est donc particulièrement bienvenue. Du fait de différents transferts et mesures d'intégration, le plafond d'emplois n'augmentera que de 48 ETPT, et s'élèvera à 97 215 ETPT en 2015. L'enveloppe prévue pour le financement de diverses mesures catégorielles est en baisse de 4 millions d'euros, à 16 millions d'euros. La dépense liée aux pensions (3,11 milliards d'euros) devrait, quant à elle, progresser, mais moins qu'en 2014 (+0,6 au lieu de 1,1%). Au final, les crédits de personnel connaîtront une progression contenue (+33 millions d'euros, soit 0,5%, contre +57,6 millions d'euros en 2014).
Hors titre 2, les crédits de la gendarmerie s'élèvent à 1,23 milliard d'euros en AE et 1,2 milliard d'euros en CP, soit une hausse de respectivement 95 millions d'euros en AE et 4 millions d'euros en CP.
En ce qui concerne les crédits de fonctionnement (au sens du PAP, je le précise, car la gendarmerie les comptabilise un peu différemment), ils sont en augmentation de 14 millions d'euros en AE et de 10 millions d'euros en CP, soit une enveloppe de 1,1 milliard d'euros environ en AE comme en CP.
Cette progression n'annonce en aucun cas un desserrement de la contrainte puisqu'elle est liée essentiellement à la progression des loyers du parc immobilier, qui représentent à eux seuls 500 millions d'euros -dont 475 millions pour les loyers de droit commun et 25 millions pour les loyers budgétaires versés à France Domaine - soit en tout 45,5% des crédits de fonctionnement. En conséquence, un certain nombre de postes subiront une modération : l'entretien des véhicules (-4,3 millions d'euros), le carburant (-4,5 millions d'euros), les déplacements (-7 millions d'euros) et surtout la gestion du parc (-12,2 millions d'euros), poste qui recouvre l'entretien léger du casernement et le nettoyage. Dans tous les domaines, les besoins sont estimés au plus juste et les crédits gérés à l'économie.
Tout au plus, l'enveloppe consacrée au fonctionnement permettra-t-elle de mettre en oeuvre la première phase d'un plan de modernisation des systèmes d'information et de communication (SIC) et de procéder à des achats d'équipements informatiques. Concernant le plan SIC, il s'agit d'un plan portant sur des projets structurants à l'échelle du ministère, qui se traduit, pour la gendarmerie, par une dotation, assez modeste pour 2015 (de 1,1 million d'euros d'AE et de 0,7 million d'euros de CP) mais qui devrait croître les années suivantes. Concernant les achats d'équipements, sont notamment envisagés l'acquisition de terminaux 3G destinés à créer autour des véhicules de patrouille des zones de communication avec les centres opérationnels, l'équipement de 330 motocyclettes en moyens radio, la rénovation et l'augmentation de la capacité des relais radio, le renouvellement de 13 000 ordinateurs fixes et portables et l'acquisition de 1 800 tablettes, l'idée étant, qu'à terme, chaque gendarme soit doté de sa propre tablette et donc connecté en permanence. Au total, l'ensemble des crédits consacrés aux systèmes d'information et de communication, y compris la maintenance informatique, représente 68,7 millions d'euros en AE et 66,4 millions d'euros en CP.
S'agissant des crédits d'investissement, ils sont en augmentation en AE (129,6 millions d'euros contre 53,9 millions d'euros en 2014) et en baisse en CP (87,6 millions d'euros contre 117,7 millions d'euros en 2014).
Sur ce montant, 41,4 millions d'euros en AE et 28 millions d'euros en CP seront consacrés à l'acquisition de 2 000 véhicules légers et motocyclettes. Cela va dans le bon sens, après 1 157 véhicules en 2013 et vraisemblablement 1 400 en 2014. Rappelons, pour mémoire, que le parc automobile de la gendarmerie, qui comprend environ 30 000 véhicules, est relativement ancien (plus de 6 ans en moyenne pour les véhicules légers et plus de 5 ans pour les deux-roues) et qu'il faudrait théoriquement commander 3 000 véhicules par an pour le renouveler en respectant les critères de réforme, désormais fixés à 8 ans et 200 000 km.
Rien n'est prévu, en revanche, pour le renouvellement des hélicoptères, ni pour les véhicules blindés, alors qu'ils en auraient bien besoin. Qu'on songe que l'âge moyen des Ecureuils est 30 ans et celui des blindés 40 ans ! Rien n'est prévu non plus dans le budget triennal, une telle dépense étant hors de portée. La conséquence est que la maintenance de ces équipements nous coûte cher.
Enfin, un motif de satisfaction, même s'il reste relatif au regard de l'ampleur des besoins : les crédits d'investissement destinés à l'immobilier sont en augmentation, à 79,3 millions d'euros en AE. Sur ce montant, 70 millions d'euros serviront à financer la première année d'un plan de réhabilitation du parc domanial, qui devrait s'étaler sur six ans, avec comme objectif pour 2015 une trentaine d'opérations de réhabilitation lourde et de mise aux normes de casernes. 70 millions d'euros par an sont ainsi prévus sur le budget triennal.
9,3 millions d'euros seront par ailleurs consacrés à des opérations urgentes de maintenance et au lancement d'études pour la réhabilitation de certains bâtiments de la caserne de Melun, dont l'état de décrépitude est connu.
Bien entendu, ces crédits sont insuffisants par rapport aux besoins du parc domanial qui regroupe 31 200 des 75 000 logements affectés aux gendarmes (les autres étant dans des casernes locatives). La vétusté du parc domanial, dont l'âge moyen des logements est de 41 ans, est préoccupante et pèse sur le moral des gendarmes et de leurs familles. Selon la Cour des comptes, il faudrait au moins 160 millions d'euros par an pour remettre à niveau ce parc de logements. Mais après les années noires que nous avons connues dans ce domaine, l'augmentation des crédits et le lancement de ce plan sont des avancées et nous en prenons acte.
Il faut noter que 6 millions d'euros de crédits d'intervention sont également prévus en 2015 pour la réalisation d'opérations immobilières en partenariat avec les collectivités locales.
Au final, comme l'a indiqué le général Denis Favier lors de son audition par vos rapporteurs, ce budget pour 2015, certes calculé au plus juste, répond aux besoins de la gendarmerie. Sa principale préoccupation porte sur la mise en réserve, qui obère chaque année, dès le début de l'année, les faibles marges de manoeuvre de ses services et gèle pendant des mois les projets d'acquisition ou d'investissement. En 2014, la levée de la mise en réserve est intervenue courant octobre, plus tôt qu'en 2013. L'année dernière à la même époque, la Gendarmerie nationale se trouvait, en effet, dans de grandes difficultés. Sans doute la mobilisation dont le Parlement a fait preuve, à cette occasion, a-t-elle contribué à débloquer la situation. Il est absolument nécessaire que la levée de la réserve qui, en 2015, devrait porter sur 8% du montant des crédits, intervienne le plus tôt possible dans l'année.
Dans le projet annuel de performances (PAP), les missions de la gendarmerie sont présentées à travers cinq actions :
- l'action n° 1 « Ordre et sécurité publics », qui correspond aux activités de la gendarmerie départementale et de la gendarmerie mobile et regroupe 39% des crédits ;
- l'action n° 2 « sécurité routière », soit 9,5% des crédits ;
- l'action n° 3 « missions de police judiciaire et concours à la justice », 22% des crédits ;
- l'action « commandement, ressources humaines et logistique », qui correspond aux activités de soutien et représente 27% des crédits ;
- et l'action « exercice des missions militaires », qui renvoie aux opérations extérieures et aux opérations militaires sur le territoire national et à laquelle sont consacrés 2% des crédits.
Si l'on regarde les statistiques d'activité de la gendarmerie pour 2013, on constate que cette répartition des moyens budgétaires est globalement cohérente avec le temps que celle-ci consacre à ses différentes missions : 40% du temps est consacré à la défense civile, 28% aux missions judiciaires, 24% aux activités de soutien et 4% aux missions militaires.
En ce qui concerne l'ordre public et la sécurité, le contexte est celui d'une délinquance qui progresse sur l'ensemble du territoire et du développement de diverses formes de criminalités : criminalité organisée, criminalité itinérante, réseaux transnationaux émanant d'Europe de l'Est, cybercriminalité...
Du fait de la contrainte budgétaire, cette situation appelle une évolution du dispositif territorial, fondé sur quelque 3 000 brigades, ainsi que la mise en place d'une nouvelle proximité.
L'évolution du dispositif territorial implique de poursuivre les redéploiements entre zones de police et zones de gendarmerie, afin de garantir la continuité et donc l'efficacité de l'action des forces de l'ordre. Ainsi, la compétence de la police nationale a vocation à s'étendre à des communes relevant actuellement de la gendarmerie et situées dans la continuité de grandes plaques urbaines ou enclavées en zone de police. A l'inverse, la gendarmerie nationale a vocation à reprendre les petites circonscriptions de sécurité publique isolées, pouvant difficilement être renforcées par d'autres unités de la police nationale. En 2013, un mouvement de redéploiements portant sur plus d'une vingtaine de communes a eu lieu. D'autres pourraient intervenir en 2015. Il est à noter que la gendarmerie souhaiterait prendre en charge l'ensemble des villes de moins de 20 000 habitants, mais ce point n'est pas encore arbitré.
L'évolution du dispositif territorial pourrait signifier ponctuellement un regroupement accru des moyens et donc la fermeture de très petites brigades, dont l'effectif est trop réduit pour conduire une action efficace. De telles décisions doivent faire l'objet d'une concertation approfondie, en particulier avec les élus locaux.
Parallèlement, la gendarmerie mobile et même les réservistes sont envoyés en renfort dans les territoires qui en ont le plus besoin.
Ces recompositions s'accompagnent d'une volonté de rénovation du lien de proximité, qui s'appuie notamment sur l'usage du numérique. Le directeur général de la gendarmerie nationale, le général Denis Favier, nous a fait part de son projet d'équiper chaque gendarme d'une tablette lui permettant d'être connecté en permanence, y compris hors de son véhicule, au réseau de la gendarmerie, et donc plus mobile et réactif. Mais la proximité numérique, ce sont aussi des mesures tendant à impliquer les citoyens, par exemple en mettant à leur disposition des applications sur Smartphones leur permettant d'envoyer des alertes, à l'image de l'application « stopcambriolages ».
