Commission d'enquête sur la mise en oeuvre de l'écotaxe poids lourds

Réunion du 8 avril 2014 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Nous accueillons à présent trois représentants du ministère de la défense, M. François Mius, chef de la Mission pour la réalisation des actifs immobiliers, la MRAI, M. Jean-Baptiste Saintot, négociateur MRAI-Région Est, et M. Stanislas Prouvost, sous-directeur de l'immobilier et de l'environnement à la Direction de la mémoire, du patrimoine et des archives, la DMPA, au ministère de la défense.

Nous souhaiterions que vous nous expliquiez comment et sous quelles conditions s'est faite l'implantation de la société Écomouv' sur la base aérienne 128 à Metz, où la commission d'enquête s'est d'ailleurs rendue. Vous pouvez, si vous le souhaitez, faire un exposé liminaire conjoint d'une dizaine de minutes, à la suite duquel Mme la rapporteur Virginie Klès et, éventuellement, d'autres membres de la commission vous poseront quelques questions.

Je rappelle que cette audition est ouverte au public et à la presse, et fera l'objet d'un compte rendu publié.

(Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, MM. François Mius, Jean-Baptiste Saintot et Stanislas Prouvost prêtent serment.)

Debut de section - Permalien
Stanislas Prouvost, direction de la mémoire, du patrimoine et des archives

sous-directeur de l'immobilier et de l'environnement, direction de la mémoire, du patrimoine et des archives. - Madame la présidente, madame le rapporteur, mesdames, messieurs, je commencerai par faire une brève présentation du contexte dans lequel se sont faites les restructurations du ministère de la défense à Metz et dans le département de la Moselle.

Il faut se souvenir que, en 2008, le ministère de la défense a décidé de dissoudre un certain nombre de formations militaires qui étaient implantées à Metz, ce qui a entraîné des pertes d'emplois civils et militaires de l'ordre de 5 000 personnes.

Pour compenser ces pertes d'emplois, l'État a signé avec les collectivités locales, le 8 juillet 2010, un contrat de redynamisation de site de défense, aux termes duquel il a accordé un financement de 32 millions d'euros aux collectivités et, à la suite du vote de la loi de finances de 2009, il a donné la possibilité de céder les terrains libérés à l'euro symbolique. Ce contrat faisait partie des mesures d'accompagnement de ces restructurations.

Par ailleurs, toujours dans le cadre de ces restructurations, le Gouvernement avait à l'époque décidé de délocaliser des emplois publics à Metz pour compenser en partie la perte de ces 5 000 emplois. En effet, l'un des objectifs du contrat de redynamisation de site de défense signé à Metz que se sont fixés l'État et les collectivités est la recréation de ces 5 000 emplois perdus.

Dans ce contexte, il y a eu une mobilisation générale de tous les acteurs locaux, État et collectivités, pour faire venir des emplois à Metz et de l'activité économique. Je pense que c'est ainsi que des contacts ont été pris avec la société Écomouv' pour lui proposer une implantation sur l'agglomération messine, en particulier sur le site de la base aérienne 128.

Il faut le savoir, la Direction de la mémoire, du patrimoine et des archives est une direction d'administration centrale qui est chargée du pilotage de la politique immobilière du ministère de la défense. Quant à la Mission pour la réalisation des actifs immobiliers, elle est rattachée au directeur de la DMPA et a pour objet la négociation des cessions de biens immobiliers appartenant au ministère de la défense.

À ce titre, la direction n'a pas eu connaissance de manière approfondie de la mise en oeuvre, au niveau local, des propositions qui ont été faites à Écomouv'.

Pour vous détailler la chronologie des faits telle que nous l'avons reconstituée, nous avons dans notre dossier un courrier du préfet de région daté du 23 décembre 2011, qui demande aux commandants de la base aérienne, à la suite d'une visite du ministre de la défense, de réfléchir aux conditions dans lesquelles la société Écomouv' pourrait être accueillie sur un certain nombre de bâtiments de la base qui restent à identifier.

Les services de la défense ont instruit une demande d'autorisation d'occupation temporaire des bâtiments qui ont été identifiés par la société Écomouv' en lien avec les services de la préfecture, de la direction régionale des finances publiques et des services locaux d'infrastructure de la défense. L'autorisation d'occupation temporaire du domaine public, ou AOT, a été signée le 31 janvier 2012 par le directeur de la DMPA, et ce pour une raison simple : le montant de la redevance fixé par le service France Domaine s'élevant à 67 170 euros par an, le système de délégation de signature au ministère prévoyait que, pour une redevance d'un tel montant, l'AOT devait remonter au niveau du directeur.

À la suite de la signature de cette AOT, un protocole a été signé le 25 avril 2012 par la direction régionale des finances publiques, le service d'infrastructure de la défense, la société Écomouv', Metz Métropole, l'établissement public foncier de Lorraine, ainsi que par la préfecture. Ce protocole avait pour objet, d'une part, de définir plus précisément les travaux que serait amenée à effectuer la société Écomouv' dans les locaux qui lui étaient remis sous AOT, afin qu'elle puisse les occuper, et, d'autre part, de caler la possibilité de prolonger l'occupation temporaire d'Écomouv' dans le cadre de la cession de la base aérienne. À l'époque, l'objectif était de céder la base dans l'année qui suivait. Cette convention signée avec les acquéreurs potentiels de la base fixait les conditions dans lesquelles Écomouv' pouvait être maintenue dans les locaux que l'État lui fournissait sous AOT.

Enfin, deux AOT complémentaires ont été délivrées les 20 et 21 février 2013 : l'une pour un bâtiment supplémentaire et l'autre pour permettre l'utilisation ponctuelle d'une partie des pistes de la base aérienne qui ne sont plus en service pour y faire installer un portique et réaliser des essais techniques avec les poids lourds.

Tels sont les éléments du dossier du point de vue du ministère de la défense.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Vous avez parlé de deux AOT, dont une concernant un bâtiment supplémentaire. La société Écomouv' dispose-t-elle de deux bâtiments plus un, soit trois bâtiments, ou seulement de deux ?

Debut de section - Permalien
Stanislas Prouvost, direction de la mémoire, du patrimoine et des archives

Écomouv' dispose de trois bâtiments.

Initialement, deux bâtiments leur avaient été concédés pour un montant fixé à 67 170 euros ; un bâtiment complémentaire a été ajouté à l'AOT initiale sans complément de redevance, une opération validée par les services fiscaux. Ensuite, ils ont eu la possibilité d'utiliser une fraction de la piste pour faire des essais, là aussi sans redevance complémentaire par rapport à la redevance initiale.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

À l'heure actuelle, Écomouv' a donc trois bâtiments à sa disposition, plus la piste pour le même montant que le montant initial, soit 67 170 euros ?

Debut de section - Permalien
Stanislas Prouvost, direction de la mémoire, du patrimoine et des archives

Oui !

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Le deuxième bâtiment, est-ce celui que l'on n'a pas vu, celui qui est entouré de 6 000 ou 7 000 mètres carrés constructibles ? On en a vu un avec très peu de terrain autour, mais il y en a un deuxième à trois ou quatre kilomètres de distance que l'on a vu seulement sur plan, et qui est entouré de 6 000 ou 7 000 mètres carrés constructibles.

Debut de section - Permalien
François Mius, chef de la mission pour la réalisation des actifs immobiliers

Il s'agit là des deux premiers bâtiments qui portaient sur une emprise de 7 700 mètres carrés ; le troisième bâtiment, qui relève de l'avenant numéro 1 du 20 février 2013, porte sur un bâtiment d'une emprise de 910 mètres carrés, si je ne me trompe pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

La société Écomouv' est-elle aussi autorisée à réaliser des travaux dans ce bâtiment supplémentaire ?

Debut de section - Permalien
Stanislas Prouvost, direction de la mémoire, du patrimoine et des archives

Oui, elle est autorisée à le faire dans les mêmes conditions, puisqu'il s'agit d'un complément à l'autorisation d'occupation temporaire initiale.

Je précise que les travaux autorisés sont normalement des travaux non conséquents, qui ne modifient pas complètement le bâti, puisqu'ils relèvent d'une AOT non constitutive de droits réels. Ce sont donc normalement des travaux mineurs d'aménagement des locaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Savez-vous à combien s'élève exactement le montant des travaux effectués jusqu'à présent ?

