Intervention de Lorelei Limousin

Commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire — Réunion du 14 janvier 2015 : 1ère réunion
Effets des motorisations diesel sur la santé et l'environnement — Table ronde

Lorelei Limousin, chargée de mission « Climat et transports » auprès de Réseau Action Climat-France (RAC-F) :

Merci d'avoir invité Réseau Action Climat-France à cette table ronde. Les transports et, a fortiori, les transports routiers étant l'un des principaux secteurs émetteurs de gaz à effet de serre, c'est évidemment avec un grand intérêt que nous participons à ces travaux.

Quels sont, dans un premier temps, les effets du diesel sur la santé et l'environnement ?

On l'a déjà souligné, le diesel est un fléau dont les impacts immédiats et à plus long terme sur la santé ne sont plus à démontrer. L'effet sur les changements climatiques est lui aussi direct, puisque le secteur des transports, qui carbure à 80 % au diesel, est le premier émetteur de gaz à effet de serre en France.

Certes, un véhicule diesel reste plus intéressant qu'un véhicule essence en matière d'émissions de CO2 par kilomètre, mais force est de constater que l'écart entre les véhicules essence et diesel a tendance à se résorber. On ne saurait parler d'un atout du moteur diesel dans la lutte contre le changement climatique, le gazole étant une énergie fossile.

Heureusement, l'adoption de normes européennes en matière d'émissions de CO2 au kilomètre et de polluants atmosphériques - dioxydes d'azote et particules fines - a permis aux constructeurs automobiles de réaliser des progrès significatifs pour diminuer leurs émissions.

Malheureusement, il faut souligner l'écart grandissant entre les émissions de CO2 mesurées en laboratoire, au moment de l'homologation des véhicules, et les émissions réelles constatées sur les routes. Cet écart, selon un des derniers rapports de la Fédération européenne transports et environnement, dont nous faisons partie, a atteint en 2012 38 %. Cela résulte surtout des tolérances accordées aux constructeurs pour optimiser leurs véhicules au moment des tests, mais aussi de l'obsolescence du cycle de mesures, qui datent de plus de trente ans, et qui sont censées être révisées depuis un moment. Ces travaux sont en cours à l'échelon européen, en collaboration avec l'Institut national de l'énergie solaire (INES) de Genève.

Ces chiffres diffèrent d'une marque automobile à l'autre, et font émerger un sérieux besoin de contrôle des pouvoirs publics en matière de mise en conformité des véhicules. Ainsi, la même Renault Mégane émet 88 grammes de CO2 par kilomètre aux Pays-Bas, contre 90 grammes au kilomètre dans les autres pays européens ! Cela s'explique par le fait qu'aux Pays-Bas, en dessous de 90 grammes par kilomètre, la taxation des véhicules est moins importante... La Commission européenne a d'ailleurs démontré qu'un tiers des chiffres portant sur la réduction des émissions de CO2 depuis l'an 2000 sont en fait erronés.

Le problème est le même s'agissant des émissions de polluants, ce qui nous amène à dénoncer le terme de « diesel propre ».

Des études récentes effectuées sur des véhicules allant de la norme Euro 3 à la norme Euro 5 montrent que les émissions de NOx et de particules fines sont en réalité cinq à dix fois supérieures aux limites.

La norme Euro 6 n'est pas plus respectée dans les faits. Les tests effectués récemment par l'International council on clean transportation (ICCT) ont démontré que les émissions de dioxyde d'azote n'ont pas évolué depuis la norme Euro 3 adoptée en 2000. L'ICCT a également effectué des tests sur différents véhicules répondant à la norme Euro 6, entrée en vigueur en 2014, prouvent que les émissions de NOx sont deux à vingt-deux fois plus élevées que les limites autorisées, le facteur moyen étant de huit.

Ces résultats confirment les récentes études de la Commission européenne et de l'institut néerlandais Nederlandse organisatie voor toegepast natuurwetenschappelijk onderzoek (TNO), qui ont mis en évidence que les émissions réelles de NOx sont six à neuf fois supérieures aux mesures des tests.

La ministre de l'écologie, Ségolène Royal, a été interpellée à ce sujet, en décembre dernier par une chaîne publique télévisée ; elle a estimé devant les caméras qu'il fallait mettre fin à ces pratiques. Nous pensons qu'il en va de l'efficacité des mesures adoptées en France et en Europe afin de réduire les émissions des transports, mais aussi de la fiabilité des politiques mises en place par les pouvoirs publics sur la base de ces données.

La première décision à prendre consiste donc à accélérer la cohérence entre les émissions mesurées lors des tests et sur les routes. À ce titre, nous regrettons que les lobbies de constructeurs automobiles cherchent à retarder la mise en place du nouveau test européen « real world driving emissions » (RDE), dont il a été fait état tout à l'heure. Cette mesure permettrait d'évaluer directement les émissions sur la route, afin de vérifier qu'elles correspondent bien aux tests. Elle devait être mise en place en 2012, puis a été reportée à 2014. Rien n'est fait cependant ! Ce sont des procédures qu'il convient d'accélérer, dans l'intérêt des automobilistes et de l'environnement, pour permettre de véritables économies d'énergie et réduire les émissions de polluants.

La première préconisation consiste à réformer la fiscalité. La fiscalité française est connue pour être l'une des moins écologiques d'Europe. Le diesel est largement subventionné, et le gazole routier bénéficie d'une niche fiscale. Même si le taux de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) du gazole a été récemment augmenté, le montant de la niche fiscale bénéficiant à ce secteur reste considérable. Ceci est particulièrement d'actualité, puisqu'on assiste à une baisse du prix du pétrole qui envoie un signal prix contradictoire par rapport à la transition énergétique. Or, le signal prix que permet la contribution climat énergie nous paraît absolument nécessaire aujourd'hui.

Concernant la loi de transition énergétique, nous sommes favorables aux dispositions prévues, destinées à permettre aux élus locaux de mettre en place des zones à circulation restreinte. Le Réseau Action Climat-France travaillera avec les élus volontaires désireux d'encourager ce genre de zones, afin de favoriser les alternatives. Le renouvellement du parc automobile prendra vingt ans. Il faut donc développer les solutions alternatives en attendant...

Une prime à la conversion automobile peut permettre d'accélérer ce renouvellement. Le principe pourrait être étendu aux transports alternatifs. Pourquoi ne pas encourager le report modal, comme l'a récemment annoncé la maire de Paris ? On pourrait ainsi octroyer une aide financière à tout ménage qui abandonnerait son véhicule pour un abonnement aux transports en commun...

Un mot enfin sur la meilleure façon de réduire les émissions de CO2 et la pollution atmosphérique dans les transports : l'outil le plus efficace reste la norme européenne. Elles ont aussi pour effet d'encourager l'innovation technologique. À cet égard, nous préconisons l'adoption d'une norme CO2 pour 2025. L'objectif de 95 grammes pour 2021 a été évoqué ; le Parlement européen s'est exprimé en faveur d'un objectif de 68 grammes à 78 grammes en 2025. Quoi qu'il en soit, il est très important d'envoyer un signal et de permettre une visibilité à long terme pour inciter les constructeurs automobiles à continuer dans la direction qu'ils ont prise, afin de réduire la consommation énergétique de leurs véhicules, qu'ils roulent à l'essence ou au gazole.

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