Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes appelés aujourd'hui à légiférer dans l'urgence sur un projet de loi pourtant déposé sur le bureau du Sénat en novembre 2001. Je ne peux donc que déplorer que nous n'ayons pu disposer que de quelques jours pour travailler sur un texte porteur d'enjeux aussi importants pour les secteurs de la recherche et de l'industrie, qui vise à instaurer une protection juridique des inventions biotechnologiques, en permettant leur brevetabilité. Cela permettra de modifier radicalement l'environnement juridique et financier des entreprises biotechnologiques françaises et européennes.
Ces entreprises ont pris un retard dramatique par rapport à leurs concurrentes américaines du fait d'un manque de financement. Ainsi le forum consultatif sur les biotechnologies Union européenne - Etats-Unis a évalué ce déficit de financement européen à un milliard de dollars en 2003.
Cela tient à la structure de notre système bancaire, où le capital risque reste marginal, mais cela tient surtout à l'absence de garanties offertes aux prêteurs en matière de propriété intellectuelle. En effet les entreprises du secteur des biotechnologies sont caractérisées par un processus de recherche et de développement très long et coûteux avant de disposer d'un produit commercialisable, quand les recherches aboutissent. C'est donc peu dire que le secteur est très risqué pour les investisseurs.
Or le développement des biotechnologies, qui ne se limitent pas, loin de là, aux OGM tant décriés par une partie de nos concitoyens, est un facteur crucial d'indépendance nationale. Dans le secteur de la santé humaine, plus de 50% des nouveaux médicaments sont issus des techniques d'ingénierie moléculaire et cellulaire. Dans le secteur industriel, les biotechnologies permettent de mettre au point de nouveaux matériaux ou procédés.
De plus, à une heure où l'économie de la connaissance, avec la mise en place de pôles de compétitivité, comme l'a justement préconisé notre collègue député Christian Blanc, est une clé indispensable pour lutter contre les délocalisations, il est indispensable de mettre en place tous les outils nécessaires pour permettre à notre recherche et à notre industrie de rester compétitives.
Pour les seuls domaines médical et industriel, le marché potentiel mondial des biotechnologies à l'horizon 2010 a été évalué à plus de 2 000 milliards d'euros, soit environ deux fois le PIB de la France, comme l'a souligné notre rapporteur. II est absolument inenvisageable que la France et l'Europe restent en dehors de ce marché.
Partant du constat du grave retard européen en matière de biotechnologies, la Commission européenne et le Conseil européen ont élaboré un plan en trente points visant à la création d'un véritable espace des biotechnologies, à l'amélioration des outils de financement et à la protection de la propriété intellectuelle.
En tant que parlementaires, nous devons donc prendre nos responsabilités et permettre la mise en place d'un environnement favorable au développement des biotechnologies. Toutefois je souhaiterais revenir sur deux points.
Tout d'abord, il faut rappeler l'avancée représentée par la loi relative à la bioéthique dans la transposition de la directive 98/44/CE. Depuis l'adoption de cette directive, l'essentiel du débat sur ce texte s'est cristallisé en France sur ses articles 5 et 6 relatifs à la brevetabilité d'éléments du corps humain et à ses implications éthiques. La loi bioéthique d'août 2004 a permis, à l'issue d'un débat parlementaire très riche, de trancher sur cette question et de déterminer dans le champ de l'humain ce qui pouvait faire l'objet de brevets.
Par ailleurs, la distinction entre invention et découverte, posée par la directive, limite également les possibilités de brevets déposés sur le vivant. En effet, tout ce qui n'est qu'une découverte de l'existant naturel, et qui ne fait donc pas appel à l'inventivité scientifique, est exclu du champ de la brevetabilité.
Une application de ce principe est l'exclusion des variétés végétales et des races animales du champ de la brevetabilité ainsi que l'exclusion du corps humain. Cette définition européenne du brevet sur le vivant, très différente de sa conception américaine, est donc propre à limiter les excès. Elle peut permettre d'éviter l'apparition de nouvelles contraintes pour les chercheurs, dues à une accumulation des brevets, à des redevances en cascade pour tous leurs propriétaires et à l'existence de brevets larges pouvant englober des pans entiers de secteurs de recherche.
Le second point que je souhaite aborder a trait à la coordination entre le droit des brevets et celui des obtentions végétales. L'agriculteur que je suis ne peut que se féliciter des propositions de notre rapporteur concernant l'exception du sélectionneur. En effet, le certificat d'obtention végétale, système qui est utilisé pour protéger la création variétale en Europe, est un dispositif équilibré.
Il comporte ainsi deux exceptions au droit de propriété sur les variétés, dont une seule a été reprise dans la directive 98/44/CE, celle qui est relative au droit d'un agriculteur d'utiliser une partie de sa récolte pour resemis, dans des conditions définies.
La seconde exception, dite exception du sélectionneur, permet l'usage, à des fins de créations nouvelles, de la variété génétique représentée par les variétés protégées et légalement accessibles.
Or lorsqu'une variété végétale est protégée par un certificat d'obtention végétale, elle peut également bénéficier d'une protection par brevet si elle incorpore un gène servant de support à une invention. Il est donc nécessaire de coordonner les deux droits de propriété intellectuelle sur une telle variété transgénique.
Je partage l'analyse de M. le rapporteur selon laquelle l'exception du sélectionneur est la seule qui soit à même de permettre aux petites et moyennes entreprises semencières européennes de survivre.
Pour toutes ces raisons, le groupe de l'Union centriste, au nom duquel je m'exprime, est favorable à ce texte et soutiendra les modifications proposées par la commission.
Il me reste à remercier et à féliciter notre rapporteur Jean Bizet et la commission des affaires économiques et du Plan pour leur excellent travail.