Intervention de Daniel Reiner

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 8 juillet 2014 : 1ère réunion
Programmation militaire pour les années 2014 à 2019 — Compte rendu du contrôle sur pièces et sur place sur les prévisions de ressources exceptionnelles de la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013

Photo de Daniel ReinerDaniel Reiner, rapporteur :

Le Président Carrère a rappelé le modus operandi de notre contrôle et il vient d'en présenter, en synthèse, les résultats. Les perspectives qui s'en dégagent - et surtout l'absence de perspectives, en tout cas en ce qui concerne l'année 2015 - ne laissent pas de préoccuper les rapporteurs du programme 146, comme elles préoccupent la DGA.

Je rappelle, en effet, que la programmation des REX sur la période 2015-2017, soit 3,9 milliards d'euros, correspond à environ 20 % de l'ensemble des crédits prévus pour les principaux programmes d'armement sur ces trois années. Que se passera-t-il si, en 2015, faute de mise aux enchères de la bande de fréquences hertziennes des 700 MHz, il manque 1,5 milliard d'euros, alors même que le report de charges, comme cela a été indiqué, fait l'objet d'une évaluation, pour la fin 2014, de 3,3 à 3,4 milliards d'euros, dont les deux tiers sur le programme destiné à l'équipement des forces ? La réponse est déjà donnée par l'attitude de prudence de la DGA, qui a stoppé ses engagements, pour les programmes M51-3 et Barracuda notamment, en attendant d'y voir plus clair. Ce gel, bien sûr, s'il devait se prolonger, comporterait des conséquences, tant pour le développement de nos capacités stratégiques que pour le maintien de l'activité des bureaux d'étude et, entre autres, celle des sous-traitants. Les petites et moyennes entreprises, à Eurosatory, se sont déjà faites l'écho, auprès de nous, des inquiétudes du secteur.

C'est pourquoi je crois que notre commission doit exprimer le maintien de la mobilisation parlementaire à cet égard, dans la perspective notamment des débats qui se tiendront à l'automne prochain sur le projet de loi de finances pour 2015 et sur le budget triennal pour les années 2015-2017. Pour l'instant, je m'attacherai à présenter en détail la situation des prévisions de REX à venir du PIA et des produits de cessions immobilières.

La LPM prévoit que le budget de la défense bénéficie d'une partie du nouveau PIA qui a été annoncé en juillet 2013 par le Premier ministre et qui est financé, notamment, par le produit de cessions de participations de l'État dans des entreprises. À cet effet, le programme 402, qui constitue la déclinaison du PIA pour la mission « Défense », a été créé par la loi de finances initiale pour 2014 et a été doté de 1,5 milliard d'euros. À cette première dotation, le PLFR en cours d'examen au Sénat prévoit d'ajouter 250 millions d'euros. Ces nouveaux crédits sont intégralement financés par un redéploiement des crédits disponibles du premier PIA.

Cette dernière mesure, comme l'a signalé le Président Carrère, constitue une mise en oeuvre de la clause de sauvegarde prévue par l'article 3 de la LPM. Je rappelle que cette disposition permet d'augmenter le montant des REX, dans la limite de 500 millions d'euros, si la soutenabilité financière de la trajectoire des investissements de la défense apparaît compromise avant la première actualisation de la programmation - une actualisation que la LPM prévoit comme devant intervenir « avant la fin de l'année 2015 ». L'activation de cette sauvegarde est consécutive aux annulations de crédits prévues par le PLFR pour la mission « Défense », à hauteur de 350 millions d'euros, au titre de l'effort de l'ensemble des ministères en faveur des finances publiques - soit 1,6 milliard d'euros, hors réduction de la charge de la dette -, dont la mission « Défense » assume ainsi le cinquième.

Pour le ministre de la défense, suivant les propos qu'il a tenus devant notre commission lors de son audition du 24 juin dernier, le principe est acquis de l'attribution de 500 millions d'euros supplémentaires à son budget. Une seconde tranche de 250 millions d'euros devrait donc être ouverte, a priori en 2014. Cependant, du point de vue de la direction du budget, tel qu'il a été exprimé lors du contrôle, cette nouvelle ouverture de crédits se trouve subordonnée à la possibilité d'une imputation sur les dépenses du PIA, par un redéploiement qui resterait sans impact, en particulier, sur le déficit et la dette publics au sens « maastrichien ».

