Monsieur Attali, vous avez cité Albert Camus. Je vous renvoie à Kateb Yacine, ce grand auteur algérien qui a dit, au moment de l'indépendance : « Le français est notre butin de guerre. » Quelques décennies plus tard, Kamel Daoud répond à « L'étranger », de Camus, dans « Meursault, contre-enquête ». Je regrette d'ailleurs qu'il n'ait pu, à une voix près, obtenir le prix Goncourt...
C'est dire combien le français, dans les pays du Maghreb, a atteint un niveau remarquable. Il demeure toutefois l'apanage d'une certaine nomenklatura et des enfants de celle-ci, ce qui n'est pas sans poser problème : du fait de leur connaissance en langues étrangères, ils monopolisent en effet un certain nombre d'emplois.
On ne pense pas assez à enseigner la langue française aux classes moyennes et aux classes populaires : cela permettait des rapprochements. On ne forme dans ces classes que ce que j'appelle des « analphabètes bilingues », que je rapproche de ce que vous avez dit lorsque vous avez parlé de « vivre en français », formule à laquelle j'ai été sensible.
Si les pays du Maghreb forment des « analphabètes bilingues », mon quartier aussi ! Un rapport de Jacques Berque, que vous avez dû lire, préconisait l'apprentissage des langues d'origine à l'école. Faut-il ou non savoir qui l'on est et d'où l'on vient pour pouvoir aborder une autre langue que sa langue maternelle ?