Nous auditionnons aujourd'hui M. Frédéric Cuvillier, qui a été ministre délégué chargé des transports des deux gouvernements Ayrault.
Monsieur le ministre, vous êtes entré en fonction après le choix du PPP et l'attribution du marché à Écomouv'. Vous avez eu néanmoins à gérer le contrat dans sa phase finale : les reports successifs et l'absence de mise à disposition du système, puis la décision de suspension de l'écotaxe.
Qui a décidé, et pour quels motifs, de ne pas accorder la mise à disposition ? Quel est votre regard sur la suspension actuelle, l'état des relations avec Écomouv' et son consortium bancaire et, enfin, les conséquences, notamment financières, de cette situation ? Quel rôle votre ministère a-t-il joué dans la décision de suspension ?
Je vous informe que votre audition est ouverte au public et à la presse. Elle fera l'objet d'un compte rendu publié ainsi que d'une captation vidéo, retransmise sur le site internet du Sénat.
Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, M. Frédéric Cuvillier prête serment.
Votre commission d'enquête porte sur les modalités du montage juridique et financier ainsi que l'environnement du contrat retenu pour l'écotaxe poids lourds. Or, vous avez eu la bonté de le rappeler, je suis entré en fonction en mai 2012, postérieurement à la signature du contrat. Très rapidement, on m'a informé qu'il en coûterait plusieurs centaines de millions d'euros à l'État de le dénoncer.
Ma mission consistait à mettre en oeuvre l'écotaxe poids lourds, votée dans la loi Grenelle de l'environnement. Son application avait été repoussée à plusieurs reprises. À mon arrivée au ministère, j'ai hérité du décret du 6 mai 2012, dont la date n'est rien moins qu'anodine, et qui était unanimement critiqué par la profession. De fait, le texte était insuffisamment protecteur pour un secteur fort de 40 000 entreprises et 400 000 salariés. Il me fallait donc proposer des modalités simples, sûres et solides ; je me souviens de nos débats constructifs au sein de votre assemblée.
L'inquiétude des professionnels était légitime : le décret du 6 mai 2012, outre qu'il était inapplicable, fragilisait l'économie de l'ensemble du secteur routier. Un travail de simplification était indispensable. L'écotaxe, faut-il le rappeler, a été votée par le Parlement à l'unanimité. Et la loi doit s'appliquer, pourvu qu'elle soit applicable... La solution consistait à s'assurer - ce fut fait par la loi du 23 avril 2013 - que le chargeur, et non le transporteur, paie. Le Conseil constitutionnel a validé ce texte. À compter de cette date, mon souci a été, par la publication de nombreux décrets et arrêtés, d'offrir un dispositif juridiquement sûr, faisant l'objet d'un suivi par des observatoires régionaux. Un dispositif évolutif, également, et souple, car il s'agissait d'une grande révolution en matière de transport et de fiscalité écologique. J'ai souligné ce point dans la lettre que j'ai alors adressée aux préfets : il fallait repérer les éventuelles scories et limites du système pour y remédier.
Ensuite, nous avons connu des reports successifs. Nous avons décidé le premier, du 20 juillet 2013 au 1er octobre 2013, à la suite du rapport d'avancement d'Écomouv' qui laissait entrevoir les imperfections du système et, donc, l'impossibilité de le valider ; nous ne pouvions imposer aux professionnels un dispositif dont la fiabilité n'était pas assurée. À cette occasion, nous avons signalé à Écomouv' que les dispositions contractuelles relatives aux retards s'appliqueraient. Nous supprimions également l'expérimentation alsacienne pour ouvrir une phase nationale d'essai au mois de juillet. Dans ce cadre, la vérification d'aptitude au bon fonctionnement (VABF) a commencé en avril 2013 ; mon cabinet et moi-même avons suivi l'avancée des travaux et, surtout, l'enregistrement des professionnels. Une étape importante a été franchie le 19 juillet 2013 avec l'ouverture de l'enregistrement pour les redevables abonnés auprès des sociétés habilitées de télépéage. Dans le même temps, nous avons procédé à la publication de décrets, par exemple sur les droits et obligations des redevables et les modalités d'information des sociétés habilitées.
