Intervention de Hélène Conway-Mouret

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 11 février 2015 à 9h30
Approbation de l'accord entre le gouvernement de la république française et le gouvernement du canada sur la sécurité sociale — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Hélène Conway-MouretHélène Conway-Mouret, rapporteure :

Le dossier que nous abordons est très important pour nos compatriotes au Canada ainsi que pour les Canadiens présents en France. La mobilité des personnes entre nos deux pays progresse, notamment parmi les jeunes, comme en témoigne le succès des « permis vacances travail ».

L'accord que je vous présente vise à remplacer la convention bilatérale de sécurité sociale conclue par la France avec le Canada en 1979. Il résulte de négociations engagées en 2002 en vue de permettre une actualisation du contenu de la précédente convention. Ces négociations ont bien avancé pendant deux ans, puis se sont quelque peu enlisées en raison de difficultés d'ordre pratique. Finalement, le nouvel accord a été signé à Ottawa le 14 mars 2013.

Comme vous le savez, l'objet des accords de sécurité sociale n'est pas d'harmoniser mais de coordonner les législations de sécurité sociale de deux Etats afin de permettre la prise en compte, pour l'ouverture des droits d'un travailleur dans l'un des Etats, des périodes d'assurance qu'il a accomplies en travaillant dans l'autre Etat.

En effet, la règle générale en la matière, qui est rappelée à l'article 6 du présent accord, est qu'une personne est affiliée au régime de sécurité sociale de l'Etat sur le territoire duquel elle exerce son activité professionnelle.

Faute d'accord de coordination, le travailleur peut se retrouver avec des droits réduits, voire pas de droits du tout s'il n'a pas atteint, dans le pays où il travaille, les durées minimales d'assurance requises.

Il convient tout d'abord de noter que la coordination de sécurité sociale opérée par cet accord ne concerne que les risques longs dans la mesure où seuls ceux-ci sont de la compétence de l'Etat fédéral au Canada : vieillesse, invalidité, conjoint survivant et assurance-décès.

Ne sont donc pas concernées les branches maladie, maternité, accidents du travail et maladies professionnelles qui, au Canada, sont du ressort des provinces. Comme le prévoit l'article 3 de l'accord, la coordination pour ces risques dits « courts » peut faire l'objet d'ententes entre la France et les provinces, à l'instar de celle qui existe entre la France et le Québec.

De manière classique, l'assurance-chômage n'entre pas non plus dans le champ de cet accord.

Comme celui de 1979, le présent accord rappelle, dans son article 5, que doit s'appliquer le principe de l'égalité de traitement : ainsi les ressortissants de l'un des Etats parties sont soumis aux obligations de la législation de l'autre Etat et en bénéficient dans les mêmes conditions que ses ressortissants.

L'accord instaure une coordination reposant, de manière classique, sur plusieurs mécanismes.

1°) Tout d'abord, la totalisation des droits : chacun des deux Etats prend en compte, dans la mesure du nécessaire, les périodes d'assurance accomplies sous la législation de l'autre Etat comme si elles avaient été effectuées sous sa propre législation pour permettre à l'assuré de bénéficier des prestations.

2°) Deuxième mécanisme : l'exportabilité de certaines prestations : alors qu'en principe, les prestations sont exclusivement versées dans l'Etat où le travailleur exerce son activité, ce dernier peut dans certaines conditions percevoir également des prestations de l'Etat sur le territoire duquel il a précédemment travaillé. Cela concerne principalement les pensions de retraite. Dans ce cas, est utilisée la procédure dite de « totalisation-proratisation »: les périodes d'assurance réalisées dans les deux Etats sont additionnées pour déterminer l'ouverture des droits, puis le montant versé par chaque régime est proratisé en fonction de la durée cotisée dans chaque Etat. Sont également exportables, aux termes de l'accord, certaines prestations familiales au bénéfice des travailleurs détachés.

