Intervention de Gérard Rameix

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 1er juillet 2014 : 1ère réunion
Remise du rapport annuel de l'amf — Audition de M. Gérard Rameix président de l'autorité des marchés amf

Gérard Rameix, président de l'AMF :

Elle trancherait le noeud, en transposant les règles de l'offre publique d'achat à ces opérations. L'AMF a mis en place un groupe de travail sur ce sujet qui demandera l'arbitrage des pouvoirs publics sur les différentes solutions envisagées. Nous comparons les solutions appliquées dans divers pays.

Les équipes de l'AMF, en collaboration avec Bercy, passent beaucoup de temps à élaborer les règles d'application, les standards ou les guidelines pour construire patiemment un système financier européen plus sûr. Je suis plus optimiste qu'il y a quelques mois. Même si nous sommes traditionnellement minoritaires face à nos amis anglais plus influents sur la question, nous avons marqué des points sur un certain nombre de sujets - la négociation des textes européens MIF II, EMIR, la régulation du trading haute fréquence. Nous veillerons à ce que les textes ne donnent pas lieu à des interprétations différentes en termes de pratiques, et cela afin de favoriser les conditions d'une concurrence loyale, selon le fameux principe du level playing field. Les événements nous ont donné raison sur la nécessité de réguler le trading haute fréquence.

Concernant la sécurité du système, il serait faux de penser que tous les efforts produits depuis la faillite de Lehman Brothers n'ont servi à rien. Le système est plus sûr (nous partions de loin) mais il ne le sera réellement que lorsque prendra fin l'exception actuelle : des taux d'intérêt extrêmement bas, intenables à terme, et des injections de liquidités massives aux États-Unis, en Grande-Bretagne et en Europe continentale. Entre le risque de déflation et celui d'une prochaine bulle, la voie est étroite, d'autant qu'il ne faut ni provoquer de krach obligataire, ni casser le début de croissance qui existe dans certains pays. La question dépasse le cadre strictement français.

À court terme, le secteur bancaire est dans un processus vertueux qui doit aboutir à l'unification, dans la zone euro, de la régulation prudentielle bancaire sous l'égide de la Banque centrale européenne. Néanmoins, l'étape indispensable de l'asset quality review, qui consiste à ausculter les actifs bancaires, inquiète les régulateurs du marché qui craignent les dérapages liés à ce type d'opération - effets de rumeur sur le niveau de provisionnement exigé par les experts, etc. Le gouverneur de la Banque de France, Christian Noyer, se veut rassurant, car notre système est solide.

Mon prédécesseur avait convaincu le Parlement et le Gouvernement de soutenir un projet ambitieux pour l'AMF en augmentant l'ancienneté des agents et leur nombre. Le financement accordé avait été sous-évalué à dessein, pour que nous résorbions notre fond de roulement et que nous fassions des économies. Le déficit persiste malgré nos économies, nous obligeant à couper dans nos moyens - des choix politiques seront à faire - ou à augmenter nos recettes. Lorsque j'ai pris la présidence de l'AMF, je pensais que la reprise des marchés réalimenterait notre budget. Nous avons 5 à 6 millions d'euros de déficit structurel pour un budget de moins de 100 millions d'euros. Aujourd'hui, je ne suis pas certain que le développement de l'activité suffira à apporter les recettes suffisantes pour combler ce déficit. Par exemple, la nouvelle introduction en bourse d'Euronext - qui s'est faite à Paris et à Amsterdam - a été régulée principalement à Amsterdam, et procure donc peu de recettes à l'AMF. De façon générale, un déplacement plus nombreux des sièges sociaux en Suisse ou en Hollande accentuerait l'écart entre nos recettes et le total de notre budget. Une solution serait de nous aligner sur le système luxembourgeois pour augmenter nos recettes sur la gestion d'actifs. Nous pourrions également compenser nos coûts d'enquêtes par des frais de gestion de dossier appliqués à une partie des pénalités, comme cela se fait dans le système judiciaire.

S'agissant de la filière répressive, nous sommes attentifs à ce que tout dérapage soit sanctionné. Les relèvements du plafond des sanctions pécuniaires et les possibilités de recours du Président à l'encontre des décisions de la commission des sanctions sont efficaces : le montant moyen des sanctions a augmenté, même si le processus reste lent. Certains ont pu s'étonner du montant de l'amende infligée récemment à un grand groupe de luxe. Elle représentait en fait 80 % du plafond au moment des faits, ce qui est en pourcentage très élevé. Néanmoins mon plus gros souci - et vous l'avez évoqué, Monsieur le Président - concerne l'articulation de la sanction administrative et de la sanction pénale. C'est un très vieux sujet. La sanction administrative date de la première affaire Péchiney, à la fin des années quatre-vingt. De nombreuses réformes juridiques ont façonné un système efficace où les tâches sont réparties. Le secrétaire général de l'AMF ouvre les enquêtes et les procédures de contrôle ; le collège de l'AMF engage les poursuites et notifie les griefs ; une commission indépendante composée pour un tiers de magistrats et pour deux tiers de professionnels de la place prononce les sanctions. Une partie des infractions examinées par cette commission coïncide avec les trois délits boursiers définis par le code monétaire et financier - utilisation d'une information privilégiée, manipulation de cours, diffusion de fausse information. Il y a très peu d'affaires pénales, en réalité, même si le courant de sanctions va en augmentant, avec environ trente affaires par an. La Cour européenne des droits de l'homme a mené une réflexion sur le cumul des deux sanctions, et sa jurisprudence s'y oppose. Le système mixte dans lequel nous évoluons n'est peut-être pas fait pour durer. L'essentiel est de maintenir une sécurité juridique et une répression efficace des infractions.

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