Ainsi la phase d'essai à l'échelon national, sur la base du volontariat et sans perception de la taxe, a-t-elle été lancée le 29 juillet 2013. Nous avons alors constaté que le dispositif n'était pas encore stabilisé. D'où notre décision d'un second report du 1er octobre 2013 au 1er janvier 2014, pour préserver la crédibilité de l'écotaxe.
Le 5 septembre 2013, le Gouvernement a donc été contraint de reporter l'entrée en vigueur de la taxe poids lourds au 1er janvier 2014, là encore pour sécuriser la démarche. L'arrêté a été publié le 5 octobre. Durant cette période, nous avons accéléré le processus d'enregistrement des poids lourds. Le 15 octobre a débuté l'enregistrement des véhicules non abonnés directement auprès d'Écomouv' ; depuis, l'ensemble des professionnels dispose de la possibilité de s'enregistrer soit auprès d'une société habilitée de télépéage soit auprès d'Écomouv'.
La décision de suspension a été prise dans une situation particulièrement agitée. Le 29 octobre, des mouvements d'incompréhension, d'inquiétude, se sont exprimés en Bretagne. Le Parlement a été saisi.
Le Premier ministre ; nous avons compris et accompagné sa décision. D'autant que les députés ont lancé une mission d'information sur l'écotaxe, présidée par M. Chanteguet, le Sénat décidant quant à lui de se pencher sur le cadre contractuel.
Suspension ou application de l'écotaxe, il nous fallait rester attentifs à la vie du contrat. En effet, celui-ci existe et demeure opposable. La procédure de vérification complémentaire devait être menée. Ce fut le cas le 22 novembre 2013. Mes services ont indiqué à Écomouv' que les défauts majeurs identifiés avaient pu être corrigés ; mais ils constataient l'absence de l'homologation des chaînes de collecte des données et de contrôle, qui était pourtant prévue par le contrat. La décision d'homologation ayant été prise dans les premiers jours de janvier, la validation de l'aptitude au bon fonctionnement est intervenue les jours suivants. La vérification de service régulier a pris la forme d'un rapport rendu à l'État le 20 janvier 2014, que nous avions deux mois pour étudier attentivement. Le ministère et le consortium ont à ce moment-là engagé des discussions pour tirer toutes les conséquences de la suspension de l'écotaxe, qui ouvre une période nouvelle, non inscrite dans le contrat initial. Nous avons souhaité la signature d'un accord actant le préjudice subi par l'État du fait des reports successifs, reconnaissant la conformité du dispositif par rapport aux prescriptions du contrat et comportant une suspension des obligations de paiements par l'État.
Voilà les initiatives que nous avons prises avec la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM) et les ministères concernés pour préparer l'entrée en vigueur et, lorsque la taxe a été suspendue, pour revoir les relations contractuelles avec Écomouv'.
Même si vous n'étiez pas ministre à cette époque, vous avez certainement eu connaissance de l'étude préalable relative à l'écotaxe. Il apparaît que les délais avaient été largement sous-estimés, de même que les coûts, initialement évalués entre 250 et 300 millions d'euros. A qui doit-on imputer ces dérapages ? Aux exigences renforcées de l'État en matière de contrôle et de perfection de l'outil technique ? À Écomouv' qui aurait sous-évalué le temps nécessaire à la mise au point de l'outil technique et au déploiement des interfaces ? Ou à une combinaison des deux ? Peut-être ne pourrez-vous pas répondre directement à la question dans le cadre de cette audition publique, mais pensez-vous qu'Écomouv' a plus ou moins volontairement réduit les délais nécessaires pour satisfaire le cahier des charges de l'État ? Bref, disposez-vous d'éléments vous autorisant à penser que la sincérité n'a pas été au rendez-vous ?
Peu de réponses, je le crains, à ces nombreuses questions. Et ce, pour une raison simple : la date à laquelle j'ai pris mes responsabilités de ministre délégué. Ma préoccupation était de garantir la solidité des relations contractuelles entre l'État et Écomouv'. Confronté dans de nombreux programmes, notamment d'infrastructures, au recours aux PPP, je voulais m'assurer que cette procédure garantissait les intérêts de l'État. J'ai constaté que la Mission d'appui aux partenariats public privé (Mappp) avait, en son temps, rendu un avis favorable.
