La commission auditionne le Professeur François Godement sur la Chine.
Professeur, je vous remercie d'avoir accepté notre invitation. Notre commission a créé un groupe de travail consacré à la nouvelle croissance chinoise et à ses conséquences, notamment pour la France. Dans votre dernier ouvrage paru en 2012 et intitulé « Que veut la Chine ? », vous posez notamment une question qui est au coeur de nos travaux : « La croissance chinoise est prodigieuse, mais est-elle soutenable et sur quel modèle repose-t-elle ? ». Quelle réponse apportez-vous à cette question en 2015 ?
Professeur François Godement. - Je vous remercie, Monsieur le Président, d'autant que vous êtes un grand praticien de la Chine et qu'il est donc redoutable de s'exprimer devant vous.
Les circonstances de 2015 sont nettement différentes de celles de 2012, largement pour des raisons politiques puisqu'à l'époque, diverses factions luttaient pour le pouvoir. Aujourd'hui, le pouvoir chinois est celui qui est le mieux assis depuis une vingtaine d'années, si bien qu'il faut d'abord s'interroger sur ce que veut le chef et voir si cela est réaliste et applicable.
L'idée selon laquelle la Chine va passer d'une vieille à une nouvelle croissance me laisse au fond sceptique, car la Chine est une économie immense et sectorisée. Il ne peut donc y avoir de réponse simple et univoque, d'autant que, si les vieilles recettes continuent de fonctionner, on ne voit pas pourquoi elles seraient abandonnées... Après une quinzaine d'années de croissance ininterrompue, la Chine connaît à nouveau aujourd'hui des cycles économiques mais le ralentissement est tout de même à relativiser : 7,4 %, ou même 6 % comme certains le pensent, reste un niveau élevé.
Il me semble nécessaire de distinguer le cycle à très court terme, c'est-à-dire la conjoncture, et l'équilibre global à long terme. On parle d'un ralentissement de la croissance chinoise ; pourtant, en janvier dernier, l'excédent commercial chinois s'est élevé à 60 milliards de dollars sur un mois, soit plus que le déficit annuel en France. Le coup de froid mondial sur le pétrole et les matières premières a certes un effet sur les exportations, mais il entraîne aussi une chute des importations en Chine.
Nous sommes, il est vrai, dans une situation inédite : c'est presque la première fois que le niveau des réserves en devises comptabilisées en dollars baisse de manière absolue. Certains évoquent une crise des paiements ou une inversion profonde des tendances précédentes. Je n'y crois pas, et ce pour plusieurs raisons. La hausse du dollar entraîne mécaniquement une baisse de la comptabilisation des autres devises dans les réserves. En outre, les autorités ont décidé de mieux contrôler les flux de crédit à partir de l'étranger. Il y a aussi des flux spéculatifs qui entraînent des départs de réserves pour des opérations à l'étranger. Le yuan est accroché au dollar et, avec les mouvements actuels, on ne s'attend pas à ce que le yuan soit réévalué par rapport au dollar. Le yuan devrait même, d'une certaine façon, glisser un peu si les autorités veulent retrouver de la compétitivité. Ces sorties de capitaux sont-elles uniquement le fruit des grands opérateurs étatiques et existe-t-il aussi des mouvements privés ? Il est difficile de répondre à cette question car nous ne disposons pas de bonnes statistiques en Europe. Je vous livre toutefois un chiffre très intéressant en provenance des Etats-Unis : en 2014, dans 48 des 52 Etats américains, les premiers ou deuxièmes acheteurs d'immobilier étaient chinois. On le dit parfois pour le marché parisien sans qu'il y ait de statistique pertinente. Dans le mouvement de sortie des capitaux qui est à peu près inévitable, il existe une part émergée correspondant notamment aux investissements directs et une part immergée extrêmement importante. C'est totalement différent d'une crise des paiements, d'autant que les autorités ont elles-mêmes créé des passerelles entre les places financières de Shanghai et Hong Kong.
La dette ne va pas non plus, à mon sens, déstabiliser l'économie chinoise. Au niveau central, à 60 % du PIB, elle a toujours été contrôlée, dans une certaine forme d'austérité, au détriment des assurés sociaux et des dépenses de bien-être pour la population qui sont tout à fait insuffisantes aujourd'hui, même après l'adoption de nouvelles politiques. Les déficits des budgets locaux sont relativement importants car les collectivités territoriales ont été systématiquement mises en déficit par le transfert de leurs recettes vers l'échelon central. Une troisième source d'endettement est plus dangereuse et est probablement assez élevée, il s'agit des multiples véhicules d'investissement qui ont été créés, notamment par les autorités locales, pour contourner les règles de financement qui leur étaient imposées. Ces véhicules liés à des opérations immobilières et spéculatives restent peu transparents, mais les autorités ont montré en 2014 qu'elles étaient prêtes à faire des exemples en en laissant certains faire faillite. Au total, l'endettement représente au plus, selon les éléments que l'on intègre dans la statistique, environ 230 % du PIB, ce qui est élevé mais dont le risque doit être relativisé puisque les échanges de capitaux avec l'étranger sont encadrés et contrôlés. En outre, les capacités de l'Etat restent gigantesques, même si elles ne sont pas aussi élevées qu'en 1997-1998. Celui-ci pourrait encore mener une grande opération de création de liquidités s'il le voulait, et dispose du volant de réserve des devises.