Debut de section - Permalien
Stanislas Prouvost, direction de la mémoire, du patrimoine et des archives

Non, j'ai un document présentant le détail des travaux ou des installations qui ont été réalisés, mais le ministère de la défense n'a pas eu le montant de l'ensemble des travaux effectués.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Je crois que ce sont les représentants d'Écomouv', lors de leur première audition, qui nous avaient signalé qu'ils devaient transmettre pour autorisation la liste des travaux qu'ils comptaient réaliser, justement parce qu'ils bénéficiaient d'une AOT non constitutive de droits réels et que le montant des travaux devait aussi être pris en considération, puisque la redevance liée à l'AOT devait éventuellement être revue en fonction du montant des travaux réalisés.

Or il semble que personne n'ait la liste des travaux ni ne connaisse le montant de ceux-ci. Metz Métropole ne l'a pas non plus. C'est pourquoi nous pensions que c'était vous qui l'aviez.

Debut de section - Permalien
Stanislas Prouvost, direction de la mémoire, du patrimoine et des archives

J'ai ici une fiche qui m'a été fournie par le service local, sur laquelle figure une liste des travaux, puisqu'on a dû vraisemblablement les autoriser, en particulier les travaux ayant nécessité de creuser des trous, car il y a un problème de pollution pyrotechnique sur la base. Des précautions devaient être prises ; c'est pourquoi certaines demandes d'autorisation avaient été formulées.

En revanche, parmi les éléments qui m'ont été communiqués, je n'ai pas les montants de ces travaux. On peut solliciter le service d'infrastructure pour qu'il nous les trouve.

Debut de section - Permalien
François Mius, chef de la mission pour la réalisation des actifs immobiliers

Jean-Baptiste Saintot me précise à l'instant que c'est France Domaine qui a été destinataire de ces éléments d'information. Nous, nous n'en disposons pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Ne vaudrait-il pas mieux que ce soit vous qui les demandiez ?...

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Si vous les trouvez quelque part, je les veux bien. Je voudrais en avoir connaissance.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Le service France Domaine a des quantités et des quantités d'évaluations !

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

À ce jour, Écomouv' a dû verser sa redevance, au moins une ou deux fois ?

Debut de section - Permalien
Stanislas Prouvost, direction de la mémoire, du patrimoine et des archives

Probablement, mais là encore cette question relève de la compétence de France Domaine. Comme il s'agit du domaine public défense, c'est le ministre de la défense qui délivre l'autorisation d'occupation temporaire, mais c'est France Domaine qui a la compétence pour élaborer le montant des redevances liées à l'AOT, les facturer et toucher les redevances, puisque celles-ci sont reversées au budget général de l'État.

Le service d'infrastructure chez nous ne dispose pas des éléments d'information permettant de savoir si le paiement de la redevance a été exigé et si celle-ci a bien été payée.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Aujourd'hui, quelle est la condition mettant un terme à l'AOT ? Le transfert de propriété à Metz Métropole ?

Debut de section - Permalien
Stanislas Prouvost, direction de la mémoire, du patrimoine et des archives

Quand l'AOT a été signée, même si l'on imaginait que le transfert de propriété à Metz Métropole interviendrait dans l'année qui suivait, on avait tout de même prévu une durée de cinq ans. Aujourd'hui, l'AOT prend donc normalement fin à la date du transfert de propriété à Metz Métropole. Si jamais ce transfert de propriété prenait encore un peu plus de temps qu'il n'avait été prévu initialement, nous serions amenés à proroger l'AOT, si la société Écomouv' en fait la demande bien sûr.

Debut de section - Permalien
Stanislas Prouvost, direction de la mémoire, du patrimoine et des archives

Le but du protocole qui avait été signé était de donner des garanties à la société Écomouv' quant à sa capacité de faire des travaux, puisque le futur acquéreur était d'accord pour que la société soit maintenue dans les lieux.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

J'imagine que les procédures de déclassement ont été entamées pour pouvoir céder la base à Metz Métropole à l'euro symbolique. Qu'est-ce qui retarde cette cession ? Cela devrait pourtant aller vite !

Debut de section - Permalien
François Mius, chef de la mission pour la réalisation des actifs immobiliers

Cela pourrait peut-être aller plus vite effectivement ! On est en phase de négociation finale avec la collectivité. Ce qui a été difficile à maîtriser, c'était l'accord entre les parties concernant la dépollution ou, plus exactement, la caractérisation des pollutions, qu'elles soient environnementales ou pyrotechniques.

Debut de section - Permalien
François Mius, chef de la mission pour la réalisation des actifs immobiliers

Non, il s'agissait principalement d'une pollution pyrotechnique. On est en train de régler ce problème, et on devrait pouvoir conclure, je pense, dans les semaines qui viennent.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Est-ce la totalité du site qui est rétrocédée à Metz Métropole ?

Debut de section - Permalien
François Mius, chef de la mission pour la réalisation des actifs immobiliers

C'est la totalité du site, à une petite exception près, très ponctuelle, un terrain conservé par le ministère de la défense pour des raisons de pollutions difficiles à purger, et qui restera dans le domaine de l'État.

Debut de section - Permalien
Jean-Baptiste Saintot, négociateur pour la mission pour la réalisation des actifs immobiliers

Une autre fraction de la base aérienne 128 d'environ 9 hectares restera dans le domaine de l'État : il s'agit de la fraction occupée par les hélicoptères de la gendarmerie. Cette fraction du site a été retirée assez tôt dans la procédure de cession de l'emprise cessible, puisque les services de la gendarmerie continuent de l'utiliser.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Savez-vous si Metz Métropole a d'ores et déjà des projets pour le reste de la base aérienne, au-delà d'Écomouv' ?

Debut de section - Permalien
Jean-Baptiste Saintot, négociateur pour la mission pour la réalisation des actifs immobiliers

Différents axes de reconversion ont été identifiés par Metz Métropole, avec quelques porteurs de projets. Néanmoins, il n'y a pas encore de projets précis pour les 395 hectares que représente la base.

Debut de section - Permalien
Jean-Baptiste Saintot, négociateur pour la mission pour la réalisation des actifs immobiliers

À ce jour, Metz Métropole a fait élaborer un zonage du site pour en définir les grandes vocations.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

À l'heure actuelle, comment se répartissent les responsabilités en termes d'entretien et de sécurité, entre autres, entre le ministère de la défense, Metz Métropole, qui n'est pas encore propriétaire, et Écomouv', qui occupe une partie de ces terrains et de ces immeubles ?

Debut de section - Permalien
Stanislas Prouvost, direction de la mémoire, du patrimoine et des archives

Aujourd'hui, la responsabilité de l'ensemble du site relève du ministère de la défense. Quelques AOT doivent être données aux collectivités pour la viabilité hivernale : entreposer du matériel, du sel et du sable.

Cela étant, le gardiennage général de l'emprise est encore assuré par le ministère de la défense. Il a été demandé aux titulaires d'AOT d'assurer leur autonomie. Écomouv' en particulier a souscrit ses propres abonnements de fluides - eau et électricité. L'entreprise est autonome et ne dépend plus du budget et de la responsabilité du ministère sur ce plan.

Je précise qu'avait été signée, avant ces mises en autonomie, une convention prévoyant la refacturation, par le ministère de la défense, des frais de fonctionnement du site. C'est là la procédure habituelle pour tout site que la défense est en train d'abandonner. Qu'il s'agisse d'Écomouv' ou de tout autre occupant, on demande le remboursement d'une partie des frais de fonctionnement lorsque les fluides ne sont pas individualisés.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Ainsi, vous avez eu connaissance, par le préfet de région, de l'intérêt exprimé par Écomouv' pour certaines parties de cette base aérienne. Vous a-t-on également indiqué les critères de choix de cette entreprise ? Pourquoi le choix s'est-il porté sur tel bâtiment plutôt que sur tel autre, sur tel secteur plutôt que sur tel autre ? Pourquoi demander un troisième bâtiment ?

