Intervention de Mélanie Joder

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 11 février 2015 : 1ère réunion
Audition conjointe sur les évolutions des recettes fiscales et leurs déterminants de M. Michel Aujean associé au sein du cabinet d'avocats taj en charge du pôle prospective fiscale et stratégie d'entreprise Mme Mélanie Joder sous-directrice de la synthèse des finances publiques 1ère sous-direction de la direction du budget et M. Bruno Rousselet chef du service de la gestion fiscale de la direction générale des finances publiques et de M. Olivier Sivieude chef du service du contrôle fiscal à la direction générale des finances publiques

Mélanie Joder, sous-directrice de la synthèse des finances publiques, direction du budget :

La prévision des recettes fiscales, qui fait intervenir plusieurs directions du ministère des finances, est un exercice complexe mais crucial. Complexe, dès lors qu'il prend en compte de multiples facteurs macroéconomiques qui peuvent évoluer en cours d'année, le chiffrage des mesures nouvelles et une analyse spécifique de l'évolution des assiettes fiscales. Crucial, dans la mesure où, indispensable à la bonne gouvernance des finances publiques, il garantit la sincérité des lois de finances.

Cette complexité rend nécessaire l'échange continu d'informations et la confrontation régulière des prévisions entre directions du ministère des finances, afin de parvenir à la meilleure estimation possible, laquelle est ensuite arrêtée par le Gouvernement dans le projet de loi de finances. Cette coordination vise à renforcer la qualité des prévisions.

Dans ce contexte, la direction du budget joue un rôle de coordonnateur, responsable de la préparation des projets de finances et de finances rectificative dans les calendriers fixés par le Gouvernement et de production de l'ensemble des documents qui leur sont annexés.

Pour la préparation des lois de finances, la direction du budget veille ainsi au calendrier, à la confrontation des prévisions des directions, à l'organisation du débat et des arbitrages puis à la production des annexes chiffrées des lois de finances. Pour ce faire, elle prépare les deux réunions d'arbitrage qui réunissent l'ensemble des directions concernées que sont la direction du Trésor, la direction générale des finances publiques, la direction de la législation fiscale, la direction des douanes et la direction de la sécurité sociale. Ces réunions se tiennent deux fois par an, sous la direction du cabinet du ministre en charge du budget.

En cours de débat parlementaire, elle assure le suivi des débats et des amendements ayant des incidences en recettes, ainsi que celui de l'article d'équilibre des lois de finances.

Elle effectue, enfin, des prévisions de recettes à législation constante, sur la base des modèles macroéconomiques existants.

La direction du budget assure par ailleurs le suivi de la gestion des recettes fiscales. Elle est responsable de la publication de la situation mensuelle budgétaire (SMB), et de l'organisation de réunions interdirectionnelles mensuelles de suivi des recettes fiscales.

Quelles évolutions sont intervenues à la suite de la transmission au ministre des finances du référé de la Cour des comptes sur les prévisions des recettes fiscales de l'État ? Dans son référé, la Cour des comptes a formulé plusieurs propositions très utiles à l'amélioration du processus de prévision des recettes fiscales de l'État. La Cour a mis en évidence le fait que des écarts importants peuvent exister entre prévision et exécution, mais néanmoins qu'il n'y a pas de biais systématique ni à la hausse ni à la baisse, d'après les calculs faits par la Cour sur les dix dernières années, en mettant de côté l'année 2009, exceptionnelle du fait de la crise économique. Sur la durée d'un cycle économique, les prévisions sont donc en moyenne équilibrées : le ministère des finances se trompe à la hausse ou à la baisse. En revanche, les années où les écarts les plus importants sont observables sont les années de retournement économique. La difficulté à anticiper ces points d'inflexion dans l'évolution de la croissance économique, qui existe dans la plupart des pays européens, explique largement ces écarts.

Trois sources d'incertitude peuvent notamment se présenter. En premier lieu, l'incertitude inhérente aux prévisions macroéconomiques : la prévision de croissance du produit intérieur brut (PIB), mais aussi, à croissance donnée, la composition de cette croissance, qui joue sur les bases fiscales.