En ce qui concerne la croissance à long terme, il existe plusieurs Chine, avec des écarts très importants : l'intérieur connaît des coûts salariaux beaucoup plus bas que sur la côte. L'urbanisation, si elle est galopante, reste en retard par rapport au PIB par habitant, puisqu'environ 53 % seulement de la population vit en ville. Il reste donc un important réservoir de productivité en provenance des zones rurales, ce qui posera toutefois d'effroyables problèmes d'aménagement urbain et d'environnement. La Chine conserve donc des marges de compétitivité. Les gigantesques investissements dans les secteurs routier, ferroviaire ou aéroportuaire, même s'ils génèrent souvent des pertes, qui sont toutefois assumées par les autorités, unifient le territoire. Le système économique, que je qualifierais de saint-simonien, contient donc bien un réservoir de croissance.
Certes, les courbes démographiques montrent un choc vers 2025-2030 en raison du vieillissement de la population, mais il reste une décennie avant qu'il ne se produise.
Au total, du fait aussi du contrôle politique et de l'intelligence du pilotage par les autorités, la vieille croissance a encore de beaux restes devant elle...
Qu'en est-il maintenant de Xi Jinping et de ses collaborateurs, notamment dans le domaine économique ? Ils ont clairement refusé le passage complet à l'économie de marché et à la démocratie politique. On peut d'ailleurs observer des ressemblances avec le régime de Vladimir Poutine en Russie. Xi Jinping et ses équipes sont tout de même des réformateurs. L'expérience de Xi Jinping est complexe ; elle provient à la fois de celle de son père avec l'ouverture des zones économiques spéciales sous Deng Xiaoping et de celle qu'il a eue entre 2002 et 2007 à la tête d'une très importante province, le Zhijiang, où abondent les entrepreneurs privés. Le Gouvernement actuel est à l'aise avec le modèle qu'il promeut : il a recentralisé et réaffirmé les priorités stratégiques ; il utilise sa maîtrise de l'économie et des finances pour des objectifs en lien avec l'étranger, par exemple l'acquisition de hautes technologies ou le placement d'une partie de la fortune chinoise à l'étranger. Sur ce dernier point, les Chinois ont durant une quinzaine d'années privilégié les marchés des pays en développement, choix qui se retourne contre eux aujourd'hui, et ils ont besoin d'aller sur des marchés plus mûrs, plus sûrs.
La grande réforme « libéralisante », préconisée par la Banque mondiale, n'a pas eu lieu ; il s'agit plutôt d'une réforme à petits pas, avec un système qui continue d'être sous contrôle, comme le montrent les enquêtes anti-corruption. Pour autant, le système privé, surtout à la périphérie de l'économie, a recommencé à se développer fortement depuis 2012. Le système bancaire qui était monopolistique et assis sur des marges élevées a été ouvert à des concurrents nouveaux sur internet qui proposent des taux d'intérêt sensiblement plus élevés ; ces quasi-banques ont conquis des parts de marché importantes. Il existe aussi une discussion en vue de privatiser certaines des 155 000 entreprises d'Etat mais là aussi, on voit la nature duale du système : il n'est pas question de privatiser les très grandes entreprises mais seulement d'ouvrir leur capital. La privatisation est envisagée pour celles, très nombreuses, contrôlées par les autorités locales. Les marges de compétitivité sont également importantes de ce côté-là.
La Chine a fait un choix capitaliste lorsqu'elle a décidé de privatiser le logement dans les années 1990. Il s'agit certes d'un droit d'usage plutôt que d'un transfert de propriété, mais ce droit est accordé pour cent ans, ce qui se rapproche de la propriété. L'épargne, qui était assise sur le logement, a beaucoup enflé. Les entreprises d'Etat ne redistribuent pas leurs profits. La part des revenus individuels dans le PIB est basse autour de 35 % mais, du fait de l'économie grise et de la méconnaissance des revenus paysans, cette part serait plus proche en réalité de 50 %.
La consommation est insuffisante : d'un côté du spectre, il y a encore beaucoup de personnes pauvres ; de l'autre côté, les personnes pouvant être considérées comme riches, c'est-à-dire qui ont des revenus comme peuvent en avoir les Français ou les Allemands, sont au nombre d'environ 80-90 millions et payent très peu d'impôts. Les classes moyennes au sens où nous l'entendons n'existent pas vraiment en Chine. La consommation est trop modeste car se loger ou se soigner coûte très cher, ce qui pose la question des transferts sociaux qui permettraient de diminuer l'épargne. Le système favorise donc l'épargne et décourage la consommation. Néanmoins, il faut être conscient que, si la part de la consommation dans le PIB diminue, c'est aussi parce que celui-ci progresse très vite... La consommation doit cependant changer de forme.
Des réformes ont bien été introduites mais du temps de Wen Jiabao et à doses homéopathiques. Des systèmes sociaux ont été mis en place avec par exemple la fixation d'un revenu minimum, des transferts et des prestations de retraite. Mais ils nécessitent une armature administrative nouvelle, sinon les prestations risquent de « disparaître » dans les échelons intermédiaires et de ne pas arriver aux destinataires normaux... Cela a donc beaucoup progressé dans les règles, pas assez dans les volumes. Le dumping social existe encore en Chine.
