Mon rapport porte sur les crédits du programme 149 consacré à la forêt, ainsi que ceux du CASDAR.
Avec près de 16 millions d'hectares soit 30 % de la surface de la France hexagonale, la forêt joue un rôle essentiel dans notre paysage. Elle joue aussi un rôle économique important dans les territoires, avec 450 000 emplois liés au bois et à la forêt, une production d'un peu moins de 36 millions de m3 de bois toutes essences confondues et un chiffre d'affaires de la filière forêt/bois d'environ 60 milliards d'euros par an. Or, la forêt française souffre de deux maux : d'abord une exploitation qui reste insuffisante, ensuite une faiblesse majeure à l'aval de la filière, dans la transformation : en témoigne le déficit de notre balance extérieure, de l'ordre de 5,6 milliards d'euros par an. Le développement des outils industriels de transformation et de valorisation du bois constitue un axe majeur pour la filière bois, qui nécessite des investissements importants.
En outre, les tempêtes de 1999 et 2009 ont perturbé le bon fonctionnement de la production forestière. Le nettoyage des parcelles et les nouvelles plantations ont pesé lourd sur le plan budgétaire, avec des crédits en faveur de la forêt qui ont pu atteindre plus de 400 millions d'euros dans le budget 2003 et environ 370 millions d'euros en 2010.
Rien de tel dans le budget 2014 : le programme 149 descend à son étiage le plus bas depuis plus de dix ans en passant nettement sous la barre des 300 millions d'euros : la baisse en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement est de l'ordre de 12 %. Il n'y a plus que 279 millions d'euros en autorisations d'engagement, contre 320 en 2014 et 291 en 2013, et 297 millions d'euros en crédits de paiement, contre 338 en 2014 et 315 en 2013.
Au-delà des chiffres, le programme sur la forêt appelle trois remarques. Tout d'abord, la subvention à l'Office national des forêts (ONF) représente les deux tiers des crédits du programme avec 194 millions d'euros inscrits pour 2015. C'est 22 millions d'euros de moins qu'en 2014. La légère amélioration de la situation financière de l'Office en 2014, qui devrait équilibrer son budget en charges et produits à 840 millions d'euros, lui permet de supporter un tel effort, et d'éviter de demander celui-ci aux communes forestières, qui en refusaient fermement la perspective, après avoir déjà été mises à contribution les années précédentes. Pour autant, l'Office reste fragile. Il a perdu 20 % de ses effectifs en 15 ans et compte désormais environ 9 000 agents. L'ONF reste un acteur majeur et bien structuré de la mobilisation du bois qu'il ne faudrait pas désespérer, alors que des efforts considérables ont été entrepris dans le cadre du contrat d'objectifs et de performances (COP) pour 2012-2016. Une grande vigilance est donc nécessaire dans la négociation du nouveau COP, car toute réduction supplémentaire des effectifs se traduirait nécessairement par des coupes dans le maillage territorial.
La baisse des crédits forestiers s'explique aussi par une économie ponctuelle, consistant à ne pas doter en 2015 le Centre national de la propriété forestière (CNPF), alors qu'une subvention de 16 millions d'euros avait été inscrite en 2014. Il est demandé au CNPF de vivre en 2015 sur sa trésorerie, qui est, il est vrai, abondante, puisqu'elle représente 7 mois de fonctionnement. Cependant, il existe un réel risque de mettre en difficulté le CNPF, à l'heure où ses techniciens sont appelés à accroître la mobilisation du bois en forêt privée. Le Gouvernement prend ici un réel risque pour la politique forestière.
Enfin, si les autres lignes de crédit du programme, comme la restauration des terrains de montagne, défense des forêts contre l'incendie, ou le nettoyage suite à la tempête Klaus sont stables en 2015 par rapport à 2014, une dernière inquiétude concerne le fonds stratégique de la forêt et du bois. Innovation du budget 2014, ce fonds est appelé à favoriser l'investissement de la filière bois, pour accompagner sa montée en gamme. Or, ses crédits baissent dès cette année, de 21,6 millions d'euros à 18,9 millions d'euros en crédits de paiement. D'autres ressources doivent venir abonder le fond : la taxe additionnelle sur le foncier non bâti qui finance actuellement les plans pluriannuels régionaux de développement forestier (PPRDF) pour 3,8 millions d'euros, ainsi que la nouvelle taxe de défrichement pour 18 millions d'euros. Mais cela semble insuffisant : d'abord parce que la taxe additionnelle, qui était perçue par les chambres d'agriculture, doit continuer à être utilisée pour animer les PPRDF, faute de quoi tout le travail autour de la forêt lancé par les chambres restera lettre morte. Ensuite parce que la taxe de défrichement montera probablement en puissance très progressivement. Nous sommes en tout état de cause loin des 150 millions d'euros par an que les professionnels du bois estiment nécessaires pour disposer d'un fonds stratégique puissant.
Concernant le CASDAR, des innovations sont enregistrées en 2015. Ce compte est aujourd'hui alimenté par 85 % du produit de la taxe sur le chiffre d'affaires des exploitants agricoles. L'article 25 du projet de loi de finances prévoit d'affecter la totalité du produit de la taxe au CASDAR, soit une recette de 22 millions d'euros supplémentaires. Après une forte hausse des recettes en 2014 de 115 à 125,5 millions d'euros provenant d'une meilleure conjoncture agricole que prévue, la recette totale pour 2015 grimpe à 147,5 millions d'euros, un record historique.
