L'audition qui va se dérouler à présent va nous permettre de préparer celle du commissaire européen en charge de la fiscalité, Algirdas Semeta, qui aura lieu demain. L'actuelle Commission européenne étant en fin de mandat, il en sera d'autant plus libre de s'exprimer - du moins peut-on le souhaiter...
Comme chacun le sait, la concurrence fiscale est une préoccupation aujourd'hui présente dans les différents pays de l'Union européenne, et devrait l'être sans doute encore davantage dans l'esprit des gouvernants, comme des législateurs.
Le monde économique, tel que nous le connaissons, se caractérise de plus en plus par la mobilité des bases fiscales : ces dernières réagissent à tout ce qui pourrait apparaître pénalisant. Aussi, l'ajustement des bases est susceptible de contrarier fortement les politiques gouvernementales.
En 1999, nous avions sollicité l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) sur le thème de la concurrence fiscale, et le rapporteur général de l'époque avait alors tracé quelques perspectives. La commission des finances du Sénat était déjà très consciente de ces problématiques. On serait tenté de penser que, si cette prise de conscience avait été aussi large au sein des gouvernements qui se sont succédé, la compétitivité de notre pays serait aujourd'hui plus grande.
Après l'adoption du « code de conduite dans le domaine de la fiscalité des entreprises » en 1997, la Commission a engagé, en 2001, la « stratégie pour la fiscalité des sociétés », puis proposé, en 2011, l'instauration d'une assiette commune consolidée pour l'impôt sur les sociétés (ACCIS). Pour autant, rien ne s'est passé au plan communautaire en faveur d'une harmonisation de l'imposition des entreprises : la règle de l'unanimité, qui s'impose s'agissant des décisions touchant à la fiscalité, bloque toute réelle avancée.
S'agissant du projet d'ACCIS, celui-ci ne réglait pas de manière satisfaisante la question la plus délicate, celle de la répartition des bases au sein d'un groupe consolidé. Quelle est la richesse ? Où se situe-t-elle ? Qui la taxe ? Sur ce sujet, les travaux de la Commission n'ont jamais été menés, selon moi, à leur terme.
Durant toute cette période, la crise des finances publiques s'est aggravée, et la concurrence fiscale est plus forte que jamais - ce que le Royaume-Uni a bien compris, si l'on regarde les mesures successives d'abaissement de son taux d'impôt sur les sociétés. De la même manière, l'Allemagne et l'Italie, depuis 2008, ont procédé à des réductions du taux de taxation des bénéfices des entreprises.
Les comparaisons en la matière sont toujours délicates, les taux ne s'appliquant pas à des bases homogènes. La mise en oeuvre d'un outil commun d'appréciation des résultats des entreprises, vertu que l'on pouvait attacher à l'ACCIS, n'est pas devenue réalité, loin de là !
Comment notre pays s'inscrit-il aujourd'hui dans la course à la concurrence fiscale ? Le Premier ministre parlait, hier, de sa volonté de voir le taux d'imposition sur les bénéfices diminuer. Nous ne comprendrons la façon dont il est prévu de financer les baisses d'impôts supplémentaires qui ont été annoncées que lorsque nous serons saisis du collectif budgétaire... Ce n'est pas le débat d'aujourd'hui mais, en ce qui concerne cette course à la concurrence fiscale, les quatre personnalités que nous avons devant nous vont pouvoir nous aider dans notre réflexion.
M. Thierry Madiès fut autrefois l'un des rédacteurs du rapport sur la concurrence fiscale en Europe, que l'OFCE, sous la direction de Jacques Le Cacheux, avait remis en 1999 à la commission des finances du Sénat, qui l'avait commandité et financé...