Debut de section - Permalien
Stanislas Prouvost, direction de la mémoire, du patrimoine et des archives

Au niveau central, nous n'avons eu aucune information, puisque les négociations ont été menées au niveau local. Pour notre part, nous avons pris en compte la demande relative aux bâtiments ciblés lors d'investigations locales. Lorsqu'un bâtiment complémentaire nous a été demandé, nous n'avons pas eu de raison de nous y opposer au niveau central, étant donné que sa base était neuve. Pour autant, nous n'avons pas mené d'analyses visant à déterminer les raisons pour lesquelles la société Écomouv' souhaitait disposer de locaux complémentaires. Des éléments d'information peuvent peut-être être fournis au niveau local.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Je trouve tout de même surprenant qu'un bâtiment supplémentaire de 910 mètres carrés soit attribué sans augmentation de la redevance liée à l'AOT, surtout à une époque où l'État cherche de l'argent partout et quand on sait que des frais de dépollution vont devoir être engagés.

J'entends bien que l'on puisse opérer des cessions gratuites pour la reconversion de sites militaires abandonnés. Toutefois, il s'agit, en l'occurrence, de l'occupation de bâtiments et de terrains par une société privée. Ce ne sont pas des emplois publics, mais bel et bien des emplois privés. Les douanes, qui représentaient pourtant des emplois publics, ne s'y sont pas installées. J'ai un peu de mal à comprendre.

Debut de section - Permalien
Stanislas Prouvost, direction de la mémoire, du patrimoine et des archives

Je ne peux pas vous apporter de réponse sur ce point. Lorsqu'une société ou une entité publique souhaite obtenir une AOT, c'est le service France Domaine qui calcule le montant de la redevance. Dès lors que France Domaine considère que la redevance demandée initialement n'a pas à être abondée pour l'occupation d'un bâtiment supplémentaire, il n'appartient pas au ministère de la défense de se prononcer.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Mais peut-être avez-vous connu des situations similaires et disposez-vous d'explications ou d'éléments d'explication ? La MRAI sait peut-être ce qui se fait en la matière...

Debut de section - Permalien
François Mius, chef de la mission pour la réalisation des actifs immobiliers

M. Prouvost l'a rappelé, il s'agit d'une compétence exclusive de la direction régionale des finances publiques. Nous avons parfois été mis en difficulté pour avoir exprimé le moindre avis sur le sujet ! Aussi, nous nous astreignons aujourd'hui à un total devoir de réserve, et nous laissons ce dossier entre les mains du service France Domaine, qui est le seul compétent.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Je me permets d'insister, il est assez choquant que les douanes n'aient pu s'installer sur la base, à proximité d'Écomouv'. Vue de l'extérieur, cette situation est incompréhensible.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Sans compter qu'il n'y avait plus d'utilité pour le ministère de la défense à conserver des emprises sur ce site, exception faite des emprises que vous avez évoquées ! Si, pour le ministère et pour France Domaine, cela ne posait aucun problème de mettre un troisième bâtiment de 910 mètres carrés à disposition, qui plus est, gratuitement, j'ai réellement beaucoup de mal à comprendre...

Debut de section - Permalien
Stanislas Prouvost, direction de la mémoire, du patrimoine et des archives

Concernant le bâtiment complémentaire, un autre élément me vient à l'esprit, même s'il ne s'agit peut-être que d'un facteur périphérique.

Quand Écomouv' s'est installée sur le site, certaines entités du ministère de la défense y étaient encore présentes. Lorsque le bâtiment supplémentaire a été accordé, nous avons dû continuer à vider le site. On s'était également posé la question de l'installation de l'INSEE sur le site, qui n'a pas non plus connu de suite. Du point de vue du ministère de la défense, toute occupation du site était bonne à prendre, étant donné qu'il était vide : avoir des occupants sur le site tant qu'il n'est pas transféré aux collectivités permet, d'une certaine manière, de maintenir une activité, donc d'assurer, sinon un gardiennage, du moins une vie, ce qui évite les squats ou les intrusions. En tout cas, les intrusions peuvent être détectées assez rapidement.

Concernant la question de l'occupation du site par les douanes, la défense, pour ce qui concerne la partie que nous représentons, n'a pas été informée d'une réflexion des douanes quant à l'opportunité de s'installer ou non sur ce site.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

À ce jour, les éventuels preneurs ou repreneurs d'autres bâtiments s'adressent-ils à Metz Métropole ou à la MRAI ? Concrètement, comment cela se passe-t-il ?

Debut de section - Permalien
Jean-Baptiste Saintot, négociateur pour la mission pour la réalisation des actifs immobiliers

Dans la mesure du possible, les demandes sont orientées vers Metz Métropole, qui, à terme, a vocation à gérer le site. Il arrive parfois que des requêtes soient formulées à l'autorité militaire, en l'occurrence au commandant de la base de défense de Metz. Toutefois, en pareil cas, celles-ci sont instruites en coordination avec Metz Métropole.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Aujourd'hui, le site est-il totalement libéré par le ministère de la défense, à l'exception des quelques emprises indiquées ?

Debut de section - Permalien
Stanislas Prouvost, direction de la mémoire, du patrimoine et des archives

Tout à fait ! Le site est totalement libéré par le ministère de la défense depuis près de deux ans.

Debut de section - Permalien
Jean-Baptiste Saintot, négociateur pour la mission pour la réalisation des actifs immobiliers

Depuis l'été 2012 !

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

À votre connaissance, reste-t-il encore des bâtiments « intéressants » pour des entreprises ?

Debut de section - Permalien
Stanislas Prouvost, direction de la mémoire, du patrimoine et des archives

Oui, il reste les anciens locaux du commandement des forces aériennes. Il s'agit de bureaux aujourd'hui inoccupés. Il y a aussi une annexe de la base aérienne, qui n'est pas directement sur l'emprise de la base, à savoir le camp de Tournebride. Les collectivités concernées ont un projet de zone d'aménagement concerté, avec l'installation de divers commerces, notamment Decathlon.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Je reste sur ma faim concernant France Domaine... Je vais leur poser des questions !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Mes chers collègues, nous auditionnons à présent M. Jean-François Carenco, préfet, directeur de cabinet de Jean-Louis Borloo, ministre de l'écologie, du 23 avril 2008 au 25 novembre 2010.

Monsieur le préfet, nous souhaitons notamment comprendre le processus décisionnel qui a conduit au choix d'un PPP, un partenariat public-privé. Comment s'est faite la répartition des compétences entre les ministères de l'écologie et du budget concernant la mise en oeuvre d'un projet à visée environnementale et à incidence budgétaire ? Nous souhaitons également comprendre pourquoi l'écotaxe est devenue une sorte de taxe douanière.

Je vous informe que cette audition est ouverte au public et à la presse et qu'elle fera l'objet d'un compte rendu publié.

(Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, M. Jean-François Carenco prête serment.)

Vous pouvez, si vous le souhaitez, présenter un petit exposé liminaire d'une dizaine de minutes, à la suite duquel le rapporteur, Mme Klès, et la présidente que je suis, ainsi que les autres membres de la commission, poseront leurs questions.

Debut de section - Permalien
Jean-François Carenco, préfet, directeur de cabinet du ministre chargé de l'écologie du 23 avril 2008 au 25 novembre 2010

Pour ce dont je me souviens, parce qu'on était quand même dans un tremblement de textes permanent, il s'agissait d'un texte ou plutôt d'une affaire très importante.

Je me souviens que ce texte avait été voté à l'unanimité et que déjà - c'est la même chose aujourd'hui -, et c'était l'une des solutions apportées, l'Afitf, l'Agence de financement des infrastructures de transport en France, était en grande difficulté. Pour l'ensemble du Gouvernement, et notamment pour l'équipe que j'animais sous les ordres de M. Borloo, trouver des recettes pour l'Afitf constituait donc un axe fort. On voit bien aujourd'hui ce qu'il en est.

Tous ceux qui ont participé à ce projet extrêmement difficile étaient enthousiastes. On avait le Graal ! L'idée était que les Allemands le faisaient, et cela leur rapportait beaucoup d'argent ; l'idée était que nous allions enfin taxer les camions étrangers qui passaient sur notre territoire - c'était l'objectif -, que tout cela allait être interopérable non pas au sens étranger mais avec les sociétés d'autoroutes - c'était l'objectif -, et que nous allions en plus pouvoir donner un peu d'argent aux départements de ce pays sans qu'ils fassent rien et sans que cela coûte. Il s'agissait donc d'un beau projet pour tout le monde. Pour tout le monde !