En deuxième lieu, les incertitudes tenant aux modèles de prévision des impôts. Les assiettes macroéconomiques peuvent être plus ou moins proches des assiettes fiscales : elles sont très proches dans le cas de la TVA, beaucoup moins pour l'impôt sur les sociétés. C'est sur ce dernier que les prévisions sont les moins précises, du fait de la mécanique très particulière de cet impôt. Plus généralement, quel que soit l'impôt considéré, des écarts liés à la déformation de la structure des assiettes peuvent exister.

En troisième lieu, l'incertitude dans le chiffrage des mesures nouvelles : des effets comportementaux difficilement prévisibles liés à la mise en place de nouveaux dispositifs peuvent notamment avoir un impact qui n'était pas anticipé sur les recettes, même si ces changements de comportement sont bien pris en compte lorsque les services du ministère des finances évaluent l'évolution spontanée des différentes recettes.

Depuis le référé de la Cour des comptes, les documents budgétaires ont par ailleurs été revus et enrichis afin d'améliorer la qualité de l'information publique. Ainsi, le tome I de l'annexe « Voies et Moyens » au projet de loi de finances pour 2015 présente des retours sur les écarts entre prévision et exécution constatés en 2013 pour les principaux impôts, et notamment pour l'impôt sur le revenu. De même, le rapport économique, social et financier (RESF) annexé à ce même projet de loi de finances présente un encadré complet sur l'écart à la prévision de l'impôt sur le revenu 2013. Un effort particulier d'explication avait déjà été fait dans le RESF annexé au projet de loi de finances pour 2014, avec un encadré revenant sur la moins-value de TVA observée en 2012.

Concernant la présentation des méthodes de prévisions des impôts, les recommandations de la Cour des comptes ont également été suivies, et continueront à l'être : le « Voies et moyens » annexé au projet de loi de finances pour 2015 intègre des encadrés méthodologiques qui détaillent les méthodes de prévision et les facteurs d'évolution pour les principaux impôts.

Ces éléments viennent s'ajouter aux analyses traditionnellement effectuées dans le « Voies et moyens » et le RESF annexés au projet de loi de finances pour une année donnée : retour sur l'exécution de la pénultième année et ses déterminants, assorti d'une analyse de la prévision révisée pour l'année immédiatement antérieure et de la prévision pour l'année à venir. Dans la même optique, le RESF revient sur des éléments de l'exécution et présente les prévisions de recettes et leurs fondements macroéconomiques.

Les services de la direction du budget échangent fréquemment avec la représentation nationale et tout particulièrement les commissions des finances. Ils sont également en lien régulier avec la Cour des comptes et le Haut Conseil des finances publiques.

Le Haut Conseil des finances publiques joue un rôle très important de validation de la crédibilité des hypothèses macroéconomiques. Les échanges fournis de cet organisme indépendant avec le ministère des finances, la discussion des hypothèses macroéconomiques, ont apporté une transparence accrue. Ils ont évidemment une incidence majeure sur les prévisions de recettes. Chaque échéance parlementaire, depuis le programme de stabilité jusqu'au collectif budgétaire de fin d'année, donne lieu à des échanges nourris. Cela signifie que quatre à cinq fois dans l'année, nous confrontons nos prévisions, notamment le cadrage macro-économique, avec le Haut Conseil.

Les prévisions macro-économiques ont évidemment un impact majeur sur les recettes attendues. Le rôle du Haut Conseil, cependant, n'est pas de se prononcer sur la crédibilité des prévisions de recettes. Il veille, d'une part, à la cohérence de la trajectoire de retour à l'équilibre des finances publiques avec les engagements européens de la France, d'autre part à la cohérence entre l'article liminaire de chaque loi de finances et la trajectoire de référence, c'est-à-dire la loi de programmation des finances publiques.

Toutefois, pour exercer cette mission, il se prononce, au-delà des hypothèses macro-économiques, sur la cohérence d'ensemble entre le scénario économique et les prévisions de recettes fiscales.

À titre d'exemple, concernant le projet de loi de finances pour 2014, le Haut conseil, tout en validant globalement l'hypothèse de croissance du Gouvernement, qu'il qualifiait de « plausible », avait invité celui-ci à faire preuve de prudence sur les recettes. Cet avis a été pris en compte dans le programme de stabilité, qui revoyait à la baisse de 0,1 point l'élasticité des prélèvements obligatoires. Tant en 2013 qu'en 2014, il soulignait également des encaissements en cours d'année « compatibles » ou « en ligne » avec la prévision proposée pour l'année considérée.

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