Intervention de Ségolène Royal

Réunion du 10 février 2015 à 21h30
Transition énergétique — Discussion générale

Ségolène Royal, ministre :

Le marché mondial de l’énergie change à toute vitesse. Nous avons besoin de définir ensemble ce que peut être l’intérêt majeur de nos grands industriels de l’énergie, ainsi que de toutes les petites et moyennes entreprises de ce secteur. Je veux donner deux exemples pour illustrer mon propos.

Je reviens d’Inde, où j’ai pu rencontrer le Premier ministre. Ce pays qui, vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, produit beaucoup de charbon s’engage aujourd’hui dans une mutation énergétique accélérée. Il s’est fixé un objectif de production de 100 gigawatts d’énergie photovoltaïque. Des marchés considérables sont donc à conquérir. J’indique que l’Inde s’est également fixé l’objectif de multiplier par six sa production d’énergie nucléaire.

Ma conviction profonde, c’est que nos énergéticiens seront d’autant plus puissants sur les marchés mondiaux que nous contribuerons à les engager sur la voie du bouquet – du « mix » – énergétique ; s’ils doivent être toujours aussi performants dans leur métier historique, ils doivent pouvoir emprunter avec force détermination et efficacité industrielle le chemin des énergies renouvelables. Il s’agit en effet d’un domaine industriel où la compétitivité mondiale évolue ; la France doit donc absolument rattraper son retard, voire prendre de l’avance, le marché étant particulièrement prometteur.

J’observe par ailleurs que la France a perdu plusieurs grands marchés nucléaires. Ma conviction, c’est que la France peut les reconquérir, y compris dans le domaine de l’énergie nucléaire, si elle est capable d’offrir dans le même temps des compétences en matière d’énergies renouvelables et d’efficacité énergétique. C’est d’ailleurs pourquoi, et j’y reviendrai dans nos discussions sur l’article 1er, nos grands opérateurs évoluant dans le domaine nucléaire – EDF, AREVA, le Commissariat à l’énergie atomique – s’engagent sur la voie des énergies renouvelables. C’est ainsi que le Commissariat à l’énergie atomique s’appelle en réalité « Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives » et qu’EDF a remporté en Chine un marché très important de centrale photovoltaïque, alors que le groupe perdait des marchés dans le domaine du nucléaire.

Le Gouvernement et la représentation nationale ont donc la responsabilité de penser l’avenir énergétique et de positionner nos entreprises afin qu’elles soient les plus puissantes possibles.

Je ne partage pas les propos de M. le rapporteur sur la place du nucléaire dans la production d’électricité ; nous y reviendrons, car j’aurai à défendre l’amendement tendant à réintroduire l’horizon de 2025 dans la loi. Je ne partage pas plus votre position, monsieur Longuet, en faveur du tout-nucléaire, mais j’approuve une de vos affirmations : nous devons absolument faire en sorte que nos entreprises se rapprochent, qu’elles travaillent ensemble, qu’elles jouent en équipe sur la scène internationale. Je m’y emploie d’ailleurs tous les jours.

Comme vous le savez, les dirigeants de nos grands acteurs dans ce domaine – EDF, AREVA, le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives – viennent de changer. Je crois pouvoir vous dire – c’est une bonne nouvelle – qu’ils sont en train de s’atteler à cette tâche ; ils veulent être des partenaires et jouer collectif, sur la scène française comme internationale. J’espère à ce titre que des rapprochements se feront avec GDF-Suez, afin que notre politique en matière de bouquet énergétique soit puissante et puisse faire face à la montée des appels d’offres et aux mutations énergétiques qui ont lieu dans tous les domaines. Tous les pays du monde, en effet, s’engagent aujourd’hui dans la transition énergétique.

Je veux évoquer un deuxième exemple à l’appui de mon propos. J’étais il y a quelques jours à Abou Dhabi, où se tenait le Sommet mondial des énergies de l’avenir. Qu’un pays producteur de pétrole organise un sommet mondial des énergies renouvelables doit nous inciter à réfléchir !

Pour préparer l’après-pétrole, les pays producteurs investissent massivement dans les énergies renouvelables. Si nous n’accélérons pas ce processus en France, si nous ne poussons pas sur cette voie nos entreprises, au premier rang desquelles EDF, AREVA, GDF, mais aussi le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives et tous les autres opérateurs et sous-traitants, nous allons perdre ces marchés et prendre du retard. Notre responsabilité est donc de réfléchir à l’horizon que nous devons fixer pour ces entreprises, afin que leurs investissements soient sécurisés.

Pour préparer l’après-pétrole, je le répète, les pays producteurs investissent massivement dans les énergies renouvelables, en créant notamment des villes entièrement autonomes en énergie. En Inde aussi un projet de 100 « smart cities », des villes à énergie positive, a été lancé. Il s’agit donc d’un marché mondial considérable, auquel la France est appelée est participer. Elle dispose d’ailleurs des technologies pour ce faire. Nous avons été les premiers à maîtriser les énergies éolienne et solaire. À cause du choix en faveur du tout-nucléaire, nous avons malheureusement perdu l’avance que nous avions dans le développement de quelques-unes de ces technologies.

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