Monsieur le ministre, je trouve que vous n'avez vraiment pas de chance !
Voilà des mois qu'il vous est fait réputation d'une politique sociale concernant l'emploi, le logement et l'égalité des chances et, pour ce faire, vous vous déplacez, vous consultez, vous allez même au royaume de Danemark qui, à entendre tous ses visiteurs en cohésion sociale, n'est plus pourri comme au temps d'Elseneur.
Mais demeurent encore des Fortinbras. Je m'explique : vous étiez parvenu à un ensemble dont le Conseil économique et social a dit très fort toutes les limites mais dont personne ne niait l'orientation humanitaire. Je ne dis pas « humaniste ». En effet, votre projet tente de panser des plaies mais ne s'en prend jamais à la racine des choses. Vous parlez du malheur des pauvres mais non pas du mal. Vous traitez le pauvre dans l'homme et non l'homme dans le pauvre.
Eh bien, même cela, les Fortinbras d'aujourd'hui n'en veulent pas ! Ils vous ont encadré par le projet de loi « MEDEF-Larcher », ultradérégulateur pour les licenciements économiques et quasi silencieux sur les licenciements des précaires, et par le rapport Camdessus, qui présente peut-être quelques idées originales, comme votre plan d'origine, mais qui est un document « MEDEF-Camdessus-Sarkozy », un manifeste de politique libérale sur les questions que vous abordez.
Vous avez constaté l'émotion créée, au point que Matignon a enlevé l'aspect le plus provocateur du projet de loi « MEDEF-Larcher » et mis provisoirement dans un tiroir le rapport « MEDEF-Camdessus-Sarkozy ».
Je suis tenté de dire : « les Fortinbras veillent au grain », et les vingt-deux amendements du MEDEF apportés à la commission des affaires sociales avec un blanc que l'on espère voir empli par le nom d'un sénateur le prouvent.
Et pourtant, vous n'alliez pas bien loin au moment où il faut aller jusqu'au bout. Et le « jusqu'au bout » aujourd'hui, c'est l'humain.
Un ami me disait récemment ceci : « l'humanité peut très bien avoir à faire face dans un avenir proche au problème de sa réhumanisation ». Nous y sommes. Ayant participé à la journée du 17 octobre contre la pauvreté dans le monde et rentrant de Stresa, en Italie, où s'est tenu le Forum politique mondial contre la pauvreté, je sais que c'est vrai pour d'innombrables habitants de la planète.
J'ajouterai que ma vie quotidienne à Aubervilliers, où j'habite, où je suis élu, et ma participation aux luttes des techniciens et artistes du spectacle, notamment, me le montrent, dans le cadre de ce qu'il faut bien appeler « le retour de la pauvreté dans les pays riches » dont témoignaient encore, dimanche, les états généraux du social, illustrés par la déclaration d'une participante, professionnelle de la lutte contre la misère sociale : « on nous demande de concilier l'inconciliable, de trouver des solutions qui n'existent pas ».
Soyons clairs, votre projet ne convient pas. Vous ne parviendrez pas à vos objectifs déclarés, parce que vous ne contrez pas la spirale de la pauvreté. Vous irez dans le mur, même en klaxonnant.
Ecoutez ce qu'est pour l'humain la pauvreté dans une banlieue comme celle de la communauté de communes « Plaine-Commune », regroupant huit villes, dont Saint-Denis, La Courneuve et Aubervilliers. Celui qui traverse la Plaine-Saint-Denis, qui se rend au Stade de France, au théâtre de la Commune, à Zingaro, à la basilique de Saint-Denis ou au parc de La Courneuve se dit : ça marche, en tout cas, ça bouge, ça construit, ça travaille, ça se voit.
Un chiffre l'illustre : ces huit communes ont retrouvé, en trois ou quatre ans, pendant lesquels se sont construites ou agrandies 290 entreprises, les chiffres d'emploi de 1970.
Pourtant, qui prend la peine de s'arrêter et d'écouter même les silences découvre ceci : ces huit communes, où les municipalités s'acharnent, souvent de manière novatrice, à développer des politiques sociales, culturelles, éducatives, environnementales, industrielles efficaces, où les responsabilités sont prises à plein, souvent plus qu'ailleurs, sont parmi les 35 dernières des 1 300 communes d'Ile-de-France, si l'on considère la base des revenus imposables des foyers fiscaux, Saint-Denis étant la 1291ème et Aubervilliers la 1299ème, soit l'avant-dernière !