En ce qui concerne l'énergie et l'environnement, la Chine se situe des deux côtés du tableau : elle est le premier pollueur mais elle est aussi le premier promoteur des énergies alternatives. Il n'y a donc pas remplacement de l'ancienne croissance mais coexistence de deux croissances. La consommation de charbon a diminué pour la première fois en 2014 mais elle reste à un niveau très élevé. Les importations pétrolières restent les premières au monde. L'accord avec les Etats-Unis sur les questions climatiques ne prévoit un effort qu'à partir des années 2030, ce qui laisse une marge importante.
Le ralentissement économique est bienvenu à tout point de vue, car la Chine a été le principal facteur de pression à la hausse des prix des matières premières, tant en raison de la consommation que de la spéculation. D'un point de vue interne à la Chine, ce ralentissement est également bénéfique : la seule province du Hebei qui entoure Pékin, mais sans Pékin elle-même, produit autant d'acier que les Etats-Unis et l'Union européenne réunis... La Chine ne peut pas continuer la fuite en avant dans la même direction, tant pour des raisons environnementales qu'économiques. En voyant les indicateurs de PIB ou de production d'acier, de charbon ou même d'électricité diminuer, je ne suis pas pessimiste, je suis au contraire optimiste !
Je voudrais conclure en disant que, pour la première fois depuis 1998, le ralentissement économique est piloté. Les restructurations apportent nécessairement de la douleur mais sont aussi la condition pour éviter la fuite en avant financière, permettre de rebondir économiquement, effectuer les transferts de croissance et réorienter la percée économique chinoise à l'étranger. Pour autant, il existe aussi des incertitudes concernant la crise sociale, la lutte contre la corruption qui est difficile à appréhender ou la demande internationale qui ne peut pas être contrôlée.
Vous nous avez lancé une rafale d'idées et de propositions pour notre rapport. A ce stade, j'en retiens trois éléments particuliers : le paradoxe de deux croissances simultanées ; la coexistence de plusieurs Chine avec, dans un pays globalement pauvre, l'équivalent démographique d'une Allemagne qui a le niveau de vie européen ; un ralentissement économique qui peut rendre le contexte plus difficile pour nos entreprises et les échanges commerciaux mais susciter aussi des perspectives en termes d'investissements chinois en Europe.
Nous avons tout intérêt à attirer des investissements étrangers. Le Président de la République s'y efforce. Deux attitudes sont possibles : celle du Royaume-Uni, qui affiche une forte volonté d'attirer les investissements chinois, y compris dans des secteurs sensibles ; et celle de la France, où le rachat par des investisseurs chinois de 49,9 % des parts de l'aéroport de Toulouse a suscité une forte émotion. Comment capter cette manne que constituent les investissements chinois ?
Une évolution démocratique est-elle possible en Chine ? La lutte contre la corruption ne sert-elle pas essentiellement à éloigner des adversaires ? Un pays peut-il se développer à une telle vitesse, permettre à ses ressortissants de voyager dans le monde, et rester néanmoins dans une forme de glacis politique ?
Je vous précise que le chef du bureau « Chine » du Foreign Office britannique est présent dans la salle, à titre d'observateur. Nous souhaitons, en effet, pouvoir échanger nos analyses sur la Chine avec celles de nos partenaires.
Le monde musulman est aujourd'hui pris de convulsions. J'ai rencontré, en 2001, des talibans chinois ouïghours. La Chine mène-t-elle, dans le Xinjiang, une politique uniquement répressive, ou conduit-elle aussi une politique de développement économique, pour lutter contre le fondamentalisme musulman ?
La Chine construit des îles artificielles en mer de Chine, à partir de petits récifs. Depuis la convention de Montego Bay, les Etats côtiers obtiennent des droits économiques exclusifs jusqu'à 200 milles au moins. Même si le délai d'instruction des demandes soumises à la commission compétente de l'ONU est de vingt-cinq à trente ans, il convient de s'interroger sur cette politique chinoise, très anticipatrice. L'emplacement de ces îles est stratégique puisque cette zone pourrait abriter 13 % des réserves mondiales de gaz. Les demandes d'exploration adressées par la Chine à l'Autorité internationale des fonds marins sont en forte augmentation. C'est là que se jouera la croissance demain, non sans risques, notamment pour l'environnement.
Quels sont les effets de l'accord douanier signé en mai 2014 entre l'Union européenne et la Chine ?
Qu'en est-il de la spéculation sur les terres agricoles en Afrique et peut-être ailleurs ?
Quelle est la politique de la Chine à l'égard de l'islam ?
Professeur François Godement. - Je commencerai par répondre aux questions politiques. Le bilan de l'évolution vers la démocratie et l'Etat de droit est entièrement négatif depuis deux ans. C'est le point le plus sombre de la politique de Xi Jinping, qui a commencé son mandat en déclarant que la politique suivie par Mikhaïl Gorbatchev en 1989-1991 avait été une catastrophe. Actuellement, non seulement les dissidents subissent des persécutions, mais aussi leurs avocats, et même parfois les avocats de leurs avocats... Cette question devient préoccupante à tous les niveaux, car, à l'exception de quelques ténors directement liés à certains dirigeants, un grand silence s'est établi sur beaucoup de sujets. Le politique doit être séparé de l'économique, ce qui est problématique pour l'équilibre des politiques occidentales.
