Intervention de Anton Brender

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 28 mai 2014 : 1ère réunion
Risque de déflation dans la zone euro — Audition conjointe de Mm. Michel Aglietta professeur émérite à l'université paris x nanterre anton brender directeur des études économiques de candriam et professeur associé honoraire à l'université paris-dauphine renaud lassus chef du service des politiques macroéconomiques et des affaires européennes de la direction générale du trésor et xavier timbeau directeur du département analyse et prévision de l'observatoire français des conjonctures économiques ofce

Anton Brender, directeur des études économiques de Candriam et professeur associé honoraire à l'université Paris-Dauphine :

Le phénomène de déflation qui menace la zone euro concerne aussi les États-Unis. L'euro s'est apprécié en change effectif réel, soit par rapport aux monnaies des partenaires des États de la zone euro, de la même manière que le dollar par rapport à celles des partenaires des États-Unis.

Si l'on ne considère, dans le panier des prix à la consommation, que les composantes sous-jacentes, on observe que les prix des biens baissent aux États-Unis, alors qu'en Europe, ils ne progressent pratiquement plus mais ne baissent pas. Les prix des services, hors énergie, baissent également. Les pays du centre de la zone euro, comme la France, connaissent sur ce point une évolution parallèle à celle des États-Unis. Mais à la périphérie de la zone, en Espagne, en Italie ou en Irlande, les prix des services se sont véritablement effondrés - c'est ce qui explique la différence de situation entre la zone euro et les États-Unis. C'est le résultat de l'évolution du salaire horaire, qui a légèrement progressé en France et en Allemagne, mais beaucoup baissé en Grèce et au Portugal, tandis qu'il stagnait en Espagne.

Comme nous le disions, la France n'a pas d'expérience récente de déflation, mais dans les pays où elle s'est produite par la dette, elle est passée par une baisse des revenus plus rapide que celle des prix : les agents endettés doivent toujours les mêmes sommes, mais voient diminuer leur capacité de les rembourser. C'est ce qui s'est produit au Japon et qui guette les ménages européens endettés. Entre 1991 et 2000, le niveau de la dette des ménages japonais n'a pas cessé de monter, tandis que leurs revenus progressaient nettement moins vite ; le poids de leur dette a donc augmenté constamment pendant dix ans. Leurs dépenses étant contraintes, la demande a baissé. Une fois formé, ce cercle de la déflation est très difficile à desserrer.

Dans la zone euro, depuis 2006, la dette des ménages progresse plus vite que leurs revenus : on va dans la même direction que le Japon, mais un peu moins vite. Décomposons le phénomène par pays : en France, la dette des ménages est relativement faible par rapport à leur revenu disponible ; mais pour l'Irlande, l'Espagne et surtout les Pays-Bas, la courbe est comparable à celle du Japon dans les années 1990. Les Pays-Bas sont le seul pays du centre de l'Europe où la consommation des ménages baisse constamment depuis trois ans.

L'Espagne a fait en cinq ans l'ajustement que le Japon avait fait en vingt - cela explique la pression déflationniste qui y a sévi. Nous avons intégré notre système financier, mais nos systèmes de banques de détail continuent à être complètement différents d'un pays à l'autre. Les ménages s'endettent de façon très différente d'un pays à l'autre : en Espagne, les ménages amortissent leur dette tous les ans, en profitant de la baisse des taux variables ; aux Pays-Bas, on rembourse d'abord les intérêts, dont le taux ne varie pas, jusqu'à l'échéance, de vingt ans par exemple, à laquelle on rembourse l'ensemble du capital. L'évolution des taux joue donc dans ces pays de manière très différente. C'est une des raisons pour lesquelles les politiques monétaires sont impuissantes à gérer la conjoncture.

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