3°) Enfin, l'accord prévoit un certain nombre d'exceptions au principe de l'affiliation des travailleurs au régime de sécurité sociale de l'Etat sur le territoire duquel ils exercent leur activité professionnelle :

- il en est ainsi des agents diplomatiques et consulaires qui restent soumis à la législation de leur Etat d'appartenance (à l'exception toutefois des personnels recrutés localement) ;

- c'est également le cas des travailleurs détachés, envoyés par leur employeur en mission dans l'autre Etat, qui restent soumis à la législation de leur Etat d'origine, à condition toutefois que le détachement ne dépasse pas trois ans ;

- enfin, il faut citer les personnels navigants des entreprises de transports internationaux non maritimes, pour qui s'applique la législation de l'Etat dans lequel l'entreprise a son siège (sont essentiellement visés ici les personnels d'entreprises de fret aérien).

La coordination, soulignons-le, ne se limite pas à l'ouverture des droits et au service des prestations. Elle prend aussi la forme d'une coopération administrative. L'article 25 de l'accord prévoit ainsi que les autorités compétentes des deux Etats se prêtent une assistance mutuelle en se communiquant les informations nécessaires.

Par ailleurs, il faut mentionner l'existence d'un accord d'application annexé à l'accord qui précise les procédures à mettre en oeuvre, notamment en ce qui concerne les travailleurs détachés et la coopération entre organismes de sécurité sociale.

Toutes ces dispositions figuraient déjà dans la précédente version de l'accord. Quel est, de fait, l'apport de la nouvelle convention ?

En premier lieu, elle comporte un champ d'application plus large que la précédente.

D'un point de vue personnel, d'une part, puisque la coordination est désormais applicable à l'ensemble des personnes qui sont ou ont été soumises à la législation de l'un ou l'autre des Etats (ainsi que, bien sûr, des personnes à leur charge), ce qui permet d'inclure les assurés de ces régimes n'ayant pas la nationalité canadienne ou française mais dont les Etats sont liés à la France ou au Canada par un accord de sécurité sociale. Sont notamment concernés les ressortissants communautaires.

D'un point de vue territorial, d'autre part, puisque la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon est désormais intégrée dans le champ de l'accord, alors que, conformément au principe de spécialité législative en matière de protection sociale, celui-ci ne s'applique pas aux autres collectivités d'outre-mer.

Deuxième apport, la nouvelle convention encadre plus strictement les conditions du détachement.

Ainsi la France subordonne désormais l'octroi du détachement à la détention par le travailleur canadien d'une couverture de santé, ceci afin d'éviter que des travailleurs détachés exemptés d'affiliation - et donc de cotisations -, ne se retrouvent à la charge de l'assurance-maladie française parce que dépourvus de couverture au Canada. Jusqu'à présent, la convention n'imposait en effet que la détention d'une couverture à l'échelon fédéral, ce qui ne permettait pas de tenir compte de l'assurance-maladie, organisée à l'échelle des provinces.

Enfin, la présente convention améliore les droits des assurés en cas de survenue d'une invalidité ou d'un décès. En effet, jusqu'alors, s'appliquait au Canada une minoration des prestations servies à partir du moment où l'ouverture de droits était assurée grâce à la totalisation des périodes d'assurance françaises et canadiennes. Désormais, le régime du Canada servira des prestations complètes. A l'inverse, il n'aura plus à compléter par une prestation canadienne la prestation française quand le risque survient dans le cadre d'un assujettissement à la législation française. Par ailleurs, elle permet la prise en compte des périodes d'assurance accomplies dans un Etat tiers lié à la France et au Canada par une convention de sécurité sociale.

Avant de conclure, j'indiquerai pour mémoire que la communauté française au Canada est importante puisqu'elle est estimée à 150 000 personnes dont 83 300 inscrites au registre des Français de l'étranger (2013). La communauté canadienne en France est un peu moins nombreuse puisqu'elle compte environ 60 000 personnes (2012).

Ce type d'accord bilatéral est important pour faciliter à la fois la mobilité internationale des Français et l'attractivité du territoire français. Celui-ci est équilibré et comporte des avancées. Je vous propose donc d'adopter le projet de loi le ratifiant.

À l'issue de la présentation de la rapporteure, la commission a adopté à l'unanimité le rapport ainsi que le projet de loi précité.

La Conférence des présidents a décidé lors de l'inscription du projet de loi à l'ordre du jour qu'il fera l'objet d'une procédure d'examen simplifié en séance publique, en application des dispositions de l'article 47 decies du règlement du Sénat.

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