Pour vos rapporteurs, ces initiatives sont incontestablement des avancées, et ils s'en félicitent. Néanmoins, il importe également de renouer et renforcer les contacts sur le terrain, avec la population, mais aussi avec les différents acteurs des territoires qui sont en demande de proximité (les maires, les travailleurs sociaux...).
L'accent mis sur la proximité a sans aucun doute contribué aux bons résultats obtenus en 2014 dans l'application du plan national de lutte contre les cambriolages. Rappelons que le ministre de l'intérieur avait lancé ce plan en septembre 2013, après le constat d'une forte augmentation du nombre des cambriolages commis. L'action multiforme mise en oeuvre par la gendarmerie dans ce cadre (groupes d'enquête de lutte anti-cambriolages et brigades d'observation et de surveillance (BOS) au niveau local, présence dissuasive sur le terrain, surveillance des flux sur les axes de circulation, systèmes d'alertes, travail au sein de l'Office central de lutte contre la délinquance itinérante (OCLDI), conjointement avec la police, sur le démantèlement de gros réseaux...) lui a permis d'inverser la tendance en 2014, avec une baisse de plus de 8% du nombre de cambriolages sur les six premiers mois de l'année.
En ce qui concerne les autres missions de la gendarmerie, celles en rapport avec l'activité pénale sont très prenantes, du fait de l'importance de la délinquance. La gendarmerie souhaite un allégement des tâches et des formalités dans ses relations avec la justice, marquées par la lourdeur des procédures. La multiplication des directives pénales, en ce qui concerne notamment la garde à vue, mais aussi des normes européennes, complique son travail. Enfin, la gestion des scellés revêt un caractère particulièrement fastidieux. A cet égard, il serait intéressant que les marchandises sous scellés, en particulier les véhicules, puissent davantage être mises à la disposition de la gendarmerie qui manque cruellement de moyens. En ce qui concerne les transfèrements, un accord a finalement été trouvé et ils devraient entièrement revenir à l'administration pénitentiaire à l'horizon 2019.
Concernant la sécurité routière, la gendarmerie poursuit l'objectif de ramener le nombre de tués sur les routes à moins de 2 000 par an. La lutte contre l'insécurité routière incombe à la fois aux brigades et à des unités spécialisées, les escadrons départementaux de sécurité routière, et ce sur près de 85% du réseau routier français.
Enfin, s'agissant des missions militaires, je rappelle que début septembre, 172 gendarmes étaient engagés dans 16 opérations extérieures (OPEX), sous commandement international, européen ou national, le plus gros effectif (62 gendarmes) étant déployé en République centrafricaine. Pour 2014, les dépenses prévisibles pour les OPEX sont de l'ordre de 12,5 millions d'euros, pour une dotation de 15 millions d'euros, dotation qui est reconduite à l'identique pour 2015.
Outre la poursuite de son action dans les domaines précédemment évoqués, la gendarmerie entend renforcer son action en matière de lutte contre la cybercriminalité. A ce titre, elle anime, avec la police nationale, l'office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication (OCLCTIC), qui intervient contre les fraudes aux moyens de paiement, les escroqueries sur Internet, mais aussi les piratages informatiques et les atteintes aux systèmes d'information gouvernementaux et gère une plateforme d'harmonisation des signalements. La gendarmerie intervient également via le Service technique de recherche judiciaire et de documentation (STRJD) et l'Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN), qui disposent tous deux d'une division d'une vingtaine de gendarmes consacrée à la lutte contre la cybercriminalité. Enfin, il existe tout un réseau d'enquêteurs (260) et de correspondants (1 000) NTEC, répartis sur l'ensemble du territoire, au plus près des unités.
Un mot avant de conclure, puisque l'actualité nous y invite, sur le survol des centrales par les drones. Comme vous le savez, la gendarmerie est responsable de la protection des centrales nucléaires contre les intrusions via les pelotons spécialisés de protection de la gendarmerie, les PSPG. Ces unités, rassemblant en tout 882 gendarmes, sont affectées à la protection de 20 sites nucléaires civils, soit 40 à 50 hommes par site, les frais liés à cette mission de protection étant pris en charge par EDF dans le cadre d'une convention. Ces survols appellent une réponse à la fois sur un plan matériel (comment les neutraliser alors qu'il n'est pas possible, pour des raisons de sécurité de l'environnement, de tirer sur les drones ?) et sur un plan juridique (comment incriminer le survol des centrales par les drones, qui ne sont pas des aéronefs ?). Il s'agit là d'un sujet de première importance, sur lequel les autorités travaillent avec la discrétion qui s'impose. Pour conclure, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption du budget de la gendarmerie pour 2015 qui, même s'il reste contraint, prend en compte ses besoins.
Afin de soutenir les territoires français, dans la conjoncture économique actuelle, pourrait-on faire en sorte que la gendarmerie achète des véhicules français plutôt que des véhicules de marque étrangère ? Concernant la construction de casernes par les collectivités territoriales, les exigences techniques figurant dans les cahiers des charges de la gendarmerie, relatives par exemple aux vitres blindées ou aux connexions réseaux, alourdissent considérablement le coût des projets immobiliers et finissent par les freiner, le montant des subventions d'investissement versées par l'Etat ne permettant pas de compenser ce surcoût. A partir de quel seuil les petites brigades ont-elles vocation à être fermées ?
Ce qui est étonnant, c'est que l'Etat ne s'impose pas à lui-même les normes qu'il impose aux collectivités territoriales dans les programmes immobiliers. Outre les véhicules sous scellés, on peut s'interroger sur les véhicules qui sont gardés trop longtemps en fourrière et qui se dégradent, alors même qu'ils occasionnent des coûts de gestion et de parking importants. Il faudrait réduire leur valeur estimée, raccourcir les délais de mise en vente et qu'ils soient proposés en priorité aux acheteurs publics. Enfin, je regrette que le suivi des dossiers soit désormais individuel alors qu'il était auparavant organisé par binôme, car du fait des absences et des congés, le délai de traitement des affaires en est considérablement allongé.
En ce qui concerne l'implantation territoriale des brigades, le principe était jusqu'à présent celui d'une brigade par canton. Le redécoupage cantonal à venir aura-t-il un impact sur la présence des brigades ? Il était également acté qu'aucun citoyen ne devait se trouver à plus d'une demi-heure de route d'un peloton de surveillance et d'intervention de la gendarmerie (PSIG). Est-il envisagé de revoir la répartition territoriale des PSIG car certains territoires se trouvent de facto à quasiment une heure de route d'un PSIG ?
Pour l'acquisition de ses véhicules, la gendarmerie est liée par l'appel d'offres qu'elle a passé. Concernant le regroupement des brigades, celles qui pourraient être visées sont, selon les informations dont nous disposons, celles de très petite taille, comptant moins de cinq gendarmes, qui n'ont pas la capacité d'assurer une présence continue dans la gendarmerie, notamment du fait des patrouilles. Dans de telles situations, il est plus efficace de regrouper les moyens et de permettre des interventions dans un rayon d'action plus large.
En ce qui concerne les normes de construction pour les logements de la gendarmerie, elles sont nécessaires pour des raisons de sécurité. Les subventions de l'Etat, sur le fondement du décret du 28 janvier 1993, qui avaient un temps été suspendues, sont de nouveau attribuées et allègent un peu la facture des collectivités territoriales. S'agissant des véhicules mis en fourrière, comme de ceux sous scellés, le problème est la longueur et la lenteur des procédures, qu'il serait nécessaire de simplifier.
En 2011, une disposition avait été adoptée à l'initiative du Parlement dans le cadre de la loi de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (dite LOPPSI 2), qui permettait l'utilisation des véhicules saisis lors des procédures judiciaires avant même le jugement, l'Etat étant tenu d'indemniser le propriétaire en cas de procédure n'aboutissant pas à une condamnation ou à une confiscation.
L'obligation de rembourser a freiné la mise en oeuvre de ce dispositif. Pendant ce temps, les véhicules saisis se dégradent de manière définitive.
S'agissant de la fermeture de certaines petites brigades, il s'agit d'une démarche pragmatique et concertée, sans lien avec le redécoupage des cantons. Le regroupement des effectifs facilitera la gestion des congés et absences des personnels, garantissant ainsi une plus grande continuité du service. Concernant les PSIG, nous allons nous renseigner.
Si le regroupement des brigades répond à une exigence d'efficacité qu'on peut comprendre, il reste difficile pour une commune de perdre sa gendarmerie, d'autant que les gendarmes quittent également leur logement. Leur déménagement se traduit en effet à la fois par l'abandon des logements d'origine et par la mise à disposition de nouveaux logements qu'il faut acheter ou faire construire. Il faudrait prévoir que les gendarmes puissent rester dans leurs anciens logements sur la commune d'origine.
Concernant les véhicules saisis, qui se dégradent pendant des années sur des parkings et dont le coût de stockage est considérable, ne pourrait-on pas les vendre au bout de trois mois à leur valeur estimée et placer le produit de la vente dans l'attente de l'issue de la procédure ?
En ce qui concerne les logements des gendarmes, la formule des communautés de brigades n'interdit pas le maintien des gendarmes dans les casernes de leur commune d'origine.
Est-ce que le dispositif des baux emphytéotiques administratifs (BEA), dans lequel l'opération immobilière est portée par un organisme financier auquel la gendarmerie verse directement un loyer, la commune se contentant de mettre à disposition un terrain et d'apporter un petit complément financier, est encore en vigueur ?
Oui, ce dispositif est encore applicable, de même qu'est applicable le dispositif des autorisations d'occupation temporaire du domaine public avec option d'achat (AOT-LOA) pour les casernes domaniales.
Le problème est que la gendarmerie ne veut contracter avec les collectivités territoriales pour l'investissement immobilier que dans le cadre d'un BEA. Or, ce dispositif ne leur permet pas de percevoir une subvention d'investissement de l'Etat, à l'inverse du régime du décret de 1993, ce qui est très pénalisant puisqu'elles doivent financer elles-mêmes le surcoût pendant des années.
Pourtant, selon les informations dont nous disposons, la gendarmerie préfère le régime du décret de 1993 car dans le cadre d'un BEA, les loyers qu'elle doit payer sont très élevés.
Existe-t-il une programmation des investissements immobiliers destinés à la gendarmerie ? Par ailleurs, le plafond fixé pour le calcul de la subvention d'investissement versée aux collectivités territoriales a-t-il été réévalué ?
