Intervention de Michel Aglietta

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 28 mai 2014 : 1ère réunion
Risque de déflation dans la zone euro — Audition conjointe de Mm. Michel Aglietta professeur émérite à l'université paris x nanterre anton brender directeur des études économiques de candriam et professeur associé honoraire à l'université paris-dauphine renaud lassus chef du service des politiques macroéconomiques et des affaires européennes de la direction générale du trésor et xavier timbeau directeur du département analyse et prévision de l'observatoire français des conjonctures économiques ofce

Michel Aglietta, professeur émérite à l'université Paris X Nanterre :

Les stress tests réalisés jusqu'en 2013 n'étaient pas sérieux en raison, notamment, de l'endogamie entre les gouvernements et les banques qu'ils supervisaient. Désormais, la BCE est le seul superviseur. Ses méthodes sont précises et ses hypothèses de scénarios extrêmes très dures. Les bilans bancaires seront analysés ligne par ligne. Le mécanisme de résolution, en revanche, m'inquiète. Si les banques sont incapables de trouver des fonds privés, on risque de retomber dans le cercle vicieux qui a conduit à la crise de l'euro avec des gouvernements incapables de recapitaliser. Mais les États seraient alors contraints de coopérer en raison des transferts rendus nécessaires par cette situation.

En France, il est souhaitable de ne pas rester prisonniers du traité européen de stabilité budgétaire. Le solde structurel de l'exercice 2013 est inférieur à celui prévu dans le cadre de la trajectoire pluriannuelle des finances publiques définie en 2012. Pour le respecter, il faudrait encore aggraver l'austérité ! Repoussons plutôt la date de retour à l'équilibre du solde structurel. Cinq ans, c'est trop peu ! Toutes les études historiques le montrent. De plus, le dérapage du solde structurel est dû en partie à la faible inflation, à hauteur de 0,5 point de PIB, qui augmente la valeur réelle de la dette, tandis que l'élasticité des recettes fiscales par rapport au PIB s'est révélée inférieure aux prévisions. Adaptons-nous : passons d'un carcan de règles à une coopération tenant compte des contingences actuelles !

Il est très difficile de définir et de calculer le potentiel de croissance. Il est calculé généralement par rapport à l'inflation. Comme il n'y a plus d'inflation depuis des décennies, les tensions proviennent du surendettement. Les potentiels de croissance avant la crise étaient surévalués : des déséquilibres massifs se sont cumulés sans ajustement des marchés. En tenant compte des déséquilibres financiers, on aboutit à des potentiels de croissance inférieurs. D'où la nécessité d'investir. Or les banques ont le risque en aversion. L'enjeu est de mobiliser l'épargne de long terme, comme celle des fonds de pension ou des fonds souverains. La BEI n'est pas adaptée à cet égard car elle ne prend pas de risques. Créons plutôt un fonds européen d'investissement, avec un capital alimenté par le budget européen ou par les États. Seuls 9 % du budget de l'Union européenne sont consacrés à la compétitivité et à la croissance. Il suffirait de le restructurer pour mettre sur pied ce système d'intermédiation européen et pour favoriser les investissements liés à l'environnement et au changement climatique.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion