La séance est ouverte à quatorze heures trente.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
En application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 prises pour son application, la commission des affaires économiques a émis un vote favorable – dix-neuf voix pour –, lors de sa réunion de ce jour, à la nomination de M. Jean-Yves Le Gall comme président du conseil d’administration du Centre national d’études spatiales.
Acte est donné de cette communication.
Mme la présidente. Mes chers collègues, j’ai le plaisir de saluer en votre nom la présence, dans notre tribune d’honneur, d’une délégation de membres de la Chambre des députés du Grand-Duché de Luxembourg.
Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, se lèvent.
Cette délégation est conduite par M. Henri Kox, président de la commission de l’environnement et de la sous-commission « préparation du débat d’orientation sur l’orientation politique ainsi que du cadre d’action en matière de climat et d’énergie », de la commission de l’économie et de la commission de l’environnement. Elle est accompagnée par notre collègue Olivier Cadic, président délégué du groupe d’amitié pour le Luxembourg.
Nos collègues luxembourgeois consacrent leur journée à l’examen de la législation française en matière de transition énergétique.
À ce titre, ils ont eu un déjeuner de travail avec Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques, pour approfondir le contenu du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, dont nous avons entamé l’examen hier après-midi.
Nous formons tous le vœu que cette visite leur soit profitable et nous leur souhaitons la plus cordiale bienvenue au Sénat !
Applaudissements.
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la transition énergétique pour la croissance verte (projet n° 16, texte de la commission n° 264 rectifié, rapport n° 263, avis n° 236, 237 et 244).
Nous poursuivons la discussion des articles.
Titre Ier
Définir les objectifs communs pour réussir la transition énergétique, renforcer l’indépendance énergétique et la compétitivité économique de la France et lutter contre le changement climatique
Au sein du titre Ier, nous reprenons l’examen de l’article 1er, dont je rappelle les termes :
I. – L’article L. 100-1 du code de l’énergie est ainsi rédigé :
« Art. L. 100 -1. – La politique énergétique :
« 1° A
Supprimé
« 1° Favorise l’émergence d’une économie compétitive et riche en emplois grâce à la mobilisation de toutes les filières industrielles, notamment celles de la croissance verte qui se définit comme un mode de développement économique respectueux de l’environnement, à la fois sobre et efficace en énergie et en consommation de ressources et de carbone, et garant de la compétitivité des entreprises ;
« 2° Assure la sécurité d’approvisionnement et réduit la dépendance aux importations ;
« 3° Maintient un prix de l’énergie compétitif et attractif au plan international et permet de maîtriser les dépenses en énergie des consommateurs ;
« 4° Préserve la santé humaine et l’environnement, en particulier en luttant contre l’aggravation de l’effet de serre et contre les risques industriels majeurs, en réduisant l’exposition des citoyens à la pollution de l’air et en garantissant la sûreté nucléaire ;
« 5° Garantit la cohésion sociale et territoriale en assurant un droit d’accès de tous à l’énergie sans coût excessif au regard des ressources des ménages ;
« 6° Lutte contre la précarité énergétique ;
« 7° Contribue à la mise en place d’une politique énergétique européenne. »
II. – L’article L. 100-2 du code de l’énergie est ainsi rédigé :
« Art. L. 100 -2. – Pour atteindre les objectifs définis à l’article L. 100-1, l’État, en cohérence avec les collectivités territoriales et leurs groupements et en mobilisant les entreprises, les associations et les citoyens, veille, en particulier, à :
« 1° Maîtriser la demande d’énergie et favoriser l’efficacité et la sobriété énergétiques ;
« 2° Garantir aux personnes les plus démunies l’accès à l’énergie, bien de première nécessité, ainsi qu’aux services énergétiques ;
« 3° Diversifier les sources d’approvisionnement énergétique, réduire le recours aux énergies fossiles, diversifier de manière équilibrée les sources de production d’énergie et augmenter la part des énergies renouvelables dans la consommation d’énergie finale ;
« 3° bis Procéder à un élargissement progressif de la part carbone dans les taxes intérieures de consommation sur les énergies fossiles, cette augmentation étant compensée, à due concurrence, par un allègement de la fiscalité pesant sur d’autres produits, travaux ou revenus ;
« 4° Assurer l’information de tous et la transparence, notamment sur les coûts et les prix de l’énergie ainsi que sur son contenu carbone ;
« 5° Développer la recherche et favoriser l’innovation dans le domaine de l’énergie, notamment en donnant un élan nouveau à la physique du bâtiment ;
« 5° bis Renforcer la formation aux problématiques et aux technologies de l’énergie de tous les professionnels impliqués dans les actions d’économie d’énergie, notamment par l’apprentissage ;
« 6° Assurer des moyens de transport et de stockage de l’énergie adaptés aux besoins.
« Pour concourir à la réalisation de ces objectifs, l’État, les collectivités territoriales et leurs groupements, les entreprises, les associations et les citoyens associent leurs efforts pour développer des territoires à énergie positive. Est dénommé “territoire à énergie positive” un territoire qui s’engage dans une démarche permettant d’atteindre au moins l’équilibre entre la consommation et la production d’énergie à l’échelle locale en réduisant autant que possible les besoins d’énergie. Un territoire à énergie positive doit favoriser l’efficacité énergétique, la réduction des émissions de gaz à effet de serre et la diminution de la consommation des énergies fossiles et viser le déploiement d’énergies renouvelables dans son approvisionnement. »
III. – L’article L. 100-4 du code de l’énergie est ainsi rédigé :
« Art. L. 100 -4. – I. – La politique énergétique nationale a pour objectif principal de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40 % entre 1990 et 2030, conformément aux engagements pris dans le cadre de l’Union européenne, et de diviser par quatre les émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2050. La trajectoire est précisée dans les budgets carbone mentionnés à l’article L. 222-1 A du code de l’environnement. À cette fin, elle vise à :
« 1°
Supprimé
« 2° Porter le rythme annuel de baisse de l’intensité énergétique finale à 2, 5 % d’ici à 2030, en poursuivant un objectif de réduction de la consommation énergétique finale de 50 % en 2050 par rapport à l’année de référence 2012. Cette dynamique soutient le développement d’une économie efficace en énergie, notamment dans les secteurs du bâtiment, des transports et de l’économie circulaire, et préserve la compétitivité et le développement du secteur industriel ;
« 3° Réduire la consommation énergétique primaire des énergies fossiles de 30 % en 2030 par rapport à l’année de référence 2012 en modulant cet objectif par énergie fossile en fonction du facteur d’émissions de gaz à effet de serre de chacune ;
« 4° Porter la part des énergies renouvelables à 23 % de la consommation finale brute d’énergie en 2020 et à 32 % de cette consommation en 2030 ; à cette date, cet objectif est décliné en 40 % de la production d’électricité, 38 % de la consommation finale de chaleur, 15 % de la consommation finale de carburants et 10 % de la consommation de gaz ;
« 5° Réduire la part du nucléaire dans la production d’électricité sous réserve de préserver l’indépendance énergétique de la France, de maintenir un prix de l’électricité compétitif et de ne pas conduire à une hausse des émissions de gaz à effet de serre de cette production, cette réduction intervenant à mesure des décisions de mise à l’arrêt définitif des installations prises en application de l’article L. 593-23 du code de l’environnement ou à la demande de l’exploitant, et en visant à terme un objectif de réduction de cette part à 50 % ;
« 6° Disposer d’un parc immobilier dont l’ensemble des bâtiments sont rénovés en fonction des normes “bâtiment basse consommation” ou assimilé, à l’horizon 2050, en menant une politique de rénovation thermique des logements dont au moins la moitié est occupée par des ménages aux revenus modestes ;
« 7° Parvenir à l’autonomie énergétique dans les départements d’outre-mer en 2030, avec, comme objectif intermédiaire, 30 % d’énergies renouvelables à Mayotte et 50 % d’énergies renouvelables à La Réunion, en Martinique, en Guadeloupe et en Guyane en 2020.
« II. – L’atteinte des objectifs définis au I du présent article fait l’objet d’un rapport au Parlement déposé dans les six mois suivant l’échéance d’une période de la programmation pluriannuelle de l’énergie mentionnée à l’article L. 141-3 du présent code. Le rapport et l’évaluation des politiques publiques engagées en application du présent titre peuvent conduire, au regard du développement des énergies renouvelables et de la compétitivité de l’économie, à la révision des objectifs de long terme définis au I. »
IV. –
Non modifié
V. –
Non modifié
VI. – Le II de l’article 22 de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 précitée est ainsi modifié :
1° À la deuxième phrase du cinquième alinéa, la référence : « 10 de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique » est remplacée par la référence : « L. 144-1 du code de l’énergie » ;
2° La dernière phrase du cinquième alinéa et la seconde phrase du sixième alinéa sont supprimées.
Hier soir, les orateurs inscrits sur cet article se sont exprimés.
Nous en sommes parvenus à l’examen des amendements.
L'amendement n° 494, présenté par MM. Bosino et Le Scouarnec, Mme Didier, M. Vergès, Mme Assassi, M. Abate, Mme Beaufils, MM. Billout et Bocquet, Mmes Cohen, Cukierman, David et Demessine, MM. Favier et Foucaud, Mme Gonthier-Maurin, M. P. Laurent, Mme Prunaud et M. Watrin, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :
« 1° A Réaffirme le besoin d’une maîtrise publique du secteur de l’énergie ;
La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, cet amendement est pour nous l’occasion de réaffirmer que la maîtrise publique du secteur de l’énergie doit être un élément incontournable de notre politique énergétique. À ce titre, elle mérite d’être inscrite dans le texte que nous examinons.
Cela a été dit – je pense toutefois que nous reviendrons sur ce sujet –, la politique énergétique de notre pays a besoin de cohérence et de transparence, …
…. que seules, de notre point de vue, une maîtrise publique est en mesure de fournir.
À cet égard, le hasard fait que nous recevons une délégation de collègues parlementaires du Luxembourg que je salue. Or il semblerait qu’EDF effectue de l’optimisation fiscale à travers des compagnies d’assurance basées au Luxembourg et en Irlande, ce qui me paraît donner tout son sens à l’évocation de la transparence et de la maîtrise publique.
Selon nous, la maîtrise publique répond, d’abord, à un enjeu démocratique, illustré par cette affaire d’optimisation. En effet, vous le savez, nous ne considérons pas que l’énergie soit une marchandise comme les autres.
Cette maîtrise publique répond aussi à un enjeu économique, puisque l’efficacité et la performance de notre système énergétique reposent historiquement sur le respect de ce principe et de la solidarité nationale qu’il implique.
Dès la Libération, c’est ce système énergétique qui a constitué le socle d’une cohérence et d’une solidarité nationale indispensables au redressement et au développement de notre pays.
Aujourd’hui, plus que jamais, la France a besoin d’un nouvel élan industriel et économique qui ne pourra évidemment se faire sans prendre en compte l’exigence écologique dans son ensemble.
Sans une véritable maîtrise publique du secteur de l’énergie, il sera impossible de répondre aux enjeux sociaux, économiques et environnementaux, comme de satisfaire le besoin de davantage de transparence, d’indépendance et d’expertise.
Tel est le sens du présent amendement.
Mon cher collègue, c’est parce que l’énergie est un secteur stratégique que l’État actionnaire détient aujourd'hui encore une part importante du capital des grandes entreprises de ce secteur : 84 % pour EDF, 36 % pour GDF-Suez, 87 % pour Areva.
De plus, le présent projet de loi démontre que l’État conserve son rôle de stratège en matière de politique énergétique en lui assignant des objectifs ambitieux et en renforçant les outils de pilotage et de gouvernance à sa disposition, notamment la stratégie bas-carbone, la programmation pluriannuelle de l’énergie, le plan stratégique et les pouvoirs du commissaire du Gouvernement au sein du conseil d’administration d’EDF, ce qui vous tient à cœur, mon cher collègue !
C'est dire que la maîtrise publique de ce secteur est plus que jamais effective et qu’il n’est pas besoin de la réaffirmer dans le présent article.
Par conséquent, j’émets, au nom de la commission, un avis défavorable sur l’amendement n° 494.
Le Gouvernement partage l’avis de la commission et suggère même le retrait de cet amendement qui est, d’une certaine façon, satisfait.
Comme vient de le dire M. le rapporteur, ce projet de loi a précisément pour objet de remettre aux mains des pouvoirs publics – non seulement l’État, mais aussi la représentation nationale dont vous faites partie, mesdames, messieurs les sénateurs – la maîtrise du modèle énergétique.
Oui, madame la présidente. Certes, je comprends bien les arguments de M. le rapporteur et de Mme la ministre. Pour autant, on ne peut pas considérer que la maîtrise publique du secteur de l’énergie est expressément précisée dans le texte.
Cette affaire d’optimisation pratiquée par EDF montre d'ailleurs qu’il ne suffit pas de détenir plus de 80 % des actions de ladite entreprise pour garantir une réelle maîtrise publique. La réalité, c’est que la recherche du profit financier prime sur celle d’une réponse aux besoins énergétiques !
Je veux m’opposer à cet amendement eu égard aux considérations quelque peu oiseuses que vient d’émettre M. Bosino au sujet de l’actualité et de la présence de nos visiteurs.
Le Grand-Duché de Luxembourg est le premier employeur lorrain : 70 000 salariés y vont travailler tous les jours, profitant du dynamisme, de l’esprit d’entreprise de ce pays et du développement des services et de l’industrie qui y sont implantés.
Première observation, je ne pense pas qu’il faille entretenir un malentendu avec l’un des pays qui est à l’origine de l’Union européenne et qui en préside d'ailleurs en quelque sorte la destinée, à travers la personne de M. Jean-Claude Juncker.
Seconde observation, vous auriez été plus avisé de rappeler, mon cher collègue, que le Grand-Duché de Luxembourg n’a jamais été consulté lorsque nous avons décidé d’installer – ce dont je me réjouis en tant que Lorrain – une centrale nucléaire à Cattenom, à ses portes.
Il aurait été heureux que vous ne saisissiez pas l’occasion de la présence dans la tribune d’honneur d’une délégation de ce pays pour prendre à partie notre voisin, qui est l’un des fondateurs de l’Union européenne !
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 853 rectifié bis, présenté par M. Cornano, Mme Claireaux et MM. Antiste, Desplan, J. Gillot, Mohamed Soilihi et Patient, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Après les mots :
et de carbone
supprimer la fin de cet alinéa.
La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.
L'amendement n° 324 rectifié, présenté par MM. Courteau, Poher, Montaugé, Cabanel, S. Larcher, Cornano et Boulard, Mme Bonnefoy, M. Aubey, Mme Jean, MM. Roux, Madec, Miquel, Germain et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer les mots :
et garant de la compétitivité des entreprises
par les mots :
socialement inclusif, développant le potentiel d’innovation et source de compétitivité
La parole est à M. Roland Courteau.
À la suite de l’adoption en commission d’un amendement présenté par M. le rapporteur, l’alinéa 4 de l’article 1er comporte une définition de la croissance verte, l’introduisant ainsi dans le code de l’énergie.
La croissance verte est définie comme « un mode de développement économique respectueux de l’environnement, à la fois sobre et efficace en énergie et en consommation de ressources et de carbone, et garant de la compétitivité des entreprises ».
Si cette définition est, à bien des égards, satisfaisante, elle peut néanmoins être modifiée et complétée.
La croissance verte est, d’abord, une croissance durable et orientée vers le long terme.
Dans sa définition la plus basique, extraite du rapport du Programme des Nations unies pour l’environnement du mois de février 2011, la croissance verte est « à bas carbone, efficace en ressources et socialement inclusive ».
La notion désignée par les mots « socialement inclusive » est importante !
Dans sa communication du 2 juillet 2014, la Commission européenne précise : « La stratégie Europe 2020 reconnaît que la transition vers une économie verte, pauvre en carbone et utilisant efficacement les ressources est capitale dans l’obtention d’une croissance intelligente, durable et inclusive. Le gaspillage des ressources, les pressions – insoutenables à long terme – exercées sur l’environnement, le changement climatique, mais aussi l’exclusion sociale et les inégalités sont autant d’obstacles à une croissance économique durable qui expliquent qu’un modèle de croissance différent, ″au-delà du PIB″, soit à l’ordre du jour depuis plusieurs années. »
La croissance verte est donc socialement inclusive parce qu’elle s’attaque aussi aux inégalités sociales et environnementales, en intégrant des objectifs de responsabilité sociétale et environnementale : en luttant, par exemple, contre l’exposition aux polluants, source d’inégalités en termes de santé, ou en cherchant à réduire la précarité énergétique.
Par ailleurs, la croissance verte est fondée sur le développement du potentiel d’innovations technologiques au plan tant des processus, avec les nouvelles technologies de communication, comme les compteurs intelligents, que des produits. Elle suscite, comme l’aurait dit en son temps Joseph Schumpeter, une nouvelle « vague d’innovations » qui se nourrit d’elle-même.
Ces grappes d’innovations génèrent de nouveaux investissements en matière de modernisation mais aussi de capacités, autrement dit de nouvelles éco-activités, et des emplois sur le moyen et long terme. Mais c’est bien la recherche de la protection de l’environnement qui suscite des innovations et qui est à la source de la compétitivité des entreprises.
Pour toutes ces raisons, nous proposons de remplacer les termes « et garant de la compétitivité des entreprises » par les mots « socialement inclusif, développant le potentiel d’innovation et source de compétitivité ».
Les amendements n° 853 rectifié bis et 324 rectifié traitent du même sujet, la définition de la croissance verte, mais ne visent pas le même objectif.
Le premier tend à supprimer purement et simplement la garantie de la compétitivité des entreprises. La commission des affaires économiques y est hostile et a émis un avis défavorable.
Le second a pour objet d’ajouter la référence au caractère socialement inclusif et au potentiel d’innovation, deux notions qui me paraissent compléter utilement la définition susvisée. J’émets donc un avis favorable sur cette partie de l’amendement.
En revanche, monsieur Courteau, vous supprimez au passage la référence à la garantie de la compétitivité des entreprises, ...
... introduite à la suite de l’adoption de deux amendements, l’un de l’UMP, l’autre de l’UDI-UC, présentés en commission.
Je propose donc que nous adoptions le présent amendement, à condition toutefois que soit rétablie la mention de la garantie de la compétitivité des entreprises ; cela nous mettra tous d’accord.
Sous réserve de cette rectification, j’émets un avis favorable sur cet amendement.
Monsieur Courteau, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens suggéré par la commission ?
Tout à fait, madame la présidente. Je souhaite par conséquent remplacer les mots « source de compétitivité » par « garant de la compétitivité des entreprises ».
Je suis donc saisie d’un amendement n° 324 rectifié bis, présenté par MM. Courteau, Poher, Montaugé, Cabanel, S. Larcher, Cornano et Boulard, Mme Bonnefoy, M. Aubey, Mme Jean, MM. Roux, Madec, Miquel, Germain et les membres du groupe socialiste et apparentés, et ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer les mots :
et garant de la compétitivité des entreprises
par les mots :
socialement inclusif, développant le potentiel d’innovation et garant de la compétitivité des entreprises
Quel est l’avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?
Je suggère le retrait de l’amendement n° 853 rectifié bis, car il est satisfait.
Reconnaissons-le, la mention ajoutée lors de ses travaux par la commission est quelque peu redondante, dans la mesure où il est d’ores et déjà fait référence à la compétitivité économique au début de l’alinéa 4 de l’article 1er. Si cet amendement était adopté, la notion de compétitivité figurerait donc deux fois dans cet alinéa.
Je comprends le sens de cet amendement, justifié par un souci de bonne rédaction. Que soit mentionnée à deux reprises la nécessité de la compétitivité ne me gêne pas, et je donne acte de son travail à la commission des affaires économiques. Mais cela ne changerait pas grand-chose.
À défaut d’un retrait de cet amendement, j’émettrai un avis défavorable.
Pour ce qui concerne l’amendement n° 324 rectifié bis, l’intégration de la dimension sociale dans la définition du développement durable me semble tout à fait judicieuse.
Cette définition repose en effet sur trois piliers : économique, environnemental et social. Cet amendement tend donc à proposer un très bon complément au texte du Gouvernement.
J’observe également que vous avez accepté, monsieur Courteau, la rectification proposée par M. le rapporteur de la commission des affaires économiques, et par conséquent le maintien de la notion de compétitivité.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est favorable à votre amendement.
Monsieur Thani Mohamed Soilihi, l’amendement n° 853 rectifié bis est-il maintenu ?
L'amendement est adopté.
L’amendement n° 359 rectifié, présenté par MM. Mézard, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin et Hue, Mmes Laborde et Malherbe et M. Requier, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Après les mots :
au plan
insérer les mots :
national et
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
Il s’agit d’un amendement de cohérence.
La compétitivité des prix de l’énergie constitue l’un des objectifs assignés à la politique énergétique française. Il convient toutefois de préciser que, si cette compétitivité représente un enjeu international, c’est aussi un enjeu national.
La garantie du prix – relativement bas – de l’énergie permet, à la fois, de préserver le pouvoir d’achat des ménages et d’assurer la compétitivité de nos entreprises.
Je partage tout à fait le point de vue des auteurs de cet amendement : le prix de l’énergie est, et doit être, compétitif et attractif au plan international. Mais pourquoi prévoir que tel doit être le cas, aussi, à l’échelle nationale ? Cela n’ajouterait rien.
D’aucuns pourraient même comprendre que l’on préconise l’instauration d’une compétition entre régions, à l’échelon national, pour attirer les entreprises. Or l’élément fort du prix de l’énergie en France, c’est la péréquation : elle garantit en effet que l’on paiera, notamment l’électricité, au même prix partout sur le territoire, dans les secteurs à fort développement économique comme au fin fond de zones difficilement accessibles.
Je pense comprendre votre intention, mon cher collègue, mais, s’il était adopté, cet amendement, tel qu’il est rédigé, aurait un effet contraire à celui qui est recherché. Je vous suggère donc de le retirer.
Je partage l’avis du rapporteur. La compétitivité est par définition nationale, dans la mesure où il s’agit d’être compétitif par rapport aux autres pays.
Cet amendement étant satisfait, j’en demande le retrait.
M. Jean-Claude Requier. Le national étant compris dans l’international, je retire cet amendement.
Sourires.
L’amendement n° 359 rectifié est retiré.
L’amendement n° 493, présenté par MM. Bosino et Le Scouarnec, Mme Didier, M. Vergès, Mme Assassi, M. Abate, Mme Beaufils, MM. Billout et Bocquet, Mmes Cohen, Cukierman, David et Demessine, MM. Favier et Foucaud, Mme Gonthier-Maurin, M. P. Laurent, Mme Prunaud et M. Watrin, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Après les mots :
plan international
insérer les mots :
, maintient des tarifs réglementés pour l’électricité et le gaz naturel
La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.
Nous souhaitons par le biais de cet amendement, qui a trait aux tarifs de l’énergie, sujet que nous avons déjà abordé hier, qu’il soit fait référence explicitement dans le projet de loi aux tarifs réglementés pour l’électricité et le gaz, lesquels concernent des millions de nos concitoyens.
Au cours des dernières années, cela a été dit, bien que l’on essaie de nous démontrer le contraire, ces prix ont augmenté de façon considérable. Il est donc important, selon nous, que mention soit faite dans la loi de ces tarifs « réglementés » de l’énergie.
J’ai bien compris votre message, mon cher collègue, mais on ne peut y répondre.
Vous le savez, la disparition progressive, entre le 19 juin 2014 et le 1er janvier 2016, des tarifs réglementés de vente de gaz naturel et d’électricité pour les consommateurs professionnels est justifiée par la nécessité de nous conformer au droit européen. Dont acte. Pour les particuliers, en revanche, les tarifs réglementés de l’électricité et du gaz sont maintenus.
La commission émet donc un avis défavorable.
Cet amendement est satisfait. J’ai en effet récemment réformé par décret la procédure de fixation des prix de l’électricité, en vue notamment de protéger le pouvoir d’achat des consommateurs. J’ai ainsi réussi à freiner la hausse, que l’on disait inéluctable et automatique, de ces tarifs, en prenant en compte les véritables prix de production de l’électricité.
Les tarifs réglementés restent donc de droit pour les particuliers.
En revanche, ils n’existent plus pour les entreprises, afin que la concurrence puisse jouer. D’ailleurs, il arrive que cela favorise des baisses de tarifs pour les professionnels.
Je crois que cette mesure est positive : il n’y a aucune raison que les entreprises qui réalisent des bénéfices et des profits paient l’énergie moins cher ; le coût de cette baisse serait en effet répercuté sur les particuliers.
Nous avons cependant mis en place un dispositif, que nous aurons l’occasion d’examiner au cours de ce débat, en faveur des entreprises électro-intensives, afin que celles-ci ne se retrouvent pas en situation de fragilité ou de faiblesse par rapport à leurs principaux concurrents.
