Le présent projet de loi de finances rectificative (PLFR) et le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale (PLFRSS), que nous présentera dans une semaine notre collègue Jean-Pierre Caffet, constituent la première traduction législative du Pacte de responsabilité et de solidarité. Ce Pacte vise à concilier le soutien à la croissance et à l'emploi, grâce à des baisses ciblées de prélèvements, et la consolidation des finances publiques, sous la forme d'un plan d'économies de 50 milliards d'euros entre 2015 et 2017. Pour ce qui est des prélèvements, le Pacte de responsabilité et de solidarité prévoit la poursuite de l'allègement du coût du travail, grâce à la suppression des cotisations patronales au niveau du SMIC et à la révision du barème des allègements pour le rendre plus favorable jusqu'à 1,6 SMIC à partir de 2015 (pour un montant total estimé à 4,5 milliards d'euros). À compter de 2016, interviendrait également un abaissement des cotisations familiales de 1,8 point entre 1,6 et 3,5 SMIC (4,5 milliards d'euros). À cela s'ajouterait une réduction des cotisations familiales pour les travailleurs indépendants (1 milliard d'euros). Compte tenu du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), le coût du travail serait allégé de 30 milliards d'euros au total en 2017.
Le Pacte prévoit, en outre, la modernisation de la fiscalité des entreprises, qui fait suite aux concertations intervenues dans le cadre des Assises de la fiscalité. Elle intègre la suppression progressive de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S), soit une diminution de 6,2 milliards d'euros bruts, avec une première réduction de 1 milliard d'euros dès 2015, puis une deuxième d'un même montant en 2016. À cela s'ajoutent la fin de la contribution exceptionnelle - dite « surtaxe » - sur l'impôt sur les sociétés, dont la suppression est prévue en 2016 par le présent PLFR, et la diminution du taux d'impôt sur les sociétés de 33 1/3 % à 28 % d'ici à 2020, avec une première étape en 2017.
Enfin, des mesures de solidarité pour les ménages modestes seront mises en place, comprenant une mesure provisoire d'allègement sur l'impôt sur le revenu de 1,16 milliard d'euros en 2014, qui figure dans le présent PLFR, une mesure pérenne portant également sur l'impôt sur le revenu, d'un montant de 2,5 milliards d'euros à compter de 2015, et la mise en place d'un dispositif de réduction des cotisations salariales entre 1 et 1,3 SMIC à partir de 2015. Au total, le Pacte de responsabilité et de solidarité conduirait à une baisse des prélèvements obligatoires d'environ 25 milliards d'euros entre 2015 et 2017.
Il convient de rappeler que la trajectoire pluriannuelle des finances publiques présentée par le Gouvernement dans le cadre du programme de stabilité 2014-2017 repose, entre 2015 et 2017, sur un effort en dépenses de 50 milliards d'euros, réparti entre les différents sous-secteurs d'administrations publiques, en fonction de leur poids dans les dépenses publiques. L'effort en dépenses représenterait 21 milliards d'euros dès 2015. En outre, le programme de stabilité précise que « le total des économies sera porté à 37 milliards d'euros environ en 2016, et atteindra les 50 milliards d'euros en 2017 ».
Le Gouvernement retient une hypothèse de croissance de 1,0 % pour 2014. Le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) a jugé, dans son avis du 5 juin 2014, que les évolutions conjoncturelles récentes rendaient « l'atteinte de l'objectif de croissance en 2014 moins probable », même si la prévision n'est pas « hors d'atteinte ». Dans son précédent avis portant sur le programme de stabilité, publié en avril dernier, il avait estimé que « la prévision de croissance [...] de 1,0 % pour l'année 2014 [était] réaliste ». Le changement intervenu dans l'appréciation du Haut Conseil s'explique, notamment, par la publication par l'Insee, le 15 mai dernier, de données faisant apparaître une croissance du PIB nulle au premier trimestre. Les prévisions de croissance retenues par le Gouvernement pour 2014 sont, malgré tout, en ligne avec celles de la Commission européenne et du Fonds monétaire international (FMI) qui, dans leurs prévisions, anticipent également une hausse du PIB de 1 % ; l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) prévoit, quant à elle, une croissance de 0,9 %. Enfin, des évolutions encourageantes doivent être soulignées, comme les décisions de politique monétaire annoncées par la Banque centrale européenne (BCE) qui ont vocation à favoriser la croissance économique. Ces éléments laissent penser que l'atteinte d'un taux de croissance de 1 % en 2014 demeure crédible même s'il apparaît désormais qu'il se situe dans le « haut de la fourchette » des prévisionnistes.