La situation au Xinjiang est également sombre. La Chine y a mené une politique que l'on peut qualifier d'assimilationniste, et une politique de développement économique. Ces politiques ont abouti à un développement séparé, à un choc entre communautés. La situation s'est aggravée depuis deux ans : une spirale répressive et une spirale de terrorisme qui se répondent. Bien qu'ils évoquent le lien avec le terrorisme international, les connaisseurs du sujet, en Chine, savent que ce problème a aussi une source autochtone.
Le grand inconvénient, pour nous, de l'Islam, est l'absence d'organisation unifiée des cultes qui permettrait de disposer d'un interlocuteur. Cet inconvénient est un avantage pour la Chine, puisqu'elle refuse tout interlocuteur indépendant, quelle que soit la religion. La Chine s'efforce d'encadrer l'activité des imams et celle d'associations religieuses musulmanes, parfois utilisées pour des échanges avec l'étranger. Cette politique peut être qualifiée de communautaire, mais elle ne doit pas être simplifiée.
S'agissant des questions économiques, nous ne disposons pas de chiffres fiables concernant les investissements chinois en Europe. Il convient de distinguer les investissements directement réalisés par des entités chinoises de ceux qui passent par l'offshore. Les deux tiers des flux de capitaux chinois transitent par des places offshore. La première destination officielle des investissements chinois en Europe est le Luxembourg. Les investissements chinois prennent aussi la forme de prises de participation sous les seuils déclaratifs. L'actionnariat chinois dans les entreprises du CAC 40, ou leurs équivalents étrangers, peut atteindre 4 ou 5 %. Cette progression n'est pas comptabilisée ni agrégée. Il faut y ajouter l'investissement immobilier qui est très important et peu visible.
Qui sont les partenaires chinois ? Les entreprises d'Etat, qui sont très subventionnées, ce qui crée des problèmes concurrentiels, réalisent, sous forme d'investissements directs, 65 à 75 % selon les sources des opérations comptabilisées.
S'agissant des placements et de la monnaie, je ne crois pas que la Chine fasse des choix particuliers. Sa stratégie est tous azimuts et essentiellement financière, plutôt que politique. Tant qu'on la laisse disposer d'une monnaie non complètement convertible mais devenant néanmoins monnaie de réserve, elle n'a aucune raison d'y renoncer. La Chine ne coopère pas complètement sur la question des places offshore, ou à condition que l'on accepte ses propres places, notamment Hong Kong. Elle peut avoir des intérêts parallèles à ceux des Américains ou des Européens en matière de contrôle. Un projet de loi sur les joint-ventures étrangères vient d'être publié en Chine. Il prévoit que les propriétaires physiques des sociétés « parapluie » offshore contrôlant des entreprises à capitaux mixtes devront se déclarer, s'ils veulent bénéficier du statut d'entreprise étrangère. On observe un mouvement vers davantage de contrôle, qui ne s'accompagne pas, au même degré, d'une coopération internationale accrue.
La vente de l'aéroport de Toulouse ne m'a pas choqué dans son principe. Au contraire, nous sommes en retard dans la mise en compétition du financement de nos infrastructures. Ce financement est insuffisant dans un certain nombre de domaines, alors que les taux d'intérêt sont bas. Le mouvement est général en Europe. Les pays de l'Est coopèrent avec la Chine dans le cadre des sommets « 16+1 ». Avec les pays de l'Union européenne, se pose la question du respect des règles des appels d'offres. Les Britanniques n'avancent pas toujours aussi vite qu'ils ne le clament, par exemple dans le domaine ferroviaire, car ils doivent respecter les règles européennes. En Grèce, la privatisation partielle du port du Pirée est un succès économique, le trafic ayant beaucoup augmenté. Des questions réelles se posent, s'agissant notamment des armateurs, mais elles sont distinctes.
En France, nous sommes dans l'entre-deux. Notre politique a évolué. Elle est beaucoup plus favorable qu'auparavant aux investissements chinois, comme en témoigne la tonalité du récent déplacement du Premier ministre en Chine. Néanmoins, il subsiste des réserves. Il serait préférable d'adopter une politique explicite, nous permettant de négocier, plutôt que d'agir implicitement. Ce qui m'a choqué, dans le cas de l'aéroport de Toulouse, est que l'on a dissimulé le fait que les décisions stratégiques seront prises par l'actionnaire minoritaire chinois, en vertu d'un pacte secret d'actionnaires. Peut-être fallait-il l'accepter, en contrepartie de l'apport de capitaux, mais il aurait mieux valu être explicite plutôt que de tenir un discours ambigu qui se révèlera coûteux politiquement.
Les conséquences de la concurrence entre le Royaume-Uni et la zone euro pèsent sur l'adoption d'une stratégie financière vis-à-vis d'un partenaire comme la Chine. La Commission européenne souhaite atténuer les divergences et trouver un compromis entre Européens, qui se livrent à une véritable course aux investissements.
Aucun accord de libre-échange entre l'Europe et la Chine n'a été conclu pour l'instant. Pendant deux ans et demi, jusqu'en 2013, la Chine s'est dérobée, y compris au dialogue stratégique économique de haut niveau. Elle n'a pas avancé sur le projet de traité bilatéral sur les investissements. Elle a estimé qu'elle avait suffisamment accès aux marchés européens, dans le cadre de relations bilatérales, pour ne pas se préoccuper vraiment de la politique commune. Au moment des sanctions antidumping sur les panneaux solaires, toutefois, la Chine a accepté, pour la première fois, un compromis. Parler d'une seule voix est payant pour l'Europe.
Nous devons être réalistes concernant l'utilité des capitaux chinois et la dureté de la compétition internationale. Toutefois, l'absence d'un attelage européen solide et la concurrence entre Etats membres nous pénalisent, en termes de négociation et pour obtenir l'ouverture des marchés chinois, dont le développement va se poursuivre.
Il est difficile de distinguer ce qui relève du nationalisme et de la stratégie, dans l'optique d'une domination du Pacifique au détriment des Etats-Unis avec une quasi-exclusion de la présence militaire de ce dernier pays dans une certaine zone, de ce qui relève de l'ambition économique et des intérêts pétroliers, gaziers et miniers. L'armée populaire de Chine est, bien entendu, la première à insister sur l'importance économique de cet aspect pour justifier son budget. Je pense que l'enjeu ne se limite pas aux ressources minières. En tout cas, la France a un problème dans ce domaine avec l'incapacité de défendre son domaine maritime, qui est le deuxième mondial : peut-être faudra-t-il même un jour que sa doctrine évolue sur la libre circulation maritime dans les zones économiques exclusives en raison de cette insuffisance de moyens.
Qu'en est-il de l'appareil de formation et d'éducation ? Observe-t-on une démocratisation de l'enseignement ? Et qu'en est-il de la recherche chinoise ?
Vous avez estimé que le pouvoir actuel en Chine était l'un des mieux assis depuis 20 ans. En même temps, il existe une inquiétude chez les dirigeants, qui craignent une évolution qui conduirait à davantage de démocratie. Je ne vais pas faire un développement marxisant ! Toutefois, l'un des aspects essentiels de l'évolution d'une société est le caractère inégalitaire du développement. S'agissant de la Chine, les éléments de développement inégal et de contradiction dans la société chinoise sont les trois suivants : les mouvements migratoires entre le monde urbain et le monde rural, l'opposition sociale entre les très riches et les pauvres, enfin les écarts de richesse entre les régions. Qu'en pensez-vous ?
Y-a-t-il encore une politique africaine de la Chine ou seulement l'achat systématique de terrains miniers pour assurer son développement économique ?
Je donne maintenant la parole à Didier Guillaume, membre de notre commission mais aussi président du groupe d'amitié France - Chine du Sénat.
À la suite de l'accord Chine/Etats-Unis sur les gaz à effet de serre, comment la Chine se positionne-t-elle sur la question de la transition énergétique ?
Est-ce que l'engagement affiché pour l'environnement n'est pas un alibi pour une économie qui mobilise les matières premières les plus polluantes ?
La politique de la Chine vis-à-vis de ses voisins semble contradictoire. Entre revendications maritimes et offres de codéveloppement, il y a des ambiguïtés ! Enfin la rivalité avec la puissance américaine devient de plus en plus forte. Comment analysez-vous ces questions géopolitiques ?
Aux élections de novembre, le Kuomintang de Taiwan a été mis en minorité à cause de ses liens avec la Chine continentale. Est-ce que cela ne constitue pas un précédent dommageable, dans le contexte de la signature d'un accord France/Taiwan en matière d'agro-alimentaire ?
Au cours d'un déplacement, j'ai senti de la part du Vietnam un sentiment très antichinois. Même chose de la part du Japon qui estime qu'un accident entre deux navires pourrait conduire à une escalade des tensions. Devons-nous nous inquiéter de l'attitude de la Chine vis-à-vis de ses voisins ? Par ailleurs, qu'en est-il du mouvement protestataire des étudiants à Hong-Kong ?
Quel avenir pour le Népal qui s'inquiète d'être coincé entre ses deux puissants voisins ? Ce petit pays est soucieux de préserver une stabilité récemment acquise et de se développer dans le respect de l'environnement.
On voit bien la mobilisation de la Chine en matière de défense. Qu'en pensez-vous ? Je vous donne la parole pour répondre aux questions.
Professeur François Godement. - Je répondrai d'abord aux questions concernant la poursuite du modèle de croissance chinois. En ce qui concerne l'éducation, la formation et la recherche, il est vrai que la Chine forme plus d'ingénieurs que les Etats-Unis, mais de quelle qualité ? Sur la course aux brevets, il y a aussi des exagérations. En matière d'éducation, on observe une mobilisation effrénée de la jeunesse qui aura de graves conséquences sur le plan psychologique et psycho-social mais qui permet à la Chine d'améliorer ses résultats formels. Concernant la recherche, il existe un gigantesque mouvement de circulation des chercheurs entre la Chine et les autres pays ; on observe notamment désormais un mouvement de retour très important de scientifiques chinois ainsi que l'embauche de scientifiques étrangers à prix d'or. Bref, la Chine mène une politique systématique pour compenser ses faiblesses en captant les ressources nécessaires.
Est-ce que l'éducation reste un facteur de promotion ? Je suis plus optimiste que la plupart des observateurs sur la capacité du système à promouvoir les gens. Certes, cette capacité ralentit un peu. Là où le système socialiste existait, dans les régions qui ne souffraient pas de sous-développement, il était plus égalitaire que d'autres systèmes. Je ne pense pas que le chômage des jeunes soit spécialement un problème, en revanche la sous-rémunération des diplômés l'est davantage.