Un équilibre a été trouvé dans ce projet de loi entre le maintien des tarifs réglementés pour les particuliers, qu’a évoqués M. le rapporteur, la libre concurrence pour ce qui concerne les entreprises, laquelle est logique au sein d’un marché européen ouvert, et la protection des industries électro-intensives, grandes consommatrices d’énergie, qu’il convient d’encourager à réaliser des économies d’énergie, des performances énergétiques, tout en les mettant à l’abri de la concurrence déloyale.
Ce dispositif ne peut que vous donner satisfaction, monsieur le sénateur. Je vous demande par conséquent de bien vouloir retirer votre amendement.
Loin de nous l’idée de nier les efforts que vous avez faits, madame la ministre, pour que nos concitoyens paient l’énergie au prix le plus juste. Mais c’est précisément parce que de telles mesures ont été prises que nous nous permettons d’insister pour que la référence aux tarifs réglementés figure dans la loi.
Pour ce qui est des entreprises, nous aurons l’occasion de débattre de la compétitivité. Je ne suis pas certain, à cet égard, que toutes les entreprises aient trouvé leur compte dans la libéralisation et la fin des tarifs réglementés. Certaines d’entre elles ont en effet dû acquitter des factures bien plus élevées qu’auparavant.
En tout état de cause, j’y insiste : puisque des efforts ont été faits, mentionnons les tarifs réglementés dans la future loi ! Je maintiens donc cet amendement.
Ce débat est surréaliste !
D’un côté, on nous dit qu’il existe un tarif réglementé destiné à protéger les consommateurs. C’est exact. Mais on oublie simplement de rappeler que la facture d’électricité augmente du fait de la contribution au service public de l’électricité, la CSPE, laquelle sert à assumer des charges décidées collectivement, puisqu’il s’agit d’une décision politique, mais écarte le consommateur du bénéfice du prix le plus bas.
On demande en effet au consommateur de financer toutes sortes de diversifications qui seront peut-être utiles un jour, mais qui, à court terme, ne servent qu’à renchérir le prix de l’électricité.
D’un autre côté, vous nous dites, madame la ministre, qu’il est normal que les entreprises se fassent concurrence. Encore faudrait-il, pour que celle-ci puisse jouer, qu’existe une offre électrique libre ! Tel n’est pas le cas.
Votre projet de loi limite, en particulier, les perspectives de création de nouvelles offres électriques. On peut raconter ce que l’on veut, mais l’électricité continuera d’augmenter. Il faudra donc soutenir nos concitoyens les plus fragiles, en raison même de l’augmentation de la facture liée au financement d’une diversification assez largement volontariste, mais pas toujours réaliste...
Quant aux entreprises, elles n’ont rien à gagner à ce nouveau dispositif en l’absence d’offres nouvelles de production électrique. Or, manifestement, rien de tel n’est prévu.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 285 rectifié, présenté par MM. Gremillet et Raison, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° Favorise le développement et la recherche dans le domaine de l'énergie des entreprises, et particulièrement des très petites entreprises et des petites et moyennes entreprises ;
La parole est à M. Daniel Gremillet.
Cet amendement prévoit que la politique énergétique vise à mettre en avant le développement et la recherche des TPE et des PME dans le domaine de l’énergie, au même titre que les entreprises de taille plus importante. Les TPE et les PME pouvant être sources d’innovation, mon collègue Michel Raison et moi-même considérons qu’il est très important qu’elles bénéficient de soutiens afin de relever le défi de la transition énergétique.
Nous sommes très nombreux à partager l’objectif qui est le vôtre, cher collègue, et à considérer que l’État doit favoriser la recherche. Je crois même pouvoir dire que cet objectif fait l’unanimité.
Cela étant dit, l’alinéa 18 de ce même article 1er prévoit déjà que l’État veille à « développer la recherche et favoriser l’innovation dans le domaine de l’énergie ». Dans la loi, il vaut mieux s’en tenir aux principes généraux et ne pas particulariser à l’excès. Dès que l’on introduit un « notamment » ou un « particulièrement » afin de viser une catégorie donnée, on prend le risque d’en oublier d’autres.
Cher collègue, soyez tout à fait rassuré, les PME et les TPE sont bien prises en compte à l’alinéa 18, raison pour laquelle je vous prie de bien vouloir retirer votre amendement, qui est satisfait.
Non, madame la présidente, je vais le retirer, compte tenu des explications de M. le rapporteur.
Il était essentiel pour nous que les TPE et les PME soient bien ciblées dans ce projet de loi, car elles sont souvent source d’innovations, certes, d’abord à leur petite échelle, mais ensuite souvent très intéressantes à grande échelle.
Cela étant, je retire l’amendement.
L'amendement n° 285 rectifié est retiré.
Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 388 rectifié, présenté par MM. Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Mézard et Requier, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Remplacer les mots :
un droit d’accès de tous
par les mots :
à tous, y compris aux habitants des zones hyper-rurales, un droit d’accès
La parole est à M. Alain Bertrand.
L’alinéa 8 de l’article 1er prévoit que la politique énergétique garantit « la cohésion sociale et territoriale en assurant un droit d’accès de tous à l’énergie sans coût excessif au regard des ressources des ménages ; ».
Je tiens à rappeler, et je continuerai à le faire encore de nombreuses années jusqu’à ce que je finisse par l’emporter, que certains territoires, notamment les territoires hyper-ruraux, lesquels représentent le quart de l’ensemble de l’Hexagone, ne sont pas traités à égalité.
De même que toutes les lois contiennent une étude d’impact portant notamment sur leurs conséquences environnementales, je souhaite qu’elles comportent un volet dans lequel est analysée la manière dont l’hyper-ruralité est prise en compte. Je suis sûr que, grâce à l’ensemble de mes collègues, je finirai par parvenir à mes fins dans les quarante prochaines années !
Sourires.
Je signale que certains hameaux de mon département, la Lozère, ne sont pas encore desservis en électricité ou que leurs lignes sont en très mauvais état. Nous avons des baisses de tension et des coupures en permanence.
Nous sommes donc obligés de nous doter de groupes électrogènes. Quand concurrence il y aura, elle sera partout, sauf chez nous !
L’énergie – le gasoil, le fioul – est plus chère chez nous. Quant à la téléphonie mobile, elle est inaccessible dans un quart du département. En outre, de nombreuses lignes de téléphonie fixe étant tombées à terre, il arrive souvent que le téléphone fixe ne fonctionne pas non plus. Telle est la réalité.
Je souhaite donc que l’on inscrive dans le projet de loi que la politique énergétique assure un droit d’accès de tous à l’énergie, y compris aux habitants des zones hyper-rurales. Ce ne serait pas grand-chose, mais cela scellerait notre engagement en faveur d’une République une et indivisible.
Nous, les ruraux, les hyper-ruraux, nous sommes solidaires des villes, confrontées à des problématiques spécifiques. Alors, ensemble, collégialement, nous pourrions procéder à ce petit ajout. J’en appelle à Mme la ministre, qui est une rurale, peut-être même une hyper-rurale – et c’est tout à son honneur –, et à vous, monsieur le rapporteur, vous qui pratiquez la chasse et la pêche dans les zones rurales et hyper-rurales, ainsi qu’à vous, monsieur le président de la commission du développement durable.
Je sais que vous n’allez pas me donner raison, mais vous avez tort.
Rires.
Le talent oratoire de notre collègue Alain Bertrand est redoutable ! C’est vrai que j’aime la ruralité et que je me rends souvent dans les zones rurales.
Cela étant dit, si le pétrole et le fioul y sont peut-être parfois plus chers, tel n’est pas le cas de l’électricité.
S’il y a bien une chose qu’il faut défendre et préserver, c’est la péréquation en faveur des zones rurales et hyper-rurales ; personne n’a du reste l’intention de la remettre en cause.
En revanche, je ne suis pas sûr qu’il soit très judicieux de vouloir prendre en compte l’hyper-ruralité dans tous les textes. Nous aimons tous les zones rurales, que nous défendons avec plus ou moins de talent – pour votre part, cher collègue, vous le faites avec brio –, mais il n’existe pas de définition de ces zones. Si l’amendement que vous proposez était adopté, il nous faudrait entreprendre un travail de définition qui ne serait pas évident.
Je tiens toutefois à vous rassurer : les zones hyper-rurales ont les mêmes droits que les zones urbaines et rurales françaises. Je vous invite donc, cher collègue, à retirer votre amendement.
Mme Ségolène Royal, ministre. J’émets le même avis que le rapporteur, malgré tout le respect que j’ai pour les zones rurales, et hyper-rurales !
Sourires.
Vous parlez de définition, monsieur le rapporteur. Dans un rapport que j’ai rédigé à l’issue d’une mission qui m’avait été confiée par M. le Premier ministre, Manuel Valls, et m’appuyant sur les travaux de deux scientifiques, Mohamed Hilal et Laurent Davezies, j’ai donné une définition scientifique de l’hyper-ruralité. Ce rapport est disponible et chacun peut y trouver une typologie claire des ruralités.
On distingue en fait plusieurs sortes de ruralités : la ruralité située autour des villes et des agglomérations, la ruralité post-industrielle, la ruralité agricole et la ruralité constituée de zones à faible densité et de populations diffuses. Au sein de cette dernière catégorie, qui représente 50 % du territoire, il en est une autre, celle dont les habitants sont deux fois plus éloignés d’un panel de dix-sept services que les autres : c’est l’hyper-ruralité, qui représente 26 % du territoire hexagonal.
Il n’est que de lire la déclaration de patrimoine que je suis tenu de remplir en tant que sénateur, où j’ai signalé que la modeste maison que je possède sur le causse de Sauveterre n’est pas alimentée en électricité, mon cher collègue. Vous pouvez le vérifier, ce document est public.
M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. C’est parce que vous avez un mauvais syndicat de l’électricité !
Sourires.
L'amendement n° 388 rectifié est retiré.
L'amendement n° 935, présenté par M. Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 7° Contribue à la mise en place d'une Union européenne de l'énergie qui vise, en particulier, à accroître la sécurité d'approvisionnement, développer l'interconnexion des réseaux, rendre le marché intérieur de l'énergie pleinement opérationnel, favoriser l'efficacité énergétique et améliorer les instruments de cohérence communautaires. »
La parole est à M. le rapporteur.
Alors que l'Union européenne a commencé à se construire par le secteur de l'énergie dans le cadre des traités instituant, en 1951, la Communauté européenne du charbon et de l'acier, la CECA, et, en 1957, la Communauté européenne de l'énergie atomique, la CEEA, la politique européenne en matière d'énergie, visée à l'article 194 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, est paradoxalement restée embryonnaire, comme ont pu le constater ceux qui ont assisté aux auditions de la commission des affaires économiques.
Or l'Union est aujourd'hui confrontée à de nombreux défis en matière énergétique.
Il lui faut réduire sa dépendance énergétique à l'égard des pays tiers en diversifiant et en sécurisant ses approvisionnements ; développer l'interconnexion des réseaux nationaux pour se prémunir contre les black-out, tels que ceux que nous avons connus il y a trois ans, et répondre, en particulier, au développement des énergies renouvelables intermittentes ; parfaire la mise en place d'un marché intégré de l'énergie ; coordonner les actions d'amélioration de l'efficacité énergétique ou encore réformer les instruments de cohérence communautaire tels que le système d'échange de quotas d'émissions de CO2.
C'est la raison pour laquelle la construction d'une véritable Union européenne de l'énergie est plus que jamais indispensable, comme l'ont encore rappelé, le 5 février dernier, le Président de la République, lors de sa conférence de presse, ainsi que les présidents Larcher et Juncker à l'occasion de leur rencontre au Sénat.
Telles sont les raisons pour lesquelles je vous propose, mes chers collègues, de renforcer la rédaction de l’alinéa 10 de l’article 1er.
L'amendement n° 499, présenté par MM. Bosino et Le Scouarnec, Mme Didier, M. Vergès, Mme Assassi, M. Abate, Mme Beaufils, MM. Billout et Bocquet, Mmes Cohen, Cukierman, David et Demessine, MM. Favier et Foucaud, Mme Gonthier-Maurin, M. P. Laurent, Mme Prunaud et M. Watrin, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Compléter cet alinéa par les mots :
fondée sur la coopération et la maîtrise publique du secteur de l’énergie
La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.
Cet amendement va un peu dans le même sens que celui que vient de présenter M. le rapporteur.
Nous souhaitons inscrire dans le projet de loi que la politique énergétique est fondée sur la coopération européenne, car nous savons que, aujourd'hui, les décisions prises dans l’Union résultent plutôt de rapports de force.
L’Union européenne est la première consommatrice d’énergie dans le monde, alors qu’elle représente 7 % de la population mondiale. Il nous semble donc important de préciser qu’une véritable coopération entre les États européens est nécessaire dans le domaine de l’énergie, à l’instar de ce qui s’est fait avec l’Agence spatiale européenne, même si les choses sont aujourd'hui remises en cause – nous aurons certainement l’occasion d’y revenir.
L'amendement n° 74 rectifié, présenté par M. Bizet, Mmes Keller et Mélot, M. César et Mme Gruny, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Compléter cet alinéa par les mots :
, d’un marché intérieur européen de l’énergie pleinement opérationnel et connecté et à l’accroissement de la sécurité énergétique de l’Union européenne
Cet amendement n'est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission des affaires économiques sur l’amendement n° 499 ?
M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. Comme vous l’avez indiqué, cher Jean-Pierre Bosino, votre amendement est partiellement satisfait par celui que je viens de présenter. Vous comprendrez donc que, entre le vôtre et le mien, je préfère le mien !
Sourires.
Je trouve tout à fait judicieux, cela a d’ailleurs été dit par plusieurs orateurs au cours de la discussion générale, de vouloir renforcer l’Union européenne de l’énergie et d’énumérer ainsi tous les objectifs d’une Union européenne de l’énergie : accroître la sécurité d’approvisionnement, développer l’interconnexion des réseaux – on sait à quel point c’est important, notamment vis-à-vis de nos voisins espagnols, par exemple –, rendre le marché intérieur de l’énergie pleinement opérationnel, favoriser l’efficacité énergétique – il s’agit de faire des économies d’énergie – et améliorer les instruments de la cohérence communautaire.
Si donc je suis tout à fait favorable à cet amendement, je suggère à M. le rapporteur d’ajouter à cette énumération la construction d’une économie décarbonée, objectif qui est bien celui de l’Union européenne.
Le Gouvernement émet le même avis que la commission sur l’amendement n° 499, l’amendement n° 935 permettant de satisfaire les préoccupations de son auteur. Je prie donc ce dernier de bien vouloir retirer son amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Monsieur le rapporteur, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens suggéré par Mme la ministre ?
Je suis tout à fait d’accord, madame la présidente, pour modifier mon amendement dans ce sens.
Je suis donc saisie d’un amendement n° 935 rectifié, présenté par M. Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques, et qui est ainsi libellé :
Alinéa 10
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 7° Contribue à la mise en place d'une Union européenne de l'énergie qui vise, en particulier, à accroître la sécurité d'approvisionnement, développer l'interconnexion des réseaux, rendre le marché intérieur de l'énergie pleinement opérationnel, favoriser l'efficacité énergétique, construire une économie décarbonée et améliorer les instruments de cohérence communautaires. »
La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote sur cet amendement ainsi rectifié.
M. Ronan Dantec. Je soutiendrai avec enthousiasme l’amendement de M. le rapporteur, en espérant que l’axe qui s’esquisse ici ne suscitera pas trop d’inquiétudes dans cet hémicycle !
Sourires.
Je pense en effet qu’il y avait une faiblesse dans le projet loi sur la dimension européenne, laquelle est pourtant tout à fait stratégique.
Je m’apprêtais d’ailleurs à proposer un sous-amendement pour ajouter la lutte contre le réchauffement climatique, proposition assez proche de celle que vient de faire Mme la ministre.
Permettez-moi de profiter de l’occasion qui m’est offerte de répondre à Gérard Longuet. Je n’ai pas l’intention de prendre la parole chaque fois que des chiffres faux seront donnés, mais je souhaite savoir si notre collègue est bien conscient des conséquences de l’amendement que nous allons voter : c’est bien le prix européen de l’électricité qui s’imposera de plus en plus dans les stratégies nationales. Cela ne veut pas dire autre chose.
Je lui rappelle donc que, actuellement, le prix spot en France se situe autour de 37 euros, qu’il oscillait à la fin du mois de janvier entre 30 euros et 31 euros en Allemagne et que le tarif de l’ARENH, l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique – ce que l’on considère être le coût de production du nucléaire français – est de 42 euros. EDF demande depuis très longtemps que ce tarif soit remonté à 55 euros, considérant que le prix réel du coût de production du mégawattheure d’origine nucléaire est de 55 euros.
Cela signifie qu’aujourd’hui le nucléaire français n’est pas compétitif en termes de coût de production électrique. Nous le savons tous, même si certains ici font comme si ce n’était pas le cas.
Voilà la réalité des prix spot.
Si l’on renforce l’interconnexion, ce phénomène va se renforcer. C’est le sens de l’histoire. Je comprends qu’un libéral comme Gérard Longuet y soit favorable.
Mais, de fait, le nucléaire français n’est plus compétitif. C’est une réalité aujourd’hui. Je soutiens donc l’amendement du rapporteur.
L’interconnexion et le développement d’un mécanisme de capacité constitue un enjeu majeur avec le développement rapide des énergies renouvelables. Là encore, pour ne pas s’en tenir à des fictions mais être dans la réalité du monde, regardez les dernières stratégies annoncées par les grands électriciens, les grands industriels allemands ces derniers mois : ils accélèrent le développement du renouvelable, atteignant des niveaux d’investissement jamais atteints.
La production d’énergies renouvelables européenne se développe donc de plus en plus vite, notamment en Allemagne, et l’on arrive à des prix très compétitifs. Je le rappelle également, tous les analystes annoncent un photovoltaïque dans les 40 euros par mégawattheure.
Donc, là encore, les prix seront moins élevés que celui du nucléaire actuel, et nettement moins élevés que celui du nucléaire nouveau, puisque les prix de l’EPR sont totalement fantaisistes – je pense que c’est à lui que Gérard Longuet faisait allusion lorsqu’il parlait des productions électriques n’ayant plus aucun sens économique, c’est du moins ainsi que je l’ai compris –, car nous atteignons plus de 110 euros par mégawattheure et, même le nucléaire prolongé, avec le coût par tranche, nous amènera aux alentours des 70 euros ou 80 euros.
Nous sommes donc face à cet enjeu majeur : l’électricité sera d’autant moins chère que l’interconnexion européenne sera forte.
C’est toute la pertinence de l’amendement de Ladislas Poniatowski. C’est sur cette base que nous allons le défendre, mais cessons les discours totalement fantaisistes sur la compétitivité du nucléaire français.
Ils ne correspondent à aucune réalité. Le nucléaire français n’est plus compétitif !
Je reconnais que cette perte de compétitivité est due en partie au fait que le charbon n’est pas cher. Qu’à cela ne tienne : aux libéraux européens de défendre bec et ongles une taxation carbone de la production électrique d’origine carbonée ! Cela devrait faire consensus entre nous, mais la discussion menée au niveau européen pour ajouter une taxation carbone sur la production électrique a échoué, du fait du lobbying de certaines personnes que vous connaissez peut-être, appartenant au MEDEF, par exemple.
C’est clair, chers collègues. Reprenez les comptes rendus et les prises de position des uns et des autres. Vous êtes dans cette contradiction.
Je soutiens donc l’amendement de Ladislas Poniatowski qui essaie de remettre quelque cohérence dans le système.
Nous soutiendrons également l’amendement du rapporteur. Mais je voulais faire une petite remarque d’ordre général concernant la mise en place d’une Union européenne de l’énergie et rappeler que, durant de longues années, l’Union européenne a reposé sur la croyance selon laquelle l’ouverture des marchés de l’énergie à la concurrence serait la réponse adéquate et suffisante à tous les problèmes.
Aujourd’hui, on ne peut pas dire que cette politique soit un grand succès. De toute manière, il n’existe toujours pas de politique commune de l’énergie.
En fait, la déréglementation n’a jamais permis à l’Europe d’élaborer une véritable politique de l’énergie qui soit à la hauteur des enjeux. C’est surprenant si l’on songe qu’avec la Communauté européenne du charbon et de l’acier, l’énergie s’est trouvée au fondement même de la construction européenne.
Cela dit, même si le cheminement est difficile, il semble pourtant que l’on avance. Le Gouvernement français a engagé ces derniers temps au niveau européen une politique volontariste en vue de la mise en place d’une véritable politique européenne de l’énergie, notamment depuis le Conseil européen du 22 mai 2013. De cela, je voudrais me réjouir.
La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, mon intention était de répondre à Ronan Dantec, qui a présenté de façon très caricaturale…
… le système électrique français.
Je note simplement qu’avant d’aborder le vrai sujet, notre collègue a tiré une salve en l’air : il était là et nous allions en entendre parler !
Ce n’était pas suffisant pour que je prenne la parole, mais, comme nous accueillons, dans la tribune d’honneur, des parlementaires luxembourgeois, je ne voulais pas qu’ils s’en retournent forts des seules déclarations de M. Dantec – quand bien même ces déclarations pourraient aller dans un sens qui leur serait plutôt favorable, si j’en juge par les positions qu’ils ont exprimées quand je les ai rencontrés.
Monsieur Dantec, vous êtes dans une vraie contradiction, qu’il va falloir lever. D’un côté, les écologistes nous disent que l’électricité aujourd’hui disponible sur le marché européen n’est pas aussi chère que le mégawattheure qui sort d’une centrale nucléaire – vous avez effectivement cité prix du marché de gros, de l’ordre de 37 euros, en disant qu’il était inférieur aux 42 euros de l’ARENH, prix que vous jugez trop élevé. Mais, de l’autre, mes chers collègues, la vérité est que les Verts ne cessent de réclamer des prix de l’électricité bien plus élevés.
Ils ne cessent de dire que l’électricité n’est pas assez chère en France.
Hier, sur le plateau de Public Sénat, à la fin d’une émission évidemment en lien avec nos présents débats, on nous a communiqué le résultat d’un sondage. Interrogées sur le fait de savoir si elles seraient d’accord pour payer plus cher l’électricité, 78 % des personnes ont répondu par la négative !
On peut effectivement penser que leurs réponses étaient frappées au coin du bon sens…
Il faudra qu’au cours de ce débat, monsieur Dantec, vous explicitiez votre position : pensez-vous qu’il faille en Europe une électricité accessible et peu chère ou, au contraire, très chère. Car vous citez toujours des chiffres allant au-delà de 100 euros le mégawattheure !
Vous vous êtes exprimé, laissez-nous la possibilité de vous répondre.
En ce qui concerne les énergies renouvelables, vous nous dites que leurs tarifs sont compétitifs, qu’ils sont moins chers que ceux de l’ARENH, qui est la référence pour ce qui est du mégawattheure sorti du nucléaire – puisque vous parlez de 40 euros et de 42 euros pour l’ARENH. Mais alors, pourquoi subventionner les énergies renouvelables, l’éolien et le photovoltaïque, si elles sont si rentables ?
La vérité est qu’il existe une référence : l’Allemagne.
Pour bien comprendre, il faut savoir que les 58 réacteurs nucléaires français ont coûté, en euros constants, 96 milliards d’euros et produisent 400 térawattheures par an. L'Allemagne a développé pour 40 milliards d’euros un programme d’éoliennes qui produisent 12 térawattheures et un programme en énergie photovoltaïque qui a coûté 116 milliards d’euros pour produire 40 térawattheures. Donc, pour un coût bien plus élevé que celui du nucléaire français, on se retrouve avec une production bien moindre !
Dire que ce n’est pas vrai n’est pas une réponse. Je vous invite à vous référer aux documents du Conseil d’analyse économique, présidé par le Premier ministre, où la situation est très clairement exposée.
Alors, ne racontez pas d’histoires, ne dites pas que les énergies renouvelables sont compétitives ! Il faut les subventionner. Elles ont certes leur place, mais ne dites pas aux Français que l’on résoudra les problèmes de la France avec le renouvelable, notamment l’éolien et le photovoltaïque.
Et encore n’ai-je pas parlé d’un autre sujet que nous évoquerons par la suite, celui de l’intermittence – et donc, de la compensation pour l’équilibre de l’électricité sur les réseaux.
Monsieur Dantec, révisez vos notes, …
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. … car vous ne pourrez pas, dans ce débat, continuer à avancer autant de contre-vérités !
Applaudissementssur les travées de l'UMP. – MM. Alain Bertrand et Jean-Claude Requier applaudissent également.
M. Gérard Longuet. Le président Lenoir vient de parler avec une telle autorité et une telle compétence que j’aurais presque la tentation de me taire… mais je n’y succomberai pas !
Sourires.
J’apporterai mon soutien au rapporteur, Ladislas Poniatowski, sur l’amendement n° 935 rectifié, parce que, évoquant la mise en place d’une Union européenne de l’énergie et un marché pleinement opérationnel, il ne défend pas pour autant l’idée d’un marché européen. Il a raison, et je vais dire pourquoi.
