Intervention de Dominique de Legge

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 2 juillet 2014 : 1ère réunion
Externalisations en opérations extérieures — Contrôle budgétaire - communication

Photo de Dominique de LeggeDominique de Legge, rapporteur spécial :

Les militaires considèrent qu'il faut distinguer l'externalisation, qui est une conséquence de la réduction du format des armées, et la sous-traitance, terme qu'ils préfèrent employer lorsqu'ils sont en opération extérieure et qu'ils recourent à des moyens non patrimoniaux.

Quelle que soit la pertinence de cette subtile distinction, nous emploierons le terme « externalisation » de manière très large pour désigner ce phénomène, qui n'est d'ailleurs pas nouveau.

En effet, en 1795, Ritter, commissaire du gouvernement près l'armée d'Italie, écrivait : « Le volontaire est nu et réduit, la majeure partie du temps, au quart de la ration de pain. Toujours à la merci de la compagnie Lanchère qui a si bien servi jusqu'ici à affamer nos armées ! ». De manière plus contemporaine, on rappellera que la marine nationale recourt depuis 1978 à l'affrètement de remorqueurs de haute mer auprès de la compagnie « Abeilles International », dans le cadre de ses missions d'action de l'État en mer.

Le recours à l'externalisation a pris de l'ampleur et fait l'objet d'une démarche plus systématique et volontariste.

On peut rapidement distinguer plusieurs périodes.

La première fait suite à la professionnalisation des armées et à la fin du service militaire. Elle a donné lieux à l'externalisation de nombreuses tâches, notamment l'alimentation, le blanchissage, le gardiennage...

La deuxième période a été initiée de manière plus centralisée, plus conceptualisée, dans le cadre de la réforme des armées et du ministère de la défense.

La volonté de recentrer les moyens de la défense sur les forces opérationnelles ne doit pas faire oublier que si l'intendance ne suit pas, c'est le front qui est exposé, ainsi que les hommes qui y sont.

Le risque majeur est d'entamer les capacités opérationnelles des forces : ce qui fonctionne en France et en temps de paix n'est pas forcément projetable sur un théâtre d'opération, notamment lorsqu'il faut entrer en premier sur un théâtre. Dès lors que les fonctions externalisées ont vocation, le cas échéant, à contribuer au soutien sur place d'une OPEX, il est nécessaire de conserver un minimum de savoir-faire et de moyens proprement militaires.

Par exemple, lors de notre déplacement au Mali, nous avons pu constater qu'à Bamako, la restauration était externalisée, alors que sur la base de Gao, la restauration est assurée par des militaires, en raison à la fois de la situation sécuritaire et de la nécessité de donner aux militaires chargés de cette fonction une expérience réelle d'un théâtre d'opération particulièrement difficile.

Ceci étant dit, je vous propose une typologie de l'externalisation.

Le premier type est l'externalisation que je qualifierai d' « additionnelle », qui a pour objet de répondre aux évolutions des besoins et des standards de soutien. Je pense à l'expérimentation CAPES France, ou au service Escale des Armées, qui offre aux personnels engagés en OPEX de nouveaux moyens de communication avec leur famille. Il s'agit de fournir une prestation nouvelle qui permet d'être plus efficace.

Un deuxième type est l'externalisation de substitution qui consiste à remplacer les personnels militaires et les moyens patrimoniaux existants par un prestataire extérieur.

Elle peut être motivée par la recherche d'économies au sens large ou la nécessité de respecter le plafond d'effectifs autorisés pour l'opération, tout en préservant au maximum le nombre de combattants.

Le but peut être double. L'externalisation du transport intra-théâtre sur la boucle arrière au Mali permet, en recourant à des transporteurs civils, à la fois d'éviter d'user le matériel militaire, dont le coût et les frais de maintenance sont particulièrement élevés, et de supprimer des effectifs dans le soutien au profit des forces opérationnelles.

Je mets cependant en garde contre le surcoût qu'engendrent les externalisations uniquement destinées à permettre le respect du plafond d'effectifs autorisés. Les prestations sur les théâtres d'opérations coûtent souvent bien plus cher qu'en métropole compte tenu des contraintes de ce type d'intervention.

Le troisième type d'externalisation est l'externalisation palliative. Il s'agit d'une externalisation subie, du fait que nos forces ne disposent plus de moyens propres suffisant pour assurer certaines fonctions. C'est le cas en particulier pour les transports. On a pu constater que la projection de la force Serval au Mali avait en large partie été réalisée grâce à l'affrètement d'avions russes et ukrainiens. Ce n'est pas forcément souhaitable en toute circonstance.

Je voudrais pour finir insister sur trois points.

Le premier est que l'externalisation est utile mais qu'il faut que nous gardions nos savoir-faire, notamment en situation dégradée.

Le deuxième est que l'externalisation ne doit pas être une réponse ponctuelle à des choix qui n'ont pas été faits par le passé. L'affrètement de moyens aériens fonctionne plutôt bien, mais cela pose problème quant à l'autonomie stratégique de nos armées.

Le dernier point, en lien avec la question de l'autonomie de la France, est la nécessité d'organiser la coopération européenne, afin de limiter notre dépendance à l'égard de certains prestataires privés.

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