Intervention de Jean-Yves Le Drian

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 29 janvier 2015 : 1ère réunion
Audition de M. Jean-Yves Le drian ministre de la défense

Jean-Yves Le Drian, ministre :

J'espère vous convaincre. Quoi qu'il en soit, en ce qui concerne notre modèle d'armée, les capacités qu'il sera possible de déployer bénéficieront à nos fonctions de protection du territoire national, qui doivent être raffermies, ainsi qu'à nos capacités de renseignement et de réponse aux cyber-attaques, tout en préservant nos capacités d'intervention extérieure. Le dispositif de riposte et d'adaptation aux mutations du terrorisme est ainsi complet, après les annonces détaillées déjà faites par le Premier ministre pour les ministères de l'intérieur et de la justice. Je voudrais simplement revenir ici, parmi les suites données par le Gouvernement dans ce nouveau contexte, au projet de loi relatif au renseignement, dont la préparation est désormais accélérée.

Ce texte permettra de moderniser les dispositions de la loi du 10 juillet 1991 sur les écoutes administratives - les fameuses « interceptions de sécurité » -, qui ne sont plus adaptées à l'évolution des technologies, mais également d'ouvrir d'autres possibilités techniques de recueil de renseignement pour les services chargés de ces missions de prévention du terrorisme et des autres atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation. Il va de soi que l'amélioration des moyens légaux offerts aux services pour faire leur travail sera compensé par un accroissement des prérogatives de l'autorité administrative indépendante aujourd'hui chargée du contrôle des interceptions et de l'accès aux données de connexion mais qui pourra demain couvrir l'ensemble des techniques de recueil de renseignement. La Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS) mérite d'être modernisée dans sa composition et dans ses attributions. Elle aura aussi besoin de voir ses moyens d'expertise technique renforcés afin que le contrôle soit efficace et garantisse un parfait respect de l'État de droit.

Avant de conclure ce propos liminaire, je voudrais encore vous livrer une réflexion sur le continuum qui existe entre sécurité intérieure et sécurité extérieure, puisqu'il est aujourd'hui plus que jamais au fondement des engagements de nos armées, et faire le lien avec les opérations que nous menons au-delà de nos frontières.

Aujourd'hui, il est clair que la conjonction de la menace extérieure et de la menace intérieure nous place dans une situation inédite, en tout cas depuis longtemps. Ce continuum est singulièrement fort. Et c'est bien parce qu'il y a une continuité dans les menaces que le Président de la République et le Gouvernement ont eu l'initiative d'une continuité dans notre stratégie de réponse.

Nos services de renseignement sont bien évidemment au coeur de cette stratégie. Vis-à-vis de la menace extérieure, ils constituent même notre première ligne de défense. Grâce à leurs moyens techniques et humains, ils surveillent de manière hautement prioritaire cette menace, qu'ils abordent sous des angles complémentaires. Au plus près comme au plus loin, ils développent des actions d'entrave, ils détectent et permettent le ciblage de groupes armés terroristes dans nos zones d'opérations et d'intérêt, notamment au Sahel et en Irak. Ils contribuent à la protection de nos emprises à l'étranger, de nos forces déployées et de nos ressortissants.

Compte tenu de la fugacité de la menace, le combat de nos services repose sur la détection de signaux faibles. Cet enjeu partagé les a conduit à coopérer toujours davantage, allant jusqu'à fusionner certains de leurs moyens. Ainsi le suivi des djihadistes français est-il réalisé à partir d'une cellule commune à la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) et à la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), dans le respect des missions de chacun. Dans le même esprit, une cellule interservices de fusion du renseignement, destinée à appuyer nos opérations militaires au Levant, a été mise en place auprès de l'état-major des armées. Le ministère de la défense, dans toutes ses composantes, est donc pleinement mobilisé pour traquer et neutraliser ce qui est aujourd'hui la première menace qui pèse sur notre sécurité.

Il y a une nécessité absolue de ne pas opposer l'opération intérieure que nous venons d'engager et celles que nous menons à l'extérieur de nos frontières : c'est une même dynamique, une même volonté de sécuriser notre territoire et défendre nos concitoyens. Combattre Daech, c'est réduire la menace terroriste en France ; combattre la menace terroriste en France, c'est affaiblir Daech. Les lâches attentats des 7 et 9 janvier ne nous détourneront donc pas de l'action que nous avons entreprise au Sahel et au Levant, bien au contraire. Au moment où nous renforçons notre dispositif de sécurité intérieure, nous poursuivons nos engagements extérieurs, car nous faisons face à une même menace.

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