Depuis le traité de Rome, l’Union européenne est fondée sur la libre circulation des biens, des personnes et des services. Mais l’électricité reste un domaine à part – non pas, monsieur Bosino, pour des questions historiques ou politiques, mais pour des raisons techniques, car l’électricité présente en effet des singularités qui font qu’un marché d’offre et de demande de l’électricité est difficilement constructible.
D’abord, l’électricité ne se stocke pas et donc les grossistes et les demi-grossistes ne peuvent pas jouer le rôle de régulateur qui est le leur sur tous les autres marchés.
Ensuite, l’électricité ne se transporte pas ou, si elle se transporte, c’est dans des conditions techniquement difficiles et socialement de plus en plus inacceptables. Mme la ministre a évoqué la péninsule ibérique, qui manque d’électricité. L’alimenter se révèle une affaire extrêmement difficile parce qu’il faut traverser des zones sensibles et l’installation des câbles, évidemment, mécontentent les uns et les autres.
On ne stocke pas, on ne transporte pas et, ce qui est essentiel, l’offre n’est pas libre !
Un pays a décidé, en effet, de renoncer au nucléaire, faisant le choix d’une énergie entièrement carbonée. C’est d’ailleurs ce qui me gêne dans la rectification que vous avez suggérée, madame la ministre, car il ne faudrait pas que nos voisins et amis allemands considèrent le fait de fixer à l’Union européenne cet impératif de décarbonisation de l’électricité comme une critique agressive de leur politique en la matière.
Si l’Allemagne a fait le choix de l’électricité carbonée, c’est qu’elle ne pouvait pas faire autrement, cher monsieur Dantec ; elle ne peut pas se reposer sur les seules énergies éolienne et photovoltaïque. C’est donc le bon vieux charbon et la bonne vieille lignite qui lui permettent, avec des installations il est vrai périmées, qu’elle commence à rénover – soyons honnêtes –, de produire de l’électricité bon marché.
Ne parlons donc plus d’économie et d’énergie décarbonées. Parlons de l’Union européenne et rapprochons nos points de vue, mais ne rêvons pas à un marché européen de l’énergie électrique !
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.
L'amendement est adopté.
En conséquence, l'amendement n° 499 n'a plus d'objet.
Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 26 rectifié, présenté par M. Revet, Mme Des Esgaulx, MM. P. Leroy, Bizet, Portelli, Trillard et Houel et Mme Hummel, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 1° Maîtriser la demande d’énergie et inciter à la sobriété énergétique ; promouvoir les actions d’efficacité énergétique et les produits les plus performants ; »
La parole est à M. Charles Revet.
L’alinéa 13, dans sa rédaction actuelle, mélange deux concepts très différents : l’efficacité énergétique et la sobriété énergétique.
L’efficacité énergétique est une action demandée aux techniciens. Des exemples sont cités dans l’objet de l’amendement. Je n’ai pas vérifié par moi-même, mais sachez qu’un four à micro-ondes réchauffe un plat de la même manière qu’un four traditionnel, mais pour une consommation énergétique cinquante fois inférieure ; ou encore que la gestion technique des bâtiments permet de ne les chauffer qu’au moment où le personnel y travaille.
La sobriété énergétique est, quant à elle, un acte individuel choisi ou contraint.
L’amendement n° 495, présenté par MM. Bosino et Le Scouarnec, Mme Didier, M. Vergès, Mme Assassi, M. Abate, Mme Beaufils, MM. Billout et Bocquet, Mmes Cohen, Cukierman, David et Demessine, MM. Favier et Foucaud, Mme Gonthier-Maurin, M. P. Laurent, Mme Prunaud et M. Watrin, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Compléter cet alinéa par les mots :
tout en répondant aux besoins de la population et des entreprises
La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.
Par cet amendement, nous souhaitons insister sur la nécessité de répondre aux besoins avant d’aborder la maîtrise des dépenses d’énergie. Les deux ne s’opposent pas, mais il y a des priorités.
La loi Brottes qui prévoyait de sanctionner, selon un système de bonus-malus, les ménages consommant trop d’électricité nous a quelque peu échaudés. Il nous semble donc important que, tout en cherchant à maîtriser l’énergie et en travaillant sur l’éducation, la formation et la sensibilisation aux économies d’énergie, il soit rappelé dans la loi qu’il est avant tout essentiel de répondre aux besoins des populations et des entreprises en matière d’énergie.
J’ai bien compris votre objectif, cher Charles Revet : à travers l’amendement n° 26 rectifié, vous souhaitez distinguer, au sein de l’objectif de maîtrise de l’énergie, l’efficacité énergétique de la sobriété énergétique, au motif qu’il s’agit de deux notions bien différentes.
La rédaction actuelle, certes plus ramassée, n’induit pas l’équivalence de l’efficacité et de la sobriété énergétiques, mais montre qu’elles concourent toutes deux à maîtriser la demande d’énergie. À l’inverse, la rédaction que vous proposez pourrait laisser penser que seule la sobriété énergétique participe de la maîtrise de l’énergie. Il me semble que tel n’est pas votre objectif. En d’autres termes, avec cet amendement, vous limiteriez la portée de la rédaction actuelle.
J’espère donc vous convaincre de retirer votre amendement, mon cher collègue.
Je vais également tenter de vous convaincre de faire de même, monsieur Bosino. La préoccupation que vous exprimez à travers l’amendement n° 495 est, me semble-t-il, satisfaite implicitement dans la rédaction actuelle du texte. Elle est en tout cas explicitement mentionnée dans la programmation pluriannuelle de l’énergie, laquelle mettra en œuvre, entre autres, cet objectif en se fondant – je cite l’article 49 du projet de loi – « sur des scénarios de besoins énergétiques associés aux activités consommatrices d’énergie, reposant sur différentes hypothèses d’évolution de la démographie, de la situation économique, de la balance commerciale et de l’efficacité énergétique ». Tout y est, ou presque !
Le Gouvernement est du même avis que la commission des affaires économiques, pour les mêmes raisons.
M. Charles Revet. J’ai bien entendu les arguments de M. le rapporteur. On dit parfois que le mieux est l’ennemi du bien. Parce que je veux proposer le meilleur sans pour autant être l’ennemi du bien
Sourires.
L’amendement n° 26 rectifié est retiré.
Monsieur Bosino, l'amendement n° 495 est-il maintenu ?
Bien que répondre aux besoins des populations et des entreprises me semble un objectif plus clair que ce que prévoit la rédaction actuelle du texte, je consens à retirer mon amendement, madame la présidente.
L'amendement n° 495 est retiré.
L'amendement n° 496, présenté par MM. Bosino et Le Scouarnec, Mme Didier, M. Vergès, Mme Assassi, M. Abate, Mme Beaufils, MM. Billout et Bocquet, Mmes Cohen, Cukierman, David et Demessine, MM. Favier et Foucaud, Mme Gonthier-Maurin, M. P. Laurent, Mme Prunaud et M. Watrin, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 13
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° Définir une planification énergétique nationale, prévoyant notamment les ressources publiques mobilisées pour les objectifs et les actions de la politique de transition énergétique retenus ;
La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.
Cet amendement traite de la planification énergétique nationale.
Nous souhaitons une définition évidemment plus précise de cette planification énergétique nationale, avec les moyens financiers alloués par l’État pour chacun des objectifs et chacune des actions de la politique de transition énergétique.
En effet, le projet de loi dont nous discutons combine une série d’objectifs, de dispositifs, d’outils et de mesures de gouvernance du secteur de l’énergie sans faire apparaître de véritable cohérence entre objectifs et moyens.
Ainsi, aucun outil de planification n’est mis en place, et nous ne pensons pas que notre amendement soit satisfait par l’article 49 du projet de loi, évoqué à l’instant par M. Poniatowski, car la programmation pluriannuelle de l’énergie ne constitue pas un document de planification.
Autrement dit, nous souhaitons que les moyens financiers alloués à la transition énergétique soient précisés, comme nous l’avions dit au début du débat.
En effet, le nerf de la guerre de cette transition restent tout de même les financements. Avons-nous les moyens ou pas de cette transition ? Si oui, comment les structurer ? Vous n’aurez sans doute pas oublié, madame la ministre, que le budget de l’écologie a été amputé de plusieurs centaines de millions d’euros, alors qu’il avait déjà connu des baisses en 2013 et 2014, et que le ministère a perdu 1 650 emplois !
De plus, la programmation pluriannuelle, sauf erreur de notre part, sert à orienter les investissements des opérateurs privés. Nous souhaitons au contraire que l’État annonce ses engagements financiers et les moyens réels dont nous disposerons pour assurer une véritable transition énergétique.
Ainsi, le chapitre Ier du titre VIII du projet de loi, relatif aux outils de la gouvernance nationale de la transition énergétique, doit clairement indiquer qu’il s’agit d’aller au-delà de la programmation pluriannuelle de l’énergie et d’une enveloppe indicative pour un certain nombre de secteurs. La planification énergétique doit notamment mettre en concordance les objectifs de réduction d’émissions de gaz à effet de serre par secteurs de consommation avec les outils et moyens dégagés pour les satisfaire.
En effet, mon cher collègue, une programmation pluriannuelle de l’énergie n’est pas une planification !
Il me semble toutefois que l’article 49, que vous avez vous-même cité, répond totalement à votre objectif.
Les dispositions actuelles du texte créent précisément une programmation pluriannuelle de l’énergie, ou PPE, chargée de définir, par périodes successives de cinq ans – nous ne sommes pas très loin du plan quinquennal !– les actions que l’État entend mettre en œuvre pour atteindre les objectifs de la politique énergétique.
En outre, la PPE définira – je cite toujours l’article 49 – « l’enveloppe maximale indicative des ressources publiques de l’État et de ses établissements publics mobilisées pour les atteindre ».
J’ajoute enfin que nous avons prévu, à l’article 48 bis, un rapport annuel du Gouvernement en annexe au projet de loi de finances – ce sont les seuls rapports dont nous sommes à peu près sûrs qu’ils seront effectivement remis ! – sur le financement de la transition énergétique et l’adéquation des moyens financiers mis en œuvre avec les fins poursuivies.
Il ne s’agit pas d’un plan quinquennal, mais cela me semble de nature à répondre à vos souhaits, monsieur le sénateur.
En conséquence, la commission sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
Je partage l’avis de M. le rapporteur.
La demande de l’auteur de l’amendement me semble satisfaite, puisque le projet de loi prévoit la stratégie nationale bas carbone et la programmation pluriannuelle de l’énergie. Pour la première fois, un projet de loi permet une vision prospective et opérationnelle.
Vous souhaitez que soit définie une planification énergétique nationale, prévoyant notamment les ressources publiques mobilisées pour les objectifs et les actions de la politique de transition énergétique. Or c’est exactement l’objectif et la méthode de la stratégie nationale bas carbone et de la programmation pluriannuelle de l’énergie.
En conséquence, le Gouvernement sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, il émettra un avis défavorable.
Non, je vais le retirer, madame la présidente.
Cela étant, madame la ministre, la question de la baisse des moyens de votre ministère et des coupes dans ses effectifs subsiste.
En outre, ce n’est pas un plan quinquennal que nous souhaitions, monsieur le rapporteur, mais une planification !
Sourires.
L'amendement n° 496 est retiré.
L'amendement n° 389 rectifié, présenté par MM. Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Mézard et Requier, est ainsi libellé :
Alinéa 14
Après les mots :
les plus démunies
insérer les mots :
, ainsi qu’aux habitants des territoires hyper-ruraux,
La parole est à M. Alain Bertrand.
L'amendement n° 389 rectifié est retiré.
L'amendement n° 366 rectifié, présenté par MM. Mézard, Arnell, Barbier, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin et Hue, Mme Laborde et M. Requier, est ainsi libellé :
Alinéa 14
Supprimer les mots :
, bien de première nécessité,
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
Ce projet de loi contient de nombreuses dispositions bavardes, qui alourdissent le texte et nuisent à sa lisibilité.
Il convient ici de supprimer l’expression « bien de première nécessité », utilisée pour qualifier l’accès à l’énergie, car il s’agit d’une précision inutile et dépourvue de portée juridique.
Cet amendement vise à supprimer la mention du caractère de « bien de première nécessité » de l’énergie, au motif que l’objectif de garantie d’accès à l’énergie et aux services énergétiques des personnes les plus démunies est inutilement alourdi par cette mention.
Si je partage la considération des auteurs de cet amendement sur le caractère « bavard » de nos lois, auquel le présent projet de loi n’échappe pas, hélas – plusieurs d’entre nous l’ont rappelé –, cette mention a le mérite d’insister sur le fait que l’énergie figure parmi les biens de consommation courante qui sont indispensables à nos concitoyens. Du reste, l’expression est déjà consacrée dans la dénomination du tarif social de l’électricité, le « tarif de première nécessité ».
En conséquence, la commission sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
Je partage l’avis de M. le rapporteur. L’énergie est un bien de première nécessité, au même titre que l’eau et l’alimentation et, si cela ne tenait qu’à moi, j’ajouterais volontiers à cette liste l’éducation et la culture !
Il est évident que, sans énergie, il n’y aurait pas de vie possible sur terre. L’énergie est donc non seulement un bien de première nécessité, mais aussi un bien commun de l’humanité.
L'amendement n° 366 rectifié est retiré.
L'amendement n° 316 rectifié, présenté par MM. Gremillet et Raison, est ainsi libellé :
Alinéa 15
Compléter cet alinéa par les mots
tout en veillant à préserver la compétitivité des entreprises
La parole est à M. Daniel Gremillet.
À travers cet amendement, nous voulons essentiellement signifier l’importance stratégique qui s’attache à la préservation de la compétitivité des entreprises en matière énergétique.
Nous le savons, notre économie nationale présente un certain nombre de handicaps, mais nous avons aussi des atouts, parmi lesquels figure notamment le prix de l’énergie, absolument essentiel à la compétitivité de nos entreprises, comme le rappelait à l’instant Gérard Longuet.
En la matière, nous avons déjà beaucoup donné, mon cher collègue, car la compétitivité des entreprises a été mentionnée à plusieurs reprises dans le texte de la commission.
Nous l’avons ajouté une première fois dans l’intitulé du titre Ier, ce qui est symboliquement fort, mais aussi dans la définition de la croissance verte, que nous avons intégrée à l’article 1er.
Toujours dans cet article 1er, la compétitivité des entreprises a également été ajoutée dans l’objectif de baisse de la consommation énergétique finale et dans le rapport d’évaluation des politiques engagées en application du présent titre. Et elle l’a été encore une fois à l’article 2…
La répétition a sans doute des vertus, mais il faut aussi savoir s’arrêter !
Sourires.
Je réitère donc auprès de notre collègue Daniel Gremillet, qui souhaitait manifester sa préoccupation en séance publique, la demande de retrait que j’avais déjà formulée en commission.
Je partage l’avis de M. le rapporteur.
On disait à l’instant que les lois étaient souvent bavardes et plusieurs d’entre vous ont d’ailleurs estimé, dans la discussion générale, que ce texte était lui-même trop bavard. J’observe pourtant que nous allons examiner plusieurs centaines d’amendements qui entendent compléter ce projet de loi…Ce sont parfois ceux qui ont désigné la loi comme étant trop bavarde qui sont à l’origine d’amendements tendant à préciser le texte plus avant, au risque de l’allonger encore !
En matière de bavardage législatif, nous portons donc tous une part de responsabilité !
Protestations sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.
Mme Ségolène Royal, ministre. Quoi qu’il en soit, vous avez satisfaction, monsieur le sénateur, puisque le concept de compétitivité vient de nouveau d’être réinscrit dans le texte par un amendement de M. le rapporteur. Dans le même alinéa, en quatre lignes, le mot « compétitivité » est employé à deux reprises. La répétition de ce terme deviendrait presque suspecte !
Protestations sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.
Votre préoccupation est absolument essentielle, monsieur le sénateur, et je tenais à vous rassurer : la diversification du mix énergétique ne nuira pas à la préservation de la compétitivité des entreprises. De surcroît, des amendements complémentaires viendront en discussion lorsque nous en viendrons au titre III, à propos des consommateurs électro-intensifs. Il ne s’agira plus de déclarations de principes, nous passerons à l’action, puisque des dispositions très précises seront proposées pour protéger la compétitivité des entreprises qui consomment beaucoup d’énergie.
En conséquence, je suggère le retrait de cet amendement.
Madame la ministre, avec tout le respect que je vous dois, je suis tout de même étonné que vous puissiez employer l’expression de « bavardage » sur une question aussi stratégique que le coût de l’énergie par rapport à la compétitivité des entreprises.
Nous devons apporter des garanties à nos entreprises et nous n’aurons pas d’investissements dans notre pays si nous n’avons pas de visibilité sur les prix de l’énergie.
Dans bon nombre d’entreprises, l’énergie constitue le troisième poste, après la matière première et la main-d’œuvre. C’est donc un élément essentiel.
J’ai participé aux travaux de la commission, monsieur le rapporteur, …
… et je sais que vous avez intégré cette notion de compétitivité.
Toutefois, je maintiens cet amendement.
Très bien ! sur certaines travées de l'UMP.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 637 rectifié bis, présenté par Mme Jouanno, M. Guerriau, Mme Billon et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 16
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Assurer la préservation d'un environnement concurrentiel favorable au développement des innovations ;
La parole est à Mme Chantal Jouanno.
Cet amendement pourrait paraître assez anodin, s’il ne concernait pas les moyens d’atteindre les objectifs de la politique énergétique. Je rejoins les propos de Gérard Longuet sur la nécessité de rendre le marché de l’énergie plus concurrentiel. C’est d'ailleurs un impératif fixé par l’Union européenne. Or, si l’on excepte les carburants, le marché français de l’énergie est aujourd'hui peu concurrentiel : la partie « offre » est dominée par deux grands groupes, et il y a aussi très peu de concurrence dans la partie « demande ».
Cet amendement vise donc à rappeler qu’il est du devoir des pouvoirs publics de préserver, voire de développer un environnement concurrentiel.
Madame Jouanno, vous voulez inclure dans les objectifs de la politique énergétique la préservation d’un environnement concurrentiel favorable au développement des innovations. Relisez l’alinéa 18 : vous verrez que vous avez satisfaction.
Certes, mais on ne va pas réécrire la même chose tous les deux alinéas !
D’ailleurs, je reviens un instant sur le débat précédent : c’est moi, et non Mme la ministre, qui ai parlé de loi « bavarde ». C’est une critique que je fais au projet de loi : je trouve qu’il est bavard. Les députés se sont laissé aller en ajoutant des articles entiers par voie d’amendement. Mais je vois que nous sommes en train de tomber dans le même piège : à deux alinéas, vous avez entièrement satisfaction, ma chère collègue !
Je vous suggère donc de retirer votre amendement ; à défaut, l’avis de la commission sera défavorable.
Le Gouvernement partage l’avis de la commission.
Je comprends que chacun ait envie de déposer des amendements, mais celui-ci est satisfait par le projet de loi. Je me souviens d'ailleurs, madame Jouanno, que vous aviez vous-même qualifié, lors de la discussion générale, le projet de loi de « délayé ».
J’ajoute que, dans la suite du débat, le Gouvernement émettra un avis favorable sur certains amendements importants que vous avez déposés.
Ah ! sur les travées de l'UDI - UC.
Oui, je le maintiens, madame la présidente. J’entends bien les explications, mais il y a une très grande différence entre dire que le marché de l’énergie doit être rendu plus concurrentiel et dire qu’il faut favoriser la recherche et l’innovation ; ce n’est pas du tout la même chose !
Mon amendement ne sera sans doute pas adopté, mais j’attire tout de même votre attention sur le fait que le marché français de l’énergie n’est pas suffisamment concurrentiel, en particulier dans sa partie « production ».
Je mets aux voix l'amendement n° 637 rectifié bis.
Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 936, présenté par M. Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Alinéa 17
Remplacer les mots :
de l'énergie ainsi que sur son
par les mots :
des énergies ainsi que sur leur
La parole est à M. le rapporteur.
Il s'agit d’un amendement de clarification rédactionnelle visant à préciser que l'information de tous et la transparence portant notamment sur les coûts et les prix de l'énergie s'entendent bien comme visant toutes les énergies composant le mix énergétique – nucléaire, énergies renouvelables ou fossiles – ainsi que leurs contenus carbone respectifs.
L'amendement n° 336 rectifié ter, présenté par M. Vaugrenard et Mme Meunier, est ainsi libellé :
Alinéa 17
Remplacer les mots :
l’énergie ainsi que sur son
par les mots :
toutes les énergies, fossiles comme renouvelables, ainsi que sur leurs effets positifs et négatifs, parmi lesquelles leur
Cet amendement n'est pas soutenu.
Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 936 ?
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 498, présenté par MM. Bosino et Le Scouarnec, Mme Didier, M. Vergès, Mme Assassi, M. Abate, Mme Beaufils, MM. Billout et Bocquet, Mmes Cohen, Cukierman, David et Demessine, MM. Favier et Foucaud, Mme Gonthier-Maurin, M. P. Laurent, Mme Prunaud et M. Watrin, est ainsi libellé :
Alinéa 18
Après le mot :
recherche
insérer les mots :
notamment publique
La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
Cet amendement porte sur la question de la recherche publique.
Nous avons déjà pointé les lacunes du projet de loi en matière de financement de la recherche, alors qu’il s’agit pourtant, à nos yeux, d’un point central de toute politique de transition énergétique.
Nous souhaitons réaffirmer que le développement de la recherche publique dans le secteur de l’énergie doit être un objectif de premier plan pour notre pays.
Comme vous avez eu l’occasion de le dire à l’Assemblée nationale, madame la ministre, les entreprises, et notamment les PME, ont à cœur de contribuer à cette politique. Nous ne pouvons que nous féliciter que le secteur privé participe au développement de la recherche dans notre pays.
Cependant, ce serait une erreur de taille de considérer que le secteur privé peut se substituer à la recherche publique. La recherche fondamentale, telle qu’elle est pratiquée, par exemple, au Centre national de la recherche scientifique, le CNRS, dans les universités ou encore au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives, le CEA, sur des sujets qui nous intéressent directement, a plus que jamais besoin d’être soutenue et renforcée.
C’est cette recherche publique qui nous permet d’envisager à long terme une politique qui répondra à la fois aux besoins sociaux de l’ensemble de la population ainsi qu’aux exigences environnementales.
C’est également cette recherche publique qui, si elle ne trouve pas de débouché immédiat pour les entreprises, pourra, à l’horizon de quelques années, trouver des applications concrètes pour répondre aux nouveaux enjeux de la transition énergétique.
Rappelons en outre que, depuis de nombreuses années, les États européens se sont fixé l’objectif de consacrer 3 % de leur PIB à la recherche et développement. Si certains de nos voisins, notamment dans le nord de l’Europe, avoisinent les 3, 5 %, la France reste encore en dessous des 2, 5 %.
Il ne s’agit donc en aucun cas de minimiser le rôle de la recherche privée, mais il faut simplement réaffirmer que la recherche publique s’inscrit pleinement dans notre vision partagée d’une politique de transition énergétique réussie.
Je suis tout à fait d'accord avec vous, mon cher collègue, la recherche publique doit prendre toute sa part dans l’innovation énergétique. Cependant, il n’y a pas lieu de le rappeler à nouveau, car c’est déjà le sens de l’alinéa 18. Je vous suggère donc de retirer votre amendement.
L’amendement est en effet satisfait, dans la mesure où la recherche, tant publique que privée, est déjà mentionnée dans le projet de loi.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 277 rectifié, présenté par MM. Gremillet et Raison, est ainsi libellé :
Alinéa 18
Compléter cet alinéa par les mots :
, en particulier par les très petites entreprises et les petites et moyennes entreprises
La parole est à M. Daniel Gremillet.
Cet amendement visait à insister à nouveau sur l’importance des petites entreprises en matière de recherche et développement.
Au vu des explications du rapporteur, je le considère comme satisfait, et je le retire.
L'amendement n° 277 rectifié est retiré.
Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 340 rectifié, présenté par MM. Mézard, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin et Hue, Mmes Laborde et Malherbe et M. Requier, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 18
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° Développer une filière de petites et moyennes entreprises, de petites et moyennes industries et d’entreprises de taille intermédiaire spécialisées dans la transition énergétique en tant qu’actrices du marché national et promotrices à l’export du savoir-faire français ;
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
L’ambition du Gouvernement est de profiter de l’engagement de la transition énergétique pour créer entre 75 000 et 100 000 emplois dans des activités nouvelles et durables. Il s’agit, je le rappelle, d’emplois qualifiés et non délocalisables.
Cet amendement tend à inscrire dans les objectifs du projet de loi le développement d’une filière de PME et d’ETI spécialisées dans la transition énergétique. Il convient de développer leur potentiel et leur savoir-faire, tant à l’échelle des territoires qu’à l’échelle internationale, car elles ont un rôle essentiel à jouer, au même titre que les grands groupes énergétiques ou les collectivités territoriales.
Le projet de loi réunit les conditions d’un nouvel élan pour les artisans et les PME. Il convient de les accompagner afin de créer ou préserver des emplois et de contribuer à l’ancrage et au développement du tissu économique local tout en favorisant la formation professionnelle et l’innovation.
