Intervention de Jean Besson

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 21 mai 2013 : 1ère réunion
Ratification du traité d'extradition entre la france et la chine — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Jean BessonJean Besson, rapporteur :

Monsieur le Président, mes chers collègues, voici une intéressante convention qui nous transporte dans « l'empire du milieu » pour examiner un traité d'extradition, signé avec la République populaire de Chine, le 20 mars 2007 et interprété par des échanges de lettres, en août 2010.

La Chine a plusieurs visages, tantôt affirmant ses traditions, tantôt recherchant l'intégration dans un modèle mondialisé qui ne lui ressemble pas. Ce paradoxe caractérise également le système pénal chinois qualifié de politique entre « clémence et sévérité ».

Rappelons que le cadre pénal chinois a été reconstitué en 1979 après le vide juridique créé par la Révolution Culturelle. Il a fait l'objet depuis lors de nombreuses réformes, tant le chemin à parcourir demeure important.

Ainsi, la loi de procédure pénale de 1979 a été révisée en 1997 permettant d'inscrire en droit pénal le principe de légalité. Ce dernier, qui nous est naturel depuis Beccaria, n'a donc été admis que récemment en Chine. La qualification des infractions était régie selon la doctrine dite de l'analogie qui permettait de sanctionner des faits analogues à une infraction incriminée dans le code pénal, sans qu'ils aient été prévus par la loi.

La loi précitée a été à nouveau modifiée le 14 mars 2012. Cette révision tend à accroître la protection des droits de l'homme. Elle contient des dispositions visant à interdire l'emploi de la torture, de la violence ou de la menace dans l'obtention des preuves. Le rôle de l'avocat est renforcé.

Si on peut se féliciter de ce vent de réformes qui souffle sur l'institution judiciaire chinoise, des inquiétudes demeurent. L'une d'entre elles qui intéresse directement notre examen porte sur l'application de la peine capitale. Elle n'est pas étrangère à la mise en oeuvre du présent traité. C'est pourquoi, les négociations du traité ont été longues. Elles ont débuté en 2000. La position initiale de la République populaire de Chine sur la question de la peine de mort au regard de l'extradition a, tout d'abord, constitué un obstacle à la signature.

Cependant, elle a évolué lorsqu'elle a conclu, le 14 novembre 2005, un traité d'extradition avec l'Espagne, en admettant de ne pas appliquer la peine de mort à une personne extradée. Le processus de négociation avec la France a alors été relancé. En outre, la loi du 26 février 2011 prévoit l'abandon de la peine de mort d'une part, pour les criminels âgés de plus de soixante-quinze ans et d'autre part, pour treize crimes non violents.

Quelles garanties avons-nous, me demanderez-vous, que la mise en oeuvre de ce traité ne viole pas les droits fondamentaux ?

Tout d'abord, son contenu a été strictement élaboré par les autorités françaises. Il ne diverge pas de celui de la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 qui inspire l'ensemble des instruments bilatéraux négociés par la France. La France n'a pas été conduite à accepter de concession majeure. Elle a même reçu les assurances nécessaires quant à la protection des droits de l'homme. Elle a exigé que l'extradition ne puisse être accordée si la France n'a pas obtenu les garanties suffisantes que la peine de mort ne sera pas prononcée ou exécutée. Le traité prévoit également le rejet des demandes d'extradition fondées sur des infractions à caractère politique ou militaire.

Je souhaite insister sur le fait que la Chine a accepté pour la première fois dans le cadre de négociations internationales, l'insertion d'une clause restreignant la portée des pouvoirs accordés à ses autorités policières. Ces dernières peuvent, en effet, émettre, seules, des mandats d'arrêt. La France a obtenu que de tels mandats soient validés par une autorité judiciaire lorsqu'ils justifient une demande d'extradition, pour éviter tout arbitraire.

Paré de ces stipulations protectrices des droits de l'homme, le présent traité permettra de renforcer la coopération en matière d'extradition, qui jusqu'à présent a été fortement limitée. On dénombre quatre demandes françaises en dix années et une seule émanant de la Chine.

L'essor de la criminalité sans frontière requiert que soit désormais mis en oeuvre un cadre juridique respectueux des contraintes constitutionnelles et internationales des deux pays.

Enfin, la présente ratification contribue à une démarche globale de la France qui vise à étendre son réseau conventionnel en matière de coopération judiciaire et d'extradition. Vous avez déjà approuvé le texte tendant à ratifier le traité d'extradition conclu avec l'Argentine en mars dernier. Vous examinerez prochainement les traités signés en 2012 et 2013 avec, respectivement, le Venezuela et le Pérou.

A titre de conclusion, je souhaite insister sur le fait que :

- Ce traité a été rédigé par la Partie française ;

- Il reprend les dispositions de la convention européenne sur l'extradition ;

- Il est même plus rigoureux que cette convention car elle ne permet pas d'extrader une personne qui risquerait d'être condamnée à mort.

En l'absence d'un tel traité, on doit s'en remettre au bon vouloir de la Chine d'accepter nos demandes d'extradition. Autrement dit sans ce traité, on ne peut exiger la remise d'un de nos nationaux pour le juger en France.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission adopte le projet de loi et propose son examen sous forme simplifiée en séance publique.

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