Je ne sais plus s'il s'agissait de la loi Grenelle 1 ou Grenelle 2. En tout cas, elle avait été votée à l'unanimité, tout comme la taxe carbone à l'époque.

Debut de section - Permalien
Jean-François Carenco, préfet, directeur de cabinet du ministre chargé de l'écologie du 23 avril 2008 au 25 novembre 2010

Oui, l'unanimité, c'était pour la loi Grenelle 1.

Je rappelle que la taxe carbone avait également été votée à l'unanimité. Dans l'ambiance de l'époque, il s'agissait de trouver des recettes « vertueuses », disait-on alors. Tels étaient les termes qui qualifiaient la taxe carbone comme l'écotaxe transport : une recette vertueuse. Je ne sais pas si on va y revenir ; après, c'est de la politique et ça ne me concerne pas. En tout cas, là-dessus, je rappelle qu'il y avait une unanimité nationale, et plusieurs fois.

Je n'étais pas là quand le Grenelle 1 a été voté. Quand je suis arrivé, le ministre m'a dit que c'était bien. Donc, je m'y suis plongé et mon boulot a été de pousser le sujet. Quels ont été les termes du débat ?

Tout d'abord, se rapprocher des douanes. C'est très clair. J'ai passé mon temps à essayer d'amener les douanes dans le sujet et d'arriver à désigner en commun une mission spécifique. Il me semblait, ainsi qu'à la DGITM, la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer, qu'on n'y arriverait pas seuls et que ce ministère n'était pas fait pour recouvrer une taxe, qui s'analysait comme un droit indirect et qui serait, de toute façon, poursuivie ensuite par les douanes. Et on a monté cette mission commune. Cela, je m'en souviens bien.

Le deuxième sujet a très vite été : « comment fait-on ? » De manière unanime, je dois le dire, tout le monde a dit « PPP ». Je n'ai pas souvenir d'une seule voix à l'époque pour dire « MOP », ou maîtrise d'ouvrage publique. Moi qui connais bien l'administration, cela ne m'a pas choqué. J'ai d'ailleurs dit « PPP » comme tout le monde, car, pour être honnête, je pense que l'administration française est incapable de faire cela. Qu'on me donne des exemples équivalents de ce qu'a su faire l'administration française... Je pense qu'on en est incapable. Surtout qu'il fallait aller vite, parce qu'on se disait à l'époque qu'on aurait quelque chose sur le budget de l'Afitf à la fin de 2011.

On avait donc une mission qu'on a définie en commun. On avait des réunions communes avec le directeur général des douanes, Jérôme Fournel, et Daniel Bursaux. Je n'ai aucun souvenir - et donc, je crois que cela n'a pas eu lieu - d'un débat ou d'une discussion avec le ministre des finances de l'époque. Aucun !

Je répète donc que le choix du PPP apparaissait à tout le monde comme une évidence absolue. Ensuite, est venu le coût de ce qu'il représentait. Il me semble, selon mon souvenir, que c'était environ 250 millions d'euros.

Je n'ai volontairement pas lu de notes et de rapports, parce que je pense que c'est ainsi que l'on est le plus honnête et le mieux à même de pointer les choses les plus importantes. Le plus important me semble-t-il est de s'en remettre à ce qui était l'esprit de l'époque.

L'esprit, c'était donc le PPP et un niveau de taxe à 12 centimes... Moi j'étais pour 16 centimes, mais la mission m'a répondu qu'il ne fallait pas aller au-delà de 12 centimes. Il est évident que le rapport entre le coût et le bénéfice dépend du montant de la taxe au kilomètre. Mais on se disait « l'année prochaine, on sera déjà à 15 centimes, puis après à 16 centimes et on s'arrêtera quand on sera comme les coûts autoroutiers ». C'était cela le débat. Et, si vous êtes au niveau des coûts autoroutiers, ce n'est pas cher. Premièrement, on ne sait pas le faire et, deuxièmement, ce n'est pas très cher en PPP.

J'ajoute qu'il y a eu le débat sur les routes taxables pour les conseils généraux. Globalement, ils en ont demandé plus que ce qu'il fallait. Le débat a été de les restreindre et de leur dire que le dispositif n'était pas seulement fait pour les caisses des conseils généraux : il y a une philosophie ; il faut que ce soit une route avec certains critères, qu'il y ait un report possible sur le ferroviaire.

Le PPP apparaissait donc comme une évidence. Concernant le choix des PPPistes, on m'a très vite dit qu'il y avait trois équipes. J'en étais content. Il valait mieux en avoir trois qu'aucune ou une seule. Ensuite, ni les ministres ni moi-même n'avons mis le doigt dans le choix de la commission. En cinq ans de travail avec Jean-Louis Borloo, je ne lui ai pas parlé une seule fois d'un marché. Ce n'est pas son « truc » et ce n'est pas le rôle du cabinet d'un ministre de suivre les marchés publics des administrations. Nous avons respecté cette vision du rôle du ministre et de son cabinet sans aucune exception durant cinq ans.

Quand j'ai appris, après mon départ du cabinet, que la Sanef avait présenté un recours devant le Conseil d'État - Daniel Bursaux m'en a prévenu -, affirmant qu'elle avait été approchée, j'en ai été meurtri. Cela dit, chacun sait, et je n'en dirai pas plus, qu'un certain nombre d'officines vendent les rendez-vous qu'elles obtiennent par amitié avec tel ou tel responsable. Il n'est donc pas impossible qu'ils aient inventé quelque chose - je n'en sais rien -, mais j'en ai été très meurtri.

Sur le plan de l'honnêteté, on peut faire des bêtises, mais je pourrais confier à Daniel Bursaux toute ma richesse, je serais certain de la retrouver à la fin. J'en étais donc meurtri pour lui, et un peu pour moi, même si je n'étais pas en cause.

Je voudrais également dire un mot de l'affaire bretonne, afin de fixer les responsabilités de chacun. Au nom de Jean-Louis Borloo, qui avait présidé la première réunion, j'ai négocié avec ceux qui allaient ensuite porter les bonnets rouges fabriqués en Écosse. Nous nous sommes mis d'accord de manière très ferme et très claire sur un rabais de moins 40 %. Il y avait les régions périphériques comme l'Aquitaine, si je me souviens bien...

Debut de section - Permalien
Jean-François Carenco, préfet, directeur de cabinet du ministre chargé de l'écologie du 23 avril 2008 au 25 novembre 2010

En effet, 25 %... Il devait y avoir Midi-Pyrénées aussi et la Bretagne. Nous étions arrivés à moins 40 %, au nom de la gratuité. Le Premier ministre d'alors a jugé opportun, lors d'un débat budgétaire, je pense, de porter la réfaction de 40 % à 50 %.

Je le dis donc très simplement : j'ai le sentiment d'avoir été trompé deux fois. La première quand on est passé de 40 % à 50 % ; la seconde lorsque les Bretons ont lancé la rébellion contre cette taxe. Par deux fois, ils ont renié leur accord. Je le dis comme je le pense.

Aujourd'hui, moi, préfet de région, je porte des projets d'investissement pour les collectivités locales, pour le fer, pour le rail, pour la route, pour les canaux, et je n'ai plus un sou. Voilà la réalité de deux mensonges ! Je suis un peu violent mais on ne peut pas se parjurer comme ça !

Je pense profondément que l'administration française a commis une faute d'application après coup. Dès que je suis arrivé à Lyon, parce que je connaissais le dossier, j'ai réuni un comité régional d'application de la taxe transport rassemblant tous les participants : la grande distribution, le BTP, les camionneurs, les messageries. Je m'honore d'avoir, suivant une idée débattue dans cette commission, exonéré les camions laitiers. C'était une bêtise de les avoir inclus ou en tout cas de ne pas les avoir enlevés.

J'ai souvent demandé au Gouvernement d'instaurer de manière obligatoire ces comités d'application de l'écotaxe transport. Malheureusement, cela est resté de l'ordre de l'initiative individuelle. En tout état de cause, je peux vous dire qu'un accord général, avec des adaptations, avait été trouvé. C'est de chez moi qu'est partie l'idée de la forfaitisation en pied de facture comme l'exonération des camions laitiers. Vous pouvez interroger à ce sujet M. Sibu, président de la FNTR, la Fédération nationale des transports routiers. Au début, il n'était pas content, mais nous avons discuté.

