Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai effectivement l'honneur de présenter ma candidature au poste de présidente du conseil d'administration de la nouvelle agence chargée de la sécurité des produits de santé qui, je le précise, n'est pas un poste exécutif. Avant de vous exposer mon parcours professionnel et ma vision du rôle de l'agence, je souhaite insister sur quelques éléments de contexte qui me semblent très importants.
L'agence se trouve dans une période très délicate car elle doit assurer la transition entre deux systèmes, l'ancien et le nouveau. Aussi est-elle confrontée à la fois à un enjeu de continuité et à un enjeu de transformation. Elle doit en effet continuer à remplir les missions qui lui ont été confiées par la loi, tout en transformant ses règles de fonctionnement. A ce titre, la nomination de l'ancien directeur de l'Afssaps à la direction de la nouvelle agence est gage de continuité entre les deux structures.
Le contexte est aussi marqué par l'urgence, car les victimes des drames sanitaires passés exigent une très grande réactivité de la part de l'agence. Il faut donc agir le plus vite possible, ce qui n'est pas facile dans une période de transition.
Mais je sais, pour m'être déjà entretenue avec son directeur, que toutes les équipes de l'agence sont conscientes de ces enjeux et pleinement mobilisées.
Le principal défi, déjà identifié en 2006 par Marie-Thérèse Hermange et Anne-Marie Payet dans leur rapport « Les conditions de mise sur le marché et de suivi - Médicaments : restaurer la confiance », est celui de restaurer la confiance, ce qui doit nous inciter à beaucoup de modestie et de vigilance. De la modestie parce qu'en matière de sécurité sanitaire, il n'existe pas de recette miracle : tout doit être testé, retesté, réassuré et prouvé. La contestation la plus forte, aujourd'hui, porte sur les conflits d'intérêts des experts, qui fondent les décisions de l'agence. Il s'agit d'un sujet majeur auquel il faudra répondre de la manière la plus transparente. De la vigilance parce que même lorsque les risques sont identifiés, les réponses ne sont pas forcément au rendez-vous. Preuve en est, les recommandations formulées dans ce rapport sénatorial n'ont pas été suivies d'effet.
Dans ce contexte, l'agence a le devoir de rendre compte. Pour cela, elle a la chance de pouvoir compter sur l'investissement des parlementaires qui siègent au sein de son conseil d'administration.
Mon parcours professionnel m'a amenée à exercer deux métiers.
L'inspection générale, qui est mon métier d'origine, présente deux facettes : une fonction de contrôle, où il s'agit de vérifier la régularité et la conformité ; une fonction d'inspection, qui peut parfois amener à révéler une défaillance humaine. Ce métier m'a permis pendant quinze ans d'embrasser tout le spectre des politiques sociales.
Dans le champ de la santé, plusieurs missions m'ont été confiées. En collaboration avec l'inspection générale des finances, j'ai travaillé sur la réforme de l'assurance civile médicale. Avec l'inspection générale de l'éducation nationale, j'ai été chargée de proposer les voies et moyens de mise en place de la filière universitaire de médecine générale. Plus récemment, j'ai effectué deux missions de sécurité sanitaire, plus sensibles : une enquête sur un cas d'infection nosocomiale dans un grand établissement public de santé et un audit des procédures de contrôle interne de l'Institut national de veille sanitaire (InVS).
C'est un métier que j'aime beaucoup car il permet de rencontrer les acteurs des politiques sociales et de développer une aptitude au jugement, au « savoir dire ».
Le deuxième métier que j'ai exercé est le management. J'ai ainsi assuré des missions de gestion dans des grandes structures du champ social, telles que le Comité français d'éducation pour la santé (CFES), ancêtre de l'Inpes, l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé. J'ai été secrétaire générale chargée de la gestion du siège de la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam). J'ai également occupé des fonctions de chef de service à la direction générale du travail, où j'ai appris le droit du travail « à la source ».
La fonction qui m'a le plus marquée est celle que j'ai exercée pendant six ans à la direction générale de l'Agence française du sang. Elle m'a permis de suivre tout le cycle de la réforme de la transfusion, lancée en 1992 et qui a abouti à la loi de 1998.