Concernant les casernes domaniales, une programmation des travaux figure dans l'annexe au projet de loi finances consacrée à la gendarmerie.
Ce budget bénéficie d'une hausse alors que beaucoup d'autres sont en baisse dans un contexte budgétaire difficile. Cet effort mérite que l'on exprime notre satisfaction.
Je prends acte des avancées, qui ne sont toutefois pas suffisantes. C'est pourquoi j'invite mon groupe à s'abstenir.
La commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 152 « Gendarmerie nationale » de la mission « Sécurités », le groupe UMP s'abstenant.
La commission examine le rapport pour avis de M. Jean-Pierre Grand et de Mme Marie-Françoise Perol-Dumont sur le programme 151 - Français à l'étranger et affaires consulaires - de la mission « Action extérieure de l'Etat » du projet de loi de finances pour 2015.
Estimée à plus de 2 millions de personnes (dont 1,6 inscrites au registre des Français de l'étranger), la communauté des Français à l'étranger ne cesse de croître. Le programme 151, dont je vais vous présenter les grandes lignes, a pour objet de leur fournir, ainsi qu'aux Français de passage à l'étranger (plus de 21 millions en 2013), les services essentiels qui leur sont délivrés par les postes consulaires et de participer à la politique d'entrée des étrangers en France. Je reviendrai ensuite sur l'évolution du réseau consulaire et sur ses missions premières que sont la délivrance des titres d'identité et des visas. Ma collègue Marie-Françoise Perol-Dumont détaillera les crédits d'aide sociale et d'aide à la scolarité et vous fera un point sur les échéances électorales importantes qui ont marqué l'année 2014 pour les Français de l'étranger.
Avec un montant de 373,76 millions d'euros, les crédits du programme 151 enregistrent une légère diminution de 2,25 millions d'euros, par rapport à 2014. Cette diminution recouvre une baisse de 11 millions d'euros des crédits de l'action n° 1 qui porte sur l'ensemble des services consulaires aux Français à l'étranger et une augmentation à la fois des crédits de l'action n° 2, exclusivement destinés au versement des bourses scolaires, et des crédits de l'action n° 3, consacrée à l'activité des visas.
La diminution des crédits de l'action n° 1 est liée, outre à une baisse des crédits de titre 2 :
- en premier lieu, à la disparition en 2015 des enveloppes qui étaient consacrées en 2014 à l'organisation des élections (soit 6 millions d'euros) ;
- à la diminution de la dotation à l'Assemblée des Français de l'étranger (- 1 million d'euros), la réforme, issue de la loi du 22 juillet 2013, se traduisant par une baisse du montant des indemnités versées aux conseillers de l'AFE;
- à la suppression, que nous ne pouvons que regretter, des crédits relatifs à l'emploi et à la formation professionnelle (une enveloppe certes modeste -800 000 €, mais qui servait à financer des actions très utiles localement) ;
- à la diminution de certaines aides sociales (-526 000€) ;
- et à diverses mesures portant sur de montants plus réduits comme la réduction de moitié de l'enveloppe destinée à la Maison des Français de l'étranger (100 000 €).
J'en viens maintenant au réseau consulaire et à son activité. Constitué de 228 postes, ce réseau, qui est désormais le troisième mondial en termes d'implantations, continue de s'adapter. Le contexte budgétaire ne permettant plus de financer son expansion et requérant, au contraire, des économies, il est nécessaire d'alléger notre présence dans les pays où c'est possible parce que la population et l'environnement sont stables, principalement en Europe et en Amérique du Nord, afin d'être en mesure de la renforcer dans les pays émergents, en Asie et en Afrique, où les besoins sont importants. Une grande partie des mesures d'adaptation ont déjà été mises en oeuvre, aboutissant à des fermetures de postes, ou à leur transformation en postes à gestion simplifiée, appelés aussi « consulats d'influence » ou encore à des transformations de sections d'ambassades en agences consulaires tenues par un consul honoraire.
Selon les informations dont nous disposons, quelques évolutions sont encore prévues, comme la transformation du consulat général de Washington en section consulaire de l'ambassade, celle du consulat général d'Edimbourg en consulat d'influence. Les postes de Porto et de Turin devenant des agences consulaires. Tout cela s'accompagnant, logiquement, de fermetures de plusieurs sections consulaires d'ambassades.
Bien sûr, de telles suppressions ou transformations ne sont jamais des mesures agréables. Si cela peut se ressentir comme un affaiblissement de notre réseau consulaire, il faut être cohérent et réaliste. Ces adaptations sont indispensables afin de préserver l'essentiel.
Concernant l'activité, elle est toujours aussi soutenue. Le nombre de visas demandés et délivrés ne cesse d'augmenter. En 2013, 2,5 millions de visas ont été délivrés pour 2,8 millions demandés.
Le dispositif visant à permettre la délivrance des visas dans un délai de 48 heures, lancé en Chine au premier trimestre 2014, est un succès. Il devrait être prochainement étendu à l'Inde, à l'Afrique du Sud ainsi qu'aux pays du Golfe arabo-persique, où nos postes connaissent également un afflux de demandes.
Je rappelle qu'il s'agit d'une activité qui a rapporté 137 millions d'euros à l'État en 2013. Au-delà des recettes directes, il est dans l'intérêt économique de la France, dans le cadre d'une politique d'attractivité, de répondre à la demande croissante de visas à vocation touristique. Le ministre des affaires étrangères, très attaché au tourisme, l'a rappelé lors de son audition devant notre commission.
Les consulats sont très sollicités au titre des services administratifs fournis aux Français de l'étranger. Les 240 000 passeports délivrés en 2013, soit une augmentation de 8 % par rapport à 2012 et de 70 % sur les cinq dernières années, illustrent cette dynamique.
Le nombre de cartes d'identité délivrées reste stable, à 89 800. Observons que les demandes sont moins nombreuses en raison notamment d'un délai de délivrance plus long : 45 jours contre 11,8 jours en moyenne pour les passeports. Cette situation est d'ailleurs dénoncée par l'une des associations d'expatriés auditionnées cette année.
Il n'est pas inutile de rappeler que les consulats ont également établi et transcrit en 2013 près de 120 000 actes d'état civil et près de 4 000 actes notariés. Ces chiffres sont à mon sens le reflet de la vitalité de l'expatriation française.
Le ministère met en oeuvre des démarches innovantes pour simplifier les procédures et gagner en efficacité. En effet, la principale difficulté qui se pose aux résidents à l'étranger est bien souvent l'éloignement par rapport au poste consulaire. Venir au consulat pour des démarches administratives prend du temps et coûte de l'argent. L'obligation de double présentation pour déposer une demande de titre d'identité et ensuite pour récupérer celui-ci est particulièrement contraignante.
Le déploiement des stations mobiles Itinera - 48 en tout à ce jour - permet aux agents consulaires, dans le cadre de tournées dans leurs circonscriptions, de recueillir les données nécessaires à l'établissement des titres d'identité.
C'est indéniablement un progrès. Le ministère étudie d'autres formules, comme par exemple faire transiter la demande ou permettre la remise du titre par les consuls honoraires, ou encore l'envoi sécurisé des passeports. A mon sens, ce dernier point est sensible tant sur le coût que sur les garanties de sécurité.
L'accent est également mis sur la dématérialisation qui permet déjà aux usagers de demander des copies d'actes d'état-civil auprès du Service central d'état-civil à Nantes. Il devrait permettre bientôt la transmission directe et sécurisée de données d'état-civil aux administrations et aux notaires. Le grand projet attendu étant la gestion dématérialisée des inscriptions et des désinscriptions au registre des Français établis hors de France. Ce projet n'a malheureusement pas progressé cette année, mais nous suivrons attentivement ce chantier.
En complément de ces diverses initiatives utiles, je voudrais mettre l'accent sur la nécessité de mieux former les agents dédiés à l'accueil dans les consulats afin qu'ils reçoivent avec toujours plus de professionnalisme et de diligence nos compatriotes. N'oublions pas qu'ils sont l'unique représentant de l'administration française pour nos concitoyens expatriés. Ce problème a été évoqué récemment par plusieurs de nos collègues représentant les Français à l'étranger, mais aussi par des associations d'expatriés auditionnées. L'examen budgétaire est l'occasion de relayer cette préoccupation auprès du ministre.
Au regard des difficultés que rencontrent les autres missions budgétaires, nous pouvons retenir une certaine stabilité du programme 151, qui m'amène à proposer l'adoption de ces crédits.
Avant d'aborder l'aide sociale, les bourses et les récentes élections, je voudrais évoquer la sécurité de nos compatriotes à l'étranger, action pour laquelle la Direction des Français de l'étranger ne dispose pas de crédits spécifiques - le centre de crise (CDC) étant rattaché au programme 105 - , mais qui fait l'objet d'une mobilisation de tous les instants de nos postes consulaires, dans le contexte tendu que nous connaissons, qui se fonde sur la diffusion d'informations et sur des plans de sécurité régulièrement mis à jour. Cette action suppose une bonne connaissance de la communauté française présente sur le territoire de l'Etat hôte - avec toutes les difficultés que cela représente pour les Français de passage - et la capacité d'entrer en contact avec elle en cas de crise (grâce notamment à l'envoi d'alertes par SMS).
En ce qui concerne les crédits d'aide sociale pour 2015, ils sont en baisse, de 19,81 à 18,33 millions d'euros, soit une diminution de 1,48 millions d'euros, qui s'explique en grande partie par la suppression de l'enveloppe consacrée à l'emploi et à la formation professionnelle, dotée l'année dernière de 800 000 €. Nous ne pouvons que regretter cette mesure : le montant concerné est modeste et pourtant, cette subvention permettait d'aider certains résidents à se former et à trouver un emploi, je pense notamment aux personnes dépourvues d'emploi ayant accompagné un conjoint dans un projet d'expatriation qui, se retrouvant seules du fait d'une crise familiale, doivent chercher du travail.
L'enveloppe consacrée au versement par les postes de divers soutiens destinés aux publics fragiles (personnes âgées et handicapées, enfants en situation de détresse), qui représente la plus grande part des crédits d'aide sociale, soit 15,7 millions d'euros, enregistre également une baisse (526 000 €, soit - 3,2%). Il en est de même des crédits destinés aux rapatriements sanitaires et hospitalisations d'urgence (-245 000 €) et, dans une moindre mesure, de ceux destinés aux centres médico-sociaux (-20 000 €).
