Le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » est le support budgétaire des opérations conduites par l'État en tant qu'actionnaire. L'État détient en effet des participations, le plus souvent sous forme de titres de capital - des actions - dans plusieurs entreprises dans le secteur de l'énergie (GDF-Suez, EDF, Areva), de l'armement (Nexter, Thales), des télécommunications ou autres (SNCF ou RATP).
Comme dans tout compte d'affectation spéciale, il existe un lien entre ses recettes et ses dépenses. Celles-ci résultent de cessions de participations et celles-là de prises de participations, c'est-à-dire d'acquisitions de titres de capital. Le compte peut aussi financer le désendettement de l'État par des versements à la Caisse de la dette publique. Sa particularité tient aussi à sa programmation budgétaire, qui est partiellement formelle. Côté recettes, le Gouvernement ne veut pas s'engager sur un montant ou sur un rythme de cessions pour des raisons notamment de confidentialité et de stratégie - on le comprend. Il est donc inscrit pour 5 milliards d'euros de recettes dans chaque projet de loi de finances, montant bien évidemment jamais été atteint depuis la crise.
L'exercice prospectif est donc limité. C'est pourquoi nous examinons le « jaune budgétaire » intitulé « Rapport sur l'État actionnaire » qui dresse le panorama des actions menées sur la dernière année.
Depuis 2012, l'État actionnaire s'est lancé dans un grand chantier de modernisation pour adopter une gestion active de ses participations. Nous entendrons la semaine prochaine Régis Turrini, nouveau commissaire aux participations de l'État.
La doctrine d'investissement de l'État actionnaire s'articule autour de quatre principes d'investissement : par exemple, l'investissement dans des entreprises stratégiques comme celles de la défense, la possibilité d'intervenir pour des sauvetages exceptionnels, comme pour Dexia, ou encore des investissements contribuant à l'avenir de l'industrie dans notre pays. Cette doctrine a été présentée par Pierre Moscovici et Arnaud Montebourg au Conseil des ministres du 15 janvier 2014. Une ordonnance publiée en août dernier permet à l'État actionnaire de disposer de plus de souplesse pour conduire à bien sa mission.
Depuis janvier, l'État a cédé 1 % du capital d'Airbus Group - non indispensable pour maintenir son influence - afin de financer une partie de l'acquisition de 14,1 % du capital de PSA, pour un montant total de 800 millions d'euros, au côté du groupe chinois Dongfeng. Autre exemple : l'État a cédé en juin 3,6 % du capital de GDF-Suez pour un montant de 1,5 milliard d'euros, recette versée à la Caisse de la dette publique pour contribuer au désendettement de l'État.
À la fin de l'année 2014, le solde créditeur du compte devrait s'élever à environ 2,25 milliards d'euros, dont 1,15 devra, en 2015 ou 2016, être utilisé pour finir de libérer le capital de la Banque publique d'investissement (BPI). La BPI est un outil propre d'intervention de la puissance publique au capital des sociétés. L'État détient 50 % de la BPI qui a sa propre doctrine d'investissement, complémentaire de celle de l'État.
Pour 2015, les dépenses certaines inscrites sur le budget sont estimées à 730 millions d'euros, dont 280 millions d'euros pour renforcer les fonds propres de l'Agence française de développement et 390 millions d'euros pour acheter au Commissariat à l'énergie atomique des titres Areva afin qu'il puisse dégager des ressources pour financer le démantèlement de ses installations.
Enfin, l'accord conclu avec Bouygues au mois de juin permet à l'État d'acquérir jusqu'à 20 % du capital d'Alstom, mais seulement s'il le souhaite. Je ne sais pas s'il le fera.
Côté recettes, le budget prévoit comme chaque année une inscription conventionnelle de 5 milliards d'euros. L'année 2015 pourrait cependant être différente : le ministre de l'économie a annoncé que des cessions auraient effectivement lieu pour un montant compris entre 5 et 10 milliards d'euros, mais nous ne savons pas lesquelles. Ces recettes seraient en priorité affectées au désendettement ; une somme de 4 milliards d'euros est d'ailleurs inscrite sur le tableau de financement du projet de loi de finances pour 2015.
L'équilibre à trouver sera fin. S'il est loisible à l'État d'avoir une gestion active, il ne doit pas perdre de vue que les participations rapportent 3,5 milliards d'euros par an à l'État sous forme de dividendes versés au budget général. Plus on vend des actions, moins on a de possibilités de récupérer des dividendes.
La valeur du portefeuille côté de l'État a augmenté de 40 % sur un an, contre 16 % pour le CAC 40.
Je voudrais maintenant aborder trois sujets d'actualité.
Le sauvetage de Dexia, dont l'État est actionnaire à hauteur de 44 %, lui a déjà coûté 6,6 milliards d'euros. Même si le Gouverneur de la Banque de France a tenu des propos rassurant, avant-hier, devant notre commission, la santé de cette banque est encore précaire à cause de ses participations dans des banques italiennes ou espagnoles. Nous devrons rester attentifs. Son sauvetage a déjà coûté plus cher à la France que celui du Crédit lyonnais, qui, finalement, n'aura coûté que 4,5 milliards d'euros ; cela m'a aussi étonné : j'aurais pensé que c'était l'inverse.
Dans le secteur de l'armement, Nexter a engagé des négociations pour se rapprocher de son homologue allemand KMW pour une fusion égalitaire qui permettra des économies d'échelle. Pour l'instant, les deux sociétés ont signé un protocole d'accord qui encadre la négociation d'un futur accord sur leur rapprochement. Ce projet vise à renforcer les industries européennes de défense.
Enfin, la SNCM, dont l'État est actionnaire à hauteur de 25 % et à qui il a accordé des avances pour 30 millions d'euros en 2014, est sous le coup de jugements européens lui ordonnant de rembourser 440 millions d'euros.