Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous ne referons pas cet après-midi le débat que nous avons eu à l’occasion de l’examen de ce projet de loi sur la mise en place des métropoles, j’allais dire de « la métropole », puisque la communauté urbaine de Lyon, qui était un EPCI à fiscalité propre, est devenue, à l’issue de la promulgation de la loi le 27 janvier 2014, une collectivité locale de plein exercice au 1er janvier 2015.
Il s’agit d’une évolution institutionnelle importante, et je suis de ceux qui ont défendu cette évolution, puis voté le texte permettant de la mettre en œuvre. Il n’en demeure pas moins que quelques difficultés persistent s’agissant notamment des limites territoriales de cette métropole, par exemple pour son aéroport international implanté en dehors de son territoire.
Par ailleurs, la prise de compétences nouvelles qui nous étaient étrangères au sein de la communauté urbaine – singulièrement les dépenses sociales – constitue pour nous à la fois une découverte et une dépense importante. Or il s’agit d’une dépense de guichet, ce qui implique, pour la nouvelle collectivité locale, d’avoir une vision financière très différente de celle d’un EPCI, susceptible de produire un effet de levier extrêmement important en termes d’aménagement du territoire. Nous sommes devenus une collectivité locale presque « classique », qui va devoir faire face à l’ensemble de ces demandes. Toutes les annonces de mutualisation de moyens et d’économies ne sont pas, de mon point de vue, à l’ordre du jour.
Cela étant, l’article 39 de la loi du 27 janvier 2014 prévoyait que le Gouvernement pouvait, dans un délai d’un an, à la faveur d’ordonnances, régler un certain nombre de problèmes.
Trois ordonnances ont ainsi été élaborées : une ordonnance à caractère financier, que notre collègue Charles Guené a commentée tout à l’heure et sur laquelle je ne reviendrai pas ; une ordonnance d’organisation institutionnelle, sur laquelle je formulerai deux observations ; enfin, une ordonnance concernant les questions électorales, prise également au mois de décembre, mais qui, pour l’instant, n’a pas encore fait l’objet du dépôt d’un projet de loi de ratification.
Concernant l’ordonnance n° 2014-1543 du 19 décembre 2014, je ferai miens les propos de M. le rapporteur Jean-Patrick Courtois et de Michel Mercier : quid de la difficulté, pour l’État, de ne pas avoir suivi le rythme de cette évolution institutionnelle, singulièrement dans son organisation propre, et plus particulièrement son organisation judiciaire ?
Force est de constater que les inquiétudes ont été immenses, par exemple au sujet de la cour d’assises : la question s’est posée de savoir comment nos magistrats allaient pouvoir rendre la justice, notamment dans le département du Rhône. Sur ce point extrêmement important, les solutions qu’a retenues le Gouvernement ne sont pas réellement satisfaisantes.
Se pose également la question du tribunal de commerce, vrai sujet pour notre territoire compte tenu à la fois de l’importance du tribunal de commerce de Lyon, mais également de l’activité non négligeable que connaît Villefranche-sur-Saône. Nous nous trouvons actuellement dans une situation délicate, et l’on peut regretter que le Gouvernement n’en ait pas mesuré les effets, qu’il soit objectivement à la traîne. Madame la secrétaire d’État, vous devez agir rapidement pour trouver des solutions.
J’évoquerai maintenant l’article 6 de l’ordonnance précitée. Il y est fait état de la mise en place d’une commission permanente au sein de la métropole. Sur le principe, dont acte ! En revanche, la composition de cette commission est problématique puisque, au moment où je vous parle, elle n’est pas constituée à parité, ce qui soulève des difficultés au regard de deux textes.
Le premier est le code général des collectivités territoriales. Un article introduit par la loi du 17 mai 2013 dispose que, dans un département, la commission permanente doit être impérativement constituée à parité.
Le Conseil constitutionnel, se prononçant sur la loi MAPTAM, a par ailleurs indiqué très clairement, dans une décision du 23 janvier 2014, d'une part, que le président de la métropole devait être assimilé au président d’un conseil départemental, d'autre part, que l’article 1er de la Constitution affirmait le principe de parité.