Pour le reste, sont reconduites les subventions destinées aux organismes locaux d'entraide et de solidarité (les OLES) (398 000 €), à la Caisse des Français de l'étranger (498 000 €) et aux organismes d'assistance (100 000 €).
Un motif particulier de satisfaction : l'augmentation, grâce à un transfert en provenance du programme 185, de l'enveloppe destinée à l'adoption internationale, qui bénéficie de 120 000 € supplémentaires. Ces crédits sont destinés aux organismes agréés pour l'adoption, ils visent à favoriser une meilleure structuration de ce secteur, où opèrent en ordre dispersé de nombreux acteurs. L'enjeu est important car, alors que les demandes sont croissantes, le nombre d'adoptions internationales est en forte baisse (il est passé de 3 000 par an il y a quelques années à 1 569 en 2012 et 1 346 en 2013), ce qui tient à différents facteurs : le développement - et il faut s'en réjouir - de l'adoption nationale liée à l'émergence de classes moyennes dans les pays d'origine, les freins mis par certains pays comme la Russie et la Colombie au départ de leurs enfants à l'étranger, mais aussi la proportion croissante d'enfants proposés à l'adoption plus âgés et présentant des pathologies lourdes.
J'en viens maintenant aux crédits destinés aux bourses scolaires, qui bénéficient d'une augmentation importante de 6,7 millions d'euros (+ 6%), conformément aux engagements pris par le gouvernement lors de la suppression de la prise en charge (PEC) des frais de scolarité. L'enveloppe totale s'élève donc pour 2015 à 125,5 millions d'euros. Concernant la mise en oeuvre de la réforme, nous avons maintenant un peu de recul, puisqu'une campagne presque complète a été effectuée sous le nouveau régime. Mes chiffres concernent la campagne nord 2013-2014, puisque, vous le savez, la campagne sud, qui a débuté en janvier 2014, n'est pas encore achevée. Si le nombre de bourses attribuées sur cette campagne est stable (23 885, soit + 0,3%), le nombre de familles bénéficiant d'une bourse à 100 % est passé de 59 % pour la campagne 2012/2013 à 45 % en 2013/2014. Dans le même temps, le nombre de bourses attribuées sur les tranches de quotité intermédiaire, notamment sur les tranches 70-79 % et 80-89 %, a augmenté, permettant un meilleur lissage et donc une meilleure répartition de l'aide, qui représente au total 90,7 millions d'euros pour cette campagne. De nouvelles familles sont, par ailleurs, entrées dans le dispositif (15,4 % des familles bénéficiaires le sont pour la première fois). Il y a donc bien un effet redistributif dont il faut se féliciter.
En outre, l'objectif de maîtrise budgétaire est atteint car pour la première fois en 2013, la dépense d'aide à la scolarité a été contenue dans les crédits inscrits en loi de finances initiale (110,3 millions d'euros, soit 102,6 après régulation) alors que le coût moyen par boursier s'est stabilisé (+0,2 % en 2013 contre +8 % les années précédentes).
Pour finir, j'évoquerai les différents scrutins qui se sont tenus en 2014, une année importante pour les Français de l'étranger, puisqu'elle a vu l'application de plusieurs réformes adoptées dans le cadre de la loi du 22 juillet 2013.
Les 24 et 25 mai derniers, 442 conseillers consulaires ont été élus pour siéger au sein de 160 conseils consulaires exerçant des fonctions consultatives mais également décisionnelles, en matière de bourses auprès des postes. Le scrutin s'est bien déroulé, le vote électronique ayant rencontré un certain succès puisqu'il a été utilisé par 44 % des votants. Le taux de participation n'a pourtant été que de 16,5 %, ce que l'on peut juger assez insuffisant.
Un mois plus tard (les 21 et 22 juin) étaient organisées les élections des conseillers de la nouvelle Assemblée des Français de l'étranger (AFE), plus de la moitié des conseillers consulaires étant candidats à l'un des 90 postes proposés. L'AFE rénovée s'est réunie pour la première fois début octobre pour élire son président et son bureau, la première session de travail étant prévue pour mars 2015. Les conseillers AFE exercent leurs fonctions de manière bénévole, ils ont droit au remboursement des frais engagés lors de leurs déplacements ; néanmoins, il semblerait que les indemnités versées à ce titre répondent à des conditions très restrictives, ce qui a pu poser problème à certains conseillers lors de leur récent séjour à Paris.
Le même jour que l'élection des conseillers consulaires - le 25 mai -, les électeurs français de l'étranger étaient également appelés aux urnes pour les élections européennes. Ce double scrutin, qui impliquait un doublement des moyens matériels, des bureaux de vote, mais aussi la tenue de deux listes électorales différentes, a représenté un défi de taille pour les consulats, qui l'ont bien relevé, grâce à une mobilisation qu'il faut saluer. Les deux scrutins se sont bien déroulés, même si des difficultés d'accès au vote électronique ont pu être relevées pour les élections consulaires. S'agissant des élections européennes, on peut regretter un taux de participation faible (11,06 %). A cet égard, comme l'a souligné le Directeur des Français de l'étranger, que nous avons auditionné, la possibilité qui est offerte aux Français de l'étranger de voter soit au consulat, soit dans leur pays de résidence, est source de complications, du fait d'une transmission insuffisante de l'information entre les Etats concernant les listes électorales, les électeurs ne sachant parfois plus où ils sont inscrits et donc où ils peuvent voter. Il faudrait peut-être simplifier ce dispositif.
En conclusion, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Action extérieure de l'Etat » en ce qui concerne ce programme, dont les crédits, dès lors qu'on exclut ceux destinés cette année à l'organisation des élections, sont globalement préservés.
Concernant les fermetures des consulats, il serait souhaitable que l'on soit consulté et informé en amont, avant que la décision soit prise. Les conditions de délivrance des visas en Chine se sont-elles améliorées ? L'année dernière, en effet, de nombreux ressortissants chinois n'avaient pu obtenir un visa touristique pour la France en raison des files d'attente dans nos services consulaires.
Il faut s'attendre à une augmentation considérable de la demande de visas touristiques de la part des Chinois et s'y préparer en se donnant les moyens et en simplifiant les procédures. Ne perdons pas de vue, néanmoins, que les visas touristiques nourrissent parfois l'immigration illégale. Enfin, je souhaite attirer l'attention sur le problème que pose la prorogation de la durée de validité des cartes d'identité à 15 ans. En effet, cette prorogation n'étant pas mentionnée sur la carte, elle n'est pas prise en compte lors des contrôles aux frontières, ce qui peut parfois mettre nos concitoyens dans une situation embarrassante.
Ayant été déléguée pendant vingt ans au Conseil supérieur des Français de l'étranger, je peux attester que cette instance était excellente et que beaucoup d'entre nous ont accueilli la réforme de l'Assemblée des Français de l'étranger avec réticence. En ce qui concerne la fermeture des postes consulaires, je considère qu'il s'agit d'un affaiblissement ; quant au service assuré par les consuls honoraires, il est très inégal. Il y a beaucoup de progrès à faire en matière de délivrance des visas, il faudrait généraliser le dispositif appliqué en Chine. De nombreuses remarques me parviennent également sur la qualité de l'accueil dans les consulats, qui est loin d'être à la hauteur. Il faudrait davantage sensibiliser les personnes dans les postes à cette question. En ce qui concerne la sécurité, je confirme que le Centre de crise est un service qui fonctionne parfaitement. Il en est de même de la Caisse des Français de l'étranger. S'agissant de l'aide à la scolarité, l'augmentation des bourses scolaires n'est pas suffisante, beaucoup de familles n'ayant pas satisfaction.
Concernant les visas, la situation s'est améliorée en Chine grâce au dispositif de délivrance en quarante-huit heures, qui devrait être prochainement étendu à d'autres pays. L'objectif du ministère est, je le rappelle, de passer de 2,5 à 5 millions de visas délivrés par an en 2020. Concernant les problèmes de sécurité, la question se pose davantage pour les Français de passage que pour les résidents. La réforme des bourses fait l'objet d'une appréciation divergente par les deux associations représentant les expatriés que nous avons auditionnées, l'une jugeant le dispositif actuel plus équitable, l'autre moins efficient que le précédent. Pour ma part, il me semble que la réforme a été positive car le système actuel est plus juste et plus économe.
Concernant les fermetures de postes, nous relayerons vos observations. A propos des visas délivrés en Chine, je souligne que leur nombre a augmenté de 44 % au premier semestre 2014. Il faudra peut-être adapter le dispositif des visas pour les voyageurs qui, comme certains chefs d'entreprise, voyagent beaucoup et sont donc obligés de détenir deux passeports, l'un pour voyager, l'autre pour demander un visa en vue d'un prochain voyage.
Comme il nous l'a indiqué lors de son audition, le ministère des affaires étrangères et du développement international est conscient que la montée en puissance des touristes chinois en France appelle des réponses adaptées.
Combien y-a-t-il de Français résidant hors de France et comment se répartissent-ils géographiquement ?
Il serait souhaitable de ne pas doter les passeports d'urgence d'une couverture verte, car cela génère des suspicions lors des contrôles. Il serait préférable qu'ils aient la même couleur que les passeports normaux.
La communauté des Français de l'étranger est estimée à 2 millions de personnes, dont 1,6 million sont inscrites au registre des Français de l'étranger. La première communauté se trouve dans l'Union européenne, soit 628 000 personnes. Environ 213 000 Français sont installés en Amérique du Nord, 137 000 au Proche-Orient, 125 000 en Asie, 120 000 en Afrique francophone, 100 000 en Amérique Latine. Pour plus de détails, je vous invite à consulter notre rapport. Je note, par ailleurs, la remarque sur la couleur des passeports d'urgence.
La commission examine, en application de l'article 73 quinquies du Règlement, le rapport de M. Gaëtan Gorce et le texte de la commission sur la proposition de résolution européenne n° 81 (2014-2015) relative à la nécessaire réforme de la gouvernance de l'Internet.
Nous sommes saisis de la proposition de résolution européenne n° 44 (2014-2015) sur la nécessaire réforme de la gouvernance de l'Internet, déposée par Mme Catherine Morin-Desailly et M. Gaëtan Gorce le 22 octobre 2014.
Cette proposition de résolution européenne est le fruit du travail de la mission commune d'information sur le « Nouveau rôle et la nouvelle stratégie pour l'Union européenne dans la gouvernance mondiale de l'Internet » publié le 8 juillet 2014.