Pour répondre à M. Robert Hue, l'émigration intérieure a longtemps été contrôlée par le biais du permis de résidence qui reste en vigueur mais dans une forme atténuée ; les grandes villes ont d'énormes poches de population sans résidence permanente. Le sentiment d'appartenance à la classe moyenne consiste ainsi largement dans le fait de résider de manière légale dans les villes, ce qui joue aussi en faveur du soutien au régime. Le développement est très inégal entre les régions mais l'Etat opère de gros transferts budgétaires, notamment par le biais de la construction d'infrastructures. Il existe un problème de vieillissement dans les régions rurales. Concernant les salaires, les entreprises étrangères se plaignent de hausses qu'elles considèrent excessives : c'est peut-être vrai pour des métiers très qualifiés mais beaucoup moins dans les régions de l'intérieur de la Chine, par exemple le Sichuan. En outre, il faut tenir compte du niveau réel de l'inflation, par exemple sur l'alimentation et le logement.
La déclaration commune Chine/Etats-Unis sur l'environnement est très opportune pour les deux parties : elle permet aux Etats-Unis d'afficher une coopération avec la Chine et pas seulement une compétition stratégique et des points de discorde ; de son côté la Chine reste considérée comme un pays en développement et ne s'engage qu'à partir de 2030 alors que les Etats-Unis s'engagent à compter de 2020. En outre, cet engagement porte uniquement sur les émissions de CO2 alors qu'elle a également un grave problème d'émission de poussières, de métaux lourds et de particules chimiques. Je crains que cet accord n'apparaisse comme un plafond pour les négociations de la COP21, notamment vis-à-vis de l'Inde qui est également très réticente dans ce domaine, alors qu'il devrait plutôt être considéré comme un accord plancher.
À votre demande, j'ai eu une approche économique dans ma présentation mais je vais répondre aux questions plus stratégiques. Depuis novembre et le sommet de l'APEC, les problèmes sont moins immédiats puisque le président Xi Jinping a rencontré le premier ministre japonais et signé une déclaration qui, malgré ses incertitudes, permet de différer les affrontements rhétoriques. Un accord existe dorénavant avec les Etats-Unis pour prévenir les incidents maritimes et les incidents aériens, un autre est en discussion avec le Japon, mais ils restent ambigus. Par exemple, ils concernent les forces armées alors qu'une grande partie des incidents ont été gérés par des administrations paramilitaires. On assiste également au retour d'une rhétorique chinoise sur la nécessité d'une bonne politique de voisinage, ce qui sous-entend une décision chinoise d'au minimum ajourner, peut-être de transformer la situation en matière de différends avec les voisins. Pour autant, les tendances à long terme doivent amener à plus de prudence, du fait par exemple de la très importante augmentation du budget militaire, alors que celui du Japon reste stable depuis de nombreuses années.
Jusqu'en 2012, la situation régionale a pu apparaître comme un sujet de confrontation entre les factions qui se disputaient le pouvoir. Aujourd'hui, la situation est beaucoup mieux contrôlée. Après les graves incidents qui ont lieu au Viêt-Nam à la suite de l'installation d'une plate-forme pétrolière, vous n'avez pas eu une seule manifestation publique en Chine, ce qui est révélateur de la capacité de contrôle du système. Cela peut nous rassurer mais aussi nous inquiéter. Certains disent que le pouvoir chinois est fragmenté ; d'autres, dont je suis, estiment qu'il y a un contrôle par le haut.
Nous avons donc affaire à une grande puissance qui teste les limites de son influence et qui veut faire prévaloir, comme la Russie, la notion de sphères d'influence, mais qui connaît aussi son infériorité militaire par rapport aux Etats-Unis. Elle réussit à ne pas tomber dans des pièges qui pourraient lui faire perdre la face et à ne pas se laisser entraîner dans une fuite en avant, mais la pression sur le long terme est tout de même très forte.
En ce qui concerne Taïwan, il faut rappeler que cette société est profondément démocratique, avec des partis politiques et des media divers. Il existe une contradiction entre le rapprochement économique et la stratégie chinoise de voisinage. D'ailleurs, que la pression s'oriente plus vers le Japon, les Philippines ou le Viêt-Nam ne peut déplaire à Taïwan... Cela reste pour autant une zone de conflit potentiel dans les années à venir. Alors que le « new deal » conclu du temps de Hu Jintao était censé donner une certaine autonomie à Taïwan sur le plan international, on peut regretter la frilosité des Européens pour négocier des accords notamment commerciaux avec Taïwan. Ce type d'accord, comme ceux que nous pouvons négocier avec l'ASEAN ou d'autres pays de la région, peut nous servir dans nos discussions avec la Chine. Pour être réaliste toutefois, Taïwan est entré dans l'orbite chinoise et n'en sortira pas.
La révolution des parapluies à Hong Kong est complexe à appréhender, notamment du point de vue sociologique. Vu de Chine, les habitants de Hong Kong sont relativement privilégiés. Il est vrai que la Chine veut prendre le contrôle de Hong Kong à la fin de la période de cinquante ans mais cela a été accepté par la communauté internationale. Il est difficile d'envisager que la Chine, qui refuse un système démocratique pour elle-même, le concède à Hong Kong !