Je suis donc doublement meurtri de ce qui est arrivé. D'abord, parce qu'ils étaient d'accord. Les circonstances ont changé, mais les accords, ce ne sont pas des contrats à la chinoise. Ensuite, parce qu'on aurait pu le faire quand même si on l'avait bien vendu, bien appliqué et bien fait.

Le seul report dont j'ai eu connaissance, c'est à la fin - quand on m'a dit qu'il n'y avait pas assez de transporteurs qui avaient souscrit l'abonnement et qui avaient pris le boîtier. Je me suis dit que c'était retardé de six mois, le temps que ça marche.

En résumé, le vote était unanime, personne n'a contesté le PPP, personne n'a trouvé que c'était cher - on savait que c'était évolutif et, en plus, on n'avait pas besoin de payer l'investissement. J'ai fait les plus grands efforts pour associer la direction des douanes, puisque c'est elle qui allait opérer les contrôles et que ce n'est pas au ministère des transports de gérer les affaires financières, tout en conservant à la DGITM la responsabilité de faire avancer l'opération. D'ailleurs, je me rappelle que la direction des douanes était assez réticente au début, jugeant le projet compliqué. Compliqué, il l'était nécessairement ; on a même envisagé, à un moment donné, un système fondé sur des satellites plutôt que des portiques.

Je le répète : on trouve aujourd'hui que c'est cher. Mais c'est parce qu'on ne le met pas en service ou qu'on le fait à 12 centimes. Nécessairement, ce système aurait été étendu. S'il existait depuis trois ans, que croyez-vous que nous ferions aujourd'hui ? À l'évidence, nous augmenterions un peu le niveau de la taxe et nous étendrions son périmètre.

J'assume tout ce que j'ai décidé, notamment qu'il fallait le faire, qu'il fallait associer la douane et que le PPP n'était pas une mauvaise idée ; pourtant, en règle générale, je ne suis pas très favorable à ce type de truc, mais je ne savais pas comment faire autrement. Qui allait être maître d'ouvrage du projet ? Quel appel d'offres lançait-on ? La construction de portiques ? Et de toute façon, l'Afitf était déjà en faillite. Là, on ne payait rien et on avait 1 milliard d'euros par an, pour commencer. Qui n'aurait pas été pour ? Sans compter que, pour une fois, les étrangers allaient payer.

Je tiens à présenter une autre observation au sujet des pieds de facture et des transporteurs. En réalité, depuis des années, voire des décennies, toutes les mesures tendent à une concentration dans le secteur des transports, notamment les mesures environnementales. Le passage d'Euro 4, à Euro 5, à Euro 6, avec des camions qui valent 200 000 euros - c'est à peu près le prix des derniers tracteurs -, exclut les petits transporteurs. C'est pareil pour le système de l'écotaxe. Quant au système des quarante tonnes à l'essieu, le ministre Jean-Louis Borloo avait pris une position, avec laquelle j'étais d'accord, extrêmement hostile, mais il a été imposé par le Premier ministre, et c'est aussi de nature à favoriser la concentration.

Ainsi, la « rébellion » des petits transporteurs est l'aboutissement d'un long processus de concentration. Il y a aussi bien évidemment les règles européennes en matière de cabotage et de concurrence. J'ai la conviction que l'opposition manifestée par les petits transporteurs - on a vu que les gros étaient silencieux - est la conséquence non pas de la seule taxe transport, mais d'une succession de mesures qui aboutissent à des concentrations dans ce secteur. Au demeurant, ne faisons pas de comparaisons avec ce qui se passe actuellement avec Mory Ducros, qui est un messager et qui n'est pas tout à fait un transporteur.

L'objectif, on le rappelle, c'est quand même de réagir à l'effondrement du fret SNCF. Je rappelle que, dans le même temps, et je m'honore d'avoir fait cela, parce que là aussi c'était unanime, il y avait le plan confié à RFF, Réseau ferré de France, pour la régénération des petites voies ferrées. C'était la création des trains d'aménagement du territoire. C'était le contournement de Nîmes et de Montpellier - je ne parle pas des TGV -, qui permettait de déverrouiller un système de fret.

Il y avait donc à la fois le développement du fret par régénération des voies, par les autoroutes ferroviaires alpines - dont on n'est toujours pas sorti -, c'était l'époque où on travaillait sur Bettembourg-Perpignan, et où on lançait l'autoroute ferroviaire Atlantique.

Toutes ces mesures formaient un ensemble d'une cohérence totale. Cette cohérence, je la défends très fortement devant vous. Cette cohérence, je le rappelle une fois de plus, avait été celle de la nation. Ce n'était pas une idée... Borloo l'avait poussée, je l'avais appliquée, mais tout le monde était d'accord sur cette double cohérence : le fret avec ses investissements, ses autoroutes ferroviaires, cette relance de RFF sur les voies, avec des sommes considérables, le contrat de progrès qu'on avait signé à l'époque, et l'écotaxe transport. Personne, vraiment personne, n'imaginait qu'on n'arriverait pas au bout !

Je pense que ceux qui ont contribué à ce projet sont aujourd'hui meurtris, pour tout un ensemble de raisons. Surtout, ce sont souvent les mêmes qui pleurent misère pour faire des infrastructures !

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Monsieur le préfet, vous avez dit : « on ne payait rien et on avait 1 milliard d'euros par an ». À ceci près que « on », est un pronom indéfini. Et il faut bien que quelqu'un paie.

Aussi, je voudrais vous demander si, indépendamment du fait que le PPP devait rapporter une recette, dont je ne doute aucunement qu'elle aurait été utilisée à très bon escient si elle avait été perçue, la question du coût s'est posée.

Autrement dit, a-t-on pensé qu'au-delà d'un certain coût, trop important par rapport à la recette attendue, la mesure ne serait pas mise en oeuvre, parce qu'elle ne serait pas acceptable par la population et par les camionneurs ? Ou bien a-t-on considéré qu'on l'appliquerait de toute façon ?

Debut de section - Permalien
Jean-François Carenco, préfet, directeur de cabinet du ministre chargé de l'écologie du 23 avril 2008 au 25 novembre 2010

Les calculs qu'on a faits à l'époque étaient sur ce que payait l'utilisateur. Je me rappelle qu'on rapportait le coût de l'utilisation au kilo de petits pois et on disait aux Bretons : calculez ce que coûte, en réalité, le transport d'un kilo de votre viande jusqu'à Rungis. Rapporté au kilo transporté, ce coût ne représentait rien du tout, de sorte que tout le monde considérait cette taxe comme à peu près indolore pour le payeur final, c'est-à-dire pour le consommateur.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Ce calcul était-il fondé sur l'étude préalable ou sur les coûts figurant dans les contrats signés ?

Debut de section - Permalien
Jean-François Carenco, préfet, directeur de cabinet du ministre chargé de l'écologie du 23 avril 2008 au 25 novembre 2010

On parlait de la taxe elle-même et pas du coût de l'installation du taxeur, c'est-à-dire du système. A cette fin, de toute façon, ce sera entre 12 et 16 centimes du kilomètre. Si vous faites 16 centimes du kilomètre, rapporté au kilo de petits pois transporté de Bordeaux à Rungis, cela ne fait pas cher pour avoir 1 milliard d'euros ! Tel était le raisonnement.

Personne n'a contesté le fait que 250 millions d'euros - je pense que c'était le coût à l'époque - c'était très cher. Cela représentait 20 % du coût total. Mais on se disait que le taux diminuerait dans le temps. Est-ce cher, 20 % ? Oui, dans l'absolu, mais si le produit augmente, c'est moins cher. Cela n'a posé de problème à personne

Et puis, il y avait trois offres, dont aucune ne proposait 5 %. On m'a dit que les trois offres étaient à peu près équivalentes. J'ai su que l'une était présentée par un Italien, ce qui m'a un peu étonné. Il était accompagné par la SNCF et Steria.

Aujourd'hui, on trouve que c'est cher ; mais, à l'époque, je ne me souviens pas que quiconque l'ait dit.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Si on trouve aujourd'hui que c'est cher, c'est aussi parce qu'on n'a pas pu mettre en place la mesure : on a payé des infrastructures sans percevoir aucune recette.

Debut de section - Permalien
Jean-François Carenco, préfet, directeur de cabinet du ministre chargé de l'écologie du 23 avril 2008 au 25 novembre 2010

Exactement !

