Intervention de Jean-François Carenco

Commission d'enquête sur la mise en oeuvre de l'écotaxe poids lourds — Réunion du 8 avril 2014 : 1ère réunion
Audition conjointe de M. Jean-François Carenco préfet directeur de cabinet du ministre chargé de l'écologie du 23 avril 2008 au 25 novembre 2010

Jean-François Carenco, préfet, directeur de cabinet du ministre chargé de l'écologie du 23 avril 2008 au 25 novembre 2010 :

Oui, l'unanimité, c'était pour la loi Grenelle 1.

Je rappelle que la taxe carbone avait également été votée à l'unanimité. Dans l'ambiance de l'époque, il s'agissait de trouver des recettes « vertueuses », disait-on alors. Tels étaient les termes qui qualifiaient la taxe carbone comme l'écotaxe transport : une recette vertueuse. Je ne sais pas si on va y revenir ; après, c'est de la politique et ça ne me concerne pas. En tout cas, là-dessus, je rappelle qu'il y avait une unanimité nationale, et plusieurs fois.

Je n'étais pas là quand le Grenelle 1 a été voté. Quand je suis arrivé, le ministre m'a dit que c'était bien. Donc, je m'y suis plongé et mon boulot a été de pousser le sujet. Quels ont été les termes du débat ?

Tout d'abord, se rapprocher des douanes. C'est très clair. J'ai passé mon temps à essayer d'amener les douanes dans le sujet et d'arriver à désigner en commun une mission spécifique. Il me semblait, ainsi qu'à la DGITM, la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer, qu'on n'y arriverait pas seuls et que ce ministère n'était pas fait pour recouvrer une taxe, qui s'analysait comme un droit indirect et qui serait, de toute façon, poursuivie ensuite par les douanes. Et on a monté cette mission commune. Cela, je m'en souviens bien.

Le deuxième sujet a très vite été : « comment fait-on ? » De manière unanime, je dois le dire, tout le monde a dit « PPP ». Je n'ai pas souvenir d'une seule voix à l'époque pour dire « MOP », ou maîtrise d'ouvrage publique. Moi qui connais bien l'administration, cela ne m'a pas choqué. J'ai d'ailleurs dit « PPP » comme tout le monde, car, pour être honnête, je pense que l'administration française est incapable de faire cela. Qu'on me donne des exemples équivalents de ce qu'a su faire l'administration française... Je pense qu'on en est incapable. Surtout qu'il fallait aller vite, parce qu'on se disait à l'époque qu'on aurait quelque chose sur le budget de l'Afitf à la fin de 2011.

On avait donc une mission qu'on a définie en commun. On avait des réunions communes avec le directeur général des douanes, Jérôme Fournel, et Daniel Bursaux. Je n'ai aucun souvenir - et donc, je crois que cela n'a pas eu lieu - d'un débat ou d'une discussion avec le ministre des finances de l'époque. Aucun !

Je répète donc que le choix du PPP apparaissait à tout le monde comme une évidence absolue. Ensuite, est venu le coût de ce qu'il représentait. Il me semble, selon mon souvenir, que c'était environ 250 millions d'euros.

Je n'ai volontairement pas lu de notes et de rapports, parce que je pense que c'est ainsi que l'on est le plus honnête et le mieux à même de pointer les choses les plus importantes. Le plus important me semble-t-il est de s'en remettre à ce qui était l'esprit de l'époque.

L'esprit, c'était donc le PPP et un niveau de taxe à 12 centimes... Moi j'étais pour 16 centimes, mais la mission m'a répondu qu'il ne fallait pas aller au-delà de 12 centimes. Il est évident que le rapport entre le coût et le bénéfice dépend du montant de la taxe au kilomètre. Mais on se disait « l'année prochaine, on sera déjà à 15 centimes, puis après à 16 centimes et on s'arrêtera quand on sera comme les coûts autoroutiers ». C'était cela le débat. Et, si vous êtes au niveau des coûts autoroutiers, ce n'est pas cher. Premièrement, on ne sait pas le faire et, deuxièmement, ce n'est pas très cher en PPP.

J'ajoute qu'il y a eu le débat sur les routes taxables pour les conseils généraux. Globalement, ils en ont demandé plus que ce qu'il fallait. Le débat a été de les restreindre et de leur dire que le dispositif n'était pas seulement fait pour les caisses des conseils généraux : il y a une philosophie ; il faut que ce soit une route avec certains critères, qu'il y ait un report possible sur le ferroviaire.

Le PPP apparaissait donc comme une évidence. Concernant le choix des PPPistes, on m'a très vite dit qu'il y avait trois équipes. J'en étais content. Il valait mieux en avoir trois qu'aucune ou une seule. Ensuite, ni les ministres ni moi-même n'avons mis le doigt dans le choix de la commission. En cinq ans de travail avec Jean-Louis Borloo, je ne lui ai pas parlé une seule fois d'un marché. Ce n'est pas son « truc » et ce n'est pas le rôle du cabinet d'un ministre de suivre les marchés publics des administrations. Nous avons respecté cette vision du rôle du ministre et de son cabinet sans aucune exception durant cinq ans.

Quand j'ai appris, après mon départ du cabinet, que la Sanef avait présenté un recours devant le Conseil d'État - Daniel Bursaux m'en a prévenu -, affirmant qu'elle avait été approchée, j'en ai été meurtri. Cela dit, chacun sait, et je n'en dirai pas plus, qu'un certain nombre d'officines vendent les rendez-vous qu'elles obtiennent par amitié avec tel ou tel responsable. Il n'est donc pas impossible qu'ils aient inventé quelque chose - je n'en sais rien -, mais j'en ai été très meurtri.

Sur le plan de l'honnêteté, on peut faire des bêtises, mais je pourrais confier à Daniel Bursaux toute ma richesse, je serais certain de la retrouver à la fin. J'en étais donc meurtri pour lui, et un peu pour moi, même si je n'étais pas en cause.

Je voudrais également dire un mot de l'affaire bretonne, afin de fixer les responsabilités de chacun. Au nom de Jean-Louis Borloo, qui avait présidé la première réunion, j'ai négocié avec ceux qui allaient ensuite porter les bonnets rouges fabriqués en Écosse. Nous nous sommes mis d'accord de manière très ferme et très claire sur un rabais de moins 40 %. Il y avait les régions périphériques comme l'Aquitaine, si je me souviens bien...

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