Beaucoup d'observateurs ont noté que paradoxalement une crise venue des États-Unis obligeait les États européens et continentaux à changer leurs modèles de financement et à recourir davantage au marché et un peu moins aux banques. Selon nos économistes, le risque lié au financement à long terme serait alors reporté sur les épargnants alors qu'il reposait auparavant sur les banques. Les grandes entreprises n'ont pas forcément besoin des banques pour se financer à long terme. Ce n'est pas le cas pour les entreprises de taille intermédiaire auxquelles le marché ne s'ouvre que lentement. Leur financement est assuré par les actionnaires, par les banques pour des prêts de moyen terme, ou par le capital développement. Si les banques rechignent à assurer ce financement, une autre solution serait l'investissement des épargnants, sous réserve de les informer sur tous les risques auxquels ils s'exposent. Il faudrait également voir si les flux de financement diminués des prêts bancaires suffisent à développer l'entreprise ou bien freinent sa croissance. Je crois que souvent, la croissance des entreprises souffre davantage d'une trop faible demande d'investissement que d'un manque de financement. En revanche, si la croissance devenait plus forte, l'accès au financement deviendrait indispensable pour que les entreprises ne soient pas ralenties dans leur développement.
La BPI assure partiellement le financement des entreprises de taille moyenne. Les acteurs du capital développement sont également dynamiques en France, après une crise qui se résorbe. Enfin, d'autres acteurs financiers proposent des placements aux épargnants. Des gérants d'actifs nous ont demandé des agréments pour des fonds de prêt aux entreprises moyennes. Nous avons également vu des assureurs racheter des portefeuilles de prêts en laissant à la banque le soin de les gérer. Beaucoup de créativité est à l'oeuvre pour diversifier le financement des entreprises de taille intermédiaire. Le financement des grands groupes est très ouvert. Ce n'est pas pour des raisons financières que ces groupes s'éloignent du territoire français, mais pour des raisons économiques de compétitivité, de coûts, ou d'attractivité.
Quant à Euronext, les pouvoirs publics français se sont battus pour avoir un noyau dur d'actionnaires qui donne de la stabilité et une chance d'autonomie durable à une entreprise centrée sur quatre marchés. L'introduction en bourse est, de ce point de vue, une grande satisfaction. Le vendeur s'est montré très habile. En prenant le contrôle de NYSE Euronext, l'américain ICE a acheté trois grands marchés, celui du Liffe de Londres, le New York Stock Exchange, marché historique américain, et l'Euronext historique créé à partir de la bourse de Paris et de celle d'Amsterdam. Ils se sont aussitôt défaits de ce dernier marché au prétexte de ne connaître ni le fonctionnement des bourses européennes, ni celui des marchés d'actions. Ils ont bien vendu Euronext, et l'ont placé entre des mains sûres, puisque 30 % sont détenus par des acteurs financiers, tandis que des acteurs français non financiers dans la mouvance de Paris Europlace ont également acheté des titres. Le manque d'enthousiasme vient sans doute du prix un peu élevé qui a été payé. Pour que le cours de l'action évolue correctement, il faut que le nouvel ensemble s'inscrive dans une bonne stratégie. Il faudra stabiliser les parts de marché du marché des actions malgré la concurrence des autres places et des trading venues ou plateformes d'échange. Il faudra également se positionner sur d'autres segments, comme celui de la compensation ou celui des marchés dérivés. On pourra également étudier la possibilité de nouvelles alliances avec d'autres marchés qui ne sont pas dans la mouvance du London Stock Exchange, ni dans celle de la Deutsche Börse. J'imagine que Dominique Cerutti et son équipe ont réfléchi à ces questions. L'histoire n'est pas écrite. Elle peut se terminer par une énième restructuration ou évoluer de manière beaucoup plus positive. Avec Thierry Giami, nous avions écrit, il y a trois ans, un rapport sur le financement des entreprises intermédiaires et des PME par le marché financier, à destination de Christine Lagarde, alors ministre des finances. Le constat était celui d'un divorce entre les entreprises de marché et les entreprises non financières. Elles sont aujourd'hui beaucoup plus proches.
Je suis un fervent défenseur du PEA, c'est un bon produit. Beaucoup de professionnels de la gestion se lamentent sur la surfiscalisation mise en place par le Gouvernement, qui effraierait leurs clients. Or, l'investissement en actions se fait à l'abri d'une enveloppe fiscale aux conditions très favorables jusqu'à 400 000 euros pour un couple, avec une détention pendant cinq ans en PEA et PEA-PME. Si le PEA est peu dynamique, c'est à cause de la méconnaissance, par les épargnants français, de l'évolution et du fonctionnement de la bourse, de la finance, et même de l'économie. Ils sont avers au risque et il est difficile de leur vendre du risque « action » même au travers d'un véhicule assorti d'une exonération d'impôt sur la plus-value et les dividendes.
Le marché des actions, très chahuté par la crise des subprimes, a crû de 12 % en 2012 et de 18 % en 2013. Or il n'y a pas eu en France le flux net d'investissement que l'on aurait pu attendre d'acteurs rationnels. Les Français ont plutôt désinvesti.