Je rejoins ce qu'a dit Gérard Rameix à propos du trading haute fréquence. Il me paraît très important de bien voir que ce qui fonde le trading haute fréquence est une compréhension continuiste des risques financiers. Plus on continuise cette perception des risques, plus on légitime le trading haute fréquence. On est au coeur du débat leibnizien, au sens où il existe pratiquement là deux courants de pensée : si on est leibnizien, on considère le trading haute fréquence comme légitime parce qu'il est continu ; si on ne l'est pas, on le considère comme dangereux.
L'enjeu est donc bien dans la régulation et dans la manière dont les cadres conceptuels des directives se représentent l'incertitude économique et financière : est-elle « continuisable » ou non ? Il y aura deux manières d'agir concrètement, selon que l'on a ou non telle ou telle conviction.
À Columbia, à Cambridge, à la LSE, cette idée commence progressivement à faire son chemin. On voit apparaître une alternative forte, au sens français du terme, entre continuisation ou discontinuisation. Les techniques, les instruments, les calculs, les mesures, et les réglementations font référence à l'une ou l'autre des écoles de pensée en s'appuyant dessus. Si l'on décide par exemple d'affecter un poids de risques au calcul de rémunération de bonus, avec une mesure continue du risque, le bonus sera élevé ; avec une approche discontinue, il sera bien plus faible.
Il en va de même pour ce qui est de la question de la réglementation et du shadow banking : si on régule le système à partir d'une vision continuiste de l'économie, donc fausse, peut-être crée-t-on des arbitrages réglementaires sur une partie non réglementée.
J'ai dit que la technique n'est pas neutre du point de vue de ce qu'elle conditionne ; nous ne sommes pas dans un monde positiviste. Je pense qu'il est aujourd'hui important de faire passer dans les calculs, les instruments, et les réglementations une compréhension discontinue des variations économiques et financières.