En effet, 25 %... Il devait y avoir Midi-Pyrénées aussi et la Bretagne. Nous étions arrivés à moins 40 %, au nom de la gratuité. Le Premier ministre d'alors a jugé opportun, lors d'un débat budgétaire, je pense, de porter la réfaction de 40 % à 50 %.
Je le dis donc très simplement : j'ai le sentiment d'avoir été trompé deux fois. La première quand on est passé de 40 % à 50 % ; la seconde lorsque les Bretons ont lancé la rébellion contre cette taxe. Par deux fois, ils ont renié leur accord. Je le dis comme je le pense.
Aujourd'hui, moi, préfet de région, je porte des projets d'investissement pour les collectivités locales, pour le fer, pour le rail, pour la route, pour les canaux, et je n'ai plus un sou. Voilà la réalité de deux mensonges ! Je suis un peu violent mais on ne peut pas se parjurer comme ça !
Je pense profondément que l'administration française a commis une faute d'application après coup. Dès que je suis arrivé à Lyon, parce que je connaissais le dossier, j'ai réuni un comité régional d'application de la taxe transport rassemblant tous les participants : la grande distribution, le BTP, les camionneurs, les messageries. Je m'honore d'avoir, suivant une idée débattue dans cette commission, exonéré les camions laitiers. C'était une bêtise de les avoir inclus ou en tout cas de ne pas les avoir enlevés.
J'ai souvent demandé au Gouvernement d'instaurer de manière obligatoire ces comités d'application de l'écotaxe transport. Malheureusement, cela est resté de l'ordre de l'initiative individuelle. En tout état de cause, je peux vous dire qu'un accord général, avec des adaptations, avait été trouvé. C'est de chez moi qu'est partie l'idée de la forfaitisation en pied de facture comme l'exonération des camions laitiers. Vous pouvez interroger à ce sujet M. Sibu, président de la FNTR, la Fédération nationale des transports routiers. Au début, il n'était pas content, mais nous avons discuté.
Je suis donc doublement meurtri de ce qui est arrivé. D'abord, parce qu'ils étaient d'accord. Les circonstances ont changé, mais les accords, ce ne sont pas des contrats à la chinoise. Ensuite, parce qu'on aurait pu le faire quand même si on l'avait bien vendu, bien appliqué et bien fait.
Le seul report dont j'ai eu connaissance, c'est à la fin - quand on m'a dit qu'il n'y avait pas assez de transporteurs qui avaient souscrit l'abonnement et qui avaient pris le boîtier. Je me suis dit que c'était retardé de six mois, le temps que ça marche.
En résumé, le vote était unanime, personne n'a contesté le PPP, personne n'a trouvé que c'était cher - on savait que c'était évolutif et, en plus, on n'avait pas besoin de payer l'investissement. J'ai fait les plus grands efforts pour associer la direction des douanes, puisque c'est elle qui allait opérer les contrôles et que ce n'est pas au ministère des transports de gérer les affaires financières, tout en conservant à la DGITM la responsabilité de faire avancer l'opération. D'ailleurs, je me rappelle que la direction des douanes était assez réticente au début, jugeant le projet compliqué. Compliqué, il l'était nécessairement ; on a même envisagé, à un moment donné, un système fondé sur des satellites plutôt que des portiques.
Je le répète : on trouve aujourd'hui que c'est cher. Mais c'est parce qu'on ne le met pas en service ou qu'on le fait à 12 centimes. Nécessairement, ce système aurait été étendu. S'il existait depuis trois ans, que croyez-vous que nous ferions aujourd'hui ? À l'évidence, nous augmenterions un peu le niveau de la taxe et nous étendrions son périmètre.
J'assume tout ce que j'ai décidé, notamment qu'il fallait le faire, qu'il fallait associer la douane et que le PPP n'était pas une mauvaise idée ; pourtant, en règle générale, je ne suis pas très favorable à ce type de truc, mais je ne savais pas comment faire autrement. Qui allait être maître d'ouvrage du projet ? Quel appel d'offres lançait-on ? La construction de portiques ? Et de toute façon, l'Afitf était déjà en faillite. Là, on ne payait rien et on avait 1 milliard d'euros par an, pour commencer. Qui n'aurait pas été pour ? Sans compter que, pour une fois, les étrangers allaient payer.
Je tiens à présenter une autre observation au sujet des pieds de facture et des transporteurs. En réalité, depuis des années, voire des décennies, toutes les mesures tendent à une concentration dans le secteur des transports, notamment les mesures environnementales. Le passage d'Euro 4, à Euro 5, à Euro 6, avec des camions qui valent 200 000 euros - c'est à peu près le prix des derniers tracteurs -, exclut les petits transporteurs. C'est pareil pour le système de l'écotaxe. Quant au système des quarante tonnes à l'essieu, le ministre Jean-Louis Borloo avait pris une position, avec laquelle j'étais d'accord, extrêmement hostile, mais il a été imposé par le Premier ministre, et c'est aussi de nature à favoriser la concentration.
Ainsi, la « rébellion » des petits transporteurs est l'aboutissement d'un long processus de concentration. Il y a aussi bien évidemment les règles européennes en matière de cabotage et de concurrence. J'ai la conviction que l'opposition manifestée par les petits transporteurs - on a vu que les gros étaient silencieux - est la conséquence non pas de la seule taxe transport, mais d'une succession de mesures qui aboutissent à des concentrations dans ce secteur. Au demeurant, ne faisons pas de comparaisons avec ce qui se passe actuellement avec Mory Ducros, qui est un messager et qui n'est pas tout à fait un transporteur.
L'objectif, on le rappelle, c'est quand même de réagir à l'effondrement du fret SNCF. Je rappelle que, dans le même temps, et je m'honore d'avoir fait cela, parce que là aussi c'était unanime, il y avait le plan confié à RFF, Réseau ferré de France, pour la régénération des petites voies ferrées. C'était la création des trains d'aménagement du territoire. C'était le contournement de Nîmes et de Montpellier - je ne parle pas des TGV -, qui permettait de déverrouiller un système de fret.
Il y avait donc à la fois le développement du fret par régénération des voies, par les autoroutes ferroviaires alpines - dont on n'est toujours pas sorti -, c'était l'époque où on travaillait sur Bettembourg-Perpignan, et où on lançait l'autoroute ferroviaire Atlantique.
Toutes ces mesures formaient un ensemble d'une cohérence totale. Cette cohérence, je la défends très fortement devant vous. Cette cohérence, je le rappelle une fois de plus, avait été celle de la nation. Ce n'était pas une idée... Borloo l'avait poussée, je l'avais appliquée, mais tout le monde était d'accord sur cette double cohérence : le fret avec ses investissements, ses autoroutes ferroviaires, cette relance de RFF sur les voies, avec des sommes considérables, le contrat de progrès qu'on avait signé à l'époque, et l'écotaxe transport. Personne, vraiment personne, n'imaginait qu'on n'arriverait pas au bout !
Je pense que ceux qui ont contribué à ce projet sont aujourd'hui meurtris, pour tout un ensemble de raisons. Surtout, ce sont souvent les mêmes qui pleurent misère pour faire des infrastructures !