L'amendement n° 638 rectifié bis, présenté par Mme Jouanno, M. Guerriau, Mme Billon et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 19
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Constituer une filière de petites et moyennes entreprises, de petites et moyennes industries et d’entreprises de taille intermédiaire dans les différentes activités de la transition énergétique en tant qu’actrices du marché national et promotrices à l’export du savoir-faire français ;
La parole est à Mme Annick Billon.
Cet amendement va un peu dans le même sens que le précédent. Il s’agit de cibler l’action gouvernementale sur les PME et les ETI afin de solidifier notre tissu entrepreneurial et, à terme, de contribuer efficacement à la diminution de la facture énergétique de la France.
L’avis est le même pour les deux amendements. Je voudrais vous rappeler que l’article L. 100-1 du code de l’énergie est précis : il prévoit que la politique énergétique favorise l’émergence d’une économie compétitive et riche en emplois grâce à la mobilisation de toutes les filières, notamment de celles qui participent à la croissance verte, dont nous avons réaffirmé le caractère fondamentalement dual : respect de l’environnement et compétitivité des entreprises.
Autrement dit, sur le fond, chers collègues, vous avez déjà globalement satisfaction.
Sur la forme, vous souhaitez orienter plus particulièrement l’effort vers les PME et les ETI. Je comprends l’intention, mais il faut faire attention : la politique énergétique française est menée par les PME et les ETI du secteur, mais aussi par nos grands chefs de file – EDF, GDF-Suez, Areva–, qui jouent un rôle important.
Il y a toujours un certain danger, je le disais à l’instant à M. Gremillet, à orienter l’effort vers un secteur, car on risque d’oublier les autres. C’est le point faible des deux amendements.
J’en demande donc le retrait.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 638 rectifié bis est retiré.
Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 497, présenté par MM. Bosino et Le Scouarnec, Mme Didier, M. Vergès, Mme Assassi, M. Abate, Mme Beaufils, MM. Billout et Bocquet, Mmes Cohen, Cukierman, David et Demessine, MM. Favier et Foucaud, Mme Gonthier-Maurin, M. P. Laurent, Mme Prunaud et M. Watrin, est ainsi libellé :
Alinéa 21, deuxième et troisième phrases
Remplacer ces phrases par une phrase ainsi rédigée :
Est dénommé “territoire à énergie positive” un territoire favorisant l’efficacité énergétique, la réduction des émissions de gaz à effet de serre et la diminution de la consommation des énergies fossiles et visant le déploiement d’énergies renouvelables dans son approvisionnement.
La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.
Nous avons encore en mémoire les débats sur la loi Brottes qui n’hésitait pas à faire de la modulation tarifaire en fonction de l’endroit du territoire où l’on se trouve, plus au nord ou plus au sud, ou plus ou moins proche des moyens de production énergétiques, un élément de passage vers un système sobre en énergie.
La notion de « territoire à énergie positive », telle qu’elle est décrite dans le projet de loi, porte en germe, selon nous, une idée dangereuse. En effet, la référence à « l’équilibre entre la consommation et la production d’énergie à l’échelle locale » peut laisser croire à une forme d’autarcie et d’autonomie énergétique remettant en cause la solidarité énergétique nationale.
L’ambiguïté est d’autant plus manifeste qu’à terme ces territoires devraient aboutir, cela n’a pas été démenti lors des débats à l’Assemblée nationale, à la constitution de réseaux fermés d’utilisateurs.
Nous proposons, au travers de cette nouvelle rédaction, de lever toute ambigüité, car le service public de l’énergie ne doit pas être un service différencié en fonction du lieu d’habitation et, demain, de la distance par rapport au lieu de production de l’énergie.
Bien sûr, la mise en place de plates-formes d’information pour la population est une bonne chose ; bien sûr, il faut prendre en compte la créativité des élus locaux et des initiatives locales.
De même, comment être contre la mobilisation de tous pour la création d’emplois dans l’ensemble des filières de la performance énergétique et des énergies renouvelables, ou encore la mise en place d’actions professionnelles d’accompagnement ou la promotion d’espaces à « zéro déchet » ?
Quoi qu’il en soit, le territoire national est un, selon notre Constitution.
Aussi, si nous soutenons les initiatives locales favorisant la transition énergétique, il serait illusoire de penser que cette dernière se réalisera par une production délocalisée de l’énergie, que chaque territoire pourrait produire pour ses besoins locaux. Les contraintes techniques en termes de sécurité et d’indépendance énergétique s’y opposent d’ailleurs.
Au contraire, il s’agit de veiller collectivement à atteindre les objectifs de la transition énergétique, sans privilégier une concurrence territoriale à même de contredire les principes de péréquation et de solidarité à l’échelle nationale.
L'amendement n° 926, présenté par M. Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Alinéa 21, deuxième phrase
Remplacer les mots :
besoins d'énergie
par les mots :
besoins énergétiques
La parole est à M. le rapporteur.
L'amendement n° 937, présenté par M. Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Alinéa 21, deuxième phrase
Compléter cette phrase par les mots :
et dans le respect des équilibres des systèmes énergétiques nationaux
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et donner l’avis de la commission des affaires économiques sur l’amendement n° 497.
Cet amendement vise à préciser que la démarche de territoire à énergie positive doit s’inscrire dans le respect des équilibres des systèmes énergétiques nationaux, dont elle ne doit pas compromettre ou dégrader la gestion.
Il s’agit ainsi de rappeler que ces territoires ne sauraient être isolés et déconnectés des réseaux nationaux. Ils doivent en particulier dialoguer avec les gestionnaires de réseaux et les fournisseurs pour régulariser au mieux leurs appels instantanés aux énergies de réseaux.
Cet amendement vous donnant, en partie, satisfaction, monsieur Bosino, je vous demande de retirer le vôtre.
J’entends bien les arguments de M. le rapporteur, mais, comme il vient lui-même de le dire, son amendement ne répond qu’en partie à notre préoccupation.
Nous craignons donc que des réseaux fermés au niveau local ne s’opposent au niveau national.
Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 926.
Sur l’amendement n° 937, la commission a déjà complété de façon satisfaisante la définition des territoires à énergie positive, et le Gouvernement n’a pas de modification à apporter à ses travaux.
Quant au risque de voir un territoire totalement s’autonomiser par rapport aux réseaux nationaux, il me paraît un peu imaginaire.
En effet, qui pourrait imaginer se déconnecter des réseaux nationaux ? En France métropolitaine, heureusement, tous les territoires sont interconnectés. Et, dans les outre-mer, certains territoires mériteraient de faire avancer l’autonomie énergétique.
À cet égard, nous avons décidé de donner la possibilité, dans les territoires à énergie positive, pour toutes les régions insulaires, d’économiser l’énergie en s’engageant très fortement dans la voie de l’autonomie énergétique, qu’il s’agisse du solaire ou de l’énergie thermique des mers. Cela entraînera des coûts bien moindres que l’importation d’hydrocarbures ou la réalisation quasi impossible de certaines interconnexions.
Le texte est sans ambiguïté ; mais, si cela peut rassurer, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat sur l’amendement n° 937, dont la rédaction est tout à fait acceptable, de préférence à l’amendement n° 497.
Je le redis, le risque qu’un territoire, dans un département ou une région de métropole, choisisse tout d’un coup de se déconnecter du réseau n’est certes pas souhaitable et de toute manière inimaginable.
Je souhaite revenir sur l’amendement n° 937, qui a recueilli un avis de sagesse du Gouvernement. Je m’interroge sur les termes : « et dans le respect des équilibres des systèmes énergétiques nationaux. »
Imaginons que nous nous trouvions dans une situation de surproduction électrique, ce qui est fondamentalement le cas aujourd’hui en Europe. Cela signifie-t-il que, pour équilibrer les systèmes, il faut arrêter de développer la production locale ? C’est ce qui ressortirait logiquement du libellé de cet amendement. On comprend alors la crainte suscitée. Je pense par exemple, pour le photovoltaïque, à la baisse des coûts et à la parité réseau qui existe déjà. Et ce phénomène est loin de s’arrêter.
Évidemment, les territoires vont développer massivement le photovoltaïque dans les quinze ou vingt prochaines années, ce qui changera le modèle de production français. Puisque nous le savons, il faut agir pour accompagner ce changement. Nous sommes d’accord sur ce point, mais avec cet amendement, nous ne savons pas qui décide, et qui décide de quoi !
Je souhaiterais donc le retrait de cet amendement, car il envoie un signal craintif sur l’évolution de la production énergétique française, signal qui, au reste, illustre parfaitement notre débat et le refus d’une évolution pourtant inéluctable qui en ressort.
Pour être très clair, et répondre à la préoccupation de nos collègues du groupe CRC que je partage – j’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer publiquement à l’occasion d’assises de l’énergie sur ce point -, j’affirme qu’il faut défendre bec et ongles un tarif unique national, car c’est la condition de toute solidarité, de toute péréquation. Ensuite, ce sont les territoires qui sont en dynamique, mais ils sont coordonnés au niveau national. Tel qu’il est rédigé, l’amendement va dans le sens inverse. C’est pourquoi je ne peux pas le voter.
Pour conclure par un peu de philosophie, j’ai tendance à penser que nous croyons à un double utopie, si je puis m’exprimer ainsi ici, qui est de renforcer l’autonomie des productions, des individus et des territoires, sachant que, plus on est autonome, plus on est épanoui, mieux on fonctionne en réseau !
M. Joël Labbé applaudit.
L'amendement n'est pas adopté.
L’amendement est adopté.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 22 rectifié bis, présenté par MM. Revet, P. Leroy, Bizet, Portelli, Trillard et Houel et Mme Hummel, est ainsi libellé :
Alinéa 23, après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Ces objectifs sont conditionnés par la mise en œuvre effective d’un accord international contraignant dans ce domaine et sont susceptibles d’être révisés en conséquence.
La parole est à M. Charles Revet.
La France ne représente que 1 % des émissions de CO2 mondiales et n’émet que 5 tonnes par an et par habitant de CO2, soit le plus faible niveau parmi les principaux pays industriels de la planète. On ne peut que s’en féliciter.
Néanmoins, il convient de veiller, lors de la mise en œuvre d’une politique énergétique nationale fondée sur des objectifs de réduction des émissions de CO2, à ne pas créer des distorsions de compétition pour notre pays, faute d’engagements et de contraintes concrètes identiques pour les autres pays. C’est l’objet de cet amendement.
Madame la ministre, nous voulons être les meilleurs. Soit ! Mais il convient que, notamment au niveau européen, nos partenaires respectent les mêmes règles. Or je pourrais multiplier les exemples, même en m’éloignant un peu du sujet, qui vous montreraient qu’il n’en est rien.
Ayant été chargé des problèmes portuaires, maritimes et de la pêche, j’ai pu constater que la France dispose du patrimoine économique maritime le plus important du monde, presque équivalent à celui des États-Unis, mais qu’elle importe 85 % de ses poissons et crustacés !
Quand les pêcheurs de mon département se plaignent de ne pas avoir le droit de pêcher la coquille Saint-Jacques ou autres, et que des bateaux belges, hollandais ou anglais viennent pêcher au même moment dans les eaux territoriales françaises, ils ne comprennent plus rien !
Agissons donc au mieux, mais pas au détriment de nos propres entreprises !
Je souscris tout à fait à l’objet de l’amendement de Charles Revet. Toutefois, il faut aller au bout de sa lecture : il s’agit de subordonner l’objectif de réduction des gaz à effet de serre à la conclusion d’un accord international contraignant en la matière. Vous ne l’obtiendrez jamais, mon cher collègue, car il suffit qu’un pays ne soit pas d’accord pour que toute obligation d’objectifs disparaisse !
Je sais bien que vous en avez assez de voir notre pays être vertueux quand d’autres ne le sont pas. La France est, non pas le premier, mais le second pays le plus vertueux d’Europe en matière d’émission de gaz à effet de serre, grâce à notre nucléaire et notre hydraulique – nous ne sommes battus que par la Suède.
Néanmoins, je le répète, conditionner tout objectif de réduction d’émissions de gaz à effet de serre à un accord international serait une autre manière de s’interdire le moindre objectif en la matière.
Même si je suis, comme vous, cher collègue, énervé par l’attitude de nos voisins, un tel degré d’exigence me paraît irréaliste. C’est pourquoi je vous prie de bien vouloir retirer votre amendement.
J’aurais préféré que Mme la ministre ne se contente pas de faire sien l’avis de notre rapporteur, car, même si c’est bien sympathique pour notre collègue, …
M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. Cela prouve que le rapporteur est très bon !
Sourires.
… c’est un peu court !
Pourriez-vous, madame la ministre, nous indiquer les démarches que le Gouvernement entend entreprendre auprès de nos partenaires européens, afin que nous soyons placés sur un pied d’égalité dans la compétition ? Si nous ne pouvons pas imposer une convention internationale à l’ensemble des États membres de l’Union, il nous est tout à fait possible en revanche de réfléchir aux dispositions qui pourraient éviter à nos entreprises de perdre systématiquement du terrain.
J’ai cru comprendre que l’emploi était l’un des objectifs prioritaires du Gouvernement. Or, chaque mois, nous perdons en compétitivité. Il faudra peut-être, un jour, entamer une réflexion sur les moyens de rebondir. C’est ce que j’aurais aimé vous entendre dire, madame la ministre.
Monsieur le sénateur, je ne voulais pas allonger les débats !
C’était aussi une manière pour moi de rendre hommage aux travaux de votre commission.
Sourires.
Toutefois, j’accepte de vous répondre bien volontiers, monsieur le sénateur.
Tout d’abord, la construction d’une économie décarbonée n’est pas un poids, une corvée ; c’est une chance.
Effectivement !
Nous avons la chance de pouvoir être les plus rapides pour monter en puissance sur l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables, grâce à notre base d’énergie nucléaire, qui nous permet d’accélérer cette transition énergétique, et avec la sécurité énergétique que nous avons acquise. Il n’en reste pas moins que tout le monde doit s’y mettre : c’est l’objectif de la conférence Paris Climat 2015.
Pour certains pays, c’est une question de vie ou de mort ! Je reprends l’exemple des États insulaires que nous évoquions : sachant qu’une augmentation de 4 degrés de la température entraînerait une augmentation du niveau de la mer de 7 mètres par endroits, le changement climatique se traduira par la disparition pure et simple d’États, avec 200 millions de réfugiés climatiques à l’horizon de 2050, c’est-à-dire une menace sur la maîtrise de l’eau potable, des sources de conflits, de guerres, un risque de terrorisme nouveau, tout cela pour la maîtrise des ressources naturelles.
Donc, vous avez tout à fait raison, nous devons agir, nous en avons l’obligation, mais dans une dynamique collective.
Cela étant, l’accord que vous souhaitez, nous l’avons déjà au niveau européen. Le Conseil européen a en effet fixé aux États membres un objectif commun de réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre. De plus, aujourd’hui, dans la cadre de la préparation de la conférence de Paris sur le climat, chaque pays doit maintenant dire comment il s’y prend.
La France n’est pas en mauvaise position. Une partie de notre production est déjà décarbonée, grâce au nucléaire. Nous avons décidé, malgré tout, de faire monter en puissance les énergies renouvelables, et d’être plus forts sur l’efficacité énergétique, car c’est un ressort de développement économique, de croissance verte, et donc de création d’activité et d’emplois.
Vous nous alertez sur les dangers d’une concurrence déloyale et nous prenons en considération votre préoccupation dans le cadre de la protection des industries électro-intensives.
Pour le reste, nous considérons que la France, en étant exemplaire, doit jouer un rôle moteur, un rôle d’entraînement au niveau européen. Avec ce projet de loi de transition énergétique, nous concrétisons les objectifs ambitieux que s’est assignés le Conseil européen et, pour répondre à votre légitime préoccupation, nous nous engageons désormais pour faire en sorte que cette démarche européenne se généralise au niveau planétaire. C’est tout l’objet de la conférence sur le climat.
Tels sont les éléments d’information que je souhaitais porter à votre connaissance, monsieur le sénateur.
Je vais le retirer, madame la présidente, car j’ai bien compris que nous ne pouvions pas contraindre nos partenaires, mais je continue de pense que, devant l’importance de l’enjeu, il nous faudra à un moment ou un autre trouver des solutions pour au moins éviter de pénaliser nos entreprises.
L’amendement n° 22 rectifié bis est retiré.
Je suis saisie de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 274 rectifié, présenté par MM. Gremillet et Raison, est ainsi libellé :
Alinéa 25
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Daniel Gremillet.
Cet amendement vise à supprimer un alinéa qui pose vraiment problème sur le positionnement de notre pays à l’horizon de 2050.
Nous le savons tous, et les chiffres de l’INSEE le confirment, notre pays a perdu beaucoup d’emplois industriels, à un rythme de 9% par an depuis 1975. Sur la même période, la part de la production industrielle dans le produit intérieur brut est passée de 30 % à 19 %.
Dès lors que l’activité et la production industrielle déclinent, la consommation énergétique diminue, comme on le constate, puisque, sur la même période, elle est passée de 44 millions à 29 millions de tonnes équivalent pétrole, ou TEP.
Alors que nous pays connaît de nombreux handicaps, alors que nous avons besoin, si nous voulons conserver notre modèle social, de recréer des emplois industriels et de rendre à notre production industrielle sa juste part dans le PIB, que signifie prendre 2012 comme année de référence, sinon s’inscrire dans la décroissance ? D’autant plus que la population mondiale aura crû entre-temps de 2, 2 milliards d’habitants…
Peut-on imaginer que la France, que l’Europe vont rester en dehors du mouvement et qu’elles vont s’astreindre à la décroissance, pour atteindre en 2050 une réduction de 50 % de la consommation énergétique finale ?
Quand on sait que l’énergie consommée par l’industrie représente grosso modo 50 % de la consommation énergétique finale, rester sur cet alinéa annonce un avenir absolument critique pour notre pays et notre économie de production.
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
L'amendement n° 584 rectifié, présenté par Mme Lamure, M. Calvet, Mme Di Folco, MM. Houel, Magras, P. Leroy et César et Mme Primas, est ainsi libellé :
Alinéa 25
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 2° Réduire l’intensité énergétique finale par an et par habitant de 50 % en 2050 par rapport à la référence 2012, en visant un objectif intermédiaire de 20 % en 2030 ;
La parole est à Mme Élisabeth Lamure.
L’amendement n° 584 rectifié est retiré.
L'amendement n° 716, présenté par MM. Dantec, Labbé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 25, première phrase
Remplacer les mots :
Porter le rythme annuel de baisse de l’intensité énergétique finale à 2, 5 % d’ici à 2030
par les mots :
Réduire la consommation énergétique finale de 20 % en 2030 par rapport à la référence 2012
La parole est à M. Ronan Dantec.
Nous sommes dans un débat extrêmement culturel, chacun l’aura compris. Pour certains, consommation énergétique et développement et emplois sont totalement liés. Or, l’enjeu fondamental de la durabilité de nos sociétés, y compris pour ce qui est de la solidité du développement économique, tient justement à la capacité de découpler la consommation énergétique et du développement économique.
Un développement économique durable passe, dans nos pays, par une maîtrise extrêmement forte des consommations énergétiques. À partir du moment où nous avons une loi de planification énergétique, ne pas se donner d’objectif à l’échéance de 2030 n’a pas de sens. On ne peut pas à la fois inscrire dans la loi un objectif de 30 % de réduction des consommations d’énergies fossiles – cela viendra dans la suite du texte - et ne pas se fixer un objectif de réduction de la consommation énergétique finale. Sinon, c’est que l’on n’y croit pas soi-même. D’ailleurs, je pense que certains ici n’y croient pas.
Si nous en restons là, nous ne tiendrons pas les objectifs fixés pour lutter contre le changement climatique, c’est très clair, et la société de la fin du XXIe siècle ne sera ni vivable, ni même imaginable. Cela doit nous interpeller. Il faut, à un moment ou à un autre, que nos discours sur la gravité du changement climatique soient en cohérence avec nos objectifs énergétiques, sinon tout cela n’est que posture. Il faut un objectif raisonnable pour 2030.
L’Europe a aujourd’hui un niveau de consommation d’énergie finale du niveau de celui de 1990, après un pic enregistré vers 2005. On le voit, donc, la consommation d’énergie finale baisse en Europe, à un rythme d’un peu plus de 1 % par an. Fixer un objectif de 20 % en 2030, c’est globalement, consacrer dans la loi la tendance européenne, et ce n’est pas un effort gigantesque.
En outre, il faut rappeler que 50 % de la consommation finale est une consommation domestique, avec des enjeux forts tant sur les modes de vie que sur la qualité des produits utilisés ; cela va de la voiture ne consommant que deux litres aux cent kilomètres à la recherche d’une certaine efficacité énergétique dans les produits électroménagers. Bref, les marges de manœuvre sont extrêmement importantes pour réduire la consommation énergétique.
Nous proposons un objectif extrêmement raisonnable – réduire la consommation énergétique finale de 20 % en 2030, et ce par rapport à la référence 2012 - et je m’excuse par avance du caractère modeste de notre amendement auprès de ceux qui ne manqueront pas de le relever. Notre objectif est en outre cohérent avec le reste du projet de loi, et cohérent avec la lutte contre le changement climatique, phénomène dont j’ai bien l’impression, à écouter les uns et les autres, que tous n’ont pas encore pris la mesure de la gravité.
L'amendement n° 686 rectifié bis, présenté par M. César, Mme Des Esgaulx, M. de Raincourt et Mmes Troendlé et Primas, est ainsi libellé :
Alinéa 25, première phrase
Supprimer les mots :
, en poursuivant un objectif de réduction de la consommation énergétique finale de 50 % en 2050 par rapport à l’année de référence 2012
La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.
L'amendement n° 715, présenté par MM. Dantec, Labbé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 25, première phrase
Remplacer les mots :
en poursuivant
par les mots :
pour atteindre
La parole est à M. Ronan Dantec.
L'amendement n° 894, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 25, première phrase
Après les mots :
consommation énergétique finale
insérer les mots :
de 20 % en 2030 par rapport à l’année de référence 2012, et de réduction de la consommation énergétique finale
La parole est à Mme la ministre.
Il s’agit de rétablir, pour être cohérent avec ce qui a été fait à l’Assemblée nationale, l’objectif de 20 % de réduction de la consommation énergétique en 2030.
Quel est l’avis de la commission des affaires économiques sur les cinq amendements restant en discussion ?
Ces cinq amendements visent à revenir sur l’objectif de réduction de la consommation énergétique finale introduit à l’article 1er, tantôt pour l’affaiblir, voire le supprimer, tantôt pour en renforcer le caractère contraignant. C’est l’un des alinéas qui ont suscité beaucoup de réaction de la part de tous ceux que j’ai pu auditionner.
Lors de l’examen du texte en commission, cette dernière a souhaité rendre cet objectif à la fois plus compatible avec la préservation de la croissance économique, et plus réaliste, en revenant à l’horizon de 2030 et à l’objectif de rythme annuel de baisse de l’intensité énergétique prévu dans le texte initial. Car j’ai repris, madame la ministre, votre première rédaction, celle que vous avez abandonnée, puisque vous défendez maintenant la position acceptée après discussion à l’Assemblé nationale.
J’ai donc repris votre première rédaction, car elle est plus pragmatique, même si elle est évidemment moins forte que votre objectif intermédiaire.
Quant à l’autre volet qui pose problème – l’amendement 274 rectifié tend même à supprimer purement ou simplement l’alinéa en cause – j’ai en revanche maintenu le seuil de 50 % en 2050, mais non comme le souhaitaient les rédacteurs initiaux, madame la ministre, non comme le souhaitaient certains auteurs d’amendements, monsieur Dantec, puisque nous prévoyons de « poursuivre » l’objectif, et non pas d’atteindre un seuil brutal.
J’ai atténué la rédaction, car je pense, comme je l’ai dit dans la discussion générale, qu’il n’est pas dans notre intérêt d’y arriver, …
Effectivement !
Alors, oui, j’espère que nous n’atteindrons pas l’objectif, non pas que je le récuse, madame la ministre, mais parce que je refuse qu’il soit inscrit dans le marbre que la consommation énergétique va diminuer de 50 % d’ici à 2050. C’est un objectif pessimiste et, moi, je suis optimiste.
J’espère au contraire que l’économie va redémarrer, que nous allons retrouver de la croissance et que les chiffres vont nous donner tort. Nous procédons donc en douceur et, si nous maintenons l’objectif de 50 %, c’est sans indiquer une date sur laquelle nous viendrions buter. Dans le texte que nous avons adopté en commission, et j’ai forcément une préférence pour cette rédaction, le rythme annuel de baisse de l’intensité énergétique finale – suivant votre rédaction, madame la ministre – serait porté à 2, 5 % d’ici à 2030, en poursuivant un objectif de réduction de la consommation énergétique finale – en « poursuivant » seulement – de 50 % en 2050 par apport à 2012.