Le principal aléa entourant le scénario économique pour l'année 2014 réside dans la trajectoire d'inflation. Le Haut Conseil des finances publiques a jugé que « la prévision d'une inflation de 1,2 % en moyenne sur l'année 2014 [était] manifestement élevée au vu de celle constatée depuis l'automne 2013 (0,7 % en glissement annuel) et des anticipations des chefs d'entreprise sur l'évolution de leurs prix de vente ». L'Insee estime, dans sa note de conjoncture de juin, que l'inflation resterait inférieure à 1 % en 2014, mais qu'elle « pourrait croître à nouveau notamment si les mesures annoncées par la BCE début juin permettent de faire baisser l'euro ».
Le présent projet de loi de finances rectificative poursuit, avec le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale (PLFRSS) l'effort de consolidation des comptes publics engagé par le Gouvernement en 2012. Toutefois, la problématique est modifiée en 2014, en raison du déclenchement du mécanisme de correction budgétaire, le Haut Conseil ayant identifié, dans son avis du 23 mai 2014, un « écart important » (- 1,5 point de PIB) entre le solde structurel constaté en 2013 (- 3,1 % du PIB) et les orientations arrêtées par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 (- 1,6 % du PIB). Ce mécanisme, créé par la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, répond à une exigence du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG). Il vise à garantir le respect de la trajectoire du solde structurel définie par la loi de programmation des finances publiques. Le mécanisme de correction sera analysé plus en détail lors de l'examen du projet de loi de règlement et du rapport préparatoire au débat d'orientation des finances publiques (DOFP) - jeudi 10 juillet en commission des finances - dans le cadre duquel le Gouvernement doit exposer les mesures qu'il entend prendre à l'automne. Pour autant, le Haut Conseil a noté que « par rapport à la loi de programmation, l'ajustement supplémentaire prévu par le gouvernement dans le collectif (0,2 point de PIB) corrig[eait] peu l'écart à la trajectoire inscrite dans cette loi (1,5 point de PIB en 2013) ».
L'article liminaire fait apparaître une prévision de solde effectif de - 3,8 % du PIB pour 2014 et de solde structurel de - 2,3 % du PIB. Ce dernier serait donc plus dégradé de 1,2 point de PIB que la cible retenue dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques, qui retenait un objectif de - 1,1 % du PIB. La réduction de l'écart de solde structurel à la trajectoire des finances publiques par rapport à celui constaté en 2013 montre que l'effort budgétaire prévu en 2014 permet d'engager la correction de l'« écart important » constaté par le Haut Conseil.
