Monsieur Lorgeoux a évoqué le latin. Je suis latiniste, et je garde une grande nostalgie à l'égard de cette langue. Pour ce qui est de l'avenir, les langues latines, dont j'ai dit que l'imprimerie avait contribué à leur affaiblissement, Napoléon III avait créé, non sans un certain génie, une Union latine. La francophonie, l'hispanité et la lusophonie auraient donc tout intérêt à oeuvrer de concert. Cela crée un ensemble qui dépasse de très loin le monde anglo-saxon.
En France, enseigner le français, l'espagnol, l'italien et le portugais de façon non pas cloisonnée, mais en recourant à l'interlocution, c'est-à-dire au fait que lorsqu'on parle une langue, on peut en comprendre deux autres, constituerait un outil majeur. Toutefois, les professeurs de langue estiment qu'on doit enseigner leur langue et non comprendre les autres. On pourrait pourtant conférer ainsi aux communautés latines une puissance considérable.
Je ne saurais que trop recommander la lecture du roman de Kamel Daoud, qui est admirable, et qui aurait mérité quelque prix. On ne peut malheureusement pas choisir à la place des jurys. C'est un exemple de francophonie magnifique, qui explique pourquoi la francophonie est ce qu'elle est. Il s'agit d'un roman sur le frère d'un mort « anonyme », qui renvoie à la dualité d'une Algérie anonyme aux yeux de la plupart des Français qui y vivaient à l'époque - dont moi-même.
Madame Blandin, vous avez évoqué l'importance de l'accueil des professeurs en langue française. C'est évidemment ainsi que nous pourrons mener l'essentiel des choses à bien.
Je ne pense cependant pas qu'il faille ouvrir la voie de l'apprentissage des langues d'origine à l'école. Qu'on puisse les apprendre comme seconde langue, oui, mais je reste partagé : toutes les neurosciences nous disent qu'on apprend mieux trois langues en même temps que trois langues successivement, contrairement à ce qu'on a cru pendant longtemps.
J'ai peur que si l'on apprenait trois langues simultanément à l'école, dont la langue d'origine, on place ensuite les trois dans une situation d'équivalence juridique, qui renverrait au communautarisme britannique, dont on sait combien il est mortel pour l'idée même de nation. Je préférais donc que l'on repousse l'apprentissage de la deuxième langue à plus tard, même si je peux comprendre son importance.