Intervention de Jacques Gautier

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 29 janvier 2015 : 1ère réunion
Audition de M. Jean-Yves Le drian ministre de la défense

Photo de Jacques GautierJacques Gautier, président :

Au seuil de cet échange, je voudrais exprimer l'émotion qui a été la nôtre à l'annonce de l'accident survenu lundi dernier, sur la base de Los Llanos, en Espagne, dans le cadre d'un programme de formation pour pilotes de l'OTAN. Cet accident, le plus grave que l'armée de l'air ait eu à déplorer dans son histoire récente, a coûté la vie à neuf militaires français et en a blessé plusieurs autres, qui presque tous appartenaient à la base de Nancy-Ochey. Mardi, Monsieur le Ministre, vous vous êtes rendu sur place ; notre collègue Daniel Reiner, si fortement attaché à la base de Nancy et à ses personnels, vous accompagnait. Le même jour, le Sénat, en séance publique, a rendu un hommage solennel aux victimes, en observant à leur mémoire une minute de silence.

Au nom de l'ensemble des membres de notre commission, Monsieur le Ministre, je vous témoigne notre présence amicale à vos côtés dans ces moments douloureux, et notre confiance dans les armées françaises et leurs moyens d'agir dans l'intérêt supérieur du pays. En pensant à nos neuf morts, à nos blessés, à leurs frères d'armes et à leurs familles, je vous invite, mes chers Collègues, à observer à présent une minute de silence.

Mesdames et Messieurs les Sénateurs membres de la commission et M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense, observent, debout, une minute de silence.

Monsieur le Ministre, je vous remercie de vous être rendu disponible pour cette audition. Vous voudrez bien excuser l'absence du Président Raffarin, qui accompagne actuellement le Premier ministre dans un déplacement en Chine. Au-delà de la tragédie que je viens d'évoquer, et sur laquelle vous pourrez peut-être nous donner des informations, nous avons souhaité vous entendre pour plusieurs séries de raisons.

La première tient à la mobilisation actuelle de plus de 10 000 hommes, au titre de missions intérieures de protection, dont près de 8 000, déployés en quelques jours, dans le cadre du plan « Vigipirate » porté à son niveau « Alerte Attentats ». Comment avez-vous pu si bien et si vite répondre au besoin, alors même que les forces armées assurent en tout temps une présence permanente sur le territoire et que 8 500 de nos militaires restent déployés, toutes zones d'intervention confondues, en opérations extérieures ? Surtout, comment maintiendrez-vous ce dispositif très important dans la durée, d'autant que nos concitoyens vont s'habituer à la présence rassurante de l'armée ?

Du reste, cette organisation a suscité des réserves de la part de certains spécialistes. Placer des gardes devant des lieux sensibles qui, jusqu'alors, étaient parfois discrets - des lieux de culte, des écoles confessionnelles, notamment israélites - n'est-ce pas accentuer la visibilité de ces lieux, donc les rendre encore plus sensibles ? Par ailleurs, la garde statique, qui certes rassure les riverains des lieux ainsi protégés, répond-elle bien à la menace terroriste, ou ne revient-elle pas, au contraire, à offrir une cible supplémentaire pour un attentat ?

La deuxième série de raisons de cette audition est liée à la décision du Président de la République, le 21 janvier dernier, de conserver 7 500 postes, dont 1 500 en 2015, sur les 26 000 dont la loi de programmation militaire (LPM) prévoyait la suppression entre 2014 et 2019. Cette décision s'explique naturellement par le contexte, mais elle aura un coût budgétaire, tenant aux économies non réalisées sur la masse salariale et le fonctionnement. Des chiffres, à cet égard, ont d'ores et déjà circulé ; il manquerait ainsi de 500 millions à un milliard d'euros sur la période 2015-2018. Comment la mesure sera-t-elle financée, sans remettre en cause les autres engagements prévus par la loi de programmation militaire ? Je pense en particulier à l'équipement de nos forces, pour lequel les crédits budgétaires sont déjà insuffisants. Quelles seront, d'ailleurs, les catégories d'emplois maintenus ?

Troisième sujet : je voudrais vous demander où en est la mise en place des « sociétés de projet », ce dispositif destiné à permettre la vente puis la location de certains équipements militaires par le ministère de la défense, afin de dégager 2,2 milliards d'euros de ressources exceptionnelles (REX), prévues pour 2015 par la LPM et la loi de finances, qui ne pourront pas provenir de cessions de fréquences hertziennes comme initialement programmé. Le Gouvernement, la semaine dernière, a déposé à cet effet, à l'Assemblée nationale, un amendement au projet de loi pour la croissance et l'activité. Nous avons déjà exprimé nos réserves sur le mécanisme envisagé. Cependant, si les sociétés de projet apparaissent comme le seul moyen de trouver les crédits qui sont nécessaires au budget de la défense, nous ne pourrons que vous soutenir, Monsieur le Ministre, dans cette réalisation.

Il y aurait encore beaucoup de sujets à évoquer ; je me limiterai à un seul, laissant à mes collègues le soin de vous interroger sur les autres. La LPM, dans une forme de « clause de revoyure », prévoit sa propre actualisation avant la fin de l'année 2015. Cette révision a été annoncée par le Gouvernement avant l'été prochain. Ce travail, qui est complexe et va devoir être conduit dans un contexte budgétaire défavorable, exige une préparation ; nous souhaitons naturellement savoir comment, Monsieur le Ministre, vous entendez travaillez dans cette perspective avec le Parlement, en particulier avec les commissions chargées de la défense à l'Assemblée nationale et au Sénat. La nôtre, vous le savez, appuie votre engagement au service de la défense.

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