Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, alors que la France accueillera, à la fin de cette année, la conférence sur le climat, les enjeux énergétiques, au niveau tant national que mondial, sont plus que jamais au centre des attentions. Annoncé comme l’un des chantiers les plus importants du quinquennat, le projet de loi dont nous avons débuté l’examen cet après-midi était donc très attendu.
Il s’inscrit dans la continuité des deux Grenelles de l’environnement, brillamment menés par Jean-Louis Borloo, n’en déplaise à notre collègue Alain Bertrand. Aussi les sénateurs du groupe UDI-UC portent-ils un regard d’ensemble assez positif sur les intentions qui ont inspiré ce projet de loi. Force est pourtant de constater que son contenu n’est pas à la hauteur des attentes des professionnels et des élus.
Une nouvelle fois, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée, alors que ce projet de loi mérite un examen approfondi : le nombre d’amendements déposés à l’Assemblée nationale comme au Sénat témoigne de l’importance des travaux à mener sur les enjeux énergétiques. Dans ces conditions, madame la ministre, pourquoi ne pas avoir laissé la procédure législative suivre son cours normal ? Il est, d’ailleurs, encore temps de le faire : vu que nous attendons ce projet de loi depuis le début du mandat du Président de la République, je ne crois pas que quelques semaines d’examen supplémentaires poseraient problème ; je pense au contraire qu’une deuxième lecture apporterait une plus-value évidente aux réflexions engagées.
Je commencerai par dire quelques mots de la forme du projet de loi.
Il conjugue des déclarations d’objectifs dénuées d’effet immédiatement identifiable avec une multitude de petits détails techniques, parfois à la limite du domaine réglementaire et dont la portée financière et technique est difficile à appréhender. Il manque également de cohérence sur les objectifs qu’il affiche : des objectifs bien trop ambitieux compte tenu des outils et des financements mis à la disposition des acteurs de la transition. En effet, aucune traduction financière des ambitions exposées n’est présentée !
De même, en ce qui concerne l’amélioration des performances énergétiques des bâtiments, un domaine où des mesures étaient très attendues, le projet de loi ne prévoit aucun engagement financier d’envergure ni aucun chiffrage.
Certaines de ses dispositions aggravent même les contraintes administratives déjà très lourdes ; je pense en particulier au carnet numérique de suivi et d’entretien du logement, qui me semble totalement inapproprié pour le patrimoine immobilier déjà bâti. J’ai déposé sur ce sujet un amendement dont nous débattrons un jour prochain.
Nous attendons, en effet, des réponses concrètes aux dérives de la complexité normative. Madame la ministre, où est l’analyse coûts-avantages des nouvelles normes que vous souhaitez imposer ?
Près des deux tiers des 4 000 maires qui ont répondu au questionnaire sur la simplification lancé par le président Larcher à l’occasion du dernier congrès des maires ont désigné l’urbanisme, et un quart l’environnement, comme secteur prioritaire de la simplification des normes. C’est à cette attente, madame la ministre, que le Gouvernement et les parlementaires doivent répondre, en instaurant plus de souplesse et non plus de complexité.
Le temps qui m’est imparti ne me permet pas de traiter de l’ensemble des mesures que le projet de loi comporte. Je souhaite seulement souligner l’intérêt que présentent certaines d’entre elles.
Je pense en particulier au développement du recyclage et du réemploi, ainsi qu’à la valorisation des déchets. À cet égard, l’interdiction des sacs plastiques à usage unique qui, ne se dégradant pas, provoquent une importante pollution constitue une avancée très positive. J’ai déposé un amendement visant à étendre cette interdiction aux emballages de journaux et de publicité destinés à l’envoi postal à compter de 2020, échéance qui permettra une transition progressive pour les acteurs de la filière.
Les dispositions relatives aux véhicules propres méritent également d’être soutenues. En effet, la stratégie nationale pour le développement de ces véhicules constitue, à mon sens, un point fort du projet de loi. Seulement, madame la ministre, pourquoi n’avoir traité du transport que sous ce seul aspect ? De fait, les autres modes de transport sont totalement passés sous silence, ce qui est assez décevant.
Enfin, j’appuie également les mesures visant à mieux informer le public sur la filière nucléaire, filière d’excellence et outil de compétitivité auxquels le groupe centriste est très attaché. À ce propos, nous regrettons que les arbitrages financiers qui s’imposent entre le soutien à cette filière et les investissements nécessaires au développement des énergies renouvelables, qui sont considérables comme le montre la contribution au service public de l’électricité, ne soient pas inscrits dans le projet de loi.
En vérité, des choix financiers lucides devraient aujourd’hui être opérés : soutenons le mix énergétique à partir des énergies renouvelables rentables qui font leurs preuves, et laissons de côté celles qui constituent aujourd’hui un gouffre financier !
Madame la ministre, votre projet de loi est trop national et trop centralisateur.
En effet, la transition énergétique que vous proposez ne réserve aucune place aux enjeux européens. Comme nos collègues centristes de l’Assemblée nationale, nous pensons que ce n’est pas ce projet de loi qui insufflera l’élan nécessaire en faveur d’une ligne européenne forte et commune ; de ce point de vue, il représente un vrai rendez-vous manqué. Au vrai, sur quels sujets nous sommes-nous concertés avec nos voisins européens en termes de recherche, de coordination et d’échange dans les domaines de l’énergie, du transport et de l’accès aux matières premières nécessaires à notre industrie ?
Le projet de loi est également trop centralisateur et contraignant pour les acteurs locaux. Or notre groupe est convaincu que la transition énergétique se fera par les territoires : c’est pourquoi il aurait fallu donner aux collectivités territoriales une réelle compétence énergétique et intégrer au projet de loi des mesures en ce sens. À cet égard, je soutiens la démarche de ma collègue Chantal Jouanno, qui a déposé un amendement visant à faire confiance au terrain et aux collectivités territoriales en donnant à ces dernières la possibilité de procéder à des expérimentations dans l’ensemble de leur champ de compétence, afin de participer à la réalisation des objectifs fixés.
Il conviendrait aussi de desserrer l’étau imposé par la baisse des dotations de l’État, qui empêche les collectivités territoriales d’investir, faute de capacités de financement suffisantes.
En définitive, il me semble que ce projet de loi aux multiples mesures et objectifs n’est pas de nature à entraîner une réelle transition ni à lancer une dynamique permettant à la France de se fixer un cap national et de s’imposer au niveau international comme moteur incontournable d’un modèle énergétique novateur. Les sénateurs du groupe UDI-UC réservent leur vote : ils se détermineront en fonction de la discussion des amendements et des avancées qui en résulteront.