Cette dynamique soutient le développement d’une économie efficace en énergie, notamment dans les secteurs du bâtiment, des transports et de l’économie circulaire, et préserve la compétitivité et le développement du secteur industriel.
J’espère que cette rédaction consensuelle l’emportera sur celles qui sont proposées par nos collègues, un peu, sinon parfois totalement différentes.
La commission est donc défavorable à tous les amendements restant en discussion.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes au cœur d’un débat très important. Il y a parfois un peu d’ambiguïté dans les mots que nous utilisons. Je ne crois pas, par exemple, qu’« efficacité énergétique » et « réduction de la consommation » signifient « décroissance », au contraire.
D’une part, grâce aux économies d’énergie, nos entreprises sont plus compétitives et la facture des particuliers diminue ; ils peuvent dès lors utiliser autrement leur pouvoir d’achat.
D’autre part, si nous réussissons à atteindre cet objectif d’économie d’énergie, ce sera la preuve que nous aurons atteint un niveau important d’investissements dans la croissance verte, les énergies renouvelables, la performance énergétique, avec l’isolation des bâtiments et la construction de bâtiments à énergie positive ou encore les transports propres, la voiture électrique, sans parler des réseaux intelligents.
L’énergie est un facteur de production très coûteux : plus nous poussons le pays à l’économiser, plus nous rendons nos entreprises compétitives et plus nous créons de croissance. Voilà l’enjeu !
J’entends dire parfois que l’on n’y arrivera pas ; cela me paraît dommage…
Mme Ségolène Royal, ministre. C’est comme pour les élections : si l'on se dit dès le départ que l’on n’y arrivera pas, on est sûr de perdre !
Sourires.
Les objectifs ambitieux d’une transition énergétique et écologique sont cohérents avec ceux, que vous avez votés, du Grenelle de l’environnement et avec nos engagements européens. Une clause de révision tous les cinq ans est prévue.
Je pense que nos entreprises, notre économie ont besoin de repères. Il faut donc que nous prenions la responsabilité de fixer des objectifs clairs. Certes, monsieur le rapporteur, c’est un pari sur l’avenir, mais n’est-ce pas la responsabilité du politique, au sens noble du terme, de fixer un horizon raisonnable et atteignable, même s’il est ambitieux, je vous le concède ? Quoi qu’il en soit, on ne peut pas, à la fois, reconnaître l’urgence climatique et renoncer à fixer des objectifs ambitieux !
Je le répète, tous les cinq ans, ces objectifs pourront être révisés.
En ce qui concerne la réduction de la consommation d’énergie, elle sera liée à nos progrès en termes de territoires à énergie positive, de bâtiments à énergie positive et de performance énergétique du bâtiment.
Par exemple, j’ai visité récemment des logements locatifs à énergie positive, dans le 11e arrondissement de Paris, qui depuis trois ans sont équipés en panneaux photovoltaïques, en chauffe-eau solaires, en doubles vitrages et récupèrent l’énergie des eaux usées : la facture d’énergie pour une famille de deux enfants y est passée de 180 euros pour deux mois à 50 centimes d’euro ! Pourquoi une telle économie ne serait-elle pas possible pour toutes les nouvelles constructions à énergie positive ?
Bien sûr, il s’agit d’un saut qualitatif, technologique et énergétique majeur, mais c’est une chance formidable à saisir ! Il est très rare que l’occasion d’opérer une mutation économique de cette importance se présente. Il faut absolument que nous gardions notre avance dans ce domaine, parce que ce sont ceux qui font le pari d’avoir une énergie d’avance qui gagneront ce combat économique, social, environnemental.
Plus nous irons de l’avant, plus nous pourrons constituer des réseaux d’entreprises. Quand des bâtiments à énergie positive se construisent, quand des travaux d’isolation sont réalisés, dans les logements ou dans les entreprises – elles ont beaucoup d’efforts à faire dans le domaine de la récupération énergétique et de la performance énergétique de leurs bâtiments –, on voit se développer toute une filière économique de services, avec les compteurs intelligents, les réseaux intelligents, les quartiers et les villes intelligents, tous ces territoires à énergie positive dont nous venons de parler.
Nous réussirons grâce au volontarisme des élus, des entreprises, des partenaires sociaux. Le Conseil national de la transition écologique, où sont représentés le MEDEF, les PME, les salariés, les élus de tous bords politiques, les associations, et le Conseil économique, social et environnemental ont débattu de ces questions et adopté des objectifs ambitieux.
La commission des affaires économiques a fait le choix de rétablir en partie la rédaction initiale du Gouvernement, en supprimant l’objectif intermédiaire de réduction de 20 % de la consommation énergétique finale à l’horizon de 2030, pour fixer un rythme annuel de baisse de l’intensité énergétique finale de 2, 5 %. Ce choix est très astucieux, parce qu’il tient compte du besoin d’énergie en fonction de la croissance. En effet, il s’agit non pas de réduire pour réduire, mais d’économiser l’énergie en renforçant la performance énergétique des entreprises.
Toutefois, j’y insiste, fixer un objectif intermédiaire de 20 % de réduction est réaliste, dans la mesure où cela permet une première montée en puissance, avant une intensification de l’effort d’économie d’énergie entre 2030 et 2050. Il me paraît moins réaliste de prévoir une montée en puissance linéaire d’aujourd’hui à 2050. C’est la raison pour laquelle je défends la modification apportée au texte par l’Assemblée nationale.
Vous l’aurez compris, j’émets un avis défavorable sur les amendements n° 274 rectifié, 716, 686 rectifié bis et 715.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.
La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote sur l’amendement n° 274 rectifié.
Mme la ministre a dit l’essentiel. Je voudrais cependant rappeler que d’autres pays de l’Union européenne, comme le Royaume-Uni, l’Allemagne ou d’autres encore, considèrent que, pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, il faut en passer par la réduction de la consommation d’énergie de 50 % à l’horizon de 2050. Je rappelle également, à la suite de Mme la ministre, que c’était l’un des objectifs fixés dans le cadre du Grenelle de l’environnement.
Réduire notre consommation d’énergie de 20 % d’ici à 2030, comme le propose le Gouvernement, et de 50 % d’ici à 2050, ne va pas à l’encontre de la compétitivité de nos entreprises et de la croissance, au contraire ! Il s’agit de maîtrise de l’énergie et d’efficacité énergétique, et non d’une restriction susceptible de casser la croissance. Il s’agit de consommer mieux en consommant moins, pour produire autant et peut-être même plus, avec des machines plus efficaces, ayant un meilleur rendement.
J’en veux pour preuve le fait que l’industrie a réalisé, en vingt ans, 20 % d’économies d’énergie. Or il reste des verrous à faire sauter, dans le domaine technologique, pour produire mieux. Il faut améliorer l’efficacité énergétique de nos logements, c’est-à-dire leur isolation thermique, promouvoir l’efficacité active des réseaux intelligents, lutter contre les gaspillages, favoriser l’effacement énergétique.
Selon le CNRS, la promotion des économies d’énergie, de l’efficacité et de la sobriété énergétiques pourrait permettre de créer des centaines de milliers d’emplois d’ici à 2030. Selon l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, il est envisageable d’aller plus loin encore à l’horizon de 2050. On ne peut donc pas dire que la croissance serait cassée par ces efforts d’économie d’énergie : bien au contraire, la compétitivité de nos entreprises serait améliorée, et le pouvoir d’achat de nos ménages accru.
Prenons l’exemple de l’économie circulaire, chère à notre collègue Gérard Miquel : la production d’une tonne de matériaux nouveaux nécessite deux fois plus d’énergie que celle d’une tonne de matériaux issus du recyclage. La rénovation thermique des bâtiments peut engendrer jusqu’à 30 % d’économies d’énergie, les compteurs intelligents jusqu’à 20 %, sans effets secondaires négatifs, bien au contraire.
La facture énergétique de la France s’élève à environ 69 milliards d’euros. Ne vaut-il pas mieux consacrer ces milliards d’euros à nos territoires, plutôt qu’aux pays producteurs de pétrole ? Il faut savoir aussi qu’une hausse d’un point de la facture énergétique aboutit à une contraction de la croissance de 0, 5 %.
Enfin, force est de constater que le principal gisement d’énergie dans ce pays réside bien dans les économies d’énergie. Comme vous l’avez dit, madame la ministre, le crédit d’impôt pour la transition énergétique, le CITE, et l’éco-prêt à taux zéro peuvent être à l’origine de plusieurs milliards d’euros de travaux. Faisons donc confiance au tiers financement et au Fonds de garantie pour la rénovation énergétique pour multiplier les travaux de rénovation thermique.
En ce qui concerne les transports, qui consomment 30 % de notre énergie, l’organisation du territoire, la densification des espaces urbanisés, le développement des transports en commun ou des véhicules propres permettront de réduire notre consommation d’énergie avec le même service rendu.
Il est donc possible de faire croître la richesse nationale tout en faisant diminuer notre consommation d’énergie, en créant des emplois, en réduisant la facture énergétique de la France et en diminuant les émissions de gaz à effet de serre. Les économies d’énergie, l’efficacité énergétique, la sobriété énergétique constituent un atout pour la planète, pour la croissance verte et pour l’emploi ! C’est pourquoi nous voterons contre l’amendement de M. Gremillet.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Après le brillant plaidoyer de Mme la ministre, je retire mon amendement n° 716 au profit de celui du Gouvernement.
L’amendement n° 716 est retiré.
La parole est à Mme Chantal Jouanno, pour explication de vote.
Je voterai l’amendement du Gouvernement, non pas pour accorder à celui-ci un blanc-seing, mais pour affirmer une continuité de convictions. En effet, nous avions voté cet objectif de réduction de la consommation d’énergie dans le cadre du Grenelle de l’environnement et il correspond d’ailleurs à l’engagement européen des « trois fois vingt », même si la réduction de la consommation d’énergie ne figurait pas parmi les objectifs obligatoires.
J’ajoute que, comme l’a rappelé notre collègue, cet effort de réduction de la consommation énergétique a été fait dans le monde de l’industrie et qu’il s’est accompagné d’un développement des entreprises, certes insuffisant à notre goût.
Tout le monde ne lit pas la feuille de route de l’ADEME, malheureusement, mais pour ma part cette lecture me passionne ! En ce qui concerne les économies d’énergie, l’ADEME indique très clairement que, d’ici à 2030, on peut réduire de 20 % à 30 % la consommation d’énergie en concentrant les efforts sur le logement, ce qui suppose la rénovation de 500 000 logements par an, objectif que tout le monde a accepté a priori dans le cadre de l’examen de ce projet de loi, et la construction de 310 000 à 350 000 logements à basse consommation par an – nous avions déjà pris ce dernier engagement dans le cadre du Grenelle de l’environnement. En revanche, après 2050, il faudra que nous fassions porter l’essentiel de nos efforts sur le développement des systèmes d’écomobilité et du coworking, qui représente un potentiel d’économies absolument considérable, même si, hélas, nous ne l’évoquerons pas ici.
Je défendrai l’amendement de notre collègue Gremillet, tout en saluant le travail diplomatique judicieux, pertinent, habile et maîtrisé du rapporteur…
M. le rapporteur s’efforce de concilier les points de vue. Cependant, il me semble que l’amendement de notre collègue Gremillet a l’immense mérite de poser une question de principe.
Madame le ministre, pourquoi croyez-vous que l’on consomme de l’énergie ? Au risque de surprendre M. Dantec, je dirai que ce n’est par perversité, par volonté de dégrader l’environnement ou pour le plaisir de gaver des émirs de revenus substantiels ; c’est simplement parce que c’est une absolue nécessité et que, dans une économie de marché, des consommateurs privés ou publics, familiaux ou entrepreneuriaux, prennent chaque jour des millions de décisions guidées par le souci de choisir la solution la plus rationnelle dans un environnement économique déterminé.
Mme Jouanno parlait à l’instant de l’ADEME. Je comprends très bien le volontarisme du Gouvernement, mais l’économie de subventions, qui tord les prix et nie les réalités économiques, peut-elle être indéfiniment supportée par notre pays ?
La perspective de diminuer de 50 % la consommation énergétique de la France relève d’une décision idéologique qui ne découle d’aucune démarche rationnelle ni d’aucune analyse prospective. Elle est simplement née de l’idée que l’on pourrait faire autrement que les autres pays, que la France, ou en tout cas son gouvernement, serait exemplaire…
Ce n’est pourtant pas du tout le cas. La consommation obéit à des lois économiques qui s’imposent au monde entier. Si, depuis 2008, la consommation électrique plafonne, cela est lié, comme Daniel Gremillet l’a relevé à juste titre, au fait que des industries majeures de notre pays ont diminué leur activité et, par conséquent, leur consommation électrique, dans une très forte proportion.
Concernant le logement, ensuite, il faut tout de même se poser la question suivante : si les économies d’énergie réalisées dans le secteur du bâtiment sont rentables, pourquoi diable faut-il les soutenir à grands coups de subventions et d’avantages fiscaux ?
À cet égard, vous nous avez fourni un exemple très spectaculaire, madame le ministre, qui mériterait d’être regardé de plus près. Toutefois, est-il raisonnable de tabler, madame Jouanno, sur la rénovation de 500 000 logements par an ? La réponse est non !
Mme Chantal Jouanno s’exclame.
En effet, eu égard au pouvoir d’achat des familles et à leurs priorités, il n’est pas pensable qu’elles investissent dans un logement à haute performance énergétique, d’autant que le logement est plus cher en France que partout ailleurs en Europe.
Cette situation est d’ailleurs invraisemblable : notre territoire étant le plus vaste, nous devrions bénéficier du foncier le moins cher.
Il n’est donc pas certain que la priorité des familles sera de mobiliser des sommes importantes pour réaliser des économies d’énergie, sauf si elles y sont contraintes par la loi. Elles font en effet elles-mêmes l’arbitrage entre la dépense nécessaire et le retour sur investissement.
Vous avez souligné, madame le ministre, que des économies d’énergie sont possibles dans l’industrie. C’est évident ! De la chaleur s’échappe avec toutes les fumées d’usines, mais la rentabilité des investissements nécessaires pour la récupérer n’est pas suffisante.
Il y a la société idéale et la société que l’on peut s’offrir. Il faut laisser respirer l’économie et laisser les décisionnaires libres de leurs choix ! C’est la raison pour laquelle, sur le plan des principes, je défends l’amendement de notre collègue Daniel Gremillet.
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Oser écrire, dans un même article, que l’on va réduire de 30 % la consommation d’énergies fossiles en 2030 par rapport à 2012 et ramener la part du nucléaire dans la production d’électricité de 75 % à 50 % à l’horizon 2025 relève davantage d’une posture philosophique que de la prise en compte des réalités économiques de notre pays…
Aujourd’hui, l’alternative sérieuse, en termes de masse, aux énergies fossiles, c’est le nucléaire.
Il faut encourager, bien sûr, toutes les formes d’énergies renouvelables, mais fixer dans la loi des objectifs qui ne découlent, en réalité, que des termes d’un accord politique, ne peut que conduire à une impasse pour notre compétitivité, pour nos emplois, pour l’avenir de toute une génération.
Nous n’atteindrons pas de tels objectifs. Pour cela, il faudrait fermer deux centrales nucléaires par an ! Je suis d’ailleurs très étonné que personne n’évoque le coût, très élevé, de leur démantèlement…
Des amortissements avaient même été prévus à ce titre, qui ont été confisqués au fil du temps.
Il serait plus sérieux d’envisager la modernisation, la remise à niveau des centrales existantes et, surtout, d’investir dans la nouvelle génération de réacteurs. J’avais cru comprendre que c’était l’un des objectifs de Mme la ministre.
Par ailleurs, nous sommes tous ici des élus locaux et nous connaissons la situation du parc immobilier sur le plan de la consommation énergétique : la plupart de nos trente millions de logements sont en difficulté. On peut multiplier les incantations, mais il faudra du temps et des moyens pour permettre l’avènement des quartiers intelligents : ce n’est pas pour demain !
Enfin, le nucléaire est une des activités potentiellement exportatrices de notre pays. J’ai eu l’occasion de visiter la centrale nucléaire de Daya Bay, la première que la France ait construite en Chine : ce fut un vrai succès ! La défiance permanente à l’égard du nucléaire entretenue aujourd’hui sur le territoire national ne peut que nuire à la crédibilité de cette filière, qui a été d’excellence.
Dans la situation économique et industrielle que connaît notre pays, il est très regrettable de renoncer à promouvoir cette ambition d’excellence sur notre territoire et, partant, à exporter notre savoir-faire.
J’ajoute que, contrairement à ce que l’on entend dire, le mix énergétique européen inclut le nucléaire. Certains pays, comme la République tchèque ou la Hongrie, aujourd’hui dépourvus de centrales nucléaires, envisagent d’en construire.
En effet, voisins de l’Allemagne, ces pays subissent quotidiennement les inconvénients liés à l’usage du charbon ou du lignite. Il ne faut pas nier cette réalité, qui devrait nous inspirer aujourd’hui.
Pour toutes ces raisons, je voterai contre les dispositions de l’article 1er
Protestations sur les travées du groupe socialiste.
, qui répondent non pas à la réalité industrielle du pays, mais à un accord politique conclu il y a quelques années et dont les termes ne sont pas plus sérieux aujourd’hui qu’ils ne l’étaient hier !
Applaudissements sur les travées de l'UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.
J’ai entendu tout à l'heure notre collègue Daniel Gremillet affirmer que la production industrielle avait déjà diminué et que promouvoir la réduction de la consommation d’énergie allait aggraver encore la désindustrialisation.
En réalité, la désindustrialisation de la France a commencé il y a trente ans, …
… alors que l’énergie y était la moins chère d’Europe. Le coût de l’énergie n’est donc pas la cause première de la désindustrialisation de notre pays.
il fallait fermer les usines pour tendre vers une économie de services. Voilà la cause de la désindustrialisation !
Il nous faut prendre conscience qu’une entreprise compétitive n’est pas une entreprise énergivore. Nous avons visité il y a quelques jours, avec le Premier ministre, les ateliers rénovés de PSA, à Sochaux. Deux éléments renforcent la compétitivité : le recours à la robotique, bien sûr, et les économies d’énergie, qui sont omniprésentes, y compris dans la réflexion des industriels.
Par ailleurs, voyez la lutte contre le changement climatique non pas comme un boulet à traîner, mais au contraire comme une chance de créer de nouveaux emplois pour la France, pour notre industrie.
Je pense au secteur des énergies renouvelables ou au développement de techniques de fabrication permettant d’obtenir des produits presque intégralement recyclables, en réalisant des économies d’énergie importantes.
Nous sommes au XXIe siècle : essayons de mettre en place l’économie du XXIe siècle, avec les énergies du XXIe siècle ! Nous devons défendre la place du nucléaire dans le mix, à hauteur de 50 %, mais il faut aussi promouvoir d’autres énergies. Ainsi, concernant l’utilisation de l’hydrogène, la France et l’Europe doivent être à la pointe de la recherche pour régler les questions du transport et du stockage.
Notre pays va accueillir la conférence mondiale sur le changement climatique. Cela doit nous inciter à prendre la tête du peloton dans la lutte contre le changement climatique, précisément pour des raisons économiques et industrielles.
Mais cela ne résout pas tout, enfin ! On ne va pas commander le monde entier avec cela ! Ce n’est que de la communication !
Nous devons avoir la volonté de favoriser l’émergence des industries de demain. Je pense à cette start-up française qui vend avec un grand succès des panneaux solaires de nouvelle génération au Japon, ou à cette autre qui produit à partir d’algues des carburants de nouvelle génération.
Laissons ouverts les possibles. Ne nous arc-boutons pas sur de vieux réflexes, ou alors nous serons à la traîne du développement industriel et de la lutte contre le changement climatique.
Tout à l'heure, un de nos collègues nous mettait en garde en rappelant la difficulté de la situation économique. La production industrielle a connu un regain, certes fragile.
Si nous entendons la renforcer, nous devons nous appuyer sur de nouvelles industries. Le recours aux énergies renouvelables et les économies d’énergie seront au cœur de la nouvelle croissance, qui doit être durable. C’est ainsi que la France réindustrialisera son économie !
M. Martial Bourquin. C’est un défi. Avons-nous la volonté de le relever ? Si tel est le cas, vous savez très bien que nous y arriverons !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.
La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, pour explication de vote.
J’ai bien écouté Mme le ministre, dont je salue même l’enthousiasme sur ces questions.
Cependant, tout cela reste très théorique. C’est même de la théorie pure ! « Poursuivre un objectif de réduction de la consommation énergétique finale », qu’est-ce que cela signifie ?
Qu’est-ce qu’une loi qui définit des objectifs sans prévoir aucune sanction s’ils ne sont pas atteints ?
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Cet article relève de l’affirmation de bonnes intentions, de bons sentiments, d’une idéologie. Je serai même plus sévère : c’est un exercice de communication ! Madame le ministre, vous êtes la championne de la communication !
Protestations sur les travées du groupe socialiste.
Gérard Longuet l’a rappelé, la consommation énergétique résulte d’abord de l’activité économique. On ne peut pas faire de sa réduction un objectif a priori, autour duquel tout s’organisera !
Vous ne vous interrogez jamais sur le coût de toutes ces mesures. Pour ma part, en tant que membre de la commission des finances, je ne cesse de me poser cette question à la lecture de l’article 1er !
La consommation d’énergie dépend de l’état de l’économie, on ne peut pas en décider en amont : cela ne tient pas debout ! C’est à croire que vous n’avez jamais fait d’économie !
Nouvelles protestations sur les travées du groupe socialiste. – Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Nous n’avons pas la même vision des réalités et de l’avenir que M. Longuet et Mme Des Esgaulx.
… chaque comportement individuel contribuant à faire l’intérêt général.
Monsieur Longuet, le général de Gaulle doit se retourner dans sa tombe en vous entendant ! Si nous laissons faire le marché, sans promouvoir aucune politique publique ni prendre aucun engagement collectif, nous ne réduirons pas la consommation énergétique et les émissions de gaz à effet de serre.
Il faut prendre des mesures qui orientent le marché, …
… qui fondent des politiques publiques, qui préparent l’avenir en fixant des objectifs de nature à mobiliser à la fois le public et le privé. C’est ce qui nous est proposé au travers de ce projet de loi.
Le Gouvernement a raison de proposer de retenir un objectif intermédiaire de réduction de 20 % de la consommation à l’horizon 2030. En effet, si dès à présent nous ne commençons pas à opérer les mutations technologiques indispensables, si nous ne consentons pas, au travers des arbitrages en matière d’investissement, notamment dans la construction, des efforts en faveur des technologies sources d’économies d’énergie, nous perdrons en compétitivité à long terme et nous n’arriverons pas à atteindre nos objectifs.
Lorsque j’étais ministre du logement, j’ai proposé que l’on édicte des normes sur la qualité des verres à faible émissivité, qui ont été inventés par Saint-Gobain. Cette entreprise comptait, à l’époque, une grande usine implantée dans votre région, monsieur Longuet. Pour mille raisons, notamment de coût, on n’a pas voulu imposer l’emploi des verres à faible émissivité : il fallait laisser faire le marché, disait-on. Résultat, tous les emplois créés par Saint-Gobain dans cette filière l’ont été en Allemagne et dans le nord de l’Europe. Et maintenant, nous devons importer ces verres, faute d’avoir su accompagner à temps les mutations technologiques.
Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.
Toujours sur le plan économique, en matière de logement, il faut distinguer entre l’investissement dans le foncier et celui dans le bâti. Les pays qui ont procédé à des investissements importants pour améliorer la qualité du bâti, notamment pour économiser l’énergie, ont connu moins de spéculation sur le foncier. Nous essayons donc d’orienter l’investissement de façon à ne pas favoriser la rente foncière : l’investissement dans le bâti est source d’emplois, d’économies, de développement de filières industrielles.
Madame Des Esgaulx, l’objectif intermédiaire de 20 % de réduction de la consommation énergétique est en phase avec le plan climat-énergie arrêté au niveau européen.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Il s’agit de fixer des objectifs partagés, propres à mobiliser la société et à susciter des arbitrages. De telles mesures ne représentent pas seulement un coût : elles engendreront de fortes recettes pour l’État, notamment via la TVA.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.
Le débat porte non pas sur la consommation énergétique des ménages, mais sur celle de l’industrie.
Soit M. Bourquin ne m’a pas entendu, soit il était distrait : j’ai eu l’honnêteté de donner des chiffres remontant jusqu’au milieu des années soixante-dix, qu’il s’agisse de l’emploi industriel, de la production énergétique ou de la part de l’industrie dans le PIB.
Aucun d’entre nous, qu’il vienne du milieu rural ou du milieu urbain, quelle que soit sa région d’origine, ne contestera que nous avons besoin de recréer des emplois industriels. Sans cela, nous ne réglerons pas le problème du chômage dans notre pays, nous ne pourrons pas sauvegarder notre modèle social, ni créer de richesses.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Il ne faut pas se mentir. Nous avons tous l’ambition de recréer de l’emploi.
