Intervention de Dominique Maillard

Commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire — Réunion du 14 décembre 2011 : 1ère réunion
Perspectives d'approvisionnement d'électricité en france — Audition de M. Dominique Maillard président du directoire de réseau de transport d'électricité rte

Dominique Maillard, président du directoire de RTE :

Mon intervention portera à titre principal sur le passage de la période hivernale pour l'approvisionnement en électricité de la France, mais je voudrais au préalable rappeler que RTE a désormais une dizaine d'années d'existence, dont six ans en tant que personne morale distincte d'EDF.

L'existence de RTE résulte en effet de l'ouverture progressive des marchés et de la législation européenne, qui a exigé que les réseaux de transport d'électricité soient mis à la disposition de l'ensemble des opérateurs. Un débat, vous vous en souvenez, a eu lieu sur l'éventuelle séparation patrimoniale entre l'opérateur historique et le gestionnaire du réseau. La France a obtenu la possibilité de conserver ce qu'on appelle un « opérateur de transport indépendant », sans séparation patrimoniale. Par exemple, le programme d'investissement est fixé par le régulateur, le président est nommé par le Gouvernement et un déontologue rapporte directement au régulateur.

RTE a la charge du réseau à haute et très haute tension, qui comprend 100 000 kilomètres de lignes qui se répartissent ainsi : un quart à 400 000 volts, un quart à 225 000 volts et la moitié à 90 000 et 63 000 volts.

RTE a également la responsabilité de l'exploitation du système et du pilotage entre l'offre et la demande. Il dispose pour cela d'un centre national d'exploitation à Saint-Denis et de sept centres régionaux. L'équilibre est également exercé au niveau international grâce aux interconnexions avec les autres pays européens, ainsi qu'avec l'Afrique du Nord et, depuis peu, la Turquie.

Les investissements sont de l'ordre de 1,2 milliard d'euros par an : un tiers pour le renouvellement du réseau, un tiers pour le développement et les interconnexions, un tiers pour le renforcement du réseau.

RTE concourt également à la réflexion prévisionnelle. La programmation prévisionnelle des investissements (PPI) permet au Gouvernement de lancer, avec RTE, des appels d'offres pour combler le déséquilibre entre l'offre et la demande. À plus court terme, RTE réalise, deux fois par an, une analyse prévisionnelle de l'équilibre électrique.

S'agissant de l'approvisionnement en électricité cet hiver, on constate tout d'abord que, malgré un climat récessif, la consommation d'électricité, notamment en pointe, croît encore de 1 % par rapport à l'année dernière. Cette hausse est surtout due à la consommation des ménages, la grande industrie ayant tendance pour sa part à réduire sa demande. La pointe cette année devrait donc dépasser de 1 000 MW le niveau de celle de l'année passée. Ainsi, on estime que pour l'hiver 2011-2012, une baisse de la température de 1 degré pourrait entraîner une hausse de la consommation d'électricité de 2 300 MW à la pointe de consommation du soir.

Concernant la disponibilité prévisionnelle du parc de production français, l'hiver 2011-2012 peut se diviser en deux périodes. Jusqu'à fin décembre, la puissance disponible est inférieure à l'année 2010. La fin d'année devrait toutefois se passer sans difficulté et des marges supplémentaires seront de plus disponibles de janvier à mars. Ces éléments proviennent d'une analyse de l'ensemble des scénarios possibles ainsi que d'hypothèses sur la disponibilité des centrales. Les modèles prévisionnels ont montré que la France avait 99 % de chance d'avoir un besoin d'importation d'électricité inférieur à 3 500 MW lors de la pointe de consommation du soir de la première semaine de décembre ; a posteriori, on constate que la météorologie plutôt clémente a même permis à la France d'être exportatrice. Elle le sera également au mois de janvier.

Au-delà de ces valeurs moyennes, il faut vérifier que le réseau résiste à des chocs plus temporaires de température. Des tests ont montré par exemple que, début décembre, la France pouvait dans certaines circonstances devoir importer jusqu'à 7 000 MW. Il faut donc vérifier d'une part que les réseaux permettent d'acheminer cette puissance à travers les frontières, d'autre part que les capacités de production existent dans les pays voisins.

S'agissant du dimensionnement des réseaux, les équipements d'interconnexion existants permettent d'importer la quantité d'électricité nécessaire, même si les infrastructures de transport allemandes, tournées vers la consommation intérieure, seront moins disponibles pour acheminer de l'électricité vers les autres pays européens.

S'agissant des capacités de production, l'Allemagne, qui a arrêté huit réacteurs nucléaires, pourrait être importatrice cette année alors qu'elle exporte habituellement vers la France lorsque notre pays en a besoin. Certains pays proches de la France ont toutefois de bonnes capacités de production : les Pays-Bas, la Suisse, l'Italie, l'Espagne. Nous estimons donc que, en cas de période de froid, les capacités de production nécessaires seront disponibles.

Il faut toutefois considérer, outre l'équilibre global entre l'offre et la demande, les difficultés liées à la configuration du réseau de transport en France.

Deux régions sont particulièrement fragiles : la Bretagne et la région Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA). Des actions ont été décidées : la mise en place d'un réseau, souterrain pour l'essentiel, à 225 000 volts dans ces deux régions garantira une solution de secours en cas de rupture de la ligne principale existante. Un nouveau moyen de production sera également installé dans la zone de Brest et des programmes de maîtrise de la demande complèteront le dispositif

En Allemagne, l'arrêt de huit tranches nucléaires, dont six sont situées dans la zone sud du pays fortement consommatrices, modifie les flux de transport d'électricité. Au même moment, la production éolienne introduit une capacité de production importante, mais intermittente et située plutôt dans le nord du pays. Les conséquences s'en font sentir sur les réseaux limitrophes, dont celui de l'est de la France qui deviendra tantôt exportateur vers les zones de consommation allemandes, tantôt importateur de la production éolienne de ce pays. Il est nécessaire de prendre en compte des situations plus complexes et variables que celles que nous connaissions précédemment.

Nous n'avons pas pu anticiper tous nos investissements en raison du caractère soudain de la décision allemande. Plus que les menaces portant sur l'équilibre entre l'offre et la demande, nous redoutons à court terme les effets en cascade ou les chutes de tension.

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