Un constat s'impose : l'inflation est basse partout en Europe. En France, nous avons eu la surprise de la trouver autour de 0,8-0,9 %, alors que nous retenions initialement plutôt une prévision d'inflation de 1,3 % en 2013. L'inflation est très basse aussi dans les pays dits périphériques ; l'Espagne a même connu une période d'inflation négative ! De manière surprenante, en Allemagne, qui a été le premier pays à retrouver son niveau de produit intérieur brut (PIB) antérieur à la crise, le taux d'inflation n'était en mars que de 0,9 %.
Certains facteurs explicatifs valent pour l'ensemble des pays développés : les prix des matières premières sont bas partout et, du fait de l'ouverture des économies - qui est à l'origine d'une décorrélation entre l'inflation et les cycles économiques -, l'inflation est structurellement plus faible ; d'autres facteurs sont propres à la zone euro : l'appréciation du taux de change de l'euro réduit l'inflation importée, tandis que les processus de désendettement des États et des ménages et la rationalisation des bilans bancaires tirent la demande à la baisse dans tous les pays.
En termes de politiques économiques, quand l'inflation est faible - et non pas nécessairement négative -, c'est déjà un problème. En ce qui concerne la consolidation des finances publiques, la faiblesse de l'inflation a pour effet de réduire le rendement de la désindexation de certaines pensions et les recettes fiscales sont moins importantes. En outre, les processus de rééquilibrage visant à retrouver de la compétitivité sont plus difficiles. Mais s'y ajoute le risque de la déflation, qui s'est produite au Japon sans y avoir été anticipée.
Trois orientations sont possibles pour faire face au risque de déflation. En matière de politique budgétaire, certains pays qui ont des disponibilités de demande pourraient faire plus. Si l'on considère par exemple les composantes de la demande en Allemagne, on constate que les taux d'épargne des ménages et des entreprises y sont très élevés, tandis que l'augmentation des salaires et le niveau d'investissement public sont faibles. Nous demandons donc à nos amis allemands davantage de volontarisme et de relance par l'investissement public ; ceci a été recommandé par la Commission européenne dans le cadre de la procédure concernant les déséquilibres macroéconomiques (PDM). Quant à la politique monétaire, le mandat de la BCE est de maintenir l'inflation autour de 2 % ; elle perçoit le problème et a l'intention d'agir, notamment à travers le taux de change de l'euro. Il faut enfin s'interroger sur la gestion des ajustements dans la zone euro : les pays qui subissent un choc asymétrique, comme une bulle immobilière, se voient aujourd'hui recommander la baisse des prix et des salaires, c'est-à-dire une stratégie de dévaluation interne, pour retrouver de la compétitivité. Dans d'autres zones monétaires, des stabilisateurs automatiques permettent d'amortir le choc. Si la Lorraine connaissait une crise économique, elle bénéficierait de transferts de l'État par le biais des assurances chômage, santé, etc. Mais pour les pays membres de la zone euro, il n'y a pas de soutien du niveau central ; les ajustements se font uniquement par la baisse des salaires et des prix, sans amortisseurs, entraînant une forte dégradation de la demande locale. D'où les propositions récentes de créer un budget de la zone euro et d'instituer un salaire minimum et une assurance chômage de la zone euro. Les questions de conjoncture et les questions structurelles sur l'avenir de la zone euro sont étroitement liées pour qui s'occupe de prévenir les risques de déflation et de faible inflation en Europe.