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Il ressort de nos travaux, qui ne sont pas encore tout à fait terminés, que l'une des raisons du retard dans la mise en oeuvre de l'écotaxe réside dans la grande complexité du système, ainsi que dans les contraintes et les exigences très importantes qui ont été fixées par les douanes en matière de contrôle.

Debut de section - Permalien
Jean-François Carenco, préfet, directeur de cabinet du ministre chargé de l'écologie du 23 avril 2008 au 25 novembre 2010

Oui ! Les douaniers voulaient faire des contrôles, j'en ai le souvenir très précis.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

À un moment ou à un autre, la cellule interministérielle qui était en place a-t-elle envisagé que les contrôles soient réalisés de façon plus pragmatique, avec moins de technologie et un peu plus d'humain, à un coût moindre et d'une manière plus facile à mettre en oeuvre ?

Debut de section - Permalien
Jean-François Carenco, préfet, directeur de cabinet du ministre chargé de l'écologie du 23 avril 2008 au 25 novembre 2010

À aucun moment ils ne l'ont dit.

L'objectif, au ministère des transports, était d'amener les douanes « dans le bateau ». Or les douanes y allaient à reculons, parce que, pour être honnête, ils « faisaient les douaniers de base », même au plus haut niveau.

Notre ambition était que le système fonctionne. Peut-être n'avons-nous pas assez regardé le volet douanier. L'objectif était qu'ils signent.

Par deux fois, madame la rapporteur, vous avez attiré mon attention sur le coût de la collecte. Personne n'a considéré qu'à 20 % c'était cher. Dans le débat politique, il n'est jamais venu à mes oreilles...

Debut de section - Permalien
Jean-François Carenco, préfet, directeur de cabinet du ministre chargé de l'écologie du 23 avril 2008 au 25 novembre 2010

à l'époque, oui, que c'était cher.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Reste que la mise en oeuvre très retardée de l'écotaxe est liée notamment aux contraintes techniques.

Debut de section - Permalien
Jean-François Carenco, préfet, directeur de cabinet du ministre chargé de l'écologie du 23 avril 2008 au 25 novembre 2010

Je n'en sais rien. Je n'étais plus là, puisque je suis parti en novembre 2010. Je pense que le marché n'était pas signé. Après ...

L'important, c'est d'avoir un capitaine dans le bateau qui a un objectif et qui accepte des contraintes.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Justement : pensez-vous, a posteriori, que la cellule mise en place était suffisamment armée, et son capitaine avec elle, pour tenir le cap, y compris dans la tempête ? Je pense à la DGITM, aux douanes et à la mission de la tarification.

Debut de section - Permalien
Jean-François Carenco, préfet, directeur de cabinet du ministre chargé de l'écologie du 23 avril 2008 au 25 novembre 2010

Il me semble que la mission ne s'est pas donné pour but d'arbitrer : l'arbitrage appartenait aux représentants du politique.

La mission était-elle suffisamment forte ? J'ai envie de répondre non, si j'en juge par la difficulté qu'on a eue pour la constituer et y faire venir les douanes... L'autre sujet, c'est que le ministre des finances n'a peut-être pas été assez impliqué. Le directeur des douanes en référait peut-être à son cabinet, je l'espère du moins.

En tout cas, le DGITM en référait à son cabinet suffisamment, mais pas plus que ce qu'il fallait. À partir du moment où le politique a décidé, où l'Assemblée a voté, où c'est un sujet de la nation, que personne ne conteste le PPP, cela devient une affaire technique. On l'a peut-être trop considéré comme une affaire technique. Ce n'est pas impossible. Mais le reproche principal que je fais s'adresse à ceux, y compris les parlementaires, qui ont donné leur accord et qui l'ont ensuite retiré. Pour un fonctionnaire, c'est un peu compliqué à accepter.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Au sujet du PPP, vous avez été on ne peut plus clair : pour vous, la procédure n'a pas posé le moindre problème.

Debut de section - Permalien
Jean-François Carenco, préfet, directeur de cabinet du ministre chargé de l'écologie du 23 avril 2008 au 25 novembre 2010

En effet.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

En ce qui concerne son périmètre, pensez-vous toujours, a posteriori, qu'il fallait y inclure le recouvrement de la taxe ?

Debut de section - Permalien
Jean-François Carenco, préfet, directeur de cabinet du ministre chargé de l'écologie du 23 avril 2008 au 25 novembre 2010

Oui !

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Ne pensez-vous pas qu'il aurait été plus simple de l'en exclure ? Je pense aussi aux contraintes de contrôle demandées par les douanes.

Debut de section - Permalien
Jean-François Carenco, préfet, directeur de cabinet du ministre chargé de l'écologie du 23 avril 2008 au 25 novembre 2010

Dans mon souvenir, la douane ne le voulait pas. Comment le recueillir ? On ne pouvait pas bloquer les transporteurs pour les contrôler. Ils s'équipaient d'un boîtier, parcouraient la France et on leur envoyait la facture. C'était le principe. Il n'y avait pas de contrôle physique.

J'ai l'occasion d'organiser de temps en temps des contrôles physiques de douanes, c'est la croix et la bannière. Pour contrôler un camion, il faut trouver une aire d'autoroute ! Aujourd'hui, en France, il n'y a plus de contrôle de police et plus de contrôle douanier. Il faut trouver des systèmes automatiques.

Je n'imagine pas que les douaniers aient pu arrêter les véhicules à la frontière. Les Suisses le font, mais c'est un petit pays et vous payez une fois par an votre vignette.

Il me paraissait donc naturel que le système de contrôle soit automatique et qu'il entre dans le périmètre du PPP. En tout cas, cela n'était pas un projet douanier, je peux vous le dire.

Debut de section - Permalien
Jean-François Carenco, préfet, directeur de cabinet du ministre chargé de l'écologie du 23 avril 2008 au 25 novembre 2010

Parce que nous, on a voulu impliquer les douanes car il n'est pas possible que le ministère des transports recouvre des droits indirects.

Ce n'est pas dans les attributions d'un contrôleur de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL). Les droits indirects, ce sont les douanes. C'est peut-être trop simple, mais je ne vois pas quelle autre solution on avait.

Et puis l'Allemagne avait un système équivalent en PPP qui fonctionnait bien pour un produit de 4 milliards d'euros, et sans contestation ! On cite toujours l'exemple de l'Allemagne, on a voulu faire comme eux et on a échoué ! La question est pourquoi ? Ce n'est pas dû au choix du système, mais à la mise en oeuvre qu'aurait dû être plus rapide. Le délai de mise en route a été quelque peu « mortel », j'en suis convaincu.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Ce délai de mise en route, une fois de plus, est tout de même fortement lié au fait qu'aucune montée en puissance progressive n'était prévue puisque les douanes exigeaient à la fois un sur 1 million en fausse détection et 99,75 % en taux de recouvrement. Autrement dit : zéro faux positif et zéro faux négatif, si je puis m'exprimer ainsi.

Debut de section - Permalien
Jean-François Carenco, préfet, directeur de cabinet du ministre chargé de l'écologie du 23 avril 2008 au 25 novembre 2010

La preuve, c'est qu'on n'a pas fait en Alsace ce qu'on devait faire.

Debut de section - Permalien
Jean-François Carenco, préfet, directeur de cabinet du ministre chargé de l'écologie du 23 avril 2008 au 25 novembre 2010

On aurait fait un effort d'explication tout au long du processus, ça aurait été préférable.

Debut de section - Permalien
Jean-François Carenco, préfet, directeur de cabinet du ministre chargé de l'écologie du 23 avril 2008 au 25 novembre 2010

Et puis les personnes concernées avaient tenu parole, ça aurait été mieux aussi.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Monsieur le préfet, vous avez de la chance : vous êtes doublement meurtri. Moi, je le suis au moins septuplement ! Il y a donc un certain nombre de raisons pour lesquelles je ne suis pas du tout satisfait de ce dossier, et je vous remercie d'avoir été clair et précis dans votre expression.

D'abord, je suis meurtri parce que l'État perd 1 milliard d'euros alors que nous en avons besoin.

Debut de section - Permalien
Jean-François Carenco, préfet, directeur de cabinet du ministre chargé de l'écologie du 23 avril 2008 au 25 novembre 2010

Je l'ai dit juste avant que vous n'arriviez.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Chaque année, ça sera un peu plus difficile.