Les dépenses du CASDAR sont réparties en deux programmes : le programme 775 finance la politique d'orientation et de soutien des structures chargées du conseil et de l'appui technique aux agriculteurs : les chambres d'agriculture, les coopératives agricoles, les organismes chargés de la sélection génétique des animaux d'élevage et certains organismes nationaux à vocation agricole et rurale (ONVAR). Sa dotation passe de 57 millions d'euros en 2014 à 70,5 millions d'euros en 2015. Le programme 776 « Recherche appliquée et innovation en agriculture » finance pour sa part les actions de recherche des instituts techniques agricoles (ITA) relevant du réseau de de l'association de coordination technique agricole (ACTA) et les appels à projets de recherche. Après une augmentation de presque 13 millions d'euros en 2014, le programme enregistre une nouvelle hausse de crédits de 9 millions d'euros en 2015 pour s'établir à presque 77 millions d'euros. Nous pourrions nous réjouir d'une telle progression. Pourtant, la progression des moyens pour le CASDAR est largement en trompe-l'oeil, car l'essentiel de la hausse sert à compenser la perte de crédits budgétaires en provenance du programme 154 pour FranceAgrimer : une ligne nouvelle de 10 millions d'euros permettra à FranceAgrimer de mener des programmes d'assistance technique au profit des agriculteurs ; et le programme d'expérimentation de FranceAgrimer est majoré de 8 millions d'euros, avec une enveloppe de 18 millions d'euros.
Au final, l'augmentation réelle des moyens du CASDAR est limitée : 1,6 millions d'euros de plus pour le programme de développement des organismes nationaux à vocation agricole et rurale, 1 million d'euros de plus pour les appels à projet, notamment en faveur de l'agro-écologie, et un nouveau programme régionalisé d'animation pour l'agriculture biologique doté de 2,1 millions d'euros. Il n'est pas certain que cela suffise à atteindre l'objectif de 50 % d'exploitations en agro-écologie d'ici 5 ans, comme le souhaite le ministre de l'agriculture.
Le financement sur ressources du CASDAR et non plus sur crédits budgétaires est plus fragile, puisqu'en cas de dégradation de la conjoncture, les recettes baissent et les dépenses devront être réduites à due concurrence. Le produit du CASDAR est meilleur quand les années sont bonnes. Quand ce n'est pas le cas, il faut imaginer des solutions de remplacement. En outre, FranceAgrimer perd en souplesse d'utilisation de ses crédits d'intervention, puisque l'établissement devra respecter les critères du CASDAR et n'aura pas la libre disposition des fonds. L'augmentation des crédits du CASDAR est donc réelle, mais limitée. En tout état de cause, il convient de rester vigilant sur le niveau réel des recettes qui seront encaissées en 2015.
Les conditions d'application en France de la directive nitrates font naître des inquiétudes importantes chez les agriculteurs, en particulier les éleveurs.
Certes, la France a été condamnée au niveau européen pour mauvaise application de la directive nitrates, et les pénalités pour manquement sont importantes. Cela justifie de rechercher une meilleure application de la directive nitrates, mais en étant raisonnables :
Je considère que le nouveau zonage est trop extensif : en fixant le seuil à 18 mg/litre d'eau, chiffre qui n'a pas de base scientifique sérieuse, et en imposant une application des plans d'action au niveau des communes, 3 900 communes et 63 000 exploitations supplémentaires sont concernées, particulièrement en Midi-Pyrénées, Centre, Limousin et Pays-de-la-Loire.
Les mesures du plan d'action sont également trop contraignantes : construire des dizaines de milliers de dalles de béton en pleine campagne pour stocker du lisier constitue-t-il un progrès environnemental ? Probablement pas. Le ministre de l'agriculture a indiqué en audition qu'il faudrait obtenir des assouplissements, comme par exemple la possibilité de stocker du fumier pailleux au champ ou encore d'épandre sur des surfaces en pente de plus de 5 %, dès lors qu'il n'y a pas de cours d'eau en contrebas. Espérons que de telles mesures seront acceptées à Bruxelles.
La réforme de la PAC est sensée favoriser l'élevage, qui est, il est vrai, le maillon le plus fragile de la ferme France. Il serait scandaleux que la directive nitrate vienne décourager les éleveurs, en particulier dans les zones intermédiaires, alors même que les modalités d'application de la nouvelle PAC annoncées l'année dernière à Cournon par le Président de la République visent précisément à favoriser l'élevage, notamment à travers une fusion de l'indemnité compensatrice de handicap naturel (ICHN) et de l'ancienne prime herbagère agro-environnementale (PHAE) dans une ICHN majorée de 15 % en 2014 et de 70 € par hectare en moyenne en 2015.
Il restera à être vigilants lorsque le zonage de l'ICHN devra être redéfini à partir de 2018, pour ne pas risquer de voir les zones intermédiaires privées de cette aide indispensable.
J'émets ainsi en ma qualité de rapporteur un avis de sagesse à l'adoption des crédits de la mission : « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et des crédits du compte d'affectation spéciale « développement agricole et rural ».
Je souhaite en outre que plusieurs amendements soient adoptés, en particulier un amendement prolongeant de 2014 à 2017 le crédit d'impôt en faveur du maintien de l'agriculture biologique. De même, les amendements déposés concernant les chambres d'agriculture doivent être adoptés pour éviter que celles-ci subissent une ponction trop forte sur leurs ressources. L'amendement majorant les crédits sur l'assurance-récolte n'est pas anecdotique car il s'agit d'un sujet fondamental pour les agriculteurs, qui ne s'assurent pas car l'assurance est considérée comme trop chère.