Intervention de Jean-Yves Le Gall

Commission des affaires économiques — Réunion du 11 février 2015 : 1ère réunion
Audition de M. Jean-Yves Le gall candidat proposé aux fonctions de président du conseil d'administration du centre national d'études spatiales cnes

Jean-Yves Le Gall :

Nos choix pour Ariane 6 ont été éclairés, Monsieur Sido, par le remarquable rapport que vous aviez préparé avec Mme Procaccia. Si Ariane 5 est un lanceur exceptionnel, je sais, pour avoir été président d'Arianespace immédiatement après l'échec de son premier lancement, que sa mise au point a été extrêmement difficile, laborieuse, coûteuse. Si ce lanceur fonctionne désormais très bien, il est sensiblement plus cher que celui de SpaceX. Ce dernier ayant été mis au point trente ans après Ariane 5, notre concurrent a bénéficié des progrès considérables de la conception assistée par ordinateur, que l'on peut constater pour la plupart des produits industriels : comparez les automobiles d'aujourd'hui à celles d'il y a trente ans ! Beaucoup plus simple, son lanceur est davantage optimisé. Il est produit par une même usine californienne, où les tôles sont livrées à une porte, et d'où le lanceur sort par une autre. Quel contraste avec la fabrication d'Ariane, éclatée sur vingt-cinq sites en Europe ! Enfin, même si SpaceX se pose en héraut de la libre entreprise, 100 % privé, il reçoit du gouvernement fédéral des subventions conséquentes.

Confrontés à cette situation, nous avons commencé à travailler à une version très simple d'Ariane 6, au sein même de notre organisation industrielle complexe. Le maître d'oeuvre système était alors Airbus, le maître d'oeuvre production, Safran. Prenant mes fonctions au Cnes il y a deux ans, j'ai trouvé ce projet en cours. Nous sommes arrivés au début de 2014 à la conclusion que, quoi que nous fassions, il ne serait pas compétitif face à SpaceX. Nous avons alors demandé aux industriels de passer à une phase nouvelle : la simplification de l'organisation industrielle. Airbus et Safran ont ainsi annoncé, lors d'une réunion à l'Élysée le 16 juin, leur volonté de créer une joint-venture afin de réduire les coûts. Des projets de lanceurs qui avaient été écartés, comme la configuration dite « PHH », se sont alors révélés plus intéressants que la configuration « PPH », moins chère pour une organisation industrielle non simplifiée. La décision prise le 2 décembre à Luxembourg était la meilleure possible : Ariane 6 est beaucoup plus simple qu'Ariane 5, sa conception est modulable et évolutive, et elle est portée par une organisation industrielle qui va dans le bon sens. Nous avons atteint notre objectif ultime : abaisser fortement le coût de l'accès à l'espace. Nous allons diviser par deux le coût du kilo lancé par rapport à Ariane 5.

Le déploiement de Galileo a connu des difficultés, des retards, enfin un échec au lancement le 22 août dernier. Après beaucoup de travail, nous projetons désormais de le lancer, avec un ensemble Soyouz-Ariane, le 27 mars depuis la Guyane. Nous en aurons, comme il est d'usage, confirmation un peu plus tard dans la journée, après le lancement de Vega prévu à 14 heures.

Si les projets internationaux favorisent la répartition des charges, ils rencontrent aussi des écueils. Ne soyons ni naïfs, ni dogmatiques, n'imaginons pas que l'Europe soit la clef de tout. Sachons cependant qu'elle offre une masse critique suffisante pour conduire des programmes autrement hors d'atteinte. Nous avons deux fers au feu : au sein de l'ESA, la délégation française est celle qui, de loin, pèse le plus, comme vous l'avez rappelé, Monsieur le Président ; avec l'Union européenne, nous conduisons les projets Galileo et Copernicus, pour le contrôle de l'environnement. Il est parfois très difficile de se mettre d'accord à vingt-deux, voir à vingt-huit, mais nous progressons.

Nous coopérons avec l'Asie, qui avance à grandes enjambées. Nos partenaires étaient, il y a quelques années, par ordre d'importance, les États-Unis, la Russie, le Japon, la Chine et l'Inde ; ce sont désormais les États-Unis, la Chine, l'Inde, le Japon, et la Russie. Je me suis rendu en Chine il y a quelques jours avec le Premier ministre, nous y avons signé un nouvel accord avec les Chinois, qui sont extrêmement dynamiques et consentent des efforts considérables.

Un euro investi dans le secteur des télécommunications spatiales entraîne environ 20 euros de revenu.

Quant à nous passer de satellites pendant une heure, cette perspective n'est guère séduisante : tout s'arrêterait...

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