Les relations entre la Chine et les Etats-Unis sont très complexes ; l'idée d'un G2 a été rejetée par Xi Jinping dès son arrivée au pouvoir et il a effectué plusieurs voyages à l'étranger qui l'ont bien montré. Les Etats-Unis sont certes la relation la plus importante de la Chine mais la Russie est officiellement la première relation stratégique. L'interdépendance entre les Etats-Unis et la Chine est très forte, que ce soit au niveau des élites ou sur un plan financier et monétaire. Les Chinois ont fait une erreur en pensant en 2009-2012 que les Etats-Unis allaient décliner en raison de la grande crise financière. Il existe des coopérations, par exemple sur l'énergie, mais pas à un niveau stratégique. Les Etats-Unis sont ainsi dans un dilemme dans leur relation avec la Chine.
La commission examine le rapport de Mme Hélène Conway-Mouret et le texte proposé par la commission sur le projet de loi n° 676 (2013-2014) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Canada sur la sécurité sociale.
Le dossier que nous abordons est très important pour nos compatriotes au Canada ainsi que pour les Canadiens présents en France. La mobilité des personnes entre nos deux pays progresse, notamment parmi les jeunes, comme en témoigne le succès des « permis vacances travail ».
L'accord que je vous présente vise à remplacer la convention bilatérale de sécurité sociale conclue par la France avec le Canada en 1979. Il résulte de négociations engagées en 2002 en vue de permettre une actualisation du contenu de la précédente convention. Ces négociations ont bien avancé pendant deux ans, puis se sont quelque peu enlisées en raison de difficultés d'ordre pratique. Finalement, le nouvel accord a été signé à Ottawa le 14 mars 2013.
Comme vous le savez, l'objet des accords de sécurité sociale n'est pas d'harmoniser mais de coordonner les législations de sécurité sociale de deux Etats afin de permettre la prise en compte, pour l'ouverture des droits d'un travailleur dans l'un des Etats, des périodes d'assurance qu'il a accomplies en travaillant dans l'autre Etat.
En effet, la règle générale en la matière, qui est rappelée à l'article 6 du présent accord, est qu'une personne est affiliée au régime de sécurité sociale de l'Etat sur le territoire duquel elle exerce son activité professionnelle.
Faute d'accord de coordination, le travailleur peut se retrouver avec des droits réduits, voire pas de droits du tout s'il n'a pas atteint, dans le pays où il travaille, les durées minimales d'assurance requises.
Il convient tout d'abord de noter que la coordination de sécurité sociale opérée par cet accord ne concerne que les risques longs dans la mesure où seuls ceux-ci sont de la compétence de l'Etat fédéral au Canada : vieillesse, invalidité, conjoint survivant et assurance-décès.
Ne sont donc pas concernées les branches maladie, maternité, accidents du travail et maladies professionnelles qui, au Canada, sont du ressort des provinces. Comme le prévoit l'article 3 de l'accord, la coordination pour ces risques dits « courts » peut faire l'objet d'ententes entre la France et les provinces, à l'instar de celle qui existe entre la France et le Québec.
De manière classique, l'assurance-chômage n'entre pas non plus dans le champ de cet accord.
Comme celui de 1979, le présent accord rappelle, dans son article 5, que doit s'appliquer le principe de l'égalité de traitement : ainsi les ressortissants de l'un des Etats parties sont soumis aux obligations de la législation de l'autre Etat et en bénéficient dans les mêmes conditions que ses ressortissants.
L'accord instaure une coordination reposant, de manière classique, sur plusieurs mécanismes.
1°) Tout d'abord, la totalisation des droits : chacun des deux Etats prend en compte, dans la mesure du nécessaire, les périodes d'assurance accomplies sous la législation de l'autre Etat comme si elles avaient été effectuées sous sa propre législation pour permettre à l'assuré de bénéficier des prestations.
2°) Deuxième mécanisme : l'exportabilité de certaines prestations : alors qu'en principe, les prestations sont exclusivement versées dans l'Etat où le travailleur exerce son activité, ce dernier peut dans certaines conditions percevoir également des prestations de l'Etat sur le territoire duquel il a précédemment travaillé. Cela concerne principalement les pensions de retraite. Dans ce cas, est utilisée la procédure dite de « totalisation-proratisation »: les périodes d'assurance réalisées dans les deux Etats sont additionnées pour déterminer l'ouverture des droits, puis le montant versé par chaque régime est proratisé en fonction de la durée cotisée dans chaque Etat. Sont également exportables, aux termes de l'accord, certaines prestations familiales au bénéfice des travailleurs détachés.
3°) Enfin, l'accord prévoit un certain nombre d'exceptions au principe de l'affiliation des travailleurs au régime de sécurité sociale de l'Etat sur le territoire duquel ils exercent leur activité professionnelle :
- il en est ainsi des agents diplomatiques et consulaires qui restent soumis à la législation de leur Etat d'appartenance (à l'exception toutefois des personnels recrutés localement) ;
- c'est également le cas des travailleurs détachés, envoyés par leur employeur en mission dans l'autre Etat, qui restent soumis à la législation de leur Etat d'origine, à condition toutefois que le détachement ne dépasse pas trois ans ;
- enfin, il faut citer les personnels navigants des entreprises de transports internationaux non maritimes, pour qui s'applique la législation de l'Etat dans lequel l'entreprise a son siège (sont essentiellement visés ici les personnels d'entreprises de fret aérien).
La coordination, soulignons-le, ne se limite pas à l'ouverture des droits et au service des prestations. Elle prend aussi la forme d'une coopération administrative. L'article 25 de l'accord prévoit ainsi que les autorités compétentes des deux Etats se prêtent une assistance mutuelle en se communiquant les informations nécessaires.
Par ailleurs, il faut mentionner l'existence d'un accord d'application annexé à l'accord qui précise les procédures à mettre en oeuvre, notamment en ce qui concerne les travailleurs détachés et la coopération entre organismes de sécurité sociale.
Toutes ces dispositions figuraient déjà dans la précédente version de l'accord. Quel est, de fait, l'apport de la nouvelle convention ?
En premier lieu, elle comporte un champ d'application plus large que la précédente.
D'un point de vue personnel, d'une part, puisque la coordination est désormais applicable à l'ensemble des personnes qui sont ou ont été soumises à la législation de l'un ou l'autre des Etats (ainsi que, bien sûr, des personnes à leur charge), ce qui permet d'inclure les assurés de ces régimes n'ayant pas la nationalité canadienne ou française mais dont les Etats sont liés à la France ou au Canada par un accord de sécurité sociale. Sont notamment concernés les ressortissants communautaires.
D'un point de vue territorial, d'autre part, puisque la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon est désormais intégrée dans le champ de l'accord, alors que, conformément au principe de spécialité législative en matière de protection sociale, celui-ci ne s'applique pas aux autres collectivités d'outre-mer.
Deuxième apport, la nouvelle convention encadre plus strictement les conditions du détachement.
Ainsi la France subordonne désormais l'octroi du détachement à la détention par le travailleur canadien d'une couverture de santé, ceci afin d'éviter que des travailleurs détachés exemptés d'affiliation - et donc de cotisations -, ne se retrouvent à la charge de l'assurance-maladie française parce que dépourvus de couverture au Canada. Jusqu'à présent, la convention n'imposait en effet que la détention d'une couverture à l'échelon fédéral, ce qui ne permettait pas de tenir compte de l'assurance-maladie, organisée à l'échelle des provinces.
Enfin, la présente convention améliore les droits des assurés en cas de survenue d'une invalidité ou d'un décès. En effet, jusqu'alors, s'appliquait au Canada une minoration des prestations servies à partir du moment où l'ouverture de droits était assurée grâce à la totalisation des périodes d'assurance françaises et canadiennes. Désormais, le régime du Canada servira des prestations complètes. A l'inverse, il n'aura plus à compléter par une prestation canadienne la prestation française quand le risque survient dans le cadre d'un assujettissement à la législation française. Par ailleurs, elle permet la prise en compte des périodes d'assurance accomplies dans un Etat tiers lié à la France et au Canada par une convention de sécurité sociale.
Avant de conclure, j'indiquerai pour mémoire que la communauté française au Canada est importante puisqu'elle est estimée à 150 000 personnes dont 83 300 inscrites au registre des Français de l'étranger (2013). La communauté canadienne en France est un peu moins nombreuse puisqu'elle compte environ 60 000 personnes (2012).
Ce type d'accord bilatéral est important pour faciliter à la fois la mobilité internationale des Français et l'attractivité du territoire français. Celui-ci est équilibré et comporte des avancées. Je vous propose donc d'adopter le projet de loi le ratifiant.
À l'issue de la présentation de la rapporteure, la commission a adopté à l'unanimité le rapport ainsi que le projet de loi précité.
La Conférence des présidents a décidé lors de l'inscription du projet de loi à l'ordre du jour qu'il fera l'objet d'une procédure d'examen simplifié en séance publique, en application des dispositions de l'article 47 decies du règlement du Sénat.
Mes chers collègues, il nous restait un membre de la mission « Russie » à désigner, au sein du groupe UMP. Je vous propose la candidature de notre vice-président Christian Cambon, qui accompagnera donc, avec Robert Hue, la délégation de notre commission à Moscou, qui sera co-pilotée, je vous le rappelle, par Aymeri de Montesquiou et Josette Durrieu. Il n'y a pas d'opposition ? Il en est ainsi décidé. D'autre part, les sénateurs qui le souhaitent peuvent naturellement être associés aux auditions que le groupe de travail mènera à Paris : c'est le cas de M. Gaétan Gorce pour la Russie, s'il y a d'autres candidats n'hésitez pas à vous manifester.
Entendu. Pour des raisons de calendrier, il va nous falloir dissocier les missions à Abu Dhabi et en Iran que nous avions envisagé de grouper. En conséquence, je vous informe que Daniel Reiner et Jacques Gautier, nos rapporteurs du programme défense 146, se rendront seuls à Abu Dhabi auprès de notre base militaire et au salon « IDEX » fin février, date qui ne peut être changée, et que ce sont Jacques Legendre et Daniel Reiner, co-présidents, ainsi que Joël Guerriau et Michèle Demessine, qui se rendront en Iran, vraisemblablement en avril. Il n'y a pas d'opposition ? Il en est ainsi décidé.
La réunion est levée à 11 h 25