Au travers de mon amendement, j’ai voulu souligner qu’il était erroné de prendre pour référence l’année 2012. Notre situation diffère de celle d’autres pays, dans la mesure où nous avons perdu beaucoup trop d’emplois industriels.
Je suis d’accord avec Martial Bourquin : la lutte contre le changement climatique n’est pas un boulet. Nous n’avons pas peur !
Je suis également d’accord avec Mme la ministre quand elle dit que la transition énergétique est une opportunité, mais j’espère que la France aura l’ambition de conserver des parts de marchés à l’horizon 2050, lorsque la planète comptera 2 milliards d’êtres humains supplémentaires…
Nous nous rejoignons tous sur l’ambition de réduire de 50 % la consommation énergétique finale, mais il faut prendre en considération la dimension économique, en particulier industrielle, de la problématique. Il n’y a pas un industriel en France qui n’ait pour premier souci de réduire ses coûts, donc son prix de revient. Je ne comprends pas que nous nous déchirions sur cette question.
Nous avons besoin de nous rassembler. Le rapporteur nous propose de fixer un objectif, mais celui-ci doit pouvoir varier en fonction des enjeux et des problématiques. Un objectif de réduction de 50 % de la consommation finale d’énergie dans l’industrie à l’horizon 2050 n’est pas tenable, sauf à tomber dans la décroissance. Ce n’est pas envisageable si l’on veut favoriser l’emploi et maintenir notre modèle social.
Cela étant dit, je vais retirer mon amendement. En effet, M. le rapporteur a eu la sagesse et l’honnêteté de dire clairement que l’objectif de réduction de 50 % de la consommation énergétique, à mon sens trop élevé en ce qui concerne l’industrie, devrait être atteint en préservant la compétitivité et le développement du secteur industriel.
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
L’amendement n° 274 rectifié est retiré.
Madame Des Esgaulx., l’amendement n° 686 rectifié bis est-il maintenu ?
L’amendement n° 686 rectifié bis est retiré.
Monsieur Dantec, l’amendement n° 715 est-il maintenu ?
L'amendement n° 715 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 894.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 95 :
Nombre de votants309Nombre de suffrages exprimés280Pour l’adoption131Contre 149Le Sénat n'a pas adopté.
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
J’informe le Sénat que la commission de la culture, de l’éducation et de la communication m’a fait connaître qu’elle a procédé à la désignation des candidats qu’elle présente à la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi portant diverses dispositions tendant à la modernisation du secteur de la presse.
Cette liste a été publiée, et la nomination des membres de cette commission mixte paritaire aura lieu conformément à l’article 12 du règlement.
Je rappelle que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de sénateurs appelés à siéger au comité de surveillance de la Caisse d’amortissement de la dette sociale.
La commission des affaires sociales a fait connaître qu’elle propose la candidature de M. Jean-Noël Cardoux.
Cette candidature a été publiée et sera ratifiée, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport analysant les moyens de promouvoir le recours à des procédés électroniques permettant aux agents chargés de la délivrance des avis de paiement des forfaits de post-stationnement d’attester la présence d’un véhicule dans un espace de stationnement sur la voie publique à un moment donné.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Il a été transmis à la commission des lois et à la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire.
Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le mercredi 11 février, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution :
– le Conseil d’État a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur le 1° de l’article L. 612-7 du code de la sécurité intérieure (agrément des exploitants individuels et des dirigeants et gérants de personnes morales des activités privées de sécurité) (2015-463 QPC) ;
– la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article L. 480-12 du code de l’urbanisme (infractions au régime applicable aux constructions, aménagements et démolitions) (2015-464 QPC).
Le texte de ces décisions de renvoi est disponible à la direction de la séance.
Acte est donné de cette communication.
Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la transition énergétique pour la croissance verte.
Dans la suite de la discussion de l’article 1er, nous en sommes parvenus à l’amendement n° 938.
L'amendement n° 938, présenté par M. Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Alinéa 26
Remplacer le mot :
primaire
par le mot :
totale
La parole est à M. le rapporteur.
Cet amendement tend à clarifier l'objectif de réduction du recours aux énergies fossiles, initialement défini en termes d’énergie finale, puis d’énergie primaire, en retenant la notion de consommation totale, qui recouvre à la fois, et sans risque de confusion, les consommations finales et les consommations intermédiaires.
Avis favorable.
Monsieur le rapporteur, j’ai envie de voter en faveur de votre amendement, mais j’aimerais que vous m’apportiez auparavant une précision.
S’agit-il de la consommation intérieure nationale ou du solde de la production totale ? Englobez-vous dans la notion de consommation totale l’exportation d’énergie vers un pays voisin ?
Ma question n’est pas tout à fait désintéressée, ni neutre. En effet, la France, pour une production d’électricité de l’ordre de 500 térawattheures par an, enregistre un solde positif d’exportation d’environ 50 térawattheures. Dans l’esprit du rapporteur et du Gouvernement, s’agit-il de limiter également le solde d’exportation d’énergie ?
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 585 rectifié, présenté par Mme Lamure, M. Calvet, Mme Di Folco, MM. César, P. Leroy, Magras et Houel et Mme Primas, est ainsi libellé :
Alinéa 27
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 4° Porter la part des énergies renouvelables thermiques et hydro-électriques de 14 % actuellement à 20 % de la consommation finale brute d’énergie en 2020 et à 27 % de cette consommation en 2030 grâce au développement volontariste des énergies renouvelables thermiques ;
La parole est à Mme Élisabeth Lamure.
Tout en suivant les recommandations de l’Union européenne, nous proposons ici de fixer des objectifs plus réalistes, en portant la part des énergies renouvelables thermiques et hydrauliques dans la consommation finale à 20 % au lieu de 23 % en 2020 et à 27 % au lieu de 32 % en 2030.
Je suis un peu gêné par cet amendement, car il ne vise que les énergies thermiques et hydrauliques. Or les objectifs cités pourraient concerner également d’autres énergies renouvelables. Je crains qu’il n’y ait une confusion : peut-être Mme la ministre pourra-t-elle m’éclairer sur ce point ?
Le Gouvernement est lui aussi défavorable à cet amendement.
Je n’ai pas obtenu de M. le rapporteur ni de Mme la ministre les explications que j’attendais… Je le répète, il s’agit d’être un peu plus réalistes, tout en suivant les recommandations formulées par l’Union européenne en la matière.
Justement, je suis embarrassé parce que je n’ai pas retrouvé dans les recommandations de l’Union européenne l’objectif chiffré de 27 % figurant dans l’amendement.
C'est la raison pour laquelle la commission a, en somme, préféré se simplifier la tâche en conservant les objectifs du texte initial, qui concernent toutes les énergies renouvelables, en les déclinant par grands secteurs et en y adjoignant un objectif de porter à 10 % la part de ces énergies dans la consommation de gaz en 2030.
Je souscris à l’analyse du rapporteur et je retire mon amendement, madame la présidente.
L'amendement n° 585 rectifié est retiré.
Je suis saisie de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 309 rectifié, présenté par MM. Mézard, Arnell, Barbier, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin et Hue, Mme Laborde et M. Requier, est ainsi libellé :
Alinéa 28
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
Le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte tend à fixer comme objectif de la politique énergétique française, outre le nécessaire développement des énergies renouvelables, auquel nous sommes favorables, la réduction à 50 % de la part de l'énergie nucléaire dans le mix énergétique français, d'ici à 2025. Cela se traduirait par la fermeture de plusieurs centrales nucléaires, ce qui apparaît totalement irréaliste.
La filière nucléaire, qui représente l’un des fleurons de l’industrie française et un gisement non négligeable d’emplois, garantit l'indépendance énergétique de la France et contribue à assurer la sécurité de notre approvisionnement en énergie, objectif visé à l’alinéa 5 de l’article 1er du projet de loi.
Par ailleurs, quoi qu’on en dise, l’électricité d’origine nucléaire demeure compétitive par rapport à celle qui est produite à partir des énergies renouvelables, grâce à un parc de centrales nucléaires largement amorti. Or le prix de l’énergie est un élément d’autant plus crucial que la facture énergétique de la France s’élève à 70 milliards d’euros par an environ. L’énergie nucléaire permet ainsi de produire de l’électricité à des prix relativement bas, ce qui constitue un atout majeur à la fois pour lutter contre la précarité énergétique et pour préserver la compétitivité de nos entreprises.
Enfin, l’énergie nucléaire présente comme avantage non négligeable d’être décarbonée, ce qui permet à la France de respecter ses engagements en matière de pollution atmosphérique.
Aussi, plutôt que d’envisager de réduire la part du nucléaire, conviendrait-il d'encourager l'innovation dans cette filière, en vue de développer des systèmes de nouvelle génération permettant une meilleure utilisation des ressources en uranium et le respect des objectifs en matière de sûreté nucléaire et de développement durable, grâce à une meilleure gestion des déchets à durée de vie longue.
L'amendement n° 586 rectifié, présenté par Mmes Lamure et Di Folco, MM. Calvet, Houel, Magras, P. Leroy et César et Mme Primas, est ainsi libellé :
Alinéa 28
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 5° Réduire la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50 % à l’horizon de la fin du siècle en introduisant des énergies renouvelables électriques couplées à des moyens de stockage direct au fur et à mesure de leur maturité́ technologique et économique ;
La parole est à Mme Élisabeth Lamure.
Cet amendement vise, comme le texte du projet de loi, à réduire la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50 %, mais à l’horizon de la fin du siècle.
Nous suivons en cela les recommandations de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, lequel a estimé qu’il fallait rééquilibrer la production d’électricité́ en ramenant la place du nucléaire dans le mix à 50 % d’ici à la fin du siècle, par le biais du recours à des énergies renouvelables électriques couplées à des moyens de stockage direct, à mesure qu’elles atteindront leur maturité technologique et économique.
L'amendement n° 717, présenté par MM. Dantec, Labbé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 28
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 5° Réduire la part du nucléaire dans la production d'électricité à 50 % à l'horizon 2025 ;
La parole est à M. Ronan Dantec.
J’ai déposé un autre amendement, que nous examinerons tout à l’heure, visant à introduire de la souplesse en matière de choix énergétiques pour les îles de moins de 2 000 habitants non reliées aux réseaux de distribution d’électricité, notamment l’île de Sein. Je me demande s’il ne faudrait pas en étendre le champ au pays entier…
En effet, ce débat montre que certains semblent considérer que la France se situe en dehors du monde. Or, aujourd'hui, le monde développe à marche forcée le recours aux énergies renouvelables. Comme je l’ai indiqué hier soir, selon l’Agence internationale de l’énergie, 1 200 milliards d’investissements seront consacrés d’ici à 2020 aux énergies renouvelables, contre tout au plus 120 milliards au nucléaire.
Si la France ne bâtit pas une industrie extrêmement forte dans le domaine des énergies renouvelables, elle sera marginalisée et les dizaines de milliers d’emplois devant être créés dans ce secteur le seront ailleurs. Du reste, c’est bien ce qui est en train de se passer, à la suite des décisions totalement irresponsables prises sous le gouvernement Sarkozy : la remise en cause du cadre économique du photovoltaïque a entraîné la perte de dizaines de milliers d’emplois. §Cette filière clé à l’échelle mondiale a été sacrifiée par pur dogmatisme !
Aujourd'hui, il s’agit donc de sortir du dogmatisme, en affirmant que la France doit développer une industrie forte dans le domaine des énergies renouvelables.
L’échéance de 2025 pour réduire la part du nucléaire à 50 % n’a pas été choisie au hasard : les deux tiers des réacteurs nucléaires français dépasseront l’âge de quarante ans entre 2020 et 2025. Il s’agit donc de prolonger a priori de vingt ans la durée de vie d’une tranche nucléaire sur deux, pour un coût unitaire de plus de 1 milliard d’euros ! On n’aura de toute façon pas les moyens de prolonger la durée de vie de tous les réacteurs, sachant qu’en outre certains d’entre eux sont dangereux.
Je m’attends à ce que l’on nous oppose des arguments dogmatiques
M. Roger Karoutchi rit.
Elle correspond à la démarche d’intégration européenne, à l’intérêt économique de la France et à la vétusté des centrales nucléaires françaises. Proposer de réduire la part du nucléaire à 50 % en 2025 est tout simplement rationnel !
L'amendement n° 621 rectifié bis, présenté par Mmes Jouanno, Billon et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Alinéa 28
Après les mots :
dans la production d'électricité
insérer les mots :
, à mesure de l'amélioration des performances économiques et techniques des énergies renouvelables,
La parole est à Mme Chantal Jouanno.
Notre amendement ne porte pas sur l’échéance à laquelle il serait souhaitable de réduire à 50 % la part du nucléaire dans la production d’électricité, ne serait-ce que parce que ce sujet fait débat au sein de notre groupe. Du reste, nous avions retenu la date de 2040 dans la proposition de résolution que nous avions déposée en juin 2014.
Nous proposons de préciser que la baisse de la part du nucléaire devra bien évidemment être proportionnelle à l’augmentation de celle des énergies renouvelables, …
… dans une logique de complémentarité entre deux formes d’énergie décarbonée. Il ne s’agit pas d’imiter l’Allemagne, souvent citée comme un contre-modèle, où le développement des énergies renouvelables s’accompagnerait de celui du recours aux énergies fossiles.
L'amendement n° 893, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 28
1° Remplacer les mots :
sous réserve de préserver
par les mots :
à 50 % à l’horizon 2025, en accompagnement de la montée en puissance des énergies renouvelables et tout en préservant
2° Remplacer les mots :
de maintenir
par les mots :
en maintenant
3° Remplacer les mots :
de ne pas
par le mot :
sans
4° Remplacer les mots :
de cette production, cette
par le mot :
Cette
5° Remplacer les mots :
intervenant à mesure
par les mots :
tient compte
6° Remplacer les mots :
ou à la demande
par les mots :
et des demandes
7° Supprimer les mots :
, et en visant à terme un objectif de réduction de cette part à 50 %
La parole est à Mme la ministre.
Nous abordons là un point tout à fait sensible du débat.
Cet amendement tend à rétablir l’objectif de faire passer la part du nucléaire dans la production d’électricité de 75 % à 50 % à l’horizon 2025.
Il convient de construire ensemble un nouveau modèle énergétique tout en permettant à nos entreprises de gagner des parts de marchés à l’international. Plus la représentation nationale enverra des signaux clairs à celles-ci, plus elles auront confiance dans l’avenir et pourront investir, en calculant le retour sur investissement, les durées d’amortissement.
Dans cet esprit, le Gouvernement fait siens l’ensemble des critères qui ont été élaborés et adoptés par la commission des affaires économiques. En particulier, il reprend à son compte les positions qu’elle a arrêtées en ce qui concerne les modalités d’accompagnement de la réduction de la part du nucléaire dans la production d’électricité et, surtout, les conditions entourant cette réduction.
Plus précisément, la commission des affaires économiques s’est accordée sur quatre principes, que je ne propose donc pas de modifier.
En premier lieu, elle a mis l’accent sur l’accompagnement de la montée en puissance des énergies renouvelables. Il s’agit à l’évidence d’un enjeu majeur, puisque c’est bien cette montée en puissance qui permettra un rééquilibrage de notre mix énergétique. Je vais tâcher de vous expliquer comment ce rééquilibrage nous rendra plus forts économiquement.
En deuxième lieu, la commission des affaires économiques a fixé le critère de l’indépendance énergétique de la France, qui est en effet déterminant.
En troisième lieu, elle a inscrit dans le texte la nécessité de maintenir un prix de l’électricité compétitif. Il n’est évidemment pas question de remplacer une énergie compétitive par une autre beaucoup plus chère. Au cours des prochaines années, les coûts de production des énergies renouvelables baisseront, grâce à une amélioration de la performance.
En quatrième lieu, la commission des affaires économiques a précisé que les mesures prises ne devraient pas conduire à une hausse des émissions de gaz à effet de serre, comme c’est le cas en Allemagne, où la fermeture des centrales nucléaires a amené à rouvrir des mines de charbon et de lignite.
Ce n’est évidemment pas notre modèle en matière d’énergie.
Ces principes posés, il est important de fixer un cap clair – celui que nous proposons est ambitieux, je le reconnais – en matière de mix énergétique, car nos grandes entreprises du secteur ont besoin de disposer d’une bonne visibilité pour prendre leurs décisions économiques et financières, notamment en matière d’investissements. Cela est crucial, en particulier, pour notre filière nucléaire.
Comme je l’ai souligné lors de la discussion générale, nous disposons, avec EDF, Areva et le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives, d’une magnifique filière industrielle. Nos entreprises elles-mêmes demandent que nous leur adressions des signes clairs, sous la forme d’échéances et d’objectifs chiffrés, afin qu’elles puissent prendre des décisions d’investissement stables et durables. Elles pourront ainsi prendre position sur le champ industriel et le marché mondial des énergies renouvelables, qui leur ouvrent des perspectives considérables.
D’ailleurs, nos entreprises investissent déjà de plus en plus les marchés des énergies renouvelables : ainsi, EDF vient de remporter un marché pour la construction d’une centrale photovoltaïque en Chine, après avoir construit celle du stade du Maracaña, au Brésil, où s’est déroulée la finale de la dernière Coupe du monde de football. Or elles pourront d’autant mieux vendre leurs technologies nucléaires qu’elles seront en mesure d’offrir tout un éventail de sources de production d’énergie aux grandes nations du monde qui engagent de puissants changements en matière de mix énergétique.
Nous souhaitons aider nos entreprises à devenir des champions mondiaux dans le domaine énergétique. Seulement, pour y parvenir, il faut aussi qu’elles se présentent sur les marchés internationaux en équipe, au lieu de s’affronter comme c’est le cas aujourd’hui. Lorsque je dois arbitrer, pour la construction de parcs éoliens offshore, entre une offre présentée par EDF et GDF et une autre soumise par Areva et Alstom, je suis tout de même embarrassée ! Si nos entreprises, au lieu de se faire concurrence, unissaient leurs forces, leurs énergies – au propre comme au figuré – et leurs capacités de recherche, elles seraient beaucoup plus compétitives sur les marchés mondiaux.
Souvenons-nous, à cet égard, que nous avons perdu un certain nombre de marchés dans le domaine du nucléaire : ainsi, ce sont les Coréens qui construiront les centrales d’Abou Dabi. Aujourd’hui, les États-Unis sont en train de prendre position en Inde. Lors du récent sommet mondial sur le climat, auquel j’ai participé, le nouveau Premier ministre indien a pris des engagements forts dans le domaine énergétique, annonçant en particulier une multiplication par six de la production d’énergie nucléaire et l’installation d’une capacité de production d’électricité d’origine photovoltaïque de 100 gigawatts, ainsi que la mise en place de cent villes « intelligentes », c’est-à-dire autonomes en énergie. Les entreprises françaises peuvent conquérir dans ce pays des marchés considérables, à condition que leur offre soit forte pour l’ensemble des énergies. Nous sommes le seul pays capable d’offrir un véritable mix énergétique, grâce à des entreprises actives à la fois dans le domaine du nucléaire et dans celui des énergies renouvelables. Nous devons donc encourager nos entreprises à profiter de la transition énergétique, et certainement pas prétendre que rien ne doit bouger et que le modèle français restera le tout-nucléaire, parce qu’une telle attitude se retournerait contre nos entreprises.
M. Roland Courteau acquiesce.
Je sais, monsieur le sénateur, que vous pensez de bonne foi défendre la place et la réputation de nos entreprises du secteur nucléaire.
Il me semble toutefois que l’on peut aussi défendre ces entreprises en les encourageant à développer une forte maîtrise de l’ensemble des technologies, qu’il s’agisse du nucléaire, des énergies renouvelables ou de la performance énergétique. En effet, les grandes nations du monde font aujourd’hui appel à toutes les technologies pour engager leur mutation énergétique, qui s’opère à une vitesse d’autant plus accélérée que, à l’approche de la conférence de Paris sur le climat, tous les pays du monde doivent présenter à l’Organisation des Nations unies une feuille de route en matière de transition énergétique.
Je pense donc que, au regard de la compétition industrielle intense qui va s’instaurer au niveau mondial, le meilleur service à rendre à nos grandes entreprises énergéticiennes est de nous montrer extrêmement clairs, offensifs et ambitieux en ce qui concerne les perspectives de rééquilibrage de notre mix énergétique.
Dans tous ses travaux, fondés en particulier sur les auditions de très nombreux représentants de ces entreprises, la commission des affaires économiques a eu le souci de se montrer à la fois crédible et cohérente dans la définition des critères entourant la réduction de 75 % à 50 % de la part du nucléaire dans la production d’électricité, de sorte que cette évolution ne constitue pas une remise en cause de la filière nucléaire, mais lui donne au contraire la visibilité nécessaire, grâce à la fixation d’un objectif clair, pour réaliser, dans les nouvelles technologies des énergies renouvelables, des investissements rentables et amortissables selon un délai raisonnable. Si la représentation nationale ne fixe pas d’échéance claire, il sera très difficile à nos entreprises d’arrêter des stratégies d’investissement et d’amortissement, des stratégies industrielles et des stratégies de conquête de marchés.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous devons à la fois accompagner la mutation énergétique, la garantir et l’assortir de conditions, dont les quatre que la commission des affaires économiques a énoncées et que j’ai rappelées il y a quelques instants, tout en faisant preuve de clarté en matière d’horizon et de perspectives. Je comprends que l’échéance de 2025 puisse sembler trop rapprochée à certains, mais le texte prévoit, au travers de la programmation pluriannuelle de l’énergie, la révision des objectifs au fur et à mesure de la montée en puissance des énergies renouvelables.
Si nous mettons des freins ou semblons douter de nos entreprises, celles-ci à leur tour douteront de leur capacité à s’investir dans la mise en œuvre du nouveau mix énergétique, à maîtriser de nouvelles technologies et à développer l’offre industrielle et de services attendue par l’ensemble des pays du monde. Si, au contraire, nous sommes clairs et cohérents sur les objectifs, elles seront plus fortes au niveau mondial.
Il est tout de même hautement significatif que le récent Forum mondial des énergies renouvelables se soit tenu à Abou Dabi ! Allons-nous rester figés sur le modèle énergétique d’hier, alors que les pays producteurs de pétrole préparent l’après-pétrole ? C’est en anticipant la transition énergétique de façon raisonnable et maîtrisée, mais volontariste, en faisant confiance à nos grandes entreprises industrielles qui, quoique bien placées, voient aujourd’hui leur échapper de grands marchés mondiaux, que nous créerons le plus d’emplois et de plus-value industrielle dans notre pays !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.
L'amendement n° 622 rectifié, présenté par Mmes Jouanno et Billon, est ainsi libellé :
Alinéa 28
Supprimer les mots :
, cette réduction intervenant à mesure des décisions de mise à l'arrêt définitif des installations prises en application de l'article L. 593-23 du code de l'environnement ou à la demande de l'exploitant, et
La parole est à Mme Chantal Jouanno.
Dans la rédaction issue des travaux de la commission, l’alinéa 28 de l’article 1er du projet de loi précise que les centrales nucléaires pourront être fermées en application de l’article L. 593-23 du code de l’environnement ou à la demande de l’exploitant.
Qu’une centrale nucléaire puisse être arrêtée sur la demande de l’Autorité de sûreté nucléaire en cas de risque grave, comme le prévoit cet article du code de l’environnement, relève du bon sens. En revanche, il me semble extrêmement malvenu qu’un texte supposé affirmer le primat des pouvoirs publics en matière de définition de l’évolution du mix énergétique renvoie une telle décision à l’initiative de l’exploitant.
L'amendement n° 194 rectifié bis, présenté par M. Longuet, Mme Troendlé et MM. Pintat, de Legge, César, P. Leroy, Gremillet et G. Bailly, est ainsi libellé :
Alinéa 28
Supprimer les mots :
La parole est à M. Gérard Longuet.
M. Gérard Longuet. Notre excellent collègue Jean-Claude Requier a défendu avant moi avec verve, talent et chaleur l’idée que le nucléaire ne doit pas être victime d’un choix idéologique que ses performances ne justifient en rien.
M. Ronan Dantec s’esclaffe.
Le seuil de 50 % concerne-t-il la production d’énergie ou bien les capacités de production ? Il faut savoir que, aujourd’hui, l’énergie nucléaire ne représente que 49 % des capacités de production électrique de notre pays, l’énergie thermique en représentant environ 25 % et le solde étant assuré par l’énergie hydraulique et les autres énergies renouvelables.
Ma conviction est que nous n’avons pas à mettre en cause notre capacité de production d’électricité d’origine nucléaire et que nous devons conserver une filière nucléaire vivante pour fournir notre marché national et le marché international.
Si je suis, madame le ministre, en désaccord total avec votre argumentation, c’est parce que je considère que, pour pouvoir disposer d’une filière nucléaire offensive au plan mondial – vous avez évoqué l’Inde, qui souhaite s’équiper d’une vingtaine de centrales nucléaires –, nous devons maintenir un marché national vivant. Si notre marché national du nucléaire est soumis à un risque politique majeur, il n’y a aucune chance que les entreprises industrielles, fussent-elles publiques, continuent d’investir pour le renouveau des technologies nucléaires et pour la diversification de l’offre, qui est certainement l’une des voies à explorer, sachant qu’une demande existe pour des unités plus petites.
