Intervention de François Pillet

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 11 février 2015 : 1ère réunion
Modification du règlement du sénat afin d'autoriser le bureau à prononcer des sanctions disciplinaires à l'encontre des membres du sénat qui auraient manqué à leurs obligations en matière de conflits d'intérêt — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de François PilletFrançois Pillet, rapporteur :

Il n'est pas encore prévu que cette proposition de résolution soit inscrite à l'ordre du jour de la séance publique. Cependant, le président du Sénat a souhaité que la commission des lois se prononce sur ce texte afin de contribuer à la réflexion en cours des groupes de travail sur nos méthodes et notre gouvernance.

Depuis 2009, plusieurs initiatives ont été prises en matière de déontologie et de prévention des conflits d'intérêts des sénateurs. En 2009, l'activité des groupes d'intérêt au Sénat a été encadrée et leur accès au Sénat subordonné à leur inscription sur un registre. Le 25 novembre 2009, le Bureau du Sénat a créé un comité de déontologie, instance consultative, chargée de formuler des avis, mais qui ne peut s'autosaisir. En 2011, le groupe de travail de la commission des lois, présidé par Jean-Jacques Hyest, a formulé 40 propositions, afin de mettre en place un système efficace de prévention et de sanction des conflits d'intérêts applicable aux parlementaires. En 2011, le Bureau a instauré un dispositif déclaratif renforcé. Les sénateurs doivent notamment remplir une déclaration d'activités et d'intérêts, rendue publique, depuis 2012, sur le site internet du Sénat. Les lois du 11 octobre 2013 relatives à la transparence de la publique ont créé une Haute Autorité pour la transparence de la vie publique et repris l'obligation de déclaration d'intérêts. Le 25 juin 2014, le Bureau a adopté de nouvelles mesures visant à renforcer le dispositif de prévention et de traitement des conflits d'intérêts des sénateurs. La composition du comité de déontologie a été modifiée. L'Assemblée nationale, quant à elle, vient de mettre sur pied dans son règlement un système de sanction des manquements déontologiques. Elle a désigné un déontologue extérieur, alors qu'au Sénat, la déontologie relève d'un comité interne.

La résolution que nous examinons propose que les sanctions disciplinaires prévues par le règlement du Sénat puissent être appliquées par le Bureau à l'encontre de membres du Sénat qui n'auraient pas respecté leurs obligations déontologiques en matière de conflits d'intérêts.

Le règlement du Sénat définit une échelle de quatre sanctions disciplinaires : le rappel à l'ordre, avec ou sans inscription au procès-verbal, en cas de perturbation de la séance, la censure et la censure avec exclusion temporaire. La censure simple emporte la privation, pendant un mois, du tiers de l'indemnité parlementaire et de la totalité de l'indemnité de fonction, tandis que la censure avec exclusion temporaire étend cette privation à deux mois. Si le rappel à l'ordre relève de la compétence du Président, la censure relève d'une décision du Sénat, sur proposition du Président. Depuis 1958, des sanctions ont été prononcées seulement à cinq reprises, mais jamais la censure.

Il est nécessaire d'inscrire dans notre règlement une définition du conflit d'intérêts pour les parlementaires. Ce sera l'objet de mes premiers amendements. Lors de l'examen de la loi organique du 11 octobre 2013, nous avions adopté une définition, à l'initiative de M. Collombat, mais celle-ci n'a pas été reprise par l'Assemblée nationale. Le 25 juin 2014, le Bureau du Sénat a introduit dans l'instruction générale du Bureau une autre définition. Je proposerai aussi une rédaction intermédiaire.

Il convient aussi de reconnaître clairement, dans le règlement du Sénat, le rôle du comité de déontologie parlementaire, dont la composition et les missions sont détaillées par l'instruction générale du Bureau.

En vertu du principe de légalité des délits et des peines, les cas de manquements susceptibles de donner lieu à des sanctions doivent être précisés. Un de mes amendements clarifie le manquement à l'obligation de déclaration des dons et avantages en nature reçus d'organismes extérieurs. Je propose aussi de prendre en compte la participation à des colloques à financement privés. De même, les manquements aux principes déontologiques définis par le Bureau dans son instruction générale (intérêt général, indépendance, intégrité, laïcité, assiduité, dignité, probité) doivent pouvoir donner lieu à sanction disciplinaire.

Il convient aussi de veiller au respect des droits de la défense et du principe du contradictoire. Les sanctions doivent être publiques, sinon elles ne seront pas crédibles. Enfin, compte tenu de la gravité des manquements, il faut prévoir que seules sont applicables les sanctions de censure simple et de censure avec exclusion temporaire. Le Bureau doit être autorisé à moduler à la hausse le montant ou la durée des sanctions financières. Veillons à la proportionnalité des sanctions : un défaut de déclaration devant la Haute autorité pour la transparence de la vie publique est passible de trois ans de prison...

Mes propositions visent ainsi à inscrire dans le règlement les mesures relatives au conflit d'intérêts, à mieux définir les infractions, à moduler les peines et à prévoir la publicité des sanctions.

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