Intervention de Michèle San Vicente-Baudrin

Réunion du 28 octobre 2004 à 10h00
Cohésion sociale — Article 1er

Photo de Michèle San Vicente-BaudrinMichèle San Vicente-Baudrin :

La rédaction de cet article pose un réel problème, pour ne pas dire un problème majeur, puisqu'elle introduit les entreprises de travail temporaire et les agences de placement privées dans le service public de l'emploi.

Ce n'est pas une simple contradiction sémantique que ce mélange entre le public et le privé ! Certes, la concession de service public existe dans d'autres domaines depuis fort longtemps. Mais nous ne sommes pas ici dans le même schéma, ni surtout dans la même matière !

La situation de l'emploi est telle après ces deux dernières années - nous n'aurons pas la cruauté de le rappeler - que le nombre de personnes sans emploi déséquilibre totalement le marché du travail.

Dans la précipitation qui caractérise votre action, monsieur le ministre, vous êtes tenté d'aller au plus simple et au plus rapide. Et le plus rapide, c'est de faire le tri pour obtenir le plus vite possible, de préférence avant 2007, des chiffres présentables du chômage.

Pour réaliser un véritable traitement statistique du chômage, vous souhaitez introduire les entreprises de travail temporaire et des agences de placement privées dans le service public de l'emploi.

Vous proposez donc de transformer notre service public actuel en un marché à l'anglo-saxonne ! Déjà, dans plusieurs ANPE, des conventions ont été signées avec des entreprises privées qui se voient confier des quotas de chômeurs - jusqu'à 6000 -, avec pour mission de les placer dans les entreprises de la région.

La somme que perçoivent ces officines varie selon la difficulté de la tâche. Un chômeur de longue durée, un chômeur de plus de cinquante ans, rapporte 6000 euros s'il est reclassé, alors qu'un chômeur de moins de cinquante ans ne rapporte, si j'ose dire, que 4300 euros !

Il y a même un échéancier de paiement : à la prise en charge, à l'embauche, après l'embauche, et ainsi de suite !

Mais le plus grave n'est pas là ! Le plus grave - nous n'avons pas besoin d'extrapoler puisque cela figure en toutes lettres dans les conventions -, c'est cette expression : « la sélection des demandeurs d'emploi se fera en concertation avec la DRA, et l'ASSEDIC et permettra sur différentes cohortes de tester plusieurs critères. »

Il y aura donc bien ce que nous dénonçons avec force, à savoir une sélection et des critères de facilité de placement. Si vous me permettez l'expression, je dirai que les opérateurs se « refileront » les chômeurs en fonction de ce qu'ils pourront rapporter.

Certes, jusqu'à présent, ce procédé est expérimental, mais nous savons trop bien ce que signifie ce genre d'expérimentation.

Sans que cela soit vraiment une surprise, vous nous proposez, avec l'introduction des entreprises de travail temporaire et des bureaux de placement dans un prétendu service public de l'emploi, de généraliser ce dispositif.

Nous sommes assez loin des déclarations humanistes. La réalité est beaucoup plus dure. Il s'agit, avec les cotisations des salariés généreusement distribuées à des bureaux de placement privés, d'organiser la remise dans l'emploi, donc hors des statistiques du chômage, de centaines de milliers de personnes. Et peu importe dans quelles conditions !

Nous sommes avec cet article 1er à la source de tout le dispositif emploi qui va suivre et dont nous aurons maintes fois l'occasion de dénoncer les faux semblants.

Mais je ne terminerai pas sans souligner que cette manière de procéder reflète l'idéologie dominante, qui n'est pourtant pas supposée être la vôtre, monsieur Borloo, mais qui est pourtant, hélas ! bien présente.

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