De ces six années passionnantes, j'ai tiré plusieurs enseignements. Tout d'abord, le temps est la première condition du succès d'une réforme de la sécurité sanitaire ; il n'est en effet pas possible de réformer tout le système d'un seul coup. Il aura ainsi fallu six ans et deux lois pour faire évoluer le dispositif de transfusion sanguine. La première étape a été celle de la remise en cause des structures existantes avec notamment la dissolution de la Fondation nationale de transfusion sanguine, remplacée par la première agence française du sang. Dans une deuxième étape, une nouvelle agence a été mise en place, l'Agence française du sang, et les établissements de transfusion sanguine ont été réorganisés sur une base régionale. La troisième étape a consisté en la création, à l'initiative du Sénat, d'une agence de contrôle des produits de santé, l'Afssaps, pour avoir une vision globale des risques.
J'ai ensuite pris conscience de la nécessité d'associer étroitement les professionnels de santé. Dans le cas de la réforme de la transfusion, ceux-ci étaient particulièrement traumatisés et mûs par un sentiment d'incompréhension. Il a donc fallu entreprendre un long travail de pédagogie.
Enfin, cette expérience m'a convaincue de la nécessité d'associer la société civile à la mise en oeuvre de toute réforme de la sécurité sanitaire car il s'agit là d'une affaire citoyenne.
A l'issue de cette présentation, vous aurez compris que je ne suis ni une spécialiste du médicament, ni une scientifique. Mais mon parcours professionnel m'a permis d'acquérir une bonne connaissance du fonctionnement des agences contribuant au dispositif de sécurité sanitaire.
S'agissant de ma vision du rôle de l'agence, je crois qu'il est important d'agir à quatre niveaux : celui de l'agence elle-même, celui de l'articulation avec les autres agences de santé, celui des autres acteurs du système de santé - professionnels de santé et industriels -, enfin au niveau européen.
La loi du 29 décembre 2011 n'a pas modifié les éléments fondateurs de l'agence - celle-ci reste une agence de service public, dotée de pouvoirs de police sanitaire au nom de l'Etat - mais elle impose une refondation, qui repose sur deux objectifs : celui de l'indépendance de l'expertise et celui de la transparence des décisions.
Concernant l'articulation avec les autres agences, deux enjeux se posent. Le premier est celui d'une bonne articulation avec la Haute Autorité de santé (HAS) qui a en charge d'une part, la commission de la transparence, donc la définition de la valeur ajoutée thérapeutique des produits de santé, d'autre part, la communication et l'information vis-à vis des professionnels de santé, domaines dans lesquels l'agence a aussi une responsabilité.
Le deuxième enjeu concerne l'articulation avec l'Institut national de veille sanitaire (InVS), qui est chargée d'une mission de vigilance transversale d'observation de la population dans son environnement de travail et de vie. Il faudra que cette vigilance soit coordonnée avec celle sur les produits de santé, qui relève de l'agence, et avec celle sur les actes des professionnels, qui incombe à la HAS.
S'agissant des autres acteurs de santé, l'agence doit entretenir des relations, en amont, avec les industriels, qui sont porteurs de l'innovation thérapeutique, avec les associations de patients, qui sont les premiers concernés, et en aval, avec les professionnels de santé qui prescrivent les produits.
Le dernier champ d'action est européen. Vous le savez, la sécurité sanitaire dépend, en termes de produits, de plus en plus de la réglementation européenne. Nous devons donc faire évoluer ces règles si celles-ci nous semblent insuffisantes et participer activement aux instances de contrôle et de veille européennes, notamment en matière de pharmacovigilance.
Le conseil d'administration, qui n'est pas un conseil de surveillance, a d'abord un rôle stratégique d'orientation et de suivi. Il assure ensuite, s'agissant du fonctionnement interne de l'agence, l'équilibre entre les missions, les moyens et l'organisation. Le conseil devra également rechercher les moyens de rendre attractifs les métiers d'évaluation et de contrôle de l'agence.
Sur les orientations stratégiques, le défi central se situe en aval ; il s'agit de la mise sur le marché des produits de santé. Trois points me semblent cruciaux. L'agence doit d'abord veiller à ce que le rapport bénéfice-risque soit toujours satisfaisant. Elle a ensuite, en collaboration avec la HAS, un rôle à jouer en matière de prescription. Dans le cadre de la réforme en cours du dispositif de pharmacovigilance, elle se doit également d'appliquer les dispositions législatives relatives à la surveillance des risques, à la fois dans une logique réactive et proactive.
Le conseil d'administration aura également à suivre la mise en oeuvre du programme de travail de l'agence ; il devra vérifier que les orientations stratégiques seront respectées selon un calendrier qu'il aura défini ; il aura à statuer sur les méthodes de travail de l'agence, en fixant notamment le format, la composition et le rôle des commissions, et en évaluant leurs résultats. Enfin, il me semble important que le conseil suive le plan d'identification et de maîtrise des risques de gestion internes.