Notre contribution de 7,5 % fait de la France le troisième contributeur au financement des opérations de maintien de la paix après les États-Unis et le Japon. Le budget de l'opération, tel que planifié pour 2013, est de 454 millions de dollars, soit une quote-part française pour 2013 de 30 millions environ. À cela il faut ajouter les coûts de lancement de l'opération, soit, en année pleine, un coût total compris entre 500 et 550 millions. J'en profite pour ouvrir une parenthèse sur la question des contrats. Selon leurs règles, les Nations unies ont le choix soit de passer des appels d'offre, soit de conclure des accords de gouvernement à gouvernement. Cette dernière solution a leur préférence car elle est plus rapide à mettre en place. L'ONU a donc proposé au gouvernement français ce type d'accord, dont la base serait la livraison d'une quantité déterminée d'eau ou autre par jour, contre paiement par l'ONU, à charge pour la France de s'occuper des relations avec ses fournisseurs. Bercy n'accepte pas cette procédure qui serait une violation du code des marchés publics et une garantie implicite accordée aux entreprises, or ceci doit être acté en loi de finances. Le ministère des affaires étrangères lutte depuis 2 mois pour essayer de trouver une solution, mais l'ONU s'impatiente. Nous sommes le seul pays à refuser à l'ONU cette solution ! J'ai alerté le ministre sur cette question, car nous allons perdre des contrats car nous n'avons pas le bon montage juridique.
Concernant la force française et celle des Nations unies, il n'y a aucun élément de subordination entre les deux. Nous sommes en train de négocier un accord pour nous permettre de venir en aide, le cas échéant, aux Nations unies, celui-ci précise que c'est la France qui prend, au final, la décision ou non d'intervenir, et que cette intervention n'est possible qu'en dernier recours. En outre, ce n'est pas une force, nous parlons de capacités, nous ne nous engageons pas à garder un certain nombre de militaires sur place pour les Nations unies, nous pouvons faire appel à des unités basées ailleurs.
S'agissant de la Russie, j'approuve les propos tenus par M. Laurent Fabius. La diplomatie russe est ancienne et son analyse est fondée sur l'idée de jeu à somme nulle. C'est une diplomatie légaliste, juridique, marquée par le précédent. Leur obsession est que rien ne ressemble à l'Irak, d'où leur opposition sur la Syrie. À leurs yeux, une bonne diplomatie est cohérente et fiable, et c'est ce qu'est la leur sur la Syrie. Sur la Libye, certainement qu'ils auraient voulu s'opposer à l'intervention, mais les pays africains comme arables étaient pour.
Concernant la réforme du Conseil de sécurité, seuls la France et le Royaume-Uni y sont favorables, pas par altruisme, mais pour légitimer notre présence, à vingt ans, dans un monde totalement changé. Les trois autres membres permanents s'opposent à l'élargissement, la Chine est le pays le plus virulent à cause de l'Inde et du Japon, les pays moyens sont également contre, et les pays africains aussi, qui ne veulent pas favorise l'hégémonie d'un seul pays. Donc la réforme est bloquée ! D'où une idée, émise par la France il y a quelques années, qui pourrait être de créer des mandats de cinq à sept ans. Mais ce n'est pas mis en oeuvre, même si tout le monde commence à comprendre qu'il n'y aura pas de réforme prochaine. Certains pays, comme l'Allemagne, sont prêts à se rendre à notre solution intermédiaire. Pour d'autres, un siège permanent relève du droit divin.
S'agissant de la population civile syrienne, il y a entre 8 et 10 millions de déplacés. C'est un véritable chaos, toute aide à travers les frontières est interdite au nom de la souveraineté nationale et seul un nombre restreint d'associations humanitaires sont autorisées. Tout passe par le Croissant rouge syrien qui fait un travail admirable.
La contribution de la France à l'ONUDI s'élève à 7 millions d'euros, et c'est énorme pour le budget du ministère ! Déjà quelques pays se sont retirés, comme la Grande-Bretagne et les Pays-Bas, nous avons dû faire un choix de mauvais coeur, et il nous a semblé que le retrait de l'ONUDI était celui qui aurait le moins de conséquences.
Concernant la part du français à l'ONU, elle décline, effectivement, les gens le parlent de moins en moins. Certains pays, qui imposaient le français pour accéder au corps diplomate, ne l'exigent plus désormais. Je voudrais que le français soit imposé au moins pour les opérations de maintien de la paix en milieu francophone, ce n'est pas nécessairement le cas car les recruteurs ne le sont pas. C'est un combat de tous les jours, une question de bon sens ! Mais il est vrai aussi, et c'est problématique, qu'il n'y a pas beaucoup de contingents francophones. À Haïti, par exemple, il est impossible de recruter des contingents de police parlant français et, depuis le rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur, il n'y a pratiquement plus de gendarmes en opération de maintien de la paix.
ONU Femmes est une excellente organisation qui traite des questions de genre et aussi des questions sexuelles. Le viol est utilisé comme arme de guerre dans certains pays, comme la République démocratique du Congo, et c'est vraiment dramatique. Il y a aussi la volonté, dans les pays africains, d'impliquer les femmes dans le processus de réconciliation dans les communautés.
Il n'y a pas d'enfants soldats tchadiens au Mali, mais il y en a au sein de l'armée tchadienne. La représentante spéciale pour les enfants soldats a proposé un plan d'action qui vise à d'abord identifier les enfants au sein de l'armée puis les réintégrer socialement. S'agissant de la RDC, le problème est que dès qu'il y a affrontement dans les Kivu, il y a recrutement d'enfants soldats par les mouvements. Et c'est d'autant plus sauvage qu'on les oblige à tuer dans leur propre village pour empêcher tout retour ensuite.
Enfin, s'agissant du problème tchadien, il se pose surtout en République centrafricaine où se passe une grave crise entre musulmans et chrétiens. La chute de Bangui est analysée comme une avancée du Tchad et du Soudan, d'autant plus que les quartiers musulmans ont été épargnés et les églises détruites. Le problème est qu'il n'y a aucun intérêt politique international pour la République centrafricaine. C'est une tragédie, et il y a une forte attente vis-à-vis de la France. Si nous ne souhaitons pas intervenir, alors il faut que ce soient les Africains qui y aillent en demandant un financement des Nations unies.