Je tiens à vous remercier de votre invitation, et surtout de l'intérêt que vous portez aux travaux de l'OCDE, en particulier au projet BEPS.
J'ai trois messages à vous adresser aujourd'hui. En premier lieu, la concurrence fiscale n'a pas vocation à disparaître. En second lieu, elle doit avoir des limites. Enfin, lorsqu'elle devient dommageable et pose problème, elle doit être éliminée. Nous sommes en train, dans le cadre du projet BEPS, de renforcer la lutte contre ce type de concurrence fiscale, sur la base des travaux que l'OCDE a débuté il y a plus de dix ans concernant les pratiques fiscales dommageables.
La politique fiscale est au coeur de la souveraineté nationale, et les choses ne sont pas prêtes de changer à court terme. En même temps, la croissance dépend de l'investissement, qui inclut l'investissement étranger. Je suis d'accord avec le professeur Madiès : le poids des investissements étrangers change suivant le pays, mais je pense que, dans le monde d'aujourd'hui, il faut également être compétitif pour éviter que des acteurs nationaux ne délocalisent leurs activités dans d'autres pays pour des raisons de compétitivité et de concurrence fiscale.
Quand la concurrence fiscale devient-elle dommageable ? Nous disposons d'une liste de critères agréés par les pays membres de l'OCDE. Il y a longtemps que ceux-ci ont reconnu la liberté de chaque État de définir sa politique fiscale au niveau national, mais aussi qu'il existe des limites, et que l'on doit veiller à la question de la substance économique et à la transparence des régimes préférentiels. S'agissant de la substance économique, un pays peut, naturellement, mettre en place une fiscalité privilégiée pour attirer des investissements réels ; cependant certains favorisent l'installation de « profits en papier » - aujourd'hui l'on constate le développement, dans différents pays, de régimes préférentiels de taxation de la propriété intellectuelle.
C'est en principe une très bonne chose que d'essayer de renforcer la compétitivité en matière de recherche et développement, mais on se contente souvent de contrats qui stipulent qu'une société détient le brevet, la licence ou la propriété intellectuelle sans qu'il y ait des activités réelles de recherche et développement. Les bénéfices qui en découlent au sein du groupe sont taxés à des niveaux faibles, voire nuls. Ceci pose problème...
La possibilité, dans certains pays, d'obtenir une taxation privilégiée sur la base des rulings, ces accords souvent secrets entre l'administration et le contribuable, avec des niveaux d'imposition qui peuvent s'élever à 4 % ou 5 %, et ce en l'absence de toute transparence, pose également problème.
Nous essayons, dans le cadre du projet BEPS, de réviser les régimes de taxation préférentiels en matière de propriété intellectuelle dans les pays membres de l'OCDE et du G20, sur la base des critères de substance et de transparence. Cette révision sera achevée en septembre 2014. Au cours de l'année prochaine, nous étendrons l'analyse à des pays ne faisant pas partie de l'OCDE. En 2015, nous réviserons les critères pour clarifier les limites en matière de concurrence fiscale.
Tout ceci va dans le sens d'un projet plus large qui concerne, pour les pays, la concurrence fiscale et, pour les contribuables, la planification fiscale plus agressive. J'espère que nous serons alors dans un monde différent en termes de fiscalité internationale.