Votre commission d'enquête porte sur les modalités du montage juridique et financier ainsi que l'environnement du contrat retenu pour l'écotaxe poids lourds. Or, vous avez eu la bonté de le rappeler, je suis entré en fonction en mai 2012, postérieurement à la signature du contrat. Très rapidement, on m'a informé qu'il en coûterait plusieurs centaines de millions d'euros à l'État de le dénoncer.
Ma mission consistait à mettre en oeuvre l'écotaxe poids lourds, votée dans la loi Grenelle de l'environnement. Son application avait été repoussée à plusieurs reprises. À mon arrivée au ministère, j'ai hérité du décret du 6 mai 2012, dont la date n'est rien moins qu'anodine, et qui était unanimement critiqué par la profession. De fait, le texte était insuffisamment protecteur pour un secteur fort de 40 000 entreprises et 400 000 salariés. Il me fallait donc proposer des modalités simples, sûres et solides ; je me souviens de nos débats constructifs au sein de votre assemblée.
L'inquiétude des professionnels était légitime : le décret du 6 mai 2012, outre qu'il était inapplicable, fragilisait l'économie de l'ensemble du secteur routier. Un travail de simplification était indispensable. L'écotaxe, faut-il le rappeler, a été votée par le Parlement à l'unanimité. Et la loi doit s'appliquer, pourvu qu'elle soit applicable... La solution consistait à s'assurer - ce fut fait par la loi du 23 avril 2013 - que le chargeur, et non le transporteur, paie. Le Conseil constitutionnel a validé ce texte. À compter de cette date, mon souci a été, par la publication de nombreux décrets et arrêtés, d'offrir un dispositif juridiquement sûr, faisant l'objet d'un suivi par des observatoires régionaux. Un dispositif évolutif, également, et souple, car il s'agissait d'une grande révolution en matière de transport et de fiscalité écologique. J'ai souligné ce point dans la lettre que j'ai alors adressée aux préfets : il fallait repérer les éventuelles scories et limites du système pour y remédier.
Ensuite, nous avons connu des reports successifs. Nous avons décidé le premier, du 20 juillet 2013 au 1er octobre 2013, à la suite du rapport d'avancement d'Écomouv' qui laissait entrevoir les imperfections du système et, donc, l'impossibilité de le valider ; nous ne pouvions imposer aux professionnels un dispositif dont la fiabilité n'était pas assurée. À cette occasion, nous avons signalé à Écomouv' que les dispositions contractuelles relatives aux retards s'appliqueraient. Nous supprimions également l'expérimentation alsacienne pour ouvrir une phase nationale d'essai au mois de juillet. Dans ce cadre, la vérification d'aptitude au bon fonctionnement (VABF) a commencé en avril 2013 ; mon cabinet et moi-même avons suivi l'avancée des travaux et, surtout, l'enregistrement des professionnels. Une étape importante a été franchie le 19 juillet 2013 avec l'ouverture de l'enregistrement pour les redevables abonnés auprès des sociétés habilitées de télépéage. Dans le même temps, nous avons procédé à la publication de décrets, par exemple sur les droits et obligations des redevables et les modalités d'information des sociétés habilitées.
Ainsi la phase d'essai à l'échelon national, sur la base du volontariat et sans perception de la taxe, a-t-elle été lancée le 29 juillet 2013. Nous avons alors constaté que le dispositif n'était pas encore stabilisé. D'où notre décision d'un second report du 1er octobre 2013 au 1er janvier 2014, pour préserver la crédibilité de l'écotaxe.
Le 5 septembre 2013, le Gouvernement a donc été contraint de reporter l'entrée en vigueur de la taxe poids lourds au 1er janvier 2014, là encore pour sécuriser la démarche. L'arrêté a été publié le 5 octobre. Durant cette période, nous avons accéléré le processus d'enregistrement des poids lourds. Le 15 octobre a débuté l'enregistrement des véhicules non abonnés directement auprès d'Écomouv' ; depuis, l'ensemble des professionnels dispose de la possibilité de s'enregistrer soit auprès d'une société habilitée de télépéage soit auprès d'Écomouv'.
La décision de suspension a été prise dans une situation particulièrement agitée. Le 29 octobre, des mouvements d'incompréhension, d'inquiétude, se sont exprimés en Bretagne. Le Parlement a été saisi.