Le dépassement des délais s'explique par le caractère très novateur d'un dispositif qui, encore une fois, avait été lancé par d'autres. Peu importe, la responsabilité me revenait d'honorer la parole de l'État puisque la Mission d'appui n'avait relevé aucune anomalie. L'écotaxe a beau avoir été suspendue, la prise de conscience est là : il faut un autre mode de financement des nouvelles infrastructures de transport. Les utilisateurs, y compris étrangers, doivent y contribuer.
Tout à fait ! Les États membres sont en train de mettre en oeuvre l'écotaxe sous des formes différentes. L'acceptabilité, c'est peut-être là que le bât a blessé. J'ai souvenir d'avoir vu ériger des portiques alors même que les élus locaux et la population ignoraient tout de leur utilité finale. Manifestement, il y a eu un défaut d'explication, de pédagogie autour de l'écotaxe.
Le dispositif est complexe, la Mappp l'a souligné. D'où le recours au PPP. La complexité peut expliquer l'évolution des coûts, d'autant que le consortium n'avait aucune expérience en ce domaine.
Une offre insincère ? Rien ne me permet d'en juger. A Écomouv' de répondre à cette question. Quoi qu'il en soit, Écomouv' n'avait pas intérêt à multiplier les reports, le contrat prévoyant des pénalités.
Des exigences supplémentaires ou excessives de la part de l'État ? Non, nous avons été simplement rigoureux sur la vérification afin que la crédibilité du dispositif et des factures reçues par les routiers ne puisse être questionnée dans les médias.
C'est tout à fait respectable : l'État ne peut évidemment pas se permettre de facturer à tort et à travers. Cependant, exiger un taux gigantesque de recouvrement de 99,9 %, n'était-ce pas trop ?
Écomouv' affirme avoir appris la décision de suspension par les médias... De votre côté, avez-vous eu le sentiment d'être tenu à l'écart des informations par le consortium ?
Je questionnais la DGITM sur l'évolution du dossier, en particulier sur la progression de l'enregistrement des professionnels, car beaucoup de retard avait été pris. L'essentiel, à mes yeux, était que la taxe n'entre pas en vigueur au 1er janvier 2014 sans que les professionnels aient été bien préparés. Je pense notamment aux transporteurs étrangers : j'ai écrit à mes homologues européens pour qu'ils informent leurs ressortissants dans le secteur visé. La publicité autour de l'écotaxe aurait pu être beaucoup plus précoce. Nous avons vu aussi ce qui se passait dans les régions ; les portiques n'y résistaient pas... Des échanges ont eu lieu bien sûr à ce sujet avec notre partenaire.
À cause des reports successifs, dont les premiers sont le fait d'Écomouv', l'écotaxe allait entrer en vigueur et fonctionner en réel du jour au lendemain. Ce n'est pas ce qui était prévu : l'État avait voulu une expérimentation alsacienne et une phase d'essai sans perception de la taxe. Cela a certainement pesé dans le déclenchement des incendies de portiques. Question corollaire, dans vos discussions avec les camionneurs, avez-vous senti des points de blocage ? Qu'est-ce qui a déclenché la fronde contre l'écotaxe ?
L'État n'a pas formulé d'exigences supplémentaires, je le répète ; il a entendu appliquer le contrat signé. La survenue d'erreurs majeures était perturbante. D'où la décision de report de juillet à octobre : nous ne pouvions pas laisser planer le doute en l'absence de garanties d'Écomouv'.
Les professionnels, dans leur grande majorité, ont abordé la discussion de manière constructive après l'annulation du décret du 6 mai 2012. Leurs inquiétudes étaient justifiées ; je le savais, ayant eu un père routier à son compte. Ils ont compris notre volonté de ne pas pénaliser leur activité économique. Ensuite seulement, cela s'est délité ; des messages fort éloignés de la réalité ont été lancés par des personnes qui, souvent, n'étaient même pas soumises à l'écotaxe. Et la question s'est fondue dans un mouvement général de protestation : l'écotaxe arrivait au mauvais moment. Loin de moi l'idée d'affirmer que le dispositif était parfait ; j'avais du reste demandé aux observatoires régionaux de dresser la liste des difficultés. Nous aurions pu, au fil du temps, procéder aux ajustements nécessaires, mais cela n'a pas été entendu.
