« Le mieux est parfois l’ennemi du bien » : si elle n’est guère originale, cette formule, que j’emprunte à Charles Revet, me semble de circonstance.
Je considère que le projet de loi, tel qu’il a été adopté par l’Assemblée nationale, ne peut qu’être ressenti comme une humiliation par l’ensemble de la filière électronucléaire française et ses milliers de salariés, aux niveaux de compétences extraordinairement différents mais qui partagent la légitime fierté d’avoir doté notre pays d’un outil de qualité exceptionnelle, dont la performance est universellement reconnue. Tout ne va pas toujours très bien en France, et les secteurs industriels dans lesquels nous figurons sur le podium mondial ne sont pas innombrables. Par conséquent, lorsqu’une filière, qui a été soutenue par une très large majorité politique, allant de l’extrême gauche communiste à la droite gaulliste, en passant par les libéraux, connaît le succès, je trouve très regrettable de lui adresser un signal de méfiance.
M. le rapporteur a souligné avec clarté que l’objectif de réduction à 50 % de la part du nucléaire à l’horizon 2025, outre qu’il est humiliant, est impossible à atteindre, sauf à arrêter deux centrales par an, ce que nul ne saurait accepter. En outre, il faudrait nécessairement, à court terme, substituer au nucléaire une énergie carbonée. En effet, le nucléaire ne représente en France que 50 % du potentiel de production électrique, même s’il fournit 76 % de l’électricité que nous consommons. La différence s’explique par la stérilisation actuelle du potentiel de production thermique : pour atteindre l’objectif visé, la France serait contrainte de le mobiliser en remettant en activité des centrales thermiques fonctionnant au charbon, comme l’a fait l’Allemagne.
C’est donc fort lucidement que M. le rapporteur nous propose de renoncer à inscrire dans le texte la référence à l’horizon 2025 : il sera tout simplement impossible de tenir cette échéance. En effet, madame le ministre, vous ne pourrez pas mettre en œuvre votre programme, car cela entraînerait des conséquences économiques, sociales, environnementales et en matière d’aménagement du territoire tout à fait insupportables. Je le répète, à l’échéance de dix ans, seule la production d’énergie thermique serait en mesure de prendre la relève, compte tenu des réactions mitigées que suscite l’implantation d’éoliennes, des faibles capacités du photovoltaïque et de l’insuffisance de l’énergie thermique renouvelable – géothermie et biomasse. Affirmer le contraire, c’est mentir de façon éhontée ! J’ajoute que si cette année les cours du Brent sont bas, il pourrait en aller tout autrement demain.
Cela étant dit, le mieux étant parfois l’ennemi du bien, je retire mon amendement au profit de la rédaction élaborée par la commission, qui a l’immense mérite d’être réaliste et de ne pas décourager une filière dont la réussite honore la France.