Ensuite, le citoyen devra payer à un moment ou à un autre ce milliard si l'on veut réaliser les opérations. On sait bien que l'Afitf rencontre un certain nombre de problèmes et qu'on ne pourra pas réaliser certaines opérations, ce qui parallèlement nous empêchera de donner du travail à des entreprises en cette période difficile : 1 milliard d'euros sur le marché, ça permet quand même de réaliser pas mal d'opérations.

Debut de section - Permalien
Jean-François Carenco, préfet, directeur de cabinet du ministre chargé de l'écologie du 23 avril 2008 au 25 novembre 2010

C'est 10 000 emplois !

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Voilà !

En outre, j'ai été doublement meurtri quand vous avez parlé des départements, je suis d'ailleurs arrivé juste à ce moment-là. Depuis je me suis calmé, cependant vous avez évoqué les départements en des termes qui n'étaient pas très sympathiques. Peut-être ai-je mal compris le sens de votre phrase, mais vous avez dit : « un peu d'argent pour les départements qui n'ont rien à faire » !

Debut de section - Permalien
Jean-François Carenco, préfet, directeur de cabinet du ministre chargé de l'écologie du 23 avril 2008 au 25 novembre 2010

Qui n'ont rien à faire pour le percevoir. On peut être d'accord sur cette phrase.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Chacun sait que si le budget de l'État va mal, les choses ne vont pas bien non plus pour les départements. Pour ma part, j'essaie de voir comment je peux récupérer ces sommes auprès de l'État. Il faut toujours espérer...

Par ailleurs, vous avez souligné une incohérence dans la mesure où cette taxe avait été adoptée à l'unanimité. Effectivement, comme vous, je trouve ce constat particulièrement décevant : on est capable de voter tous un texte précis, qui apporte des évolutions intéressantes, mais qu'on est aussi capable de se renier après. C'est d'ailleurs ce qu'on est en train de faire pour la clause de compétence générale depuis tout à l'heure. Ce qui prouve bien que l'on peut voter des décisions importantes et finalement revenir sur elles assez rapidement.

Je souhaite aborder en aparté un sujet que je vous reproche un peu : celui des deux fois quatre voies, quand vous étiez directeur de cabinet de Jean-Louis Borloo au ministère de l'écologie.

Debut de section - Permalien
Jean-François Carenco, préfet, directeur de cabinet du ministre chargé de l'écologie du 23 avril 2008 au 25 novembre 2010

C'est-à-dire ?

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Je veux parler de l'interdiction de construire des deux fois quatre voies sur les autoroutes, décision que l'on subit toujours. J'y pense parce que, à Orléans, on avait un bout de voirie à faire.

Debut de section - Permalien
Jean-François Carenco, préfet, directeur de cabinet du ministre chargé de l'écologie du 23 avril 2008 au 25 novembre 2010

Si cette décision a été prise pendant que j'étais directeur de cabinet, j'ai donc validé cette position et je l'assume.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Pour en revenir au sujet de l'écotaxe, j'espère que nous parviendrons à sortir de cette situation de blocage, car on ne peut pas continuer comme ça. Monsieur Carenco, pensez-vous qu'il y ait une sortie possible ?

Debut de section - Permalien
Jean-François Carenco, préfet, directeur de cabinet du ministre chargé de l'écologie du 23 avril 2008 au 25 novembre 2010

D'abord, je voudrais publiquement, pour le procès-verbal, dire que je me suis mal exprimé en ce qui concerne les départements lorsque j'ai dit qu'ils n'avaient rien à faire. Ma phrase était peut-être elliptique, mais j'ai voulu dire qu'ils n'avaient rien à faire pour récupérer le produit de la taxe.

Debut de section - Permalien
Jean-François Carenco, préfet, directeur de cabinet du ministre chargé de l'écologie du 23 avril 2008 au 25 novembre 2010

Vous me demandez s'il est possible de s'en sortir, s'il y a des solutions. Je ne suis pas un politique et j'essaie de ne pas faire de politique.

Debut de section - Permalien
Jean-François Carenco, préfet, directeur de cabinet du ministre chargé de l'écologie du 23 avril 2008 au 25 novembre 2010

Exactement, je vous ai d'ailleurs raconté mon arrivée en Haute-Savoie.

Premièrement, on a des infrastructures. Pour avoir été trois fois préfet de région, je peux décrire dans ces trois régions quelles sont les infrastructures nécessaires, qu'elles soient ferroviaires, aériennes dans certains cas, routières ou fluviales. Il est impensable que l'on arrive à tout financer par des impôts directs. À mon avis, ce n'est même pas la peine d'essayer.

Quelles sont les solutions ? Le premier, et je m'en félicite, j'avais proposé l'allongement d'un an des concessions : l'allongement « vert ». Il y a eu des débats très houleux avec les sociétés d'autoroutes.

J'avais lancé l'augmentation de la redevance, je m'y suis cassé les dents. En tout cas, le gouvernement de l'époque n'a pas voulu me laisser aller au-delà, voire aller au contentieux. Nous avions également initié une petite augmentation de la taxe d'aménagement du territoire.

Ce gouvernement vient d'augmenter de deux ans la durée des concessions pour financer d'autres projets, surtout des petites sections adjacentes plutôt qu'un vrai travail de verdissement de l'itinéraire déjà concédé. Bruxelles ne nous laissera vraisemblablement pas aller au-delà.

Pour ma part, je défends depuis très longtemps, comme je l'ai fait pour les barrages, l'idée d'une remise en concession à nouveau pour cinquante ans des autoroutes en adossement multimodal. C'est-à-dire que celui qui prend l'autoroute A1 finance le canal Seine-Nord et que celui qui prend l'autoroute A7, au sud de Lyon, finance le contournement ferroviaire de Lyon.

Soit on remet en concession comme sur les barrages et là, le danger de cette affaire, c'est Bruxelles avec aussi sur l'appel à concurrence un risque d'entente. Soit, d'autorité, passe par la loi, mais il faut l'accord de Bruxelles. Soit on prolonge de cinquante ans et on impose aux concessionnaires de l'adossement multimodal. Je ne vois pas d'autres solutions.

Je ne crois pas une seconde que l'on renationalisera les autoroutes. Par conséquent, la seule alternative, c'est la prolongation des concessions, d'une manière ou d'une autre, ou la taxe transport, en l'appliquant différemment. Il faudra bien l'adapter et changer quelque chose faute de quoi on n'aura rien !

Je rappelle le caractère absolument indispensable des infrastructures à réaliser. On a dit : on va faire payer les régions. Elles n'ont pas d'argent non plus ! Il faut prendre l'argent de la manière la plus indolore possible, et il y a deux façons pour ce faire : soit la longueur, soit la largeur, c'est-à-dire le périmètre de la perception ou la longueur de la perception.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

L'allongement des concessions vient d'être plus ou moins accordé.

Debut de section - Permalien
Jean-François Carenco, préfet, directeur de cabinet du ministre chargé de l'écologie du 23 avril 2008 au 25 novembre 2010

Pour deux ans !

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Oui, mais il n'y a toujours pas de programme derrière ?

Debut de section - Permalien
Jean-François Carenco, préfet, directeur de cabinet du ministre chargé de l'écologie du 23 avril 2008 au 25 novembre 2010

Si, il y a de petits programmes comme l'A480 à Grenoble. Après, vous avez éventuellement des concessions nouvelles, comme l'autoroute du Chablais.

Le schéma de l'écotaxe transport est un schéma autoroutier payant - pas par les mêmes et pas par tout le monde. Ce n'est pas une invention. De toute façon, on n'avait rien inventé à l'époque, mais on était content de le faire. On pensait qu'on travaillait bien pour le pays.

Vous dites avoir été septuplement meurtri ; moi, je dis que je suis durablement meurtri. Je le dis pour le procès-verbal, j'ose dire ce que je pense : j'ai du mal à admettre que, en Bretagne, des gens qui avaient donné leur accord se soient révoltés contre cela.

Je le dis comme je le pense, parce ce n'est pas bien. Je le répète, ils avaient donné leur accord.

