Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, au 1er janvier 2015, douze métropoles ont été mises en place sur le territoire national. Celle de Lyon se distingue par son statut spécifique, les autres constituant des intercommunalités.
Créée par la désormais célèbre loi MAPTAM du 27 janvier 2014, la métropole de Lyon est une collectivité territoriale à statut particulier. Elle est issue de la fusion de la communauté urbaine de Lyon, EPCI à fiscalité propre, et du département du Rhône dans les limites du périmètre intercommunal.
La métropole de Lyon exerce en conséquence, sur son territoire, les attributions du département et celles anciennement exercées par la communauté urbaine, désormais alignées sur les compétences communales transférées aux métropoles.
Ainsi, sur l’aire métropolitaine, ne subsistent aujourd’hui que deux échelons de collectivités – la métropole et les communes –, tandis que le département du Rhône subsiste hors ce territoire.
Le législateur a élaboré un statut spécifique à cette nouvelle collectivité territoriale, unique à ce jour dans notre organisation territoriale. Il a également accordé au Gouvernement une habilitation législative destinée à adapter le droit en vigueur à cette création. Trois ordonnances ont été prises sur ce fondement.
Le Sénat est appelé aujourd’hui à en ratifier deux : celle du 19 décembre 2014 portant diverses mesures relatives à la création de la métropole et celle du 6 novembre 2014 relative aux règles budgétaires et financières, sur laquelle notre collègue et ami Charles Guené vient de s’exprimer au nom de la commission des finances. Ces deux ordonnances sont entrées en vigueur le jour de la création de la métropole.
La ratification de la troisième ordonnance, relative aux modalités d’élection des conseillers métropolitains, n’est pas encore inscrite à l’ordre du jour parlementaire. Ses dispositions entreront en vigueur à l’occasion du prochain renouvellement général des conseils municipaux, soit en 2020. Le Parlement aura donc tout loisir pour en discuter.
L’ordonnance n° 2014-1543 du 19 décembre 2014 comporte un ensemble de dispositions de nature et de conséquence très diverses. Un certain nombre d’entre elles sont de simples adaptations de l’organisation territoriale à la création de la métropole ; d’autres prévoient des dispositions dérogatoires du droit commun ; certaines, enfin, sont de portée générale pour assurer un fonctionnement harmonieux de la nouvelle collectivité. Je ne reviendrai pas sur la présentation de ces dispositions, Mme la secrétaire d'État s’étant déjà livrée à cet exercice il y a quelques instants.
Pour la commission des lois, le champ de l’habilitation a été respecté. On peut certes considérer que certaines dispositions sont aux limites de l’habilitation stricto sensu, c'est-à-dire aux limites de l’habilitation telle qu’elle a été définie par le Parlement. Il faut néanmoins convenir que la création inédite de cette collectivité territoriale a nécessité des adaptations dont le législateur ne pouvait prévoir l’intégralité lors du débat parlementaire et que ces adaptations se bornent à transposer les principes généraux de la décentralisation établis au fil des lois depuis plus de trente ans.
L’ordonnance explicite les dispositions applicables à cette collectivité hybride, en particulier pour sa fonction intercommunale, pour l’exercice en lieu et place des compétences des communes situées sur son périmètre. La loi MAPTAM a expressément intégré la métropole de Lyon dans le régime départemental. En revanche, l’application du droit des EPCI à fiscalité propre, lorsqu’elles exercent des compétences communales, découle implicitement du dispositif de transfert de compétences communales. La commission des lois approuve donc la clarification ainsi opérée comme celle qui a été effectuée par analogie pour les groupements et syndicats mixtes. Des incertitudes sur la règle applicable – et, partant, certains contentieux – pourront ainsi être évitées.
Dans le même esprit, l’article 9 de l’ordonnance précise les modalités de transfert de la voirie départementale et intercommunale dans le domaine public routier de la métropole. Ce faisant, il introduit le principe d’un transfert en pleine propriété à titre gratuit, ce que la loi n’avait pas mentionné. Ce mécanisme est destiné à éviter des difficultés d’interprétation. Il transpose les règles générales régissant le sort de biens en cas de transfert de compétence d’une collectivité à une autre. En l’espèce, le cas est particulier puisque, si la communauté urbaine est « dissoute » dans la métropole, le département du Rhône abandonne la portion de voirie sur la partie de son ancien territoire désormais couverte par la métropole et sur lequel il n’a plus d’autorité.
Les précisions apportées au pouvoir de police de la circulation du président du conseil de la métropole complètent le dispositif défini par la loi du 27 janvier 2014 dans l’esprit qui a présidé à son adoption.
Pour le reste, il s’agit prendre en compte la nouvelle collectivité territoriale dans la législation en vigueur : c’est le cas des adaptations au statut de la fonction publique territoriale ou encore de l’élargissement de la composition de commissions administratives aux représentants de la métropole.
Par ailleurs, je considère que la dérogation prévue à l’article 17, suivant laquelle l’EPAGE – établissement public d'aménagement et de gestion des eaux – dont fait partie la métropole de Lyon peut intégrer un EPTB – établissement public territorial de bassin –, mériterait d’être généralisée à l’ensemble du territoire en raison de la faculté d’adaptation aux spécificités locales qu’une telle mesure apporte.
Je souhaiterais maintenant aborder la question de l’organisation territoriale des services de l’État. Les articles 1er et 2 de l’ordonnance prévoient le maintien de la circonscription de l’État sur le périmètre de l’ancien département du Rhône. La commission des lois approuve ce choix, qui évite de multiplier les structures déconcentrées. Elle regrette toutefois que ce principe n’ait pas été mis en œuvre pour la totalité des institutions de l’État. Ainsi en va-t-il, par exemple, de la carte judiciaire. Celle-ci n’a pas été adaptée à la situation nouvelle résultant de la création de la métropole de Lyon.
Notre collègue Yves Détraigne, rapporteur pour avis de la commission des lois pour les crédits affectés à la justice judiciaire et à l’accès au droit, a examiné cette question lors d’un déplacement, le 18 novembre dernier, au tribunal de grande instance de Lyon. Il a estimé que plusieurs scénarios étaient envisageables, dont celui qui consisterait à « expérimenter, à l’échelle du territoire du département du Rhône, le tribunal de première instance […]. [Installé à Lyon, ce tribunal] compterait un site détaché, celui de l’actuel TGI de Villefranche-sur-Saône », sous réserve de garantir au site détaché une activité contentieuse suffisante.
Une réflexion analogue devrait, selon la commission des lois, être conduite pour décider de l’évolution du ressort territorial des tribunaux de commerce de Lyon et de Villefranche-sur-Saône. Notre commission regrette le statu quo privilégié à ce jour par le Gouvernement sur cette question.
Sous réserve des observations qui précèdent, la commission des lois a adopté le projet de loi de ratification de l’ordonnance n° 2014-1543 assorti de trois amendements de précision.