En application de l'article 73 quinquies du Règlement du Sénat, la commission des affaires européennes a procédé à l'examen de cette proposition de résolution européenne le 4 novembre sur le rapport de Mme Colette Mélot et en a adopté le texte assorti de trois légères modifications. C'est donc ce texte qui est soumis à l'examen de la commission.
La question de la gouvernance d'Internet nous est maintenant posée avec beaucoup d'acuité. La mise en place d'échanges d'informations entre des réseaux numériques par le biais de protocoles standardisés a commencé dans les années 1960 et prend surtout une expansion considérable à la fin des années 1980 avec l'ouverture du « world web wide, w.w.w. » que l'on utilise toujours aujourd'hui comme adresse, c'est-à-dire la possibilité pour des navigateurs d'accéder beaucoup plus simplement et plus directement à des pages identifiées de sites divers. Cela représente aujourd'hui presque 2,5 milliards d'utilisateurs dans le monde entier, 1,5 milliard d'objets connectés, un nombre qui sera multiplié par 10 dans les dix prochaines années. C'est dire la masse de données appelées à circuler sur ce réseau.
C'est dire aussi les enjeux que cela peut représenter. Enjeux économiques d'abord, que l'on peut mesurer par certaines données. Le commerce électronique, ce sont 1000 milliards d'euros échangés chaque année. Dans le domaine des services, on observe la montée en puissance de très grandes entreprises comme Google ou Amazon, qui ne cessent de se développer et génèrent des chiffres d'affaires très importants. Google dépasse aujourd'hui 60 milliards de dollars avec des retours sur la dépense considérables qui leur donnent des capacités de prise de contrôle sur le web très importantes.
Les enjeux sont aussi des enjeux de souveraineté, des enjeux de sécurité, notamment de protection de nos données essentielles et fondamentales, et des enjeux de liberté révélés notamment par l'affaire Snowden. Ces enjeux montrent qu'il faut se préoccuper de la question.
La difficulté aujourd'hui vient du mode de gouvernance de l'Internet, c'est-à-dire la volonté d'administrer cet espace de façon consensuelle entre différents acteurs, mais qui est tout de même très largement sous influence américaine. Cela s'explique par des raisons historiques car le début de mise en place d'une architecture s'est déroulé aux Etats-Unis avec la création du réseau ARPANET qui mobilisait la défense américaine, les universités et les centres de recherche ; puis, pour une part, en Europe grâce aux travaux du Conseil européen pour la recherche nucléaire (CERN) et de certains ingénieurs français comme Louis Pouzin qui ont su tout à la fois faciliter la transmission d'informations avec des systèmes de circulation des données par paquets et contribuer à la mise en place des nouveaux protocoles qui sont ceux du « w.w.w. ». Le problème, c'est que cette vision de l'Internet qui s'est mise en place dans un esprit universitaire et parfois un peu libertaire - il s'agissait de mettre à disposition l'ensemble de ces évolutions et de ces éléments techniques - a été récupérée peu à peu - cela a mis 10 ou 20 ans - par des grandes entreprises de services dont la plupart sont américaines. Sur les 50 plus grandes entreprises des médias numériques, 36 sont américaines, les autres sont souvent maintenant chinoises. La position de l'Europe est très faible.
Il y a eu enfin une prise de contrôle progressive et naturelle des différents outils de la gouvernance d'Internet par les Etats-Unis. L'esprit de l'Internet a toujours été de mettre en place des structures en dehors des Etats, qui comme l' « Internet Engineering Task Force » (IETF) sont informelles. L'IETF réunit des chercheurs, des ingénieurs ; une communauté se coopte pour définir les principaux standards techniques, mais siège en ...Californie et est financée par une société dont le président fondateur est l'un des vice-présidents de ...Google. On s'aperçoit que la liberté de la communauté scientifique est encadrée ou en tout cas suivie de près par des intérêts économiques et financiers. Si on regarde la gestion des noms de domaines, c'est-à-dire de l'annuaire des adresses, l'Internet Corporation for Assigned Names and Numbers (ICANN) qui en a la charge est une société de droit américain, relevant du Département du commerce : elle est gérée par des personnalités issues du monde du web, qui ont toutes les compétences et les qualités, mais qui sont toutes cooptées. Les États sont ramenés à une intervention consultative dans ce débat à travers un comité particulier à l'influence limitée. On peut en juger par la polémique ouverte en France sur les noms de domaines concernant le vin sur laquelle l'Europe a du mal à faire passer son point de vue.
Avec la montée des enjeux, la question se pose désormais de savoir si ce mode de gouvernance qui s'est établi de façon empirique mais sous-tendu par les intérêts américains est encore tenable. On assiste depuis quelques années à une contestation de celui-ci. Cette contestation comporte deux pôles. Une contestation vient des pays les moins démocratiques mais parfois les plus puissants qui souhaitent voir la gestion du web réintégrée au sein d'un organisme comme l'Union internationale des Télécommunications (UIT) qui pourrait avoir vocation à le faire, sauf que l'ensemble du dispositif s'est construit en dehors d'elle. Cette position n'est évidemment pas celle des États-Unis ni celle de l'essentiel de la communauté de l'Internet qui considère que cela présenterait un risque pour les libertés et le fonctionnement de l'Internet, notamment de fractionnement et de prise de contrôle par les Etats les plus puissants. Ainsi la Chine a-t-elle mis en place son propre système Internet avec lequel on peut communiquer mais qui l'a autonomisé.
Les Américains, sous la pression internationale sont plus favorables à une ouverture. Ils ont fait des déclarations en ce sens pour l'ICANN, acceptant qu'elle soit sortie du droit américain mais en contrepartie de garanties comme le partage de sa gestion entre différents acteurs, laissant les États en retrait par rapport aux communautés économiques et scientifiques. Pour l'instant, on attend encore que cette évolution se concrétise.
L'objet de cette résolution, à la suite du rapport de la Mission commune d'information dont Catherine Morin-Desailly était la rapporteure, est d'encourager l'Europe à se replacer dans le débat plus global de la gouvernance du net. Elle peut jouer un rôle utile, ce qu'elle a commencé à faire, en s'opposant aux côtés des États-Unis et d'autres nations au transfert de la gouvernance à l'ONU et à la prise de contrôle par les États auxquels j'ai fait allusion, mais en résistant en même temps à la forme d'inertie que les États-Unis ont toujours manifestée dans ce domaine et en favorisant l'émergence d'une troisième voie qui consisterait pour l'essentiel en une réforme de l'ICANN avec plus de transparence, des mécanismes plus clairs de désignation de ses responsables et également une responsabilité de cette instance devant la communauté internationale du Net par la création d'une forme de Congrès mondial du Net qui existe déjà aujourd'hui : ce sont les forums mondiaux qui s'organisent de manière un peu spontanée et qui pourraient jouer un rôle plus particulier.
C'est l'idée aussi d'inviter l'Europe à porter l'idée d'un traité qui poserait les principes fondamentaux qui gouvernent le Net, à savoir sa neutralité, mais aussi sa protection en matière de sécurité des citoyens contre les ingérences des États et des services de sécurité qui pourraient être établies d'une manière internationale. Il existe aujourd'hui une convention européenne qui reprend ces éléments. On peut soit imaginer que d'autres Etats y adhèrent, soit qu'elle serve de base à l'élaboration d'un traité.
C'est l'idée qu'au regard de ces différents sujets, l'Union européenne s'exprime de façon unie et ferme. Aujourd'hui ces questions sont débattues au sein de l'Union sous un aspect technique et souvent parcellaire, sans donner lieu à l'élaboration d'une position politique suffisamment forte. Cette résolution, à quelques jours d'un Conseil des ministres « Télécommunications » sera l'occasion d'inviter notre gouvernement qui y est favorable à défendre ces principes avec d'autant plus de vigueur.
Un consensus s'était établi au sein de la mission commune d'information qui a adopté son rapport à l'unanimité, je ne peux que vous encourager à voter cette résolution avec un amendement d'ordre rédactionnel.
J'aurais souhaité amender ce projet de résolution mais je crois que nous ne sommes plus dans les délais.
Le dossier technique et le texte de la résolution sont intéressants, mais nous sommes aujourd'hui confrontés à une nouvelle difficulté qui est l'utilisation de l'Internet par les réseaux djihadistes. C'est une question importante que nous avons à traiter dans le cadre de la commission d'enquête sur l'organisation et les moyens de la lutte contre les réseaux djihadistes en France et en Europe, que je préside. Nous avons constaté à l'occasion de l'examen du projet de loi de lutte contre le terrorisme les difficultés que nous avons à légiférer dans ce domaine. J'aurais souhaité que l'on puisse aborder aussi cette question, certes périphérique, mais qui concerne la gouvernance de l'Internet, dans le texte de la résolution.
J'approuve totalement le texte de cette résolution mais cette bataille sera longue et il faudra être opiniâtre, car les Etats-Unis ne sont pas prêts à accepter de partager leur influence dans ces domaines. J'ai eu l'occasion de le constater en exerçant mes fonctions de président de la Commission nationale informatique et libertés. Le Président Obama, lorsqu'il était candidat, avait promis une réforme de l'ICANN, mais il n'y a pas eu beaucoup de progrès en la matière.
Je ne voudrais pas empiéter sur les conclusions auxquelles la commission d'enquête présidée par Mme Nathalie Goulet pourra parvenir, mais je ne crois pas que la question soit « peu ou mal traitée ». Nous sommes actuellement plutôt confrontés à des préoccupations qui sont liées à un excès d'interventions des États par rapport aux règles qui ont été fixées que le contraire.
À l'évidence, le sujet est bien de faire prévaloir dans la gouvernance de l'Internet les conceptions d'un État de droit, des valeurs que l'Europe porte à la différence des Etats-Unis, non pas qu'ils méconnaissent ces enjeux, mais ils abordent l'Internet sous l'angle de la protection des consommateurs alors que nous voulons le faire sous l'angle de la protection des citoyens avec l'ensemble des principes qui y sont attachés.
L'Union européenne a intérêt à exprimer plus fortement sa volonté, ce que le Parlement a contribué à faire puisqu'il est saisi du projet de règlement européen reprenant les règles concernant la sécurité, l'accès aux données, la protection de la vie privée. Une fois ce travail accompli, nous serons plus forts dans la négociation avec les Etats-Unis devant lesquels il faut se présenter avec des principes clairs car alors l'Europe pourra se prévaloir d'un texte ayant recueilli un accord global. L'examen a été repoussé en raison des élections et de la mise en place d'une nouvelle Commission. Il est important que l'Europe se saisisse de cette question. L'affaire Snowden a été un révélateur, notamment pour l'Allemagne qui se montre plus enthousiaste, ce dont on peut se réjouir.