Il n’y a qu’une seule règle qui vaille : le bon sens économique ! Si la liberté économique prévaut, les investisseurs suivront, mais si la décision économique est soumise au risque politique, ils iront ailleurs. En imposant une barrière politique à la filière nucléaire, vous découragerez complètement les opérateurs de ce secteur industriel.
Concernant les arguments relatifs à l’économie décarbonée, j’appelle, comme M. Requier, à cesser de politiser la vie quotidienne, alors que le bon sens économique existe. Pourquoi aurions-nous raison contre tout le monde ?
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
J’ai déjà eu l’occasion de rappeler, en commission puis lors de la discussion générale, ma conviction profonde sur le sujet. Oui, le nucléaire est un atout, c'est l’un des éléments forts de l’attractivité de notre pays. Oui, le nucléaire doit demeurer le socle de notre mix électrique, car il en garantit la compétitivité ainsi que le caractère très largement décarboné. Oui encore, le nucléaire n’est pas une énergie comme les autres, et fixer l’objectif d’une diversification du mix est par conséquent souhaitable. Nous ne sommes pas des partisans du tout-nucléaire ; nous sommes des élus qui entendent arrêter des choix responsables pour leur pays : ce n’est pas à nos voisins de le faire.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, notre commission a préféré, plutôt que de supprimer l’objectif de réduction de la part du nucléaire, faire en sorte qu’il puisse être mis en œuvre de façon progressive, pragmatique et raisonnée. Ainsi, nous avons posé le principe que la diversification du mix électrique ne doit pas mettre en péril l’indépendance énergétique de la France ni remettre en cause le caractère à la fois compétitif et peu carboné de notre production d’électricité. Le mix énergétique doit notamment continuer de garantir un prix de l’électricité parmi les plus faibles, et pour nos concitoyens, et pour nos entreprises.
Surtout, nous avons précisé que la diversification devra s’opérer en mettant à profit la fin de vie des installations actuelles et les décisions de mise à l’arrêt définitif prononcées à la demande de l’exploitant et sur avis de l’ASN, l’Autorité de sûreté nucléaire. Cela sera du reste bénéfique pour les finances publiques, puisqu’EDF ne pourra demander à être indemnisée pour la perte d’un actif qui serait encore jugé sûr et rentable.
Madame la ministre, avec l’amendement n° 893, vous en revenez à votre objectif brutal d’une réduction de la part du nucléaire à 50 % en 2025. Certes, vous l’habillez en reprenant en quasi-totalité la rédaction que nous avons adoptée en commission, mais sa mise en œuvre signifierait la fermeture de vingt réacteurs !
Or vous ne pourrez pas les fermer brutalement en 2025 : il faut commencer dès maintenant !
Soyons un peu sérieux, on ne va pas annoncer aux Français que l’on va arrêter d’un coup vingt réacteurs en 2025, sans rien avoir fait auparavant ! Il faut programmer ces fermetures ! Même pour Fessenheim, madame la ministre, vous faites un peu marche arrière, à juste titre, après avoir d'abord annoncé la fermeture de cette centrale. En effet, arrêter deux réacteurs emporterait pour la région de très lourdes conséquences économiques, ainsi qu’en termes d’emploi ou de recettes fiscales. C'est ainsi que vous envisagez désormais de ne fermer qu’un seul réacteur, et encore !
M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. Madame la ministre, vous êtes gênée aux entournures, compte tenu des conséquences économiques potentiellement catastrophiques d’une telle décision. En nous opposant à l’inscription dans la loi d’une échéance brutale, j’ai l’intime conviction que nous vous rendons service !
Mme la ministre rit.
Je ne veux pas faire de politique-fiction, mais certaines choses changeront peut-être d’ici à 2017…
Madame la ministre, vous avez invoqué la nécessité de donner de la visibilité aux acteurs du nucléaire ; or, à l’inverse, en prévoyant la fermeture brutale de centrales, vous inquiétez l’ensemble du monde économique, comme en témoignent les auditions que nous avons menées.
C’est pourquoi nous avons supprimé la date butoir qui figurait dans la rédaction initiale du projet de loi et nous sommes totalement défavorables à votre amendement n° 893, qui vise à la réintroduire.
Concernant l’amendement n° 309 rectifié, je demanderai à Jean-Claude Requier de bien vouloir le retirer. J’adresserai la même demande à ma collègue Élisabeth Lamure, s’agissant de l’amendement n° 586 rectifié, mais pas à M. Dantec, à propos de l’amendement n° 717, car je ne me fais aucune illusion !
M. Ronan Dantec sourit.
Concernant l’amendement n° 622 rectifié, je voudrais dire à Mme Jouanno que la rédaction de la commission respecte le droit actuel. Pour décider la fermeture d’une centrale ou l’allongement de sa durée de vie de trente à quarante ans, une demande de l’exploitant est nécessaire. Madame la ministre, vous nous avez rappelé que, en 2025, une vingtaine de réacteurs auront dépassé trente ans de fonctionnement. J’espère bien qu’EDF demandera la prolongation de leur durée de vie à l’ASN, qui étudiera chacune des demandes, tout comme elle a étudié celle concernant Fessenheim. À cet égard, je rappelle que, paradoxalement, vous avez annoncé la fermeture de cette centrale à peine quinze jours après que l’ASN eut autorisé la prolongation de dix ans de sa durée de vie, moyennant l’exécution d’un certain nombre de travaux, pour un montant de près de 400 millions d’euros ! Il est vraiment dommage, à mon avis, d’avoir envoyé un aussi mauvais message…
Voilà pourquoi je suis défavorable à l’amendement n° 622 rectifié, de même qu’à l’amendement n° 621 rectifié bis.
Enfin, concernant l’amendement n° 194 rectifié bis de Gérard Longuet, qui tend à supprimer la mention de l’objectif des 50 %, j’observe qu’il n’est guère différent de celui de la commission, qui vise à prévoir que cet objectif devra être atteint « à terme ».
M. Ronan Dantec s'exclame.
Bien sûr ! Si j’ai précisé « à terme », c'est que je ne souhaite pas que l’on y arrive ! Cela dit, je préfère la rédaction introduite par l'amendement adopté en commission, et je demande donc à Gérard Longuet de bien vouloir retirer le sien.
Je ne crois pas que je parviendrai à convaincre le rapporteur, mais je souhaiterais faire quelques observations pour bien préciser la teneur de l'amendement gouvernemental et notre vision du mix énergétique.
D’abord, je rappelle que cet amendement ne fixe pas une échéance rigide, une date couperet, puisqu’il fait référence à « l’horizon 2025 ». De longs débats ont eu lieu sur ce sujet, et c'est pour tenir compte d’observations tout à fait fondées que j’ai retenu cette formulation à l’Assemblée nationale, sachant que, dans le cadre de la programmation pluriannuelle de l’énergie prévue par le projet de loi, il sera possible de réévaluer régulièrement les objectifs.
Ensuite, 2025 est une date stratégique, …
car trente-sept réacteurs auront alors dépassé quarante années de fonctionnement. Il faut donc préparer les décisions, et tous ceux qui pensent que c'est en ne changeant rien que l’on sert le mieux la filière nucléaire lui portent en réalité préjudice, tant elle a besoin de visibilité.
Que se passera-t-il pour ces trente-sept réacteurs ? L’ASN, dont nous renforçons d'ailleurs les pouvoirs au travers de ce projet de loi, devra se prononcer. Trois hypothèses sont alors envisageables : certains réacteurs seront arrêtés, d’autres pourront voir leur durée de vie prolongée – à cet égard, Pierre-Franck Chevet, le président de l’ASN, a rappelé il y a quelques jours que des étapes très importantes restaient encore à valider –, d’autres encore seront remplacés par de nouveaux réacteurs, ce dont je ne me suis jamais cachée.
Il faut prendre en compte le fait que ces réacteurs seront beaucoup plus performants !
J’entends dire que cette position serait le fruit d’une négociation politique… Je me bornerai à rappeler que, pour un certain groupe politique ici représenté, l’objectif est la sortie du nucléaire ! C'est un point de vue légitime, parfaitement respectable, mais ce n’est pas celui du Gouvernement : je n’ai jamais défendu ici la sortie du nucléaire. Au contraire, j’essaie d’accompagner la transition énergétique pour consolider nos savoir-faire dans cette filière tout en tenant compte de la rapidité de l’évolution du marché industriel mondial. Il importe que nos entreprises puissent occuper des positions fortes en investissant puissamment dans les énergies renouvelables et les technologies de performance énergétique.
La conception des réacteurs futurs appelés à remplacer, sur les sites de production actuels, une partie des réacteurs existants dont la vie ne pourra être prolongée devra tirer parti du retour d’expérience sur les réacteurs de troisième génération, afin d’améliorer les performances tout en abaissant les coûts. Il conviendra également de travailler sur une quatrième génération de réacteurs…
… consommant beaucoup moins de combustible, grâce au recyclage, et produisant un moindre volume de déchets, par ailleurs moins nocifs. Je pense par exemple au démonstrateur Astrid du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives.
Ce n’est pas en posant pour principe que rien ne doit évoluer que nous consoliderons les savoir-faire de notre filière nucléaire ; il nous faut au contraire anticiper, accompagner la mutation énergétique, en gardant à l’esprit que, après Fukushima, le marché mondial du nucléaire s’est trouvé complètement perturbé.
M. Ronan Dantec acquiesce.
Par conséquent, notre proposition de mix énergétique n’oppose pas les énergies les unes aux autres. Même si je sais que je ne vous convaincrai pas, monsieur le rapporteur, je tenais à bien préciser que l’échéance de 2025 n’est pas un couperet. De manière plus réaliste, nous prévoyons des stratégies de réinvestissement dans le nucléaire ainsi que la mobilisation de nos industries sur le développement des énergies renouvelables et sur l’amélioration de la performance énergétique, sachant que nous pourrons, année après année, ajuster les trajectoires avec la représentation nationale, …
Mme Ségolène Royal, ministre. … en fonction du résultat des investissements industriels qui seront faits dans tous les secteurs énergétiques.
Applaudissementssur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.
Comme le rapporteur, j’émets un avis défavorable sur les amendements n° 309 rectifié, 586 rectifié, 717, 621 rectifié bis, 622 rectifié et 194 rectifié bis.
La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote sur l’amendement n° 309 rectifié.
Au travers de la rédaction proposée pour l’alinéa 28 de l’article 1er, la commission reconnaît qu’il faut ramener la part du nucléaire à 50 % et rééquilibrer le bouquet énergétique, sous certaines conditions, certes. Elle admet ainsi qu’il n’est pas sain que le nucléaire représente 78 % de notre mix énergétique.
La divergence de vues entre nous porte sur l’échéance. Pour la commission, l’objectif doit être atteint non pas d’ici à 2025, mais « à terme », ce qui signifie aux calendes grecques, c’est-à-dire peut-être jamais… Fixer l’échéance à l’horizon 2025, comme nous le proposons, est ambitieux, certes, mais aussi beaucoup plus mobilisateur pour l’ensemble des acteurs publics.
Nous considérons que le modèle français de transition énergétique repose sur une complémentarité entre le nucléaire et les énergies renouvelables. Si nous sommes aujourd'hui champions dans le secteur du nucléaire, nous souhaitons le devenir aussi dans celui des énergies renouvelables. La fixation de l’objectif de ramener la part du nucléaire à 50 % à l’horizon 2025 est motivée par la nécessité d’amorcer la décroissance de celle-ci, afin de rééquilibrer le bouquet énergétique. Je le répète, il n’est pas sain de dépendre à 80 % du nucléaire. Il s’agit, par ce rééquilibrage, de garantir dans la durée la diversification de notre production.
Notre parc nucléaire actuel ne sera pas éternel. On ne peut faire reposer le fardeau des investissements colossaux que nécessitera son renouvellement sur les générations à venir. Il faut étaler ces investissements dans le temps, utiliser le nucléaire pour assurer la production de base, tout en encourageant le développement des énergies renouvelables.
Non, mes chers collègues, nos centrales ne sont pas éternelles. On pourra peut-être prolonger leur vie, mais il faudra bien un jour les fermer et les remplacer. Nous serons moins en difficulté, alors, si notre production d’électricité dépend du nucléaire à hauteur de 50 %, plutôt que de 78 %.
D’autres pays sont confrontés au même problème. Ainsi, à l’échelle de la planète, 450 centrales devront prochainement être démantelées. Si la part du nucléaire dans la production mondiale d’électricité était de 20 % en 2000, elle n’est plus que de 10 % aujourd'hui. C’est dire si l’ensemble des pays du monde investissent dans les énergies renouvelables.
Bref, il s’agit d’étaler dans le temps les investissements nécessaires pour le renouvellement des centrales nucléaires, tout en encourageant le recours aux énergies renouvelables. Ce n’est pas contradictoire avec la volonté de maintenir l’excellence de la filière nucléaire, en achevant l’EPR de Flamanville ou en soutenant nos industriels à l’exportation.
Rééquilibrer le bouquet énergétique en faveur des énergies renouvelables ne signifie pas abandonner le nucléaire, puisque des travaux sont en cours. Je pense au projet Astrid de réacteur nucléaire de quatrième génération, développé par le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives.
En conclusion, nous voterons l’amendement du Gouvernement, qui prévoit que la baisse de la part du nucléaire dans le bouquet énergétique accompagnera la montée en puissance des énergies renouvelables, lesquelles pourront enfin prendre leur essor. En outre, il rétablit le cap ambitieux de l’horizon 2025, seul à même de mobiliser l’ensemble des acteurs.
Madame la ministre, la rédaction que vous nous proposez me paraît assez révélatrice de la difficulté de positionnement du Gouvernement.
Nous sommes en train de rédiger une loi. Or j’ai beaucoup de mal à appréhender la portée juridique d’un « horizon ».
Cela me semble un peu flou !
Par ailleurs, vous nous expliquez que cette formulation a le grand mérite d’apporter un assouplissement par rapport à la rédaction antérieure, qui signifiait une limite. Limite, horizon… Si je vois ce qui est devant l’horizon, j’ai bien du mal à percevoir ce qui est derrière !
La rédaction que vous nous proposez est donc floue et maladroite. Finalement, vous devriez vous rallier à celle qu’a élaborée le rapporteur, qui a eu la sagesse de fixer non pas une date, mais simplement un objectif. Au fond, en introduisant cette notion d’horizon, vous faites l’aveu que vous ne savez pas à quel terme l’objectif pourra être atteint.
En conclusion, cet amendement me paraît non seulement révélateur de votre difficulté à vous positionner, mais également totalement inopérant sur le plan juridique.
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Sauf erreur de ma part, personne n’a encore parlé de l’endettement d’EDF, qui atteint 40 milliards d’euros… Personne n’a parlé non plus du coût cumulé de la prolongation de la durée de vie des trente-sept tranches qui dépasseront quarante ans entre 2020 et 2025. Prolonger de vingt ans la vie d’un seul réacteur coûte entre 1 milliard et 1, 5 milliard d’euros, selon l’ampleur des travaux à réaliser : est-il raisonnable de doubler l’endettement d’EDF, qui passera ainsi à 80 milliards d’euros ? Non, ce n’est absolument pas raisonnable.
On peut aussi parler d’Areva, ex-fleuron de l’industrie française. La presse s’est fait hier l’écho de la nécessité de céder rapidement 1 milliard d’euros d’actifs, le chiffre d’affaires de l’entreprise étant en baisse de 10 %.
M. Ronan Dantec. À cause des écologistes français, peut-être ? C’est sans doute nous qui avons provoqué la catastrophe de Fukushima, en lançant une pierre dans la mer pour déclencher un tsunami ?
Sourires.
Aujourd'hui, notre filière nucléaire est en souffrance économique, mais personne n’en parle. Nous n’aurons pas les moyens, en 2025, étant donné le niveau d’endettement d’EDF, de prolonger la durée de vie de l’ensemble des tranches. Nous le savons tous, mais on fait semblant de croire que tout va parfaitement bien. Or tel n’est pas le cas !
Hier, le journal Les Échos rappelait que, aux termes de la loi relative à la nouvelle organisation du marché de l’électricité, 100 térawattheures sont mis sur le marché par EDF au tarif de l’ARENH, l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique. L’année dernière à la même époque, 36 térawattheures étaient déjà prévendus. Aujourd'hui, c’est moitié moins : cette situation tient au fait que le tarif de l’ARENH est aujourd'hui de 42 euros par mégawattheure, alors que le prix de gros sur le marché est de 37 euros. Les opérateurs n’achètent donc pas à EDF. La situation financière de l’entreprise est en train de se détériorer rapidement, comme en témoigne son cours en bourse.
Ainsi, alors que le bilan d’EDF se dégrade, que son endettement est particulièrement lourd, on prétend que cette entreprise pourra trouver 40 milliards d’euros pour maintenir le parc nucléaire à son niveau actuel ! Un tel discours relève du monde merveilleux de la fiction ; ce n’est pas économiquement sérieux.
Notre vision, en revanche, est raisonnable. Selon nous, plus vite on sortira du nucléaire, mieux on se portera, tant le risque est grand. Certes, cette position n’est pas complètement partagée par nos camarades socialistes. Cependant, nous sommes d’accord sur un point : il est de notre responsabilité collective que notre pays puisse s’appuyer sur une industrie énergétique viable. Sinon, ce sont des dizaines de milliers d’emplois qui seront sacrifiés ; or on en a déjà perdu beaucoup !
Recourir à la notion d’horizon fait sens : si la montée en puissance des énergies renouvelables prend deux ou trois ans de retard, on pourra envisager de prolonger de la même durée certaines tranches, sans devoir engager les investissements qui seraient nécessaires pour les prolonger d’une vingtaine d’années. Nous pourrons ainsi nous donner une marge pour passer le cap de 2025. C’est pourquoi il est pertinent de parler d’horizon ! La programmation pluriannuelle de l’énergie permettra de fixer le cadre. C’est totalement rationnel, que l’on soit pour ou contre le nucléaire.
Ce qui n’est pas rationnel, en revanche, c’est de dire que tout va bien, que nos centrales fonctionnent magnifiquement et que leur durée de vie pourra être portée à soixante ans sans réaliser d’investissements. De toute façon, il est bien connu que les caisses d’EDF sont pleines et que l’État a des moyens financiers à ne savoir qu’en faire ! C’est de la pure fiction ! Votre position, monsieur Longuet, relève non pas d’une vision libérale du monde, mais de la pure idéologie !
Protestations sur les travées de l'UMP.
A contrario, notre vision de la situation est totalement rationnelle. C’est en fixant pour cap de ramener la part du nucléaire à 50 % à l’horizon 2025 que nous nous donnerons les moyens de prolonger la vie d’un certain nombre de tranches, un arrêt brutal du nucléaire n’étant pas envisageable. Les tranches les plus vétustes ou les plus dangereuses seront arrêtées ; parallèlement, nous encouragerons la montée en puissance d’une industrie viable dans le domaine des énergies renouvelables.
Pour l’heure, seul Total, parmi les grands industriels français du secteur de l’énergie, investit pour le coup d’après : cette entreprise vient en effet de mobiliser 2 milliards d’euros pour prendre position dans le photovoltaïque. Si nous interdisons à notre grand opérateur public – je souhaite qu’il reste public – d’adopter la même démarche, nous jouerons contre nous-mêmes, par pure idéologie.
(Sourires.) Je le retire néanmoins, au profit de celui du Gouvernement, parce que je pense que l’objectif de ramener la part du nucléaire dans notre mix énergétique à 50 % à l’horizon 2025 pourra être atteint.
Applaudissements sur les travées du groupe écologiste. – M. François Marc applaudit également.
J’aurais aimé faire plaisir à M. le rapporteur, s’il m’avait demandé de retirer mon amendement… §
L’amendement n° 717 est retiré.
La parole est à Mme Chantal Jouanno, pour explication de vote.
Sans surprise, nous voterons contre l’ensemble des amendements n’émanant pas de notre groupe, y compris celui du Gouvernement.
Autant j’estimais tout à l’heure que c’était une erreur politique de ne pas voter la réduction de la consommation d’énergie, objectif que nous avions, je le rappelle, adopté unanimement dans le cadre du Grenelle de l’environnement, autant je considère que réintroduire la date de 2025 interdit de faire émerger un compromis au sein de notre assemblée et réintroduit un facteur de polémique. Nous sommes pourtant tous favorables à une réduction de la part du nucléaire, en vue d’assurer une diversification du mix énergétique autour d’énergies décarbonées, à savoir le nucléaire et les énergies renouvelables. À cet égard, je ne comprends pas pourquoi M. le rapporteur et Mme la ministre sont contre l’introduction du principe selon lequel la réduction de la part du nucléaire doit être concomitante du développement des énergies renouvelables.
« Le mieux est parfois l’ennemi du bien » : si elle n’est guère originale, cette formule, que j’emprunte à Charles Revet, me semble de circonstance.
Je considère que le projet de loi, tel qu’il a été adopté par l’Assemblée nationale, ne peut qu’être ressenti comme une humiliation par l’ensemble de la filière électronucléaire française et ses milliers de salariés, aux niveaux de compétences extraordinairement différents mais qui partagent la légitime fierté d’avoir doté notre pays d’un outil de qualité exceptionnelle, dont la performance est universellement reconnue. Tout ne va pas toujours très bien en France, et les secteurs industriels dans lesquels nous figurons sur le podium mondial ne sont pas innombrables. Par conséquent, lorsqu’une filière, qui a été soutenue par une très large majorité politique, allant de l’extrême gauche communiste à la droite gaulliste, en passant par les libéraux, connaît le succès, je trouve très regrettable de lui adresser un signal de méfiance.
M. le rapporteur a souligné avec clarté que l’objectif de réduction à 50 % de la part du nucléaire à l’horizon 2025, outre qu’il est humiliant, est impossible à atteindre, sauf à arrêter deux centrales par an, ce que nul ne saurait accepter. En outre, il faudrait nécessairement, à court terme, substituer au nucléaire une énergie carbonée. En effet, le nucléaire ne représente en France que 50 % du potentiel de production électrique, même s’il fournit 76 % de l’électricité que nous consommons. La différence s’explique par la stérilisation actuelle du potentiel de production thermique : pour atteindre l’objectif visé, la France serait contrainte de le mobiliser en remettant en activité des centrales thermiques fonctionnant au charbon, comme l’a fait l’Allemagne.
C’est donc fort lucidement que M. le rapporteur nous propose de renoncer à inscrire dans le texte la référence à l’horizon 2025 : il sera tout simplement impossible de tenir cette échéance. En effet, madame le ministre, vous ne pourrez pas mettre en œuvre votre programme, car cela entraînerait des conséquences économiques, sociales, environnementales et en matière d’aménagement du territoire tout à fait insupportables. Je le répète, à l’échéance de dix ans, seule la production d’énergie thermique serait en mesure de prendre la relève, compte tenu des réactions mitigées que suscite l’implantation d’éoliennes, des faibles capacités du photovoltaïque et de l’insuffisance de l’énergie thermique renouvelable – géothermie et biomasse. Affirmer le contraire, c’est mentir de façon éhontée ! J’ajoute que si cette année les cours du Brent sont bas, il pourrait en aller tout autrement demain.
Cela étant dit, le mieux étant parfois l’ennemi du bien, je retire mon amendement au profit de la rédaction élaborée par la commission, qui a l’immense mérite d’être réaliste et de ne pas décourager une filière dont la réussite honore la France.
Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.
L'amendement n° 194 rectifié bis est retiré.
La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.
Moi qui suis un fervent défenseur des énergies renouvelables, je considère que la meilleure énergie décarbonée, c’est le nucléaire.
Cela étant, regardons quelle est la situation de notre pays depuis bien des années. Ceux qui défendent le nucléaire sont déçus, navrés devant l’incapacité des entreprises françaises du secteur à s’unir pour aller conquérir des marchés à l’étranger.
C’est pour cette raison qu’un contrat de 27 milliards de dollars avec Abou Dhabi nous a échappé. Il nous manque une stratégie pour promouvoir notre filière nucléaire à l’étranger. C’est une réalité !
C’est du fait d’accords politiques qu’elle avait passés que Mme Merkel a pris une décision catastrophique pour son pays.
Ce n’est pas seulement le problème de l’Allemagne : c’est aussi celui de l’Europe, eu égard à l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre de ce pays liée au recours au lignite et au charbon.
Nous ne pouvons accepter cette situation.
Le nucléaire est un atout, mais nous devons diversifier notre mix énergétique. Aujourd’hui, prôner le tout-nucléaire n’est plus possible.
C’est la raison pour laquelle il me semble que nous pourrions, les uns et les autres, nous rallier à l’amendement du Gouvernement, qui vise à réduire la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50 % à l’horizon 2025, à mesure de la montée en puissance des énergies renouvelables. C’est une proposition pragmatique, et non pas dogmatique.