Debut de section - Permalien
Jean-François Carenco, préfet, directeur de cabinet du ministre chargé de l'écologie du 23 avril 2008 au 25 novembre 2010

Non, il n'y avait pas que les élus. Il y avait le même collectif - un président de ceci, un président de cela, etc. -, ils étaient tous là et, à la fin, ils ont donné leur accord. Et quand ils ont donné leur accord à moins 40 %, ils sont allés voir le Premier ministre qui a dit moins 50 %, et ils ont de nouveau donné leur accord. Et quand la taxe arrive enfin, ils disent non !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Je me demande si l'erreur n'a pas été de vouloir faire absolument cette refacturation forfaitaire. On n'avait pas s'en occuper, c'était un élément du prix. La refacturation, cela n'existe dans aucun autre pays. Les gens n'ont pas compris, par exemple, qu'on puisse être facturé sans être vraiment passé par le réseau taxable. La facturation forfaitaire, cela posait des problèmes.

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Jean-François Carenco, préfet, directeur de cabinet du ministre chargé de l'écologie du 23 avril 2008 au 25 novembre 2010

C'est possible.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

C'est nous qui avons légiféré, mais je pense que nous n'aurions pas dû, que nous aurions dû laisser cela en l'état. Les transporteurs auraient forcément refacturé au chargeur le coût de l'écotaxe.

Debut de section - Permalien
Jean-François Carenco, préfet, directeur de cabinet du ministre chargé de l'écologie du 23 avril 2008 au 25 novembre 2010

Vous entrez là dans le débat entre les petits transporteurs et les gros transporteurs, débat qui n'est pas traité en France...

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Jean-François Carenco, préfet, directeur de cabinet du ministre chargé de l'écologie du 23 avril 2008 au 25 novembre 2010

qui n'est pas clair. Toutes les mesures, je le répète, tendent à la concentration...

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Jean-François Carenco, préfet, directeur de cabinet du ministre chargé de l'écologie du 23 avril 2008 au 25 novembre 2010

depuis des années, depuis que je connais le secteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Et les élus ont tout confondu : ils ont confondu l'écotaxe et la refacturation. Une grande partie d'entre eux n'ont rien compris. Je vous le dis !

Vous n'avez rien à ajouter sur le rôle particulier de M. Jean-Louis Borloo, sur sa patte personnelle dans cette affaire ?

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Jean-François Carenco, préfet, directeur de cabinet du ministre chargé de l'écologie du 23 avril 2008 au 25 novembre 2010

Elle a été faible. Une fois votée, c'est une affaire dont on rendait compte plus au cabinet du Premier ministre me semble-t-il qu'au ministre lui-même. C'était un mode de fonctionnement du ministère à l'époque. Et M. Bussereau, notamment, appuyait complètement la mesure quand j'y étais.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Nous allons l'auditionner, ainsi que Nathalie Kosciusko-Morizet.

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Jean-François Carenco, préfet, directeur de cabinet du ministre chargé de l'écologie du 23 avril 2008 au 25 novembre 2010

Ce n'étaient pas des choses dont on discutait tous les deux. Pourtant, je rappelle qu'à l'époque, les ministres n'avaient pas la signature.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

J'ai une dernière question : est-ce que vous trouvez que l'administration, d'une manière générale, est formée pour traiter ce type de PPP, a vraiment les capacités de le faire ?

Debut de section - Permalien
Jean-François Carenco, préfet, directeur de cabinet du ministre chargé de l'écologie du 23 avril 2008 au 25 novembre 2010

S'agissant des administrations des ministères, la réponse est non. C'est pour cette raison qu'il y a une mission à Bercy.

Debut de section - Permalien
Jean-François Carenco, préfet, directeur de cabinet du ministre chargé de l'écologie du 23 avril 2008 au 25 novembre 2010

Oui !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

La Mappp s'est d'ailleurs beaucoup trompée, parce que l'évaluation préalable s'est révélée très en deçà des chiffres réels. Malgré tout, je la défends.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

L'évaluation préalable se déroule toujours à un moment où l'on ne dispose pas des moyens d'évaluer. C'est terrible ! Quand se présente une possibilité de PPP ou une possibilité de marché classique, au moment où vous faites l'évaluation préalable, vous ne savez pas qui serait candidat pour un PPP et à quelles conditions, qui serait candidat pour un marché classique et à quelles conditions. C'est pourquoi je trouve qu'il n'est pas très efficace de disposer d'une évaluation préalable. D'ailleurs, quand on lit cette prose, elle est parfois un peu creuse.

Debut de section - Permalien
Jean-François Carenco, préfet, directeur de cabinet du ministre chargé de l'écologie du 23 avril 2008 au 25 novembre 2010

En tout cas, les administrations ordinaires me paraissent mieux formées qu'auparavant - il y a moins de scandales, il n'y en a d'ailleurs quasiment plus, il y a éventuellement des erreurs. Il est vrai que la tendance est de dire : « La Mappp nous a dit qu'on pouvait y aller. »

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

La Mappp fait du lobbying ! Entre nous, je ne l'ai pas souvent entendue dire non dans les évaluations préalables.

Debut de section - Permalien
Jean-François Carenco, préfet, directeur de cabinet du ministre chargé de l'écologie du 23 avril 2008 au 25 novembre 2010

Tout à fait !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Ce sont cinq personnes. Quand on regarde bien, tous les projets dérapent, c'est-à-dire que les prix sont supérieurs aux évaluations préalables.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Je ne suis pas d'accord. Vous avez peut-être des exemples, moi j'en ai d'autres.

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Jean-François Carenco, préfet, directeur de cabinet du ministre chargé de l'écologie du 23 avril 2008 au 25 novembre 2010

Au-delà des prix, la mode en France était au PPP.

Debut de section - Permalien
Jean-François Carenco, préfet, directeur de cabinet du ministre chargé de l'écologie du 23 avril 2008 au 25 novembre 2010

Je ne sais plus quand ça a commencé, il y a eu un pic. Peut-être que c'était...

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Jean-François Carenco, préfet, directeur de cabinet du ministre chargé de l'écologie du 23 avril 2008 au 25 novembre 2010

Voyez ce qu'on paye aujourd'hui avec les gendarmeries !

Debut de section - Permalien
Jean-François Carenco, préfet, directeur de cabinet du ministre chargé de l'écologie du 23 avril 2008 au 25 novembre 2010

Sur cette affaire-là, je ne suis pas sûr qu'on sache le faire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Monsieur le préfet, ce que vous dites est très important. D'ailleurs, le Conseil constitutionnel, dans sa sagesse, avait dit, dans la décision qu'il a rendue sur la première ordonnance relative aux PPP - décision qui a fait date -, que ceux-ci étaient utiles en cas de complexité ou d'urgence. Après, on a cherché à les généraliser dans certains domaines. Je crois que c'est un instrument utile - je ne dirai jamais que c'est inutile -, mais je ne suis pas sûr que sa généralisation soit une bonne chose.

Debut de section - Permalien
Jean-François Carenco, préfet, directeur de cabinet du ministre chargé de l'écologie du 23 avril 2008 au 25 novembre 2010

Dans l'administration, les PPP ont été très à la mode ces quatre dernières années, puis on est revenu à l'achat des véhicules. La location, c'est une sorte de PPP.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

C'est vrai.

À l'étranger, on a bien vu que, partout, les écotaxes ont fait l'objet de PPP.

Debut de section - Permalien
Jean-François Carenco, préfet, directeur de cabinet du ministre chargé de l'écologie du 23 avril 2008 au 25 novembre 2010

Encore une fois, personne n'a imaginé un instant qu'on le ferait en dehors d'un PPP.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Ça, c'est clair. Et quand on compare avec ce qui s'est passé à l'étranger, ce n'est pas plus cher.

Debut de section - Permalien
Jean-François Carenco, préfet, directeur de cabinet du ministre chargé de l'écologie du 23 avril 2008 au 25 novembre 2010

Nous, on se voyait déjà à 19 centimes, je vous le jure.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Le système aurait pu, un moment donné, concerner l'ensemble des véhicules, non pas seulement les camions.

Debut de section - Permalien
Jean-François Carenco, préfet, directeur de cabinet du ministre chargé de l'écologie du 23 avril 2008 au 25 novembre 2010

Voilà les souvenirs que j'en ai, ils sont assez précis. J'essaie de bien défendre mes ministres bien évidemment et d'assumer ce vers quoi j'ai poussé.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Merci beaucoup, monsieur le préfet.

La réunion est levée à 18 h 50.