Si le président de la métropole est l’équivalent de ce qu’était le président du département, l’organisation de cette métropole, et singulièrement de sa commission permanente, doit relever des règles qui s’appliquaient pour le département.
Comment peut-on avancer de manière cohérente que cette collectivité territoriale est sui generis et, dans le même temps, que, en vertu de la décision du Conseil constitutionnel, le président de la métropole est l’équivalent, en tout cas structurellement, du président du département.
Telles sont mes observations au sujet de l’ordonnance du 19 décembre 2014.
Mais le plus délicat est à venir puisqu’il concerne la troisième ordonnance, celle qui organise les élections, dont les premières se dérouleront en 2020, mettant en jeu les conférences territoriales. Tout cela a été réglé dans la plus grande précipitation.
Au demeurant, j’ai bien compris l’astuce juridique qui a été révélée tout à l’heure par Charles Guené : le dépôt de l’ordonnance dans le délai imparti, c’est-à-dire avant le 31 décembre, quel que soit son contenu, évite la caducité de ladite ordonnance. La loi d’habilitation qui sera votée ultérieurement permettra en outre de donner à cette mesure un effet rétroactif. Les moindres détails ont été prévus !
S’agissant de cette troisième ordonnance dont la ratification ne nous est pas encore soumise, nous avons été consultés localement par les représentants de l’État. En ce qui me concerne, cela a duré quelque vingt minutes, et j’ai reçu une lettre très courtoise prenant acte de cet entretien. Toutefois, madame la secrétaire d'État, vous ne devez pas oublier que 43 communes, sur un total de 59, sont hostiles à cette ordonnance et à son contenu, et ce pour deux raisons.
La première me paraît fondamentale. En effet, dans la loi MAPTAM, il est bien précisé qu’il appartient à l’assemblée délibérante de déterminer elle-même les limites de ces conférences territoriales, qui existaient déjà au sein de la communauté urbaine de Lyon et qui sont aujourd'hui consacrées par la loi. C’est parce que la détermination des limites de ces conférences territoriales incombe à l’assemblée communautaire qu’elles peuvent ensuite servir de base électorale pour l’élection de 2020.
En l’occurrence, le fait que l’État ait voulu imposer, sans discussion possible, un mode électoral sur la base de conférences territoriales qui n’ont pas d’existence légale aujourd’hui, puisqu’elles sont anciennes et que la métropole n’a pas délibéré de nouveau sur ce sujet, alors que la loi le prévoit explicitement, ce fait soulève une réelle difficulté. Le Gouvernement a dessaisi l’assemblée délibérante de la métropole de ses compétences.
La seconde raison tient au problème de la représentation des territoires. Dans cette ordonnance, il apparaît clairement qu’un certain nombre de communes vont « disparaître de la circulation » au regard de leur représentation au sein de la métropole. Le Gouvernement a choisi de privilégier la représentation de la population au détriment des territoires. C’est un choix ! Cependant, je le rappelle, un débat s’est engagé au Sénat la semaine dernière sur une proposition de loi constitutionnelle de MM. Gérard Larcher et Philippe Bas tendant à inscrire dans la Constitution la nécessité de prendre en compte, outre la représentation des habitants en fonction de leur nombre, celle des territoires, proposition de loi qui a été adoptée par notre assemblée.
Dès lors, il me paraîtrait judicieux que ce problème ne soit pas réglé par voie d’ordonnance, celle-ci étant ensuite ratifiée au terme de débats très brefs. Qu’on laisse au Parlement la possibilité de débattre sérieusement sur ce point et qu’on prenne en considération la position des élus locaux concernés !
Sans doute le président de la métropole de Lyon va-t-il s’empresser de vous expliquer, madame la secrétaire d'État, que ce que je dis n’est pas exact. Je pense que mon propos est, au contraire, respectueux à la fois des élus de notre métropole et de la légalité !