Alinéa 11
La Commission est saisie d'un unique amendement présenté par le rapporteur.
Il s'agit d'une nouvelle rédaction pour l'alinéa 11, pour le rendre plus explicite.
L'amendement n°1 est adopté. Le texte est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
La proposition de résolution est adoptée à l'unanimité dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Tableau récapitulatif sur le sort des amendements
En conséquence, le rapport et la proposition de résolution que la commission vient d'adopter seront publiés et distribués.
Cette proposition deviendra résolution du Sénat au terme d'un délai de trois jours francs, sauf si le Président du Sénat, le président d'un groupe ou d'une commission permanente, le président de la commission des affaires européennes ou le Gouvernement demande, dans ce délai, qu'elle soit examinée par le Sénat.
Si dans les sept jours francs qui suivent cette demande, la Conférence des présidents ne propose pas ou le Sénat ne décide pas son inscription à l'ordre du jour, la proposition de résolution de la commission devient résolution du Sénat.
La séance est levée à 11 h 50
- Présidence de M. Jean-Pierre Raffarin, Président -
La séance est ouverte à 14h30
La commission examine le rapport pour avis de M. Yves Pozzo di Borgo et de Mme Michelle Demessine sur le programme 178 - Préparation et emploi des forces - de la mission « Défense » du projet de loi de finances pour 2015.
Michelle Demessine et moi-même sommes très heureux d'ouvrir le bal des rapports budgétaires 2015 de la mission « Défense », d'autant que nous étrennons notre nouveau costume de rapporteur du programme 178 qui regroupe, sous l'autorité du Chef d'Etat-major des armées, des crédits relatifs à la préparation et à l'emploi des forces.
De manière liminaire, il est important de préciser que la répartition par programmes des crédits de la mission « Défense » ne correspond pas nécessairement aux agrégats qu'utilise le ministère dans sa gestion. Ainsi, le programme 178 est souvent appréhendé comme celui du « maintien en condition opérationnelle », le MCO, alors que certaines dépenses du MCO sont inscrites à d'autres programmes et que le 178 regroupe de son côté des dépenses de soutien, qui relèveraient plutôt du 212.
A partir de 2015, cette difficulté est accentuée par la réforme de la gestion de la masse salariale. L'ensemble des dépenses de personnel sont dorénavant inscrites au programme 212 et réparties ensuite au sein de budgets opérationnels établis par les gestionnaires effectifs. Nos collègues Robert del Picchia et Gilbert Roger évoqueront cela lors de la présentation de leur rapport.
Une fois ces précautions énoncées, nous allons principalement nous attacher à la question de la préparation opérationnelle de nos armées et évoquer également deux sujets propres au programme : la réforme du commissariat aux armées et l'évolution du service de santé des armées.
Comme le disait le Général de Villiers devant notre commission, la préparation opérationnelle est le gage de notre réactivité et de notre efficacité ; c'est aussi, nous disait-il, l'assurance de la sécurité du personnel. Il citait l'exemple des pilotes d'hélicoptères qui doivent obligatoirement s'entraîner pour être capables de poser leur machine sur le pont d'envol d'un bateau de la marine. Il n'y a rien d'inné là-dedans !
Or, les précédentes lois de programmation militaire ont plutôt sacrifié ce poste de dépenses, ce qui a entraîné une crise de la disponibilité du matériel au début des années 2000. Dans le nouveau contexte stratégique consécutif à la fin de la Guerre froide, les crédits affectés à la maintenance des équipements avaient ainsi fortement diminué ; notre commission s'en est régulièrement fait l'écho pour le regretter.
Certes, des réformes d'organisation et de structures ont été menées pour améliorer les choses et contrecarrer la baisse des crédits, mais les performances sont restées décevantes en termes de disponibilité. C'est particulièrement vrai pour les aéronefs, dont la disponibilité, très variable selon le type d'appareil, atteignait 63 % en 2005 mais plafonnait à 40 % en 2013. Divers éléments peuvent expliquer cette évolution statistique, notamment un changement de méthode de calcul à partir de 2012.
Pour autant, selon le rapport récent de la Cour des comptes qui fait autorité en la matière - aux dires mêmes du ministre -, la dégradation a repris dans la deuxième moitié des années 2000 et touche les trois armées. Comme nous l'indiquait le Général Girier, directeur de la SIMMAD, lors de son audition, il manquait une demi-annuité au MCO aéronautique sur la dernière LPM. Même en repoussant des actions de maintenance, cela a entraîné des restes à payer importants à la fin de chaque année. En 2012, le report de charges pour le MCO aéronautique représentait 19 % des dépenses engagées dans l'année ! Depuis, ce report de charges reflue, mais son niveau n'est pas supportable sur le moyen terme.
Du côté de la flotte, la disponibilité a plutôt été redressée et, du côté des matériels terrestres, la disponibilité des matériels anciens reste insuffisante tandis que celle des matériels récents est satisfaisante.
Les problèmes de disponibilité des matériels expliquent largement le fait que l'activité opérationnelle soit restée inférieure aux objectifs. Cette activité, qui a connu une évolution globalement à la baisse dans la période récente, s'inscrit 15 % en deçà des normes reconnues par l'OTAN, chiffre que nous ont confirmé les chefs d'état-major durant les auditions.
Dans l'armée de terre, le nombre de journées de préparation et d'activité opérationnelle par homme s'est élevé à 120 en 2013 contre un objectif de 150 dans la LPM d'alors. De même pour le nombre d'heures de vol par pilote : 157 heures contre 180. Les équipages des avions de la patrouille maritime devraient réaliser 288 heures de vol en 2015 contre un objectif de 350. Dernier exemple, pour les avions de chasse, le nombre d'heures de vol devrait atteindre 150 heures en 2015 contre un objectif de 180.
Dans ce contexte tendu, la LPM a pris acte de la nécessité de faire de l'activité opérationnelle un objectif prioritaire. Le rapport annexé à la LPM avance trois explications majeures à la baisse de l'activité opérationnelle :
- la dynamique haussière des coûts d'entretien sous-tendue, d'un côté, par le vieillissement des parcs et, de l'autre, par l'arrivée de matériels de nouvelle génération au coût d'entretien plus élevé.
Il s'agit en particulier de l'effet « baignoire », ou de la courbe en U, que nos collègues Gilbert Roger et André Dulait évoquaient régulièrement lorsqu'ils présentaient ce rapport : un matériel récent coûte cher à entretenir pour des raisons technologiques et nous avons maintenu longtemps en service des parcs vieillissants qui coûtent aussi très cher à entretenir ;
- deuxième explication, une hausse du coût des facteurs de production plus rapide que l'inflation ;
- troisième explication, une dégradation du niveau des stocks de pièces de rechange dans lesquels les armées ont puisé durant tant d'années pour faire face aux urgences.
La LPM fixe comme « priorité forte » l'inversion de cette tendance. A cette fin, les crédits consacrés à l'entretien programmé des matériels (EPM) progresseront en moyenne de 4,3 % par an en valeur pour s'établir à un niveau moyen de 3,4 milliards d'euros courants par an sur la période.
L'EPM, que je viens de mentionner, représente un peu plus de la moitié du MCO et une part importante du programme 178 (44 % en 2015). Il correspond aux achats de prestations et de pièces de rechange auprès des fournisseurs publics ou privés. Le MCO est également constitué de la masse salariale attachée à l'entretien et à la maintenance, qui en représente environ 40 % du coût total, et de dépenses d'investissement et d'entretien des infrastructures, qui représentent moins de 5 % de la dépense totale du MCO. Comme nous l'avons indiqué au début de notre rapport, les crédits de personnel sont dorénavant inscrits au programme 212 même s'ils sont « fléchés » par fonction.
En cohérence avec la LPM, les crédits de paiement de l'entretien programmé du matériel sont fixés à 3,2 milliards d'euros dans le PLF pour 2015, ce qui représente une progression en pourcentage de 4,4 %.
Dans le détail, les évolutions sont variées selon les armées, elles dépendent en particulier des cycles d'entretien de certains matériels : +8,3 % en crédits de paiement pour les forces terrestres, +1,1 % pour les forces navales et +5,4 % pour les forces aériennes. Les forces navales paraissent moins bien loties en 2015 mais elles connaîtront une « bosse » de paiement autour de 2017 avec la période d'arrêt du porte-avions.
Il faut également souligner que les autorisations d'engagement, qui permettent de lancer des opérations pluriannuelles, bondissent de 35 % en 2015, elles passent de 3,4 milliards à 4,7 milliards. Cette évolution est prometteuse, mais nous devrons être attentifs à ce que les crédits de paiement soient suffisamment approvisionnés dans les années à venir pour y faire face.
Cette différence conséquente entre les engagements et les paiements nous montre, s'il en était besoin, le décalage qu'il peut exister entre un effort budgétaire et sa concrétisation sur le terrain. Qui plus est, la progression des dépenses doit d'abord permettre de « se remettre à niveau » après des années de vaches maigres. De ce fait, cet effort ne se fera réellement sentir sur les indicateurs d'activité opérationnelle qu'au mieux à partir de 2016. Selon les estimations, il ne permettra en lui-même que de stabiliser les indicateurs sur le court terme.
Pour les améliorer, il faut donc des réformes structurelles et le ministère a lancé à cet égard trois chantiers d'optimisation touchant le maintien en condition des matériels :
- la poursuite de la rationalisation de l'organisation, selon une logique de délégation des responsabilités par milieu et non par armée.
Une telle organisation est particulièrement importante pour l'aéronautique puisque les matériels sont répartis entre les trois armées à un niveau bien supérieur aux autres matériels : l'armée de l'air dispose de 56 % des aéronefs mais la marine de 16 % et l'armée de terre de 28 %. Au printemps dernier, le ministre et le chef d'état-major des armées ont, en quelque sorte, parachevé le processus engagé en 2000 avec la création de la SIMMAD et ils ont confié la responsabilité du MCO aéronautique au chef d'état-major de l'armée de l'air. Cette mise en cohérence des liens hiérarchiques et fonctionnels devrait fluidifier la chaine de décision et éviter le fonctionnement par silos qui existait auparavant ;
- deuxième chantier d'optimisation, l'amélioration de la performance contractuelle. Les trois maîtres d'ouvrage délégués (SIMMAD, SIMMT pour le terrestre, SSF pour le maritime) ont engagé une revue générale de l'ensemble de leurs contrats ;
- enfin troisième chantier, la rénovation de la chaîne du soutien qui vise à optimiser la logistique et les approvisionnements des armées. Cette réforme, appelée « supply chain », passe notamment par la création de « hubs » logistiques permettant une gestion moderne des pièces de rechange qui doivent, demain, se trouver au bon endroit au bon moment.
