Intervention de Dominique Maillard

Commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire — Réunion du 14 décembre 2011 : 1ère réunion
Perspectives d'approvisionnement d'électricité en france — Audition de M. Dominique Maillard président du directoire de réseau de transport d'électricité rte

Dominique Maillard, président du directoire de RTE :

Une forte production d'électricité d'origine éolienne, en Allemagne mais aussi en Espagne, peut mener à des mesures imposant une réduction de la production : il s'agit d'éviter la saturation des réseaux, mais aussi de limiter la variabilité à très court terme de la puissance d'électricité injectée afin que les moyens de production traditionnels aient le temps de prendre le relais lorsque le vent s'apaise. Les opérateurs d'éoliennes savent que cela risque de devenir nécessaire également en France.

Le stockage d'énergie serait une réponse au problème. Le stockage dans des bassins d'eau dénivelés apporte une première solution dans certaines régions. Le stockage adiabatique, par compression de l'air, recourrait à des réservoirs souterrains, mais ils pourraient entrer en concurrence avec les projets de stockage de CO2 qui utiliseraient les mêmes emplacements. On envisage aussi d'utiliser les batteries des véhicules électriques immobilisés dans les garages la plus grande partie du temps, comme moyen de stockage décentralisé.

Toutefois, c'est aussi et en premier lieu par le renforcement des réseaux à l'échelle européenne que passe la gestion de l'intermittence, afin d'acheminer l'électricité vers les régions où elle peut être consommée. La croissance des énergies renouvelables suppose le développement des réseaux : c'est ainsi que le Bundestag, en votant la sortie du nucléaire, a également adopté une loi déclarant d'utilité publique des projets de construction de 3 500 kilomètres de lignes.

S'agissant de l'enfouissement, un arrêté doit fixer le barème de participation de RTE aux travaux de mise en souterrain des lignes existantes. Nous disposons déjà d'un recensement des sites sur lesquels une demande a été formulée. Si l'ouvrage est ancien, la participation de RTE sera naturellement plus importante puisque des travaux de remplacement ont vocation à survenir de toute manière.

J'ai remis au Gouvernement un rapport sur la mise en place du marché de capacités. Je rappelle que chaque fournisseur doit déjà mettre sur le réseau une quantité d'énergie, et non de puissance, équivalente à celle que consomment ses clients ; un mécanisme d'ajustement conduit RTE, en fonction des écarts constatés entre les prévisions et les réalisations, à mobiliser des moyens pour rémunérer les fournisseurs qui produisent plus que leur part, tout en imputant les coûts sur les fournisseurs qui n'atteignent pas leurs objectifs. C'est un mécanisme proche de celui-là qui devrait être mis en place pour la puissance électrique sur le marché de capacités, qui devra garantir que le réseau dispose d'une puissance suffisante pour franchir les pics de consommation ; fourniture de capacité et effacement de consommation, qui concourent tous deux à l'équilibre entre l'offre et la demande, seront traités à égalité en période de pointe, comme l'a demandé le rapport de MM. Serge Poignant et Bruno Sido sur la maîtrise de la pointe électrique. Pour amorcer le dispositif, des appels d'offres seront organisés ; certains contrats de cogénération qui arrivent à échéance pourront y accéder en attendant la mise en place du marché de capacités.

Le taux de disponibilité des centrales a diminué jusqu'à 70 % il y a deux ans, mais des efforts d'investissement et de meilleur échelonnement des opérations de maintenance ont permis de le redresser par la suite, au point que l'ensemble des centrales ont pu fonctionner simultanément en janvier 2011 ! L'accent est également mis sur l'amélioration de la disponibilité des centrales thermiques, essentielle en période hivernale. Il est toutefois de plus en plus difficile de planifier les maintenances sur des périodes de temps réduites en demi-saison.

Les importations d'électricité sur notre territoire, Jean-Claude Lenoir, ne sont pas nécessairement le fait de RTE. Des industriels négocient des contrats sur le marché, en achetant au moins cher. Les variations du prix de l'électricité, du reste, sont particulièrement fortes : le kilowattheure peut atteindre 3 000 euros, quand il est rare, et redescendre jusque des valeurs négatives, quand l'électricité est surabondante et que le producteur doit alors payer pour produire. Cependant, grâce au couplage des marchés avec nos voisins - effectif avec l'Allemagne et le Benelux -, nous parvenons à nous approcher, hors extrême tension, à un prix très proche de celui du marché, d'environ 60 euros le kilowattheure.

S'agissant de l'arbitrage entre l'installation d'une nouvelle centrale ou d'une nouvelle ligne, la loi nous oblige à choisir celle des deux solutions qui est la plus efficace sur le plan économique. Nous nous efforçons de choisir la meilleure localisation, sans bien sûr maîtriser l'ensemble du processus : nous avions par exemple opté pour une centrale à Ploufragan, en Bretagne, mais l'opérateur n'a pas obtenu les autorisations nécessaires, d'où l'autre choix possible, celui de Brest, avec certaines conséquences, vous l'avez dit.

La financiarisation ne me paraît pas, jusqu'à présent, nuire au marché de l'électricité : on y trouve bien tous les types de contrats, pour couvrir tous types de risques, mais ce marché reste peu spéculatif, car, pour l'essentiel, il est animé par des opérateurs d'électricité. Nous y sommes présents, pour couvrir nos risques à moyen terme ; nous avons ainsi acheté 90 % des pertes estimées pour l'an prochain, et déjà la moitié des pertes estimées pour 2013.

Quelle part les énergies renouvelables représentent-elles de nos investissements ? Sachant que le raccordement est à la charge de l'investisseur, nous prévoyons, pour l'éolien terrestre, d'investir 1 milliard d'euros en dix ans, soit 8 % de nos investissements, ceci pour une production de 19 000 mégawattheures. Nous comptons investir autant dans l'éolien off shore, mais pour une production trois fois moindre, de 6 000 mégawattheures.

Enfin, sur la liaison France-Espagne, nous avons obtenu que les études d'impact environnemental ne retardent pas le commencement des travaux. Le tracé choisi pour cette liaison souterraine à courant continu suit celui de la ligne ferroviaire à grande vitesse et les travaux débuteront l'an prochain.

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