Intervention de Laurent Le Mouel

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 14 mai 2014 à 10h10
Stabilité financière : a-t-on progressé depuis 2008 — Audition conjointe de Mm. Jean Beunardeau directeur général de hsbc france et directeur de la banque de financement d'investissement et de marchés en france didier duval responsable de la sécurité financière et de la prévention de la fraude au sein de la direction de la conformité du groupe crédit agricole laurent le mouel responsable des affaires réglementaires et prudentielles au sein de la direction des risques du groupe crédit agricole gérard rameix président de l'autorité des marchés financiers et christian walter professeur d'économie au collège d'études mondiales de la fondation de la maison des sciences de l'homme titulaire de la chaire éthique et finances

Laurent Le Mouel, responsable des affaires réglementaires et prudentielles à la direction des risques du Crédit agricole :

A-t-on progressé depuis 2008 ? Incontestablement ! Le système financier est aujourd'hui plus sûr, et ce pour deux raisons principales : le cadre réglementaire est renforcé, et les structures de contrôle étendues.

En effet, depuis le 1er janvier 2014, les règles Bâle III s'appliquent en Europe au travers du règlement sur les fonds propres des banques dit CRR, et de la transposition en France de la directive CRD 4. Ces mesures induisent, ainsi qu'on l'a déjà évoqué, par un renforcement des fonds propres : il faut aujourd'hui plus de fonds propres aux banques pour pratiquer leurs activités. Ceci se traduit également par une meilleure prise en compte de certains risques, notamment en matière de contreparties liées aux opérations sur instruments dérivés, par une meilleure gestion de la liquidité des banques au travers d'un ratio de liquidités de court terme (LCR) et, enfin, par un contrôle de l'effet de levier excessif. Aujourd'hui, le ratio de levier n'est pas encore réglementaire, mais il fait l'objet d'un rapport à l'autorité de contrôle, et fera l'objet d'une publication à partir de l'année prochaine.

Le cadre réglementaire est également renforcé en raison de mesures spécifiques permettant d'améliorer la transparence des marchés financiers, déjà évoquée par Gérard Rameix, notamment à propos du règlement EMIR sur les infrastructures de marchés, qui permet de réduire les montants de dérivés gré à gré non compensés par une contrepartie centrale. Ceci augmente les exigences de contrôle des risques et de fonds propres pour les contreparties centrales, et oblige à un recensement des opérations de gré à gré qui ne seraient pas compensées.

Le renforcement du contrôle sur les agences de notation a également été évoqué. C'est une des grandes leçons de la crise financière qui permettra également de renforcer la transparence sur les méthodologies de ces agences.

Le système financier est également plus sûr aujourd'hui en raison de structures de contrôle étendues. L'adossement du contrôle bancaire à la BCE, à travers le MSU est une étape très importante, qui va changer radicalement le contrôle bancaire dans les pays membres du MSU. En France, treize établissements de crédits qui représentant 95 % des actifs bancaires seront soumis au contrôle direct de la BCE. On est aujourd'hui en phase de transition, et ce contrôle sera effectif à partir du 30 novembre 2014. Cette phase se traduit par une revue complète du bilan des banques, qui seront soumises aux contrôles de la BCE.

Ces AQR constituent une opération de très grande ampleur, couvrant aussi bien les procédures que les montants de provisionnement des banques, la bonne qualification des crédits, entre les crédits non performants et les crédits sains, l'évaluation des risques sur le portefeuille de négociations. Au total, ce sont 50 % des actifs pondérés par les risques des banques qui seront revus intégralement par les équipes de la BCE, en lien avec les superviseurs nationaux - en France, les équipes de l'ACPR.

Cet exercice se prolongera jusqu'en juillet 2014 ; il sera suivi pendant l'été par un stress test organisé par l'autorité bancaire européenne, en lien avec la BCE. Ce test permettra de mesurer la capacité des banques de la zone euro à maintenir un ratio de fonds propres dur supérieur à 5,5 % en situation de marché très stressé. À l'issue de cet exercice de très grande ampleur, les résultats et les éventuelles mesures correctrices seront publiées juste avant l'entrée en fonction du MSU. Les doutes qui pourraient subsister sur la qualité des actifs de certaines banques de l'Union européenne devraient être définitivement levés.

La mise en oeuvre du nouveau cadre réglementaire et prudentiel est une étape très importante, qui renforce la stabilité financière. Elle n'est néanmoins pas exempte d'un certain nombre de préoccupations pour les banques. La mise en place de ce nouveau cadre doit se faire de manière harmonisée ; ses effets et son impact global doivent être mesurés de manière précise.

La mise en place du MSU ne doit pas se faire au détriment des spécificités du secteur bancaire français. Il se caractérise par un certain nombre de spécificités, parmi lesquelles le financement de l'immobilier, qui passe majoritairement par un financement à taux fixe pour le client, le risque de taux étant porté par les banques et au travers d'organismes de caution mutuelle, comme le Crédit Logement. Ces spécificités ne sont pas complètement prises en compte aujourd'hui dans l'évolution vers le MSU, comme on le voit au travers des AQR.

Autre particularité : la banque-assurance et le poids des banques mutualistes. En France, les banques mutualistes jouent un rôle très important. Il ne faudrait pas que le MSU se traduise par une harmonisation trop poussée du modèle bancaire avec un modèle anglo-saxon, un financement de l'immobilier à taux variable et un poids de la banque-assurance réduit.

Le MSU, qui va entrer en vigueur à compter de l'année prochaine, est un point très important. Il est tout à fait légitime de partager la charge des crises bancaires et des restructurations entre les créanciers et les actionnaires des banques. Néanmoins, ce partage doit se faire à due proportion du risque que fait courir chaque secteur bancaire à l'ensemble du système.

Enfin, nous devons séparer nos activités de dépôt et de financement et certaines activités de banque d'investissement.

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