On peut également mentionner, dans ces différents chantiers, la clarification des relations avec la DGA : celle-ci a en effet un rôle premier dans le MCO en tant qu'elle conçoit et commande le matériel. Le plus souvent, le MCO dit « initial », c'est-à-dire pour les premières années de la vie d'un matériel, relève d'ailleurs du programme 146 géré par la DGA. Les différentes structures du MCO sont maintenant intégrées plus en amont dans les équipes qui travaillent à la définition d'un nouveau matériel pour bien prendre en compte, dès cet instant, les impératifs ultérieurs d'entretien et de maintenance.
En ce qui concerne la préparation opérationnelle, nous souhaitons conclure par deux réflexions transversales. Nous souhaitons mettre l'accent sur les Opex et les contraintes qu'elles font peser sur l'activité opérationnelle.
Remarque liminaire essentielle : nous avons évoqué le fait que, globalement, la préparation opérationnelle est inférieure aux objectifs mais nos armées nous ont prouvé que, malgré cette situation particulièrement difficile, elles pouvaient être envoyées sur des théâtres d'opérations extérieures variés et dans des conditions difficiles, par exemple en termes de délai, et y remplir pleinement leurs missions. Jugée à l'aune des Opex, la qualité de la préparation opérationnelle est donc tout à fait satisfaisante.
En ce qui concerne plus directement le maintien en condition opérationnelle, la multiplication et l'intensité des Opex ont des répercussions évidentes, par exemple sur les flux logistiques en métropole.
En outre, au-delà des dommages causés par les combats sur les matériels, leur usure est nettement supérieure en opération qu'en métropole, notamment lorsqu'ils sont utilisés dans des milieux abrasifs comme dans le désert. Le chef d'état-major de l'armée de terre nous a donné l'exemple des VAB qui, en presque deux ans d'emploi dans le désert malien, présentent les mêmes symptômes de fatigue et le même taux d'usure que ceux utilisés durant dix ans en Afghanistan ! Pour lui, la disponibilité des parcs terrestres et aéroterrestres restera encore contrainte en 2015 et en 2016, en partie du fait que les crédits d'EPM couvrent à la fois les coûts d'entretien des équipements utilisés en métropole dans le cadre de la préparation opérationnelle et les coûts d'entretien des matériels employés en opération. Or, l'enchaînement des engagements et les conditions d'emploi extrêmes soumettent les matériels à des taux d'usure hors norme et les chaînes logistiques à des distorsions importantes.
En outre, cette surutilisation des matériels et leur usure particulière fragilisent d'autant les missions de nos armées en métropole, ce qui peut affecter leurs missions intérieures.
Pour toutes ces raisons, il sera nécessaire que nous réfléchissions plus avant sur l'impact des Opex sur le maintien en condition opérationnelle et sur la prise en compte de ce sujet au moment de la décision de lancer une opération.
Deuxième élément transversal que nous souhaitons aborder : le principe de différenciation. Dans les années 2000, la disponibilité insuffisante des matériels a contraint nos armées à modifier leur approche : les matériels doivent dorénavant être suffisamment disponibles au bon endroit et au bon moment.
Ainsi, dans l'armée de l'air, l'activité générée depuis 2012 ne permet plus d'entretenir l'ensemble des compétences à hauteur des exigences des contrats opérationnels tout en assurant la formation des équipages les plus jeunes. Pour l'instant, un équilibre fragile est maintenu en privilégiant l'entretien des compétences les plus complexes par un nombre très restreint d'équipages.
La LPM a entériné l'application du principe de différenciation à l'activité et à l'entraînement. Il doit permettre à chacune des armées de tirer le meilleur parti de leurs ressources en distinguant un ensemble de forces de coercition aptes à s'engager sous faible préavis contre un adversaire du meilleur niveau et des forces à même de prendre part à des opérations de gestion de crise dans la durée, dont l'entraînement, au-delà d'un socle commun, est ciblé et modulé en fonction de la variété des missions.
Nous devons veiller à ce que, dans une période d'engagements intenses, le principe de différenciation ne fige pas l'écart qui existe entre les équipages ou les équipes.
Au-delà de la préparation opérationnelle, le programme 178 contient plusieurs postes de crédits relatifs à des fonctions de soutien : la planification des moyens et la conduite des opérations, la fonction pétrolière, le soutien des forces par les bases de défense ou le service interarmées des munitions. Nous ne pourrons évoquer ces aspects cette année par manque de temps, mais l'Amiral Rogel nous a mis en avant l'importance de ces postes budgétaires, par exemple ce qui touche aux carburants et aux munitions.
Mais nous souhaitons évoquer deux services en particulier. Tout d'abord, le service du commissariat aux armées (SCA). Créé le 1er janvier 2010, le SCA est le service d'administration générale des armées ; il est chargé des achats pour la vie courante et le transport des forces, ainsi que de l'exécution des dépenses relevant du soutien commun (soutien de l'homme, restauration, achats, finances, contrôle interne comptable, droits financiers individuels et soutien juridique...).
Depuis 2013, le SCA met en pratique la logique dite « de bout en bout » qui permet de mettre en place une chaîne de soutien continue, de la conception à la fourniture des prestations. Pour cela, le service fonctionne dorénavant selon une logique de filière (restauration-hôtellerie-hébergement-loisirs, habillement, soutien de l'homme, formation, assistance juridique...) et non plus territoriale. En conséquence, depuis le 1er septembre 2014, les groupements de soutien de base de défense sont hiérarchiquement rattachés au SCA.
Le SCA devient donc le service unique (interarmées) de soutien en appui des bases de défense, qui deviennent l'échelon de proximité. Du fait de ce regroupement de dépenses, les crédits de paiement du SCA sur le programme 178 passent de 26 millions en 2014 à 206 millions en 2015 mais il s'agit, je vous rassure, d'une opération comptable.
Plus sérieusement, notre commission restera très attentive aux conditions de vie de nos soldats, qui ont fait l'objet de rallonges budgétaires absolument indispensables en 2013.
Deuxième service avant de conclure notre rapport : le service de santé des armées (SSA). Prenant ses racines dès la fin du XVIIe siècle, le SSA emploie aujourd'hui environ 16 000 personnes, dont 11 000 militaires et 5 000 civils. Ses ressources atteignent 1,5 milliard d'euros par an dont 63 % en provenance du budget de l'Etat et 37 % de recettes extrabudgétaires (remboursements de l'assurance maladie, participation des patients...).
Il faut bien avoir conscience que la France est aujourd'hui l'un des rares pays, avec les Etats-Unis, à être capable de mettre en place une chaîne complète de santé au profit des troupes engagées, allant des zones de combat jusqu'au rapatriement dans un hôpital militaire. Certains pays sont performants pour une partie de cette chaîne, par exemple les Allemands sur les évacuations et le ravitaillement, mais aucun Européen ne peut faire ce que fait le SSA. Ceci permet notamment à notre pays, ce qui est essentiel et tout à fait spécifique, d'entrer en premier et rapidement sur un théâtre d'opérations.
A la croisée du monde de la défense et de la santé, le SSA a été touché depuis une vingtaine d'années par les changements profonds de ces deux mondes : côté défense, l'évolution du cadre stratégique post-Guerre froide et la fin de la conscription ; côté santé, l'application de la tarification à l'activité à l'hôpital, la technicisation et l'application de procédures médicales strictes, ainsi que l'organisation régionale des soins via les agences régionales de santé (ARS).
En outre, n'oublions pas qu'auparavant les familles de militaires se rendaient dans les hôpitaux militaires, ce qu'elles font de plus en plus rarement au regard du développement des structures civiles et de la mise en place de réseaux de soins auxquels le SSA s'est faiblement joint.
La loi de programmation militaire a pris acte de la nécessité de faire évoluer le soutien santé aux armées, et un nouveau projet de service « SSA 2020 » a été adopté il y a un an. Il consiste à recentrer le SSA sur les besoins opérationnels des armées et de rééquilibrer les activités au profit de la médecine dite de premier recours, l'équivalent du généraliste en ville. Dans une enveloppe financière contrainte, l'hospitalisation avait eu tendance à prendre une place de plus en plus importante, sans pour autant répondre nécessairement aux besoins opérationnels des armées.
C'est pourquoi le nouveau projet de service entend mettre fin à l'isolement du SSA et l'adapter aux contraintes actuelles. Ainsi, sur les 9 hôpitaux militaires qui sont tous de petites structures au regard des autres hôpitaux français, 4 seront regroupés en plateformes hospitalières à même de soutenir les besoins des armées en opération : une plateforme en Ile-de-France avec Bégin à Saint-Mandé et Percy à Clamart ; une plateforme en région PACA avec Sainte-Anne à Toulon et Laveran à Marseille. Quatre autres hôpitaux militaires (Brest, Bordeaux, Metz et Lyon) seront moins militarisés et assureront la régénération du contrat opérationnel. Ils noueront des partenariats étroits avec les ARS et les autres acteurs du monde de la santé pour mieux s'intégrer à l'offre de soins sur leur territoire.
Nous en arrivons donc à la question du 9e de ces hôpitaux, le Val-de-Grâce. Ouvert en 1979 et ayant subi peu de travaux depuis lors, il nécessiterait de très importants investissements pour respecter les normes de sécurité incendie et donc tout simplement pour recevoir des patients. En outre, ses activités ne sont que partiellement tournées aujourd'hui vers les besoins opérationnels des forces, puisqu'il ne dispose ni d'un service d'urgences, ni de traumatologie orthopédique. Qui plus est, l'offre de soins dans ce secteur de Paris est largement suffisante pour faire face aux besoins de la population.
La fermeture progressive du Val-de-Grâce permettra aussi de renforcer les deux autres hôpitaux franciliens, en particulier en équipes soignantes. Cela implique de mettre en place très rapidement un plan de redéploiement des personnels avec un phasage précis. Surtout, ce plan doit être établi en concertation avec les personnels concernés. Or, on constate plutôt, dans toute cette opération, un déficit d'information, de concertation interne et de dialogue, qui sont pourtant des éléments indispensables à la bonne mise en place d'une réforme de ce type.