Or cette imputation s'avère problématique, compte tenu des critères d'éligibilité au PIA. En effet, ces critères, notamment, prohibent l'autofinancement et imposent donc de recourir à des opérateurs de l'État. De ce fait, en ce qui concerne la mission « Défense », le PIA, en pratique, ne peut financer que des programmes pris en charge soit par le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), soit par le Centre national d'études spatiales (CNES). Actuellement, avec 1,5 milliard d'euros en loi de finances initiale augmentés de 250 millions d'euros dans le PLFR, l'ensemble des projets du CEA et du CNES qui pouvaient prétendre à être financés par le PIA paraît avoir déjà été couvert.

Des réflexions sont en cours, cependant. Le ministère de la défense cherche d'abord à permettre la complète application de la clause de sauvegarde, par l'ouverture de 250 millions d'euros à nouveau, d'ici la fin de l'année 2014. On prospecte également un moyen pour pallier le décalage de calendrier prévu pour l'encaissement du produit de la mise aux enchères de la bande de fréquences hertziennes des 700 MHz. Mais, pour le moment, ces réflexions paraissent peu fructueuses.

En premier lieu, la DGA tente d'identifier, au CNES et au CEA, de nouveaux programmes innovants éligibles au PIA. On a cherché du côté du projet MUSIS, qui tend à réaliser le futur système européen d'observation spatiale militaire, et qui se trouve déjà bénéficiaire du PIA. On a cherché, d'autre part, du côté des travaux sur le sous-marin nucléaire Barracuda. Ces deux éléments, s'ils venaient à être inscrits au PIA, ne représenteraient, au total, qu'un montant de 191 millions d'euros ; mais ce serait déjà cela...

En second lieu, les possibilités de réviser le statut de la DGA, en la dotant de la personnalité morale, sont actuellement à l'étude. Cette nouvelle organisation pourrait permettre à la DGA, devenue opérateur de l'État, de mettre en oeuvre elle-même les ressources du PIA. La piste fait partie de celles qu'étudie la mission pilotée par l'IGF, citée tout à l'heure par le Président Carrère. Mais la réflexion, à cet égard, semble peu avancée. À preuve, le document qui a servi de support à la présentation à Matignon, le 1er juillet dernier, du rapport d'étape de la mission : sous un intitulé « Le changement de statut de la DGA », la page est restée blanche...

En conclusion sur ce point, sauf propositions de cette mission dans son rapport attendu pour le 15 juillet prochain, il paraît peu probable que les ressources du PIA alimentent les REX au-delà des 1,75 milliard d'euros aujourd'hui prévus pour 2014.

J'en viens à présent aux recettes immobilières. Comme vous le savez, la LPM prévoit que l'intégralité du produit des cessions immobilières réalisées sur la période de 2014 à 2019 par le ministère de la défense sera reversée au budget de celui-ci.

Pour 2014, lors du vote de la loi de finances initiale, on escomptait 206 millions d'euros de recettes en la matière. Il n'y a plus guère d'inquiétude à cet égard : les ressources immobilières prévues pour le ministère de la défense, cette année, paraissent devoir être au rendez-vous au niveau attendu, et même au-delà. En effet, à la date du 17 juin dernier, lors de notre déplacement à Bercy, 192 millions d'euros étaient déjà acquis. Il faut d'ailleurs souligner que, sur ce total, 137 millions d'euros résultent de la vente de l'ensemble dit « Penthemont-Bellechasse », situé rue de Bellechasse, à Paris, dans le VIIe arrondissement. Cette opération a constitué une réussite financière, puisque le site avait été estimé à 77 millions d'euros, soit 60 millions de moins que le prix finalement réalisé. Il est vrai que le ministère, d'ici son déménagement prévu en juin 2015, devra acquitter au nouveau propriétaire un loyer de l'ordre de 6,5 millions d'euros.

Pour 2015 et 2016, en revanche, un aléa demeure si l'on considère les trois cessions majeures, toutes à Paris, qui sont envisagées. La caserne de la Pépinière, rue Laborde, dans le VIIIe arrondissement de la capitale, sera cédée sur le marché. L'hôtel de l'Artillerie, place Saint-Thomas d'Aquin, dans le VIIe arrondissement, dont l'acquisition intéresse SciencesPo, pourrait perdre de sa valeur du fait de l'obligation de réaliser des logements sociaux, comme le plan de sauvegarde et de mise en valeur de l'arrondissement, en cours d'élaboration, devrait l'imposer. Enfin, l'îlot dit « Saint-Germain », situé dans le VIIe arrondissement également, qui donne à la fois sur la rue Saint Dominique, la rue de l'Université et le boulevard Saint-Germain, et qui constitue un ensemble exceptionnel - plus de 50.000 m2 de superficie de plancher, sans compter des sous-sols qui paraissent valorisables -, fait également l'objet d'estimations variables, selon les hypothèses du taux de logements sociaux obligatoires. Du reste, la détermination du périmètre de cette cession est encore à arrêter.

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