Concrètement, le retard qu'a pris Écomouv' est de l'ordre de six mois, neuf mois ?
Je pense que lorsque nous avons décidé un nouveau report le 20 octobre, il était clair que la solidité de l'écotaxe allait poser problème.
Non plus, il restait des imperfections. Mais je vous parle d'acceptabilité...
Ils ont été prêts plutôt fin novembre, les défauts majeurs étaient alors à peu près corrigés ?
Ce qui compte pour nous, c'est de savoir si la mise à disposition va ou non intervenir, car les coûts ne seront pas les mêmes. La question fait-elle partie de vos discussions ? D'après Capgemini, conseil de l'État, un retard de six mois pour un projet aussi complexe n'a rien d'étonnant. Je le répète, l'application du contrat n'est pas identique selon que la mise à disposition est acquise ou non... Pardonnez-moi d'insister là-dessus, mais la question n'est pas neutre pour les finances de l'État.
L'État devait se prononcer sur la mise à disposition le 20 mars, il ne l'a pas fait. Cela est-il dû à des éléments techniques non élucidés ou cela représente-t-il pour vous un levier de négociation ? Écomouv', contrairement à ce qu'elle avait déclaré, a fini par accepter de négocier sans cette garantie...
Il m'est difficile de vous répondre, moi-même me trouvant, comme ministre, dans une situation de suspension... Au 20 janvier, le retard était de six mois, durant lesquels les anomalies ont été progressivement résorbées. Durant cette période, je demandais une marche à blanc, or celle-ci s'est traduite par des « flops ». À partir du 20 janvier, nous avions deux mois pour vérifier l'ensemble des données d'Écomouv'. Depuis le 20 mars, nous nous trouvons dans une phase de discussion sur un protocole d'accord ; elles ne sont pas achevées car nous ne pouvons pas brader les intérêts de l'État. D'autant que le contrat prévoit des pénalités en cas de retards dus à des anomalies du système.
Soit, mais nous sommes maintenant dans le cadre de la suspension... Et les banques, alors ?
Pour le retard dans la mise à disposition, qui relève de la responsabilité d'Écomouv', l'État ne doit pas être tenu de payer, il faut le prévoir par un avenant au contrat. La suspension est un autre problème ; notre responsabilité est de faire en sorte qu'Écomouv' ne soit pas pénalisée en raison de la suspension. Le protocole vise à assurer la solidité des relations entre l'État et le co-contractant.
Plutôt le 31 mars lorsque j'ai quitté le ministère, mais elles ont sans doute accepté un délai supplémentaire.
Merci, monsieur le ministre, de venir nous apporter ces explications dans la situation suspendue qui est la vôtre... Finalement, si je comprends bien, vous n'avez reçu aucune alerte technique ou juridique sur le choix d'Écomouv' lors de votre arrivée au ministère. L'enchaînement des reports s'explique-t-il par un problème de conception de l'appel d'offres ou par les seules difficultés techniques d'Écomouv' ? Quel est votre point de vue sur la suspension actuelle : est-elle entièrement imputable à l'État ou Écomouv' a-t-elle sa part de responsabilité ?
Je suis très heureux d'assister à ces travaux que j'aurais aimé suivre avec plus d'assiduité, madame la présidente ; les élections municipales m'en ont empêché. Ce sujet me passionne. L'enjeu me paraît moins de déterminer des responsabilités - une procédure judiciaire est en cours - que d'examiner comment nous pouvons sortir de l'impasse. Je suis un partisan convaincu de l'écotaxe, qui faisait d'ailleurs l'objet d'un large consensus entre la gauche et la droite.
Globalement... Comme souvent dans ce pays, nous avons tergiversé, perdu du temps. Le cahier des charges était difficile à mettre en oeuvre. Résultat, la première version du dispositif a suscité un tollé ; la deuxième a rencontré des difficultés techniques en raison d'un perfectionnisme excessif.