Nos grandes entreprises investissent toutes dans les énergies renouvelables et s’efforcent de conquérir des marchés à l’étranger. Et nous, parlementaires, nous resterions le pied à l’étrier, sans bouger, au motif que notre modèle énergétique serait le meilleur, ce qui n’est pas forcément le cas ?
L’avenir de la planète passe aussi par la diversification. Il nous incombe d’assumer le fait que nous refusons que la part du nucléaire dans notre mix énergétique descende en dessous de 50 % : ce serait une erreur fatale pour notre pays. Mais, en même temps, nous devons investir dans les énergies renouvelables. À cet égard, Ronan Dantec a rappelé la décision néfaste prise par le gouvernement Sarkozy concernant le photovoltaïque : aujourd’hui, nous sommes obligés d’importer des panneaux solaires… Il importe de mettre en place et de promouvoir de véritables filières industrielles en matière d’énergies renouvelables. Tel est l’enjeu pour les mois et les années à venir.
Enfin, en matière de nucléaire, la sûreté et la sécurité de nos réacteurs, l’excellence de notre industrie sont primordiales, et la transparence doit être totale. Cela étant, il n’est pas certain que l’Autorité de sûreté nucléaire, seule instance compétente, autorisera la prolongation de la durée d’exploitation des trente-sept réacteurs qui ont été évoqués. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons que le Gouvernement engage assez rapidement un plan de construction de nouvelles centrales nucléaires équipées de réacteurs de plus petite taille. La gamme nucléaire française ne comporte pas, aujourd’hui, de réacteurs de 900 ou de 1 000 mégawatts, et nous sommes dans l’incapacité de fournir les pays demandeurs de ce type d’équipement.
À terme, il apparaîtra d’ailleurs avantageux de remplacer des réacteurs de 1 600 mégawatts fonctionnant seulement 70 % du temps par des réacteurs de 1 000 mégawatts plus sûrs, plus efficaces et fonctionnant en permanence : ils produiront autant d’énergie.
M. Didier Guillaume. Lançons-nous dans cette aventure et retrouvons-nous sur ce sujet essentiel. Surtout, évitons tout dogmatisme et, au lieu de nous invectiver, réfléchissons ensemble, dans l’intérêt de notre pays.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. André Gattolin applaudit également.
Évidemment, nous partageons l’argumentation qu’a développée tout à l’heure Mme la ministre : il est nécessaire de réduire la part du nucléaire dans la production d’électricité. Ce qui nous gêne, c’est l’échéance de 2025, qui nous semble quelque peu irréaliste.
Tout d’abord, comment compenser la réduction de la part du nucléaire ? Tout le monde ici s’accorde à dire qu’il faut, pour cela, développer les filières industrielles des énergies renouvelables. Cependant, pour l’heure, nous ne sommes pas prêts.
L’exemple de l’Allemagne a été cité. Outre que les émissions de gaz à effet de serre ont augmenté, des villages ont dû être déplacés pour permettre la réouverture des mines de lignite !
Renoncer d’un coup au nucléaire n’est donc pas sans conséquences… Je ne pense pas que nous devions suivre un tel exemple.
Le parc nucléaire ayant été financé par les Français, la question de son avenir mériterait de faire l’objet d’un véritable débat national, bien au-delà de la discussion de ce projet de loi.
On parle beaucoup de ce que coûterait la prolongation de la durée de vie des centrales au-delà de quarante ans. Il faudrait aussi parler du coût du démantèlement d’un certain nombre d’entre elles, qui se chiffrera en dizaines de milliards d’euros.
M. Ronan Dantec applaudit.
Dans cette perspective, il faut travailler sur le traitement des déchets et sur les questions de sûreté nucléaire.
Je le répète, nous souscrivons à l’objectif de réduction de la part du nucléaire dans la production d’électricité, mais nous pensons que la date de 2025 n’est pas satisfaisante.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC.
La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
Je voudrais apporter quelques éléments d’information supplémentaires, afin de compléter les propos de plusieurs orateurs, notamment ceux du rapporteur, dont les arguments ont emporté l’adhésion d’une large majorité des membres de la commission des affaires économiques.
Madame la ministre, comme l’a dit Dominique de Legge, l’horizon recule à mesure que l’on avance…
Certaines déclarations montrent qu’il existe peut-être une confusion sur la durée de vie des centrales nucléaires. Trente années de durée de vie, ce n’est pas la marque d’une obsolescence programmée. Cette durée a été fixée en 1970, à l’époque du lancement du programme électronucléaire français sous l’impulsion de Georges Pompidou et de Marcel Boiteux, par référence à la durée d’amortissement des centrales, qui est une donnée comptable.
Dès cette époque, il a été admis que cette durée pouvait être prolongée. C’est pourquoi la loi a prévu par la suite les conditions dans lesquelles l’Autorité de sûreté nucléaire peut autoriser la prolongation de la durée de vie des centrales nucléaires, par période de dix ans.
Mes chers collègues, sachez qu’aux États-Unis, pays qui n’est pas réputé très pro-nucléaire, la durée de vie des centrales nucléaires est fixée à soixante ans. Je ne dis pas que c’est ce qu’il faut faire en France, mais il incombe à l’Autorité de sûreté nucléaire de décider au cas par cas.
Pour ma part, je pense que la durée de vie de certains réacteurs pourra excéder quarante ans, voire cinquante ans, tandis que d’autres devront peut-être être arrêtés plus tôt. Cela étant, encore une fois, c’est à la seule Autorité de sûreté nucléaire, instance incontestable qui est respectée dans le monde entier, d’en décider.
Voilà un an et demi, je m’amusai de lire une grande déclaration de votre prédécesseur immédiat, madame la ministre, reproduite en première page du Journal du dimanche : « Je fermerai Fessenheim avant la fin de 2016. » Cette affirmation attestait une méconnaissance totale des réalités !
Une autre confusion existe aussi souvent entre capacité installée et capacité de production.
On entend parfois le raisonnement suivant : si l’on réduit la puissance nucléaire installée de 70 gigawatts à 45 gigawatts, il suffit, pour compenser, de mettre en place une puissance de 25 gigawatts d’énergies renouvelables.
Eh bien non, parce qu’il y a un autre critère qui entre en ligne de compte : la disponibilité. En France, une centrale nucléaire est disponible à peu près 80 % du temps, et ce taux est encore plus élevé dans certains pays. En revanche, pour le photovoltaïque et l’éolien, le taux est de 17 % !
Cela signifie que, pour compenser ce différentiel de disponibilité, il faut multiplier pratiquement par quatre ou cinq la capacité de production installée.
Pour autant, le problème ne serait pas définitivement réglé, car il faut aussi tenir compte de l’intermittence. Ce n’est pas parce que vous avez beaucoup de photovoltaïque et d’éolien que vous êtes assuré d’avoir une production effective d’électricité. C’est la raison pour laquelle, en Allemagne, on a surinvesti en éolien et en photovoltaïque, pour être sûr de disposer d’une capacité considérable afin de faire face à toutes les situations. Le comble du comble, c’est que, par moments, l’Allemagne a trop d’électricité, en provenance principalement du nord de l’Europe pour l’éolien et d’un peu partout pour le photovoltaïque. Comme l’électricité produite doit être absolument évacuée, l’Allemagne vend à bas prix l’électricité qu’elle a en trop…
Parfois, même, l’Allemagne nous paie pour prendre cette électricité, car elle doit être évacuée, faute de quoi le réseau est saturé.
Mes chers collègues, savez-vous comment est produite cette électricité allemande qui arrive en France ? De centrales au charbon !
En consultant, au moment où je vous parle, à dix-sept heures, le site internet de RTE sur mon smartphone, je vois que nous avons exporté 9 134 mégawatts et que nous avons importé 1 137 mégawatts d’Allemagne aujourd’hui. Il faut donc bien avoir à l’esprit que nous importons régulièrement de l’électricité carbonée d’outre-Rhin !
Bien sûr, la solution, ce serait que quelqu’un invente le moyen de stocker l’énergie électrique ! §À partir du moment où vous êtes en mesure de stocker l’électricité, vous pouvez produire tout le renouvelable que vous souhaitez, vous retrouverez toujours l’énergie produite.
Enfin, madame la ministre, comme vous l’avez dit vous-même dans d’autres circonstances, il faut à tout prix que l’équipe de France se retrouve.
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. Actuellement, nous avons une équipe composée de personnes qui ne se rencontrent que rarement sur le terrain et qui, quand elles se rencontrent, ne jouent pas dans le même sens.
Sourires.
Or, si nous sommes aujourd’hui les meilleurs dans le domaine électronucléaire, comme Didier Guillaume l’a rappelé, nous étions aussi les meilleurs à l’origine dans les domaines de l’éolien et du photovoltaïque, …
Aujourd’hui, vous avez raison, il faut certainement rassembler les forces d’EDF, de GDF-Suez, d’Areva, et de tous ceux qui interviennent dans la production d’électricité, afin que nous ayons une offre globale. Finalement, nous devrions être en mesure de proposer le mix énergétique que nous souhaitons pour la France à un certain nombre de clients qui nous attendent.
L’amendement n° 309 rectifié est retiré.
Madame Lamure, l’amendement n° 586 rectifié est-il maintenu ?
Je le retire, tout en regrettant que l’on ne suive pas les excellentes recommandations de l’Office parlementaires d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.
L'amendement n'est pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 893.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que la commission y est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 96 :
Nombre de votants336Nombre de suffrages exprimés336Pour l’adoption122Contre 214Le Sénat n'a pas adopté.
Applaudissements sur quelques travées de l'UMP.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 718, présenté par MM. Dantec, Labbé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 28
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° Contribuer à l’atteinte des objectifs de réduction de la pollution atmosphérique du plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques défini à l’article L. 222-9 du code de l’environnement ;
La parole est à M. Ronan Dantec.
Après un moment où, comme on pouvait s’y attendre, nous avons manifesté des divergences entre nous, il est temps de produire du consensus. En effet, je pense que, sur la question de la pollution atmosphérique, nous pouvons nous retrouver.
Cet article 1er porte sur les grands objectifs de la politique énergétique. Nous avons donc parlé des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, qui ont un caractère global, puisqu’ils touchent au social, à l’environnemental, à la santé publique et à la cohésion de nos sociétés. Nous n’avons donc pas abordé que des objectifs énergétiques . Dès lors placer parmi ces grands objectifs la réduction de la pollution atmosphérique, sujet important s’il en est, serait assez logique.
Mon cher collègue, je vais essayer de vous convaincre de retirer votre amendement. Cet objectif de réduction de la pollution atmosphérique que vous proposez de mentionner ici figure déjà à l’alinéa 7 de l’article 1er, puisque, sur l’initiative de la commission du développement durable, nous avons ajouté que la politique énergétique était censée réduire « l’exposition des citoyens à la pollution de l’air ».
Par ailleurs, toujours sur la proposition de nos collègues de la commission du développement durable, nous avons ajouté à l’article 2 que les politiques publiques devaient viser la sobriété en matière non seulement de gaz à effet de serre mais aussi de polluants atmosphériques.
Enfin, l’article 17 du texte de la commission vous donne également satisfaction.
L'amendement est adopté.
M. Jean-Pierre Raffarin. Ça, c’est le petit câlin accordé aux écologistes !
Sourires.
L'amendement n° 587 rectifié, présenté par Mmes Lamure et Di Folco, MM. Calvet, Houel, Magras, P. Leroy et César et Mme Primas, est ainsi libellé :
Alinéa 29
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 6° Disposer d’un parc immobilier dont l’ensemble des bâtiments sont rénovés en divisant par un facteur 2 leur consommation énergétique, à l’horizon 2050, en menant une politique de rénovation thermique des logements dont au moins la moitié est occupée par des ménages aux revenus modestes ;
La parole est à Mme Élisabeth Lamure.
Il ne faut pas imaginer que nous atteindrons les normes BBC – bâtiments basse consommation – ou assimilées à l’horizon 2050 sur l’ensemble du parc de 27 millions de logements.
C’est pourquoi je propose de diviser par deux la consommation énergétique des bâtiments rénovés, ce qui serait déjà une belle performance, à mon sens plus facilement atteignable.
Cet amendement vise à remplacer l’objectif de rénovation de l’ensemble du parc immobilier aux normes « bâtiment basse consommation » ou assimilées à l’horizon 2050 par une division par deux des consommations actuelles.
Bien que partageant les doutes des auteurs de l’amendement sur le réalisme de l’objectif affiché, je pense qu’il vaut mieux conserver la rédaction actuelle, qui permet de fixer un cap. Du reste, il s’agit là d’un objectif qui permettra d’orienter les décisions de rénovation, mais qui n’a pas de portée contraignante.
Je demande donc le retrait de cet amendement.
Sourires.
L’amendement n° 587 rectifié est retiré.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. Je suis pris en flagrant délit !
Nouveaux sourires.
Cela étant, je crois bien me souvenir que, ce matin, tout en disant que cet amendement était très bien, j’avais néanmoins donné un avis défavorable !
Rires et exclamations.
L'amendement n° 337 rectifié, présenté par MM. Mohamed Soilihi, Courteau, S. Larcher, Cornano, Montaugé, Cabanel et Poher, Mme Bonnefoy, M. Aubey, Mme Jean, MM. Roux, Madec, Miquel, Germain, Boulard et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéa 30
1° Supprimer les mots :
30 % d’énergies renouvelables à Mayotte et
2° Après les mots :
50 % d’énergies renouvelables à
insérer les mots :
Mayotte, à
La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.
Les objectifs assignés dans le cadre de la loi de 2009, dite « Grenelle 1 », et qui ont été repris tels quels dans le présent projet de loi, sont de parvenir à une autosuffisance énergétique en 2030. Le « Grenelle 1 » a prévu un objectif intermédiaire de 50 % d’énergies renouvelables dans la consommation finale en 2020 et, pour Mayotte, de 30 %.
En 2009, Mayotte n’était pas encore un département d’outre-mer, et cela pouvait éventuellement expliquer ce traitement différent, mais il n’en va plus de même aujourd'hui. En vérité, nous ne comprenons pas cette différence, dont on ne nous a d’ailleurs jamais donné de justification, et c’est ce qui m’a conduit à déposer cet amendement.
Au demeurant, on se demande vraiment ce qui peut expliquer cet objectif moins ambitieux pour Mayotte, qui, bien que bénéficiant d’un taux d’ensoleillement exceptionnel, dépend à 99 % des énergies fossiles ! C’est proprement intolérable !
Le potentiel de développement du photovoltaïque et de la biomasse sur l’île sont considérables et ces deux sources d’énergie permettraient de réduire sensiblement notre dépendance énergétique.
Je profite, madame la ministre, de la présentation de cet amendement pour vous interroger à nouveau sur le projet OPERA, opération pilote énergies renouvelables pour sécuriser le réseau électrique autonome de Mayotte. Il prévoit d’utiliser une sorte de batterie géante pour réinjecter de l’électricité quand le soleil est masqué. Ce projet ambitieux, encouragé par l’État et salué notamment par Victorin Lurel lors du déplacement qu’il avait effectué à Mayotte en tant que ministre des outre-mer, avait été mené de concert par la société Électricité de Mayotte et la société Sunzil Mayotte.
Or, aujourd'hui, nous n’entendons plus parler de ce projet expérimental. Je vous ai déjà interrogée hier sur ce sujet, madame la ministre, et serais ravi si vous aviez des précisions à me fournir.
En matière d’énergies renouvelables, la situation des territoires et départements ultramarins est extrêmement variable. Ainsi, en 2009, les énergies renouvelables représentaient plus de 50 % de la consommation finale en Guyane, 50 % à la Réunion, mais seulement 25 % en Guadeloupe et 8 % en Martinique. Aujourd’hui encore, les pourcentages d’énergies renouvelables restent très différents selon les territoires, allant de 7 % en Martinique à 70 % en Guyane.
Bien que la marche intermédiaire soit différente pour Mayotte, comme l’a rappelé M. Mohamed Soilihi, l’objectif final consistant à parvenir à l’autonomie énergétique en 2030 est le même que pour les autres territoires. Cela ne fait qu’accroître la perplexité que suscite cette différence de traitement !
Cet amendement donne donc l’occasion à Mme la ministre de nous dire pour quelles raisons cet objectif intermédiaire de 30 % a été retenu pour Mayotte.
La réponse est toute simple : le Grenelle de l’environnement prévoyait un objectif différent pour Mayotte et le texte qui vous est soumis ne l’a pas changé !
Je veux bien, au nom du Gouvernement, m’en remettre à la sagesse du Sénat. Je précise que l’une des raisons pour lesquelles la loi de 2009 avait fait cette différence était le souci de prendre en considération le potentiel très différent d’un territoire où il n’y a pas du tout d’hydroélectricité. Ce choix d’une différenciation avait été fait pour ne pas imposer à Mayotte un objectif disproportionné par rapport à ses moyens. Notre démarche était positive et ne procédait d’aucune intention discriminatoire.
Toutefois, si vous pensez que ce choix est mal interprété sur le territoire, le Gouvernement ne voit aucun inconvénient à aligner Mayotte sur l’objectif intermédiaire de 50 % en 2020.
Je mets aux voix l'amendement n° 337 rectifié.
L'amendement n° 855 rectifié bis, présenté par MM. Cornano et Antiste, Mme Claireaux, MM. Desplan, J. Gillot, Karam, S. Larcher, Mohamed Soilihi, Patient et Vergoz et Mme Jourda, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 30
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Réduire les émissions de gaz à effet de serre dans les départements d’outre-mer de 20 % dans les transports entre 1990 et 2020.
La parole est à M. Jacques Cornano.
Cet amendement vise à préciser dans la loi l’objectif de diminution des émissions de gaz à effet de serre dans les départements d’outre-mer.
La réduction des gaz à effet de serre, dont le principe est posé à l’article 1er, est en vérité un impératif eu égard aux prévisions du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le GIEC.
Les émissions de gaz à effet de serre liées à l’utilisation des énergies fossiles restent élevées en Guadeloupe, malgré la stabilisation des consommations finales d’énergies et une progression exceptionnelle – doublement depuis 2010 – des énergies renouvelables dans le mix électrique.
Les émissions de CO2 provenant de la production électrique ont progressé de 7 % en cinq ans en raison du recours massif au charbon, qui est de nouveau utilisé par une centrale. Quant aux transports, ils demeurent le premier secteur de consommation d’énergie.
Je souhaite évoquer ici la notion de « territoire à énergie positive ». C’est un territoire qui s’engage dans une démarche permettant d’atteindre l’équilibre entre la consommation et la production d’énergie à échelle locale, tout en réduisant le plus possible les besoins en énergie. Il s’agit de favoriser l’efficacité énergétique dans l’approvisionnement du territoire et, surtout, d’arriver à un redéploiement d’énergies renouvelables.
J’aimerais connaître les modalités d’application de cet article dans les départements d’outre-mer qui, à l’heure actuelle, dépendent encore, hélas ! majoritairement des énergies fossiles.
Je parle en connaissance de cause : en Guadeloupe, nous avons beaucoup réfléchi et travaillé sur plusieurs projets d’énergies renouvelables. Je pense notamment au projet multi-biomasse de cogénération élaboré par le groupe Albioma. La mise en œuvre de l’ensemble de ces projets permettrait à Marie-Galante de satisfaire ses propres besoins en termes de production d’électricité et même d’alimenter la Guadeloupe continentale.
L’ensemble des acteurs, particulièrement Albioma, sont inquiets parce que le coût de la mise en place du câble électrique sous-marin entre Marie-Galante et la Guadeloupe est passé de 10 millions à 30 millions d'euros, ce qui va au-delà des sommes dédiées à ce projet et en compromet la faisabilité.
Je souhaite que, à l’occasion de l’examen de ce texte, des choix politiques et budgétaires puissent être faits afin de garantir la viabilité dudit projet et de nous permettre de trouver des solutions sur place.
L’article 1er prévoit que la politique énergétique nationale se fixe pour objectif principal de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40 % en 2030 et de les diviser par quatre d’ici à 2050. Cet objectif s’applique à tous les territoires et tous secteurs confondus.
Par votre amendement, vous souhaitez, monsieur Cornano, préciser un objectif de diminution des émissions de gaz à effet de serre spécifique au transport dans les départements d’outre-mer et à un horizon différent, celui de 2020, sans que l’on sache, du reste, ce qui justifie le taux de 20 % que vous avez retenu.
À mon avis, il n’y a pas lieu, en la matière, de particulariser un territoire ou un secteur, car l’objectif doit rester national. C'est la raison pour laquelle je suis tenté, monsieur le sénateur, de vous demander de retirer votre amendement.
Monsieur Cornano, votre amendement a le mérite de poser la problématique des outre-mer, des territoires qui offre d’ailleurs des perspectives très prometteuses sur le plan des énergies renouvelables.
Je me suis rendue en Guadeloupe pour signer la convention État-région « Guadeloupe Îles durables ». Il s’agissait d’aider la Guadeloupe à s’orienter vers l’autonomie énergétique, à l’instar des autres outre-mer de nature insulaire, en tirant tout le parti de son potentiel en matière de solaire, d’éolien, d’énergie thermique des mers, de biomasse, de géothermie.
Je sais que, par exemple, en Guadeloupe, vous installez des usines utilisant la biomasse constituée de la bagasse de canne à sucre. Je citerai également l’usine de géothermie de Bouillante, que nous avons visitée, et dont on cherche à faire monter la production en puissance.
J’ai animé sur place une réunion avec l’ensemble des entreprises qui se sont engagées dans la transition énergétique et qui sont extrêmement performantes dans la production d’énergies renouvelables.
Je suis convaincue que, en accélérant la transition énergétique dans les outre-mer, nous pouvons transformer le handicap lié à l’éloignement et à l’insularité en une chance, en particulier avec l’énergie thermique des mers. En effet, des entreprises françaises très innovantes ont installé leurs prototypes dans les outre-mer français. Dans les Caraïbes, cela va leur ouvrir un marché industriel considérable.
Vous avez donc raison de poser cette problématique, monsieur Cornano. Toutefois, votre amendement, qui ne porte que sur un aspect très limité – il s’agit uniquement des transports – ne me semble pas avoir sa place dans un texte de loi. En effet, vous le savez, une programmation pluriannuelle de l’énergie sera élaborée par les forces vives des départements d’outre-mer. Il appartient à ces territoires de fixer leurs objectifs et de prendre les moyens de les atteindre.
Votre proposition pourrait, à la limite, être contre-productive par rapport au message que nous cherchons à faire passer. Chaque entité territoriale doit, selon nous, déterminer ses objectifs en fonction de son potentiel et de son niveau d’installation en termes d’énergies renouvelables. La libre administration doit s’exercer pleinement sur ce sujet pour les départements d’outre-mer. Vous le savez, les outre-mer vont avoir, compte tenu de leurs spécificités, une marge de manœuvre plus importante pour fixer leur mix énergétique.
Bien sûr, la question des transports propres est cruciale, mais je vous suggère de retirer votre amendement, qui est d’ailleurs satisfait dans la mesure où la programmation pluriannuelle pourra prévoir des objectifs tels que celui-ci.
Cet amendement était pour moi l’occasion d’attirer l’attention sur le fait que le projet qui doit démarrer en Guadeloupe semble faire le choix de la facilité.
J’ai une inquiétude et, je relaie surtout l’inquiétude du groupe Albioma. Je souhaite que le Gouvernement se penche sérieusement sur le sujet, examinant notamment les aides fiscales qui pourraient être attribuées à notre projet, lequel aurait dû démarrer très prochainement. Or, si rien n’est fait, nous risquons de voir EDF, qui paraissait intéressée par notre projet il n’y a pas si longtemps, mettre en place une autre centrale, à base de fioul.
Ces précisions étant apportées, et après vous avoir entendue, madame la ministre, je retire mon amendement.
Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi portant diverses dispositions tendant à la modernisation du secteur de la presse.
La liste des candidats établie par la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a été publiée conformément à l’article 12 du règlement.
Je n’ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : Mme Catherine Morin Desailly, M. Philippe Bonnecarrère, Mme Colette Mélot, MM. Jean-Pierre Leleux, David Assouline, Jacques-Bernard Magner et Mme Christine Prunaud.
Suppléants : MM. Dominique Bailly, Jean-Claude Carle, Mmes Marie-Annick Duchêne, Nicole Duranton, M. Jacques Grosperrin, Mmes Françoise Laborde et Danielle Michel.
Je rappelle que la commission des affaires sociales a proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire.
La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.
En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. Jean-Noël Cardoux, membre du comité de surveillance de la Caisse d’amortissement de la dette sociale.
Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat qu’il a été saisi le mercredi 11 février 2015, en application de l’article 61, alinéa 2, de la Constitution, par plus de soixante sénateurs, de la loi autorisant l’accord local de répartition des sièges de conseiller communautaire.
Le texte de la saisine du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de la distribution.
Acte est donné de cette communication.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-neuf heures, est reprise à vingt-et-une heures trente, sous la présidence de M. Claude Bérit-Débat.