Ambitieuse, l'audition conjointe de ce matin pose, de manière volontairement quelque peu provocante, la question de savoir si la stabilité financière a progressé depuis 2008. Est-il possible de répondre à cette question ? Sommes-nous présomptueux de la poser ?
L'étude et la compréhension des systèmes financiers est l'une des marques de fabrique de notre commission des finances qui, depuis de longues années, a été souvent à la manoeuvre en matière de législation, de préparation de textes, tant au niveau national qu'à l'échelle communautaire, en particulier par le biais de propositions de résolution. Nous sommes à l'affût pour tâcher de comprendre les nouveaux sujets, les nouvelles technologies en matière de marchés financiers.
J'ai notamment en tête ce que nous avons fait en 2012 à propos du shadow banking - la finance de l'ombre. Notre commission a par ailleurs probablement été la première en France à réfléchir au bitcoin. Ce ne sont là que des exemples de notre souci de bien embrasser, dans le champ de l'étude et de la législation, tous les sujets qui peuvent se présenter en matière financière.
Depuis 2009, chacun sait que la régulation bancaire et financière a progressé à l'échelle mondiale, avec les règles de Bâle III, ou à l'échelle européenne, avec CRD 4, ainsi qu'en matière de réglementation des marchés, avec la directive MIF 2, ou encore s'agissant des chambres de compensation, avec l'arrivée d'EMIR. Tout ceci a été décliné à l'échelle française par la loi de régulation bancaire et financière de 2010, et par la loi de séparation et de régulation des activités bancaires de 2013. Nous nous interrogions hier, en séance publique, avec le secrétaire d'Etat, Christian Eckert, sur la publication des textes d'application de celle-ci.
Comme chacun le sait, ces régulations sont des garanties supplémentaires. Ce sont des moyens forcément coûteux pour encadrer les risques. Nos réflexions nous conduisent souvent à nous interroger sur la proportionnalité des efforts entrepris par rapport aux effets qu'ils peuvent produire sur le tissu économique. Il est particulièrement important d'y voir clair en matière de régulation, mais il est aussi important de pouvoir compter, dans une période comme celle que nous vivons, sur une production de crédits qui réponde aux besoins de développement ou simplement de financement du fonds de roulement des entreprises, notamment petites et moyennes.
Or, si nous savons bien qu'il faut toujours tenir compte de certaines préoccupations s'agissant de la solidité du système financier, nous nous heurtons davantage, sur nos territoires, aux limites de ce nouvel arsenal de mesures prudentielles, que nous n'en percevons empiriquement les avantages.
Nous voyons par ailleurs réapparaître des méthodes de titrisation, et nous nous interrogeons sur le point de savoir si elles sont réellement exemptes de tous les défauts, voire de tous les péchés de la génération d'avant 2008. De même, nous sommes parfois fondés à penser que certaines transactions financières demeurent tout aussi opaques et obscures qu'elles l'étaient avant l'éclatement des crises financières.
Au terme de cette vague de réglementations, les structures et les méthodes du secteur financier ont-elles changé ? L'adaptation n'est-elle pas purement superficielle et fonction du jour qui passe, des modes, des fantaisies des puissants ? Les risques ont-ils disparu ? Se sont-ils déplacés ? Sont-ils mieux maîtrisés ? Les comportements ont-ils évolué ? Un trader ne reste-il pas un joueur ? Une machine qui fabrique des transactions ne reste-t-elle pas une machine, avec l'amplification des comportements que cela peut induire ? Vous allez nous aider à réfléchir à ces questions, et à trouver des réponses parfaitement affûtées pour chacune d'elles.
Je me tourne en premier lieu vers Gérard Rameix, qui veille depuis déjà quelques années sur les marchés financiers français et européens. Sans doute va-t-il nous aider à entrer dans le sujet par une mise en perspective des principales évolutions du paysage financier et des nouveaux risques que cela fait apparaître.