Par ailleurs, on semble s'orienter vers le maintien, dans les locaux historiques, de plusieurs directions du SSA, notamment le musée, la bibliothèque et l'école du Val-de-Grâce, qui constituent des symboles forts pour le service de santé des armées et les armées en général. Restera la question du bâtiment actuel de l'hôpital qui date des années 70. Devrions-nous utiliser ce bâtiment pour combler certains déficits propres au centre de Paris, comme par exemple le transformer en résidence universitaire ? La structure du bâtiment actuel semble compatible avec une telle utilisation. Nous devons en tout cas mettre en oeuvre une réflexion collective pour trouver ensemble le meilleur usage à ce terrain situé en plein coeur de Paris.
En conclusion, et pour revenir à la question de la préparation opérationnelle, au coeur du programme 178, le PLF pour 2015 est conforme aux engagements de la loi de programmation militaire : l'entretien programmé des matériels progresse sensiblement (+4,4 %).
Cette progression ne fera cependant sentir ses effets que dans le temps, en raison des retards pris ces dernières années qui ont eu des impacts sur le niveau et la qualité des matériels et des stocks.
Même avec une progression aussi dynamique, les armées n'anticipent, pour les premières années, qu'une stabilisation de l'activité, ce qui justifie pleinement la nécessité de conduire parallèlement des réformes de structure pour tendre vers une amélioration de la préparation opérationnelle qui constitue - je le rappelle - un gage d'efficacité et de sécurité.
Comme nous l'avons indiqué, les faiblesses de cette préparation qui pèsent sur nos troupes ne les ont pas empêchées de remplir leurs missions en Opex, opérations qui se sont pourtant intensifiées ces dernières années. Il n'est pas certain que le calibrage de la LPM en termes d'entretien des matériels tenait compte de ce niveau d'Opex. C'est ce sur quoi nous devons rester vigilants pour l'avenir.
Dans les documents que vous nous avez fait distribuer, il est inscrit un montant de 280 millions d'euros pour les Opex. Est-ce que cela correspond à la réalité ?
La loi de finances initiale prévoit un montant total de 450 millions, dont 280 millions sur le programme 178 au titre du matériel et 170 millions sur le programme 212 au titre du personnel.
Nous sommes confrontés à une forme de paradoxe : inscrire la réalité des chiffres dès la loi de finances initiale risquerait de peser sur le budget du ministère de la défense. Nous savons bien que les Opex sont systématiquement sous-évaluées. Mais rappelez-vous qu'il y a encore quelques années, absolument aucun crédit n'était prévu en début d'année pour les Opex et que nous devions tous les ans improviser...
Mon analyse est peut-être plus rustique mais j'estime que nous devons afficher un chiffre réel car il est inacceptable que les Opex, qui intéressent l'ensemble des pays européens, soient financées uniquement par la France !
Partager la charge au sein du budget de l'Etat est un objectif accessible, nous le faisons. Partager la charge au sein de l'Union européenne relève plutôt du souhaitable... En même temps, cela aurait pour conséquence de partager la décision politique et stratégique de lancer une opération, ce qui pourrait remettre en cause notre indépendance. Je fais confiance aux autorités françaises, quelles qu'elles soient, pour présenter, lors des discussions européennes ou bilatérales, l'ensemble de l'effort de la Nation.
Sur les Opex, soyons clairs ! Autrefois, il n'y avait aucun financement en loi de finances initiale. La LPM a prévu un financement minimal, ce qui est une avancée que nous avions réclamée. Mais elle a volontairement sous-évalué leur niveau et, comme le disait le Président à l'instant, le ministère de la défense n'a aucun intérêt à l'inscrire dès la LFI. Le montant de 450 millions ne sort tout de même pas de nulle part ; il a été calculé en se basant sur les opérations d'alors et surtout en programmant la fin de l'opération en Afghanistan. Depuis, il y a eu le Mali, la RCA et maintenant l'Irak. On ne peut donc pas dire que l'inscription en LFI est insincère comme semble le dire notre collègue rapporteur de la commission des finances.
En ce qui concerne le programme 178, il perd beaucoup de crédits en 2015 mais cela correspond au transfert comptable de la masse salariale sur le programme 212, comme le montrent les tableaux que vous nous présentez.
En faisant abstraction de ce changement de maquette budgétaire, on doit saluer l'évolution de ce programme, qui rompt avec les années passées où les dépenses de maintenance baissaient constamment. La tentation de retarder l'entretien du matériel est une facilité en période tendue mais c'est la qualité qui en pâtit. D'autres pays sont aux prises avec les mêmes difficultés. La LPM et ce PLF brisent ce cercle vicieux, il faut s'en féliciter.
Il existe aussi des marges de progression dans la réorganisation : par exemple, l'interarmisation doit nous rendre plus efficaces. C'est tout le chantier qui a été lancé avec la SIMMAD, le SIAé ou le commissariat aux armées. Une réflexion doit se faire sur le partage entre les industries privées et étatiques ; c'est naturellement un débat idéologique mais il a des répercussions économiques importantes.
Vous avez indiqué que le MCO devait être pris en compte au moment de la décision de lancer une Opex. Cela me paraît compliqué. Qu'entendiez-vous par là ?
Il s'agit de prendre en compte cette problématique et d'organiser les conséquences d'une Opex sur le MCO. Les Opex sont par principe prioritaires, tant en termes de personnels que de matériels, ce qui a des répercussions sur les missions intérieures (protection du territoire, entraînement...) et peut les fragiliser. Il nous semble indispensable d'avoir cela en tête.
L'entretien et la maintenance des matériels nécessitent des compétences qui ne sont pas seulement militaires et qu'il est très important de préserver au sein de nos armées. Or parfois, l'éducation nationale arrête des formations qui sont pourtant importantes, je pense par exemple au métier de chaudronnier pour la marine.
La situation est parfois incroyable : des militaires sont obligés et réussissent à créer des pièces qui n'existent plus par ailleurs et qui sont pourtant indispensables pour faire tourner un navire ou un avion. Cette capacité formidable ne doit cependant pas justifier le maintien en activité de matériels hors d'âge ! Rappelez-vous que les premiers modèles réduits des hélicoptères Alouette étaient vendus en anciens francs...
Sur le service de santé des armées également, la diversité des métiers est très importante. Et il faut être attentif car fermer un hôpital militaire entraîne des conséquences en termes de recrutement des personnels.
Il existe en effet un débat, ancien, mais qui se tend peut-être avec les restrictions budgétaires, entre le service public et les industries privées. Nous souhaitons travailler plus avant sur ce sujet : quelle répartition des contrats ? Comment assurer un plan de charges satisfaisant ? etc... Nous sommes confrontés au problème de la durée de vie des matériels : au bout d'un certain nombre d'années, les industriels n'assurent plus le suivi de leurs produits alors que l'armée les utilise toujours, et parfois pour encore un moment...
On peut dire que la DGA connaît une certaine « révolution culturelle » en intégrant mieux les contraintes futures du MCO dans la conception et le développement des nouveaux matériels.
Sur le SSA, la réforme proposée me semble aller dans le bon sens pour sauver ce service, ce qui doit être l'un de nos objectifs. Le service était trop coupé des acteurs civils de la santé. Heureusement, depuis quelque temps, un dialogue existe avec le ministère de la santé, ce qui est un progrès indéniable.
Mais cette décision de conserver une partie de la parcelle ne constitue-t-elle pas une demi-mesure ? N'aurions-nous pas intérêt à maximiser les économies possibles en la matière, voire à trouver des recettes complémentaires ?
C'est exactement la remarque que je me suis faite au début de nos travaux. J'ai évolué. Les armées fournissent déjà depuis de nombreuses années d'énormes efforts et ce serait un choc psychologique supplémentaire d'abandonner totalement ce lieu. L'école du Val-de-Grâce notamment constitue un point d'équilibre, un symbole, qu'il pourrait être contre-productif de déplacer : certains personnels pourraient alors décider de quitter le SSA, ce qui constituerait une perte de compétences.
Pour le bâtiment moderne, il s'agit d'abord d'un problème de mise aux normes : continuer à accueillir du public représenterait un investissement très coûteux. Pour autant, le « Val » a une valeur symbolique forte pour les armées et nous devons d'abord faire accepter la réforme.
La question des Opex revient régulièrement dans nos débats et crée tous les ans une incompréhension dans le public et les media. Ne serait-il pas plus intéressant de créer une mission spécifique du budget de l'Etat consacrée aux Opex ? C'est une décision du Gouvernement mais cela permettrait peut-être d'éviter les acrobaties budgétaires que nous connaissons aujourd'hui.
Mais toute la mission Défense participe aux Opex ! On ne peut découper cela en deux.
Il est vrai que les Opex n'entrent pas aisément dans l'esprit de la LOLF... Elles ne sont guère prévisibles ! Mais ce ne serait pas non plus très cohérent de créer une mission dédiée à côté de celle de la défense.
Le coût d'entretien des matériels nouveaux est souvent élevé car ces produits font appel à beaucoup de technologie. Et en même temps, celui des matériels anciens est également élevé du fait de leur vétusté...
D'ailleurs, des réflexions sont aujourd'hui menées pour appréhender la question en termes de « coût de possession », pas seulement en termes de coûts d'acquisition. Il y a quelques années, une étude avait révélé que, pour un matériel aéronautique qui coûtait un euro à l'achat, on dépensait deux euros d'entretien ! Une récente étude du Sénat américain montre que ce ratio a beaucoup augmenté avec le niveau de technologie puisqu'il s'élèverait pour les F-35 à 1 pour 4 ou 5. Ce phénomène peut d'ailleurs contribuer à expliquer l'indisponibilité de certains de nos matériels récents.
Je suis très heureux que vous ayez abordé la question de la différenciation qui a fait l'objet d'un véritable débat lors de la préparation du Livre blanc en 2013. Elle permet, dans un contexte budgétaire contraint, de garder un total d'effectifs à un niveau acceptable. En même temps, il faut bien reconnaître que tous les soldats n'ont pas besoin de savoir sauter en parachute dans telle ou telle condition extrême ; il est logique de dimensionner les capacités aux besoins opérationnels.
La réunion est levée à 15 h 40.