Anticipant le déclenchement du mécanisme de correction, le Gouvernement a prévu, dans le projet de loi de finances pour 2014, un effort structurel de 0,9 point de PIB, supérieur de 0,4 point de PIB à celui prévu dans la loi de programmation. Il reposait à hauteur de 0,2 point de PIB sur les mesures nouvelles en recettes et à hauteur de 0,7 point sur un effort en dépenses. Toutefois, les évolutions intervenues depuis l'automne 2013 ont conduit à réviser l'ampleur de l'effort structurel en raison du moindre dynamisme des recettes constaté en début d'année - l'élasticité étant désormais évaluée à 0,9 contre 1 dans le projet de loi de finances initiale - ainsi que de la révision à la baisse du rendement des mesures nouvelles en prélèvements obligatoires. Deux autres phénomènes atténuent l'effort en dépenses initialement envisagé : le dynamisme des dépenses de collectivités territoriales - le programme de stabilité ayant réévalué à la hausse la croissance en valeur des dépenses locales en 2014 de 1,2 % à 1,7 % - et la révision à la baisse de l'inflation. Selon le Gouvernement, l'effort structurel en recettes en 2014 serait abaissé à 0,1 point de PIB. Quant à l'effort en dépenses (0,7 point de PIB), il serait maintenu grâce aux économies supplémentaires prévues dans les textes financiers rectificatifs pour 2014 (qui correspondent à un effort de 0,2 point de PIB). En l'absence de composante non discrétionnaire, l'ajustement structurel serait égal à l'effort structurel, soit 0,8 point de PIB.
Les projets de lois de finances rectificative et de financement rectificative de la sécurité sociale prévoient des économies supplémentaires d'un montant de 4 milliards d'euros, auxquels s'ajoute une révision à la baisse de 1,8 milliard d'euros de la charge de la dette de l'État. Ces économies supplémentaires reposent sur l'État, à hauteur de 1,6 milliard d'euros. L'absence temporaire de revalorisation des prestations sociales - logement et retraites - conduirait à une économie de 0,3 milliard d'euros en 2014. La consolidation de l'acquis de la maîtrise des dépenses entrant dans le champ de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) représenterait un effort supplémentaire de 0,8 milliard d'euros. Enfin, un ensemble de mesures ne nécessitant pas de traduction législative dans les textes financiers rectificatifs complèterait ces dispositions. Il s'agit de moindres dépenses de l'Unédic en 2013, qui se reportent en 2014 (0,6 milliard d'euros), de la révision du rythme de décaissement des investissements d'avenir, compte tenu des dernières informations émanant du Commissariat général à l'investissement (CGI) et, notamment, de la sous-consommation constatée en 2013 (0,4 milliard d'euros) et, enfin, des économies réalisées en 2013 dans le champ du Fonds national d'action sociale (FNAS) de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) qui sont également pérennisés en 2014 à hauteur de 0,3 milliard d'euros.
Le projet de loi de finances rectificative prévoit une mesure fiscale en faveur des ménages modestes, figurant à l'article premier, qui consiste en une réduction de l'impôt sur le revenu dû en 2014 pour les contribuables dont le revenu fiscal de référence n'excède pas le montant imposable d'un salaire de 1,1 SMIC. Le coût de ce dispositif est estimé à 1,16 milliard d'euros ; son incidence sur le solde de l'État est en grande partie compensée par les bons résultats de la lutte contre la fraude fiscale, qui devrait être à l'origine d'un surcroît de recettes d'environ 1 milliard d'euros par rapport à la prévision de la loi de finances initiale.
L'article liminaire du PLFR fait apparaître une prévision de solde effectif de - 3,8 % du PIB et de solde structurel de - 2,3 % du PIB. L'Assemblée nationale a modifié cet article contre l'avis du Gouvernement, en dégradant la prévision de solde conjoncturel de - 1,5 % du PIB à - 1,9 % et en améliorant celle de solde structurel de - 2,3 % du PIB à - 1,9 %, ce qui nous rapproche de 0,4 point du retour vers l'équilibre structurel. Compte tenu du caractère inédit de cette initiative et afin de comprendre les raisons pour lesquelles elle ne nous paraît pas souhaitable, il semble utile de revenir dans le détail sur les notions de solde structurel et de solde conjoncturel.
Notre trajectoire des finances publiques est désormais orientée vers un objectif à moyen terme (OMT) défini en termes de solde structurel. Deux composantes du solde public effectif peuvent être identifiées : le solde conjoncturel, qui correspond à la part des fluctuations du solde public dépendant des facteurs conjoncturels ou temporaires, et le solde structurel, soit le solde public constaté si le PIB est égal à son potentiel.