Intervention de Jack Ralite

Réunion du 28 octobre 2004 à 10h00
Cohésion sociale — Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Photo de Jack RaliteJack Ralite :

En répondant à M. le ministre, je n'oublie pas qu'il fut maire de Valenciennes. Et si lui-même m'a appelé « monsieur le ministre », il n'oublie pas non plus que j'ai été maire d'Aubervilliers. Nous avons de ce point de vue une expérience quasiment commune : il a connu la crise de la sidérurgie, et j'ai connu la Plaine Saint-Denis en friche.

Incontestablement, monsieur le ministre, dans nos villes respectives, nous avons redressé la situation.

Or, à Aubervilliers, la misère s'accroît - j'ai cité les chiffres -, et ce malgré les solutions que nous avons apportées et qui ressemblent beaucoup aux vôtres.

Nous avons ainsi une Maison de l'emploi, qui travaille en étroite association avec plusieurs organisations, dont une délégation de l'ANPE.

Vous avez dit tout à l'heure que le problème de la santé avait été oublié. Notre Maison Mosaïque reçoit des jeunes qui ne se soignent plus et refusent tout contact en dehors d'un entretien individuel !

De même, notre Maison des pratiques de bien-être et de santé accueille des familles qui ont renoncé à se soigner non pas seulement par manque d'argent, même si c'est le point de départ, mais parce qu'elles ont rayé la question « santé » de leur esprit.

Si toutes ces structures ont permis d'améliorer la situation de ces personnes, ou tout au moins de bloquer son aggravation, elles n'ont pas permis de résoudre les problèmes.

Vous avez parlé, monsieur le ministre, de la poésie de mon propos. Mais si j'« utilise », au bon sens du terme, les mots des artistes, c'est parce qu'en général ils pointent le coeur des problèmes et que leurs métaphores disent le réel comme aucun autre professionnel de l'écriture, un journaliste, par exemple, ne sait le faire.

Ce sont les problèmes fondamentaux qu'il faut régler, sur le plan tant international que national.

Or, sans vouloir être discourtois à votre égard, monsieur le ministre, je constate que votre texte ne règle pas les questions.

Je prendrai l'exemple de l'office HLM d'Aubervilliers. Le 21 août 2000, nous avions signé, avec M. Besson, un très bon contrat, qui a permis à cet organisme de régler ses difficultés financières, et également de traiter un certain nombre de dossiers de PALULOS, les primes à l'amélioration des logements à usage locatif et à occupation sociale.

Nous avions déposé, à la fin de l'année 2001, vingt-trois dossiers de ce type. Neuf d'entre eux ont abouti. Il en reste donc quatorze en instance, qui concernent 2 700 logements.

Or la direction départementale de l'équipement nous répond que c'est désormais l'Agence nationale de rénovation urbaine, l'ANRU, qui est compétente ! Même les dossiers en cours sont envoyés ailleurs !

Si ces demandes ne répondent pas aux critères de l'ANRU, le risque est que nous retournions au régime du droit commun, et que les 40°% de logements sociaux que nous avions obtenus grâce au plan signé avec M. Besson ne se transforment en 20°%. Et la population d'Aubervilliers dont je parlais tout à l'heure n'y peut mais !

En effet, entrent dans le calcul de la dotation de solidarité urbaine, la DSU, nos 40°% de logements HLM, mais pas les 40°% de logements sociaux de fait. Ce manque très important pénalise notre ville ! Il y a donc des questions très graves que le projet de loi n'a pas réglées pour le moment.

J'ai peur que vous ne vous limitiez à des mesures « ambulancières », monsieur le ministre, même si je trouve votre représentation des problèmes - je le dis avec respect - presque géniale. Vous possédez d'indéniables qualités psychologiques, voire de juge de proximité.

Or nous avons besoin d'un médecin, d'un diagnostic fondamental, d'une médication « pensée ensemble » et des moyens afférents, car il s'agit d'une question de société qui nécessite plusieurs lectures.

Lorsque tous ces éléments seront réunis, nous pourrons alors commencer à corriger les erreurs, même si nous savons que cela sera long.

Je crains que les mesures caritatives ou redistributives ne soient de courte durée et n'endiguent pas l'exclusion. Il s'agit de réponses a minima, qui proposent une allocation, un travail et un savoir au rabais. Or le droit, comme le respect, ne se divise pas.

Vous savez bien que le « monde du peu » se satisfait finalement de la « démocratie du petit » : un petit peu plus de sous, un petit peu plus de bonheur, un petit peu plus d'égalité, un petit peu plus de liberté, un petit peu plus d'urbain, un RMI urbain ...

Or la banlieue a une autre ambition !

Que veulent les banlieues ? Tout ! Il faut prendre toute la mesure de cette affirmation : c'est en banlieue que se joue l'avenir de la société française !

Je vous communiquerai, monsieur le ministre, le manifeste d'une journée d'étude qui s'est déroulée à Aubervilliers en 1993, réunissant 700 personnes. Mais nous ne parvenons ni à le faire partager ni à le faire comprendre, car il pose des questions de fond qui ne s'arrêtent pas, elles, à la surface des choses.

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