Nous aurions mieux fait d'accepter un taux de fraude de l'ordre de 3 à 5 % plutôt que de monter une usine à gaz coûteuse en visant un recouvrement de 100 %.
Effectivement, l'Allemagne et la Slovaquie ont fait un autre choix que nous.
Mais il ne sert à rien de se complaire dans l'irréel du passé, pour reprendre un terme de grammaire latine. La ministre nouvellement nommée demande du temps, une remise à plat. Soit, mais à condition de ne pas repartir de zéro et que le délai de réflexion reste acceptable : deux mois, oui ; un an, non. La sortie de crise passe par une perspective régionale. Voyez l'Alsace, elle est demandeuse, et prête, depuis 2005.
Les représentants des douanes nous ont indiqué que toute modification dans le système actuel exigerait de revoir tout l'édifice juridique, soit six mois de travail au minimum. Mais n'empiétons pas sur le champ d'investigation des députés ; notre commission d'enquête porte sur les conditions contractuelles.
Le dire ne fait pas avancer le dossier. Esquisser la sortie de crise, voilà l'intérêt de nos travaux.
Nous devons rendre notre rapport le 27 mai, je ne doute pas que nous y parviendrons. Si nous ne disposons pas alors de tous les éléments, rien ne nous empêchera de créer une autre commission d'enquête, car les conséquences pour les finances publiques sont considérables. En attendant, nous avons besoin de savoir s'il y aura un protocole d'accord car les sommes à verser le 15 avril sont colossales.
Question essentielle à laquelle vous ne pourrez peut-être pas répondre librement : avec le recul politique, la délégation complète de la mise en oeuvre de l'écotaxe au moyen d'un PPP vous paraît-elle une bonne idée ? L'administration avait-elle la capacité de suivre complètement le processus ? Avec un autre montage, l'État n'aurait-il pas été mieux armé et l'acceptabilité politique n'aurait-elle pas été meilleure ?
Lors de mon arrivée au ministère, je n'ai pas été alerté sur d'éventuelles difficultés techniques. Je ne l'ai été que plusieurs mois plus tard. Je n'étais pas initialement sensibilisé au risque de remise en cause du choix d'Écomouv' ni à des irrégularités. Il me fallait mettre en place un dispositif pensé par d'autres, attribué à une entreprise privée par un contrat auquel on ne pouvait toucher. Nous devions honorer la signature de l'État au nom du principe de continuité, et mettre en oeuvre le système le plus efficacement possible.
Le décret du 6 mai a été un point de fixation, à juste titre. J'ai voulu tout de suite le modifier, car le dispositif qu'il traçait était beaucoup trop sophistiqué - contrôle par client, palette par palette ! - et il allait plonger les professionnels dans des difficultés administratives et comptables sans fin. À force de rechercher un rendement maximal, on a abouti à un système incroyablement compliqué, qui ne souffrait aucune exonération. Plus de souplesse aurait sans doute permis une meilleure acceptabilité.
On aurait effectivement pu confier les contrôles aux douanes. Ce n'a pas été le choix de mon prédécesseur, il n'y avait pas à y revenir. Certes, les professionnels ont très tôt vu les difficultés d'application du système et les ont dénoncées ; certes, le contrat a suscité des polémiques au sein même du précédent gouvernement. Mais la justice était passée et je n'avais pas de jugement d'opportunité à avoir sur ces questions.
Mme Royal a parlé d'une remise à plat de l'écotaxe, ce qui a du sens. Je souligne que les députés eux-mêmes ont engagé le mouvement avec une mission d'information qui étudie divers scénarios de sortie par le haut. Repartons des fondamentaux : à quoi sert cette écotaxe ? Ce n'est pas un impôt mais une redevance, justifiée : plutôt que faire payer les nouvelles infrastructures par les seuls contribuables, il est légitime de demander une contribution aux utilisateurs.
Je vous confirme que les élus locaux sont sensibilisés à cette question : les préfets ont annoncé que sans recettes de l'écotaxe, les contrats de plan État-région ne seront pas financés.
C'est vrai. Le gouvernement n'a jamais voulu faire payer l'écotaxe aux transporteurs routiers : il considérait que la contribution à la modernisation des infrastructures de